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Ce premier billet après le 19 mai se devait de renouer avec l'actualité des expositions : dès la réouverture du Centre Pompidou, nous avons tenu à permettre à nos lecteurs d'avoir un aperçu de l'exposition qui y tient la tête d'affiche.
D'après ses organisateurs, elle "ambitionne d’écrire l’histoire des apports des artistes femmes à l’abstraction à travers cent six artistes et plus de cinq cents œuvres datées des années 1860 aux années 1980.
Elles font l’abstraction donne l’occasion de découvrir des artistes qui constituent des découvertes tant pour les spécialistes que pour le grand public. L'exposition valorise le travail de nombre d’entre elles souffrant d’un manque de visibilité et de reconnaissance au-delà des frontières de leur pays. Elle se concentre sur les parcours d’artistes, parfois injustement éclipsées de l’histoire de l’art, en revenant sur leur apport spécifique à l’histoire de l’abstraction."
Abstraction et spiritualisme
Tout au début de l'expo - et de la période couverte - les travaux de l'anglaise Georgina Houghton (1814, Las Palmas - 1884, Londres), aquarelle et gouache sur papier, sont étonnantes et d'un avant-gardisme qui stupéfait :
The Sheltering Wing of the Most High (1862)
The Eye of God (1862)
The Risen Lord (1864)
The Eye of the Lord (1875)
(conservés à Melbourne, collection Victorian Spiritualists' Union)
Au dos des dessins, des notes manuscrites, de la belle écriture de l'artiste, comme ici au verso de The Sheltering Wing of the Most High, où l'artiste, en spirite qu'elle disait être, se fait l'interprète de l'esprit du peintre Thomas Lawrence (1769-1830)
La suédoise Hilma af Klint (1862, Stockholm - 1944, Ösby) avec deux huiles sur toile de 1906-1907 :
N°1, Primordial Chaos, Group 1
N°2, Primordial Chaos, Group 1
et trois huiles sur toile de 1915 :
The Swan, No. 13, Group IX/SUW
The Swan, No. 16, Group IX/SUW
The Swan, No. 18, Group IX/SUW
Olga Fröbe-Kapteyn (1881, Londres - 1962, Ascona)
Un ensemble de six « panneaux de méditation » (crayon et peinture sur carton). réalisés entre 1926 et 1934. Ces tableaux à la rigueur géométrique reposent sur une dialectique entre le noir (ombre, négatif, mort) et l'or (lumière, positif, vie), en accord avec la tradition du symbolisme sacré.
Danse et abstraction
Quatre photos de 1931 représentant Giannina Censi (1913, Milan - 1995, Voghera)
Élève de Jia Ruskaja, Giannina Censi fut l'interprète de la célèbre Aérodanse du futuriste Filippo Tommaso Marinetti inspirée par l'aéroplane. À la Galleria Pesaro de Milan entre autres, pieds nus, vêtue d'un costume et d'un bonnet scintillant dessinés par Enrico Prampolini, Censi danse seule sans musique sur des "aéropoèmes" récités par Marinetti en coulisses. Refusant la description, Censi parvient à interpréter une danse abstraite dans laquelle fusionnent le corps et la machine.
Gret Palucca, de son vrai nom Margarete Paluka (1902, Munich - 1993, Dresde) photographiée par Charlotte Rudolph (1896, Dresde - 1983, Hambourg)
Gret Palucca fait partie de la troupe de Mary Wigman qu'elle rejoint en 1919 et quitte en 1923 pour fonder sa propre école. Dans ses danses minimales et géométriques, Palucca exécute des mouvements qui fascinent les photographes comme Charlotte Rudolph, ainsi que les maîtres du Bauhaus.
Valentine de Saint-Point, née Anna Jeanne Valentine Marianne de Glans de Cessiat-Vercell (1875, Lyon - 1953, Le Caire)
Gestes Métachoriques et bois gravés retraçant les figures de danse exécutées en 1914 par Valentine de Saint-Point.
Dans le fond de la salle abritant cette petite section de l'exposition, un film reproduisant la Danse serpentine de Loïe Fuller nom de scène de Mary Louise Fuller (1862, Hinsdale - 1928, Paris). Pour le lecteur intéressé, se reporter à notre billet du 25 janvier 2020.
Avant-gardes russes
Une section d'une grande richesse et diversité, avec Lioubov Popova (1889, Krasnovidovo - 1924, Moscou)
Maquette du décor pour « Le Cocu magnifique », 1922/1967, déjà aperçue dans notre billet sur l'exposition Rouge au Grand Palais, un croquis pour ce décor et un projet de costume pour la pièce (1924)
Deux huiles sur toile de Popova :
Architectonique picturale au rectangle noir (1916)
Architectonique picturale (1917)
et des esquisses de robes ou projets de costume (encre de chine, gouache, papier) de 1924.
Olga Rozanova (1882, Melenki - 1918, Moscou)
Installée à Saint-Pétersbourg en 1911, Olga Rozanova est présentée aux côtés des peintres du Valet de Carreau à Moscou et aux expositions futuristes. Ses œuvres comme ses textes théoriques sont reconnus par ses pairs. Elle affirme le tableau comme « réalité indépendante » au-delà de l'imitation du réel et défend l'intuition et l'individualité dans l'acte créatif. Rozanova théorise ces positions en 1917 dans son essai Cubisme, Futurisme, Suprématisme. Elle se démarque de Kasimir Malévitch par le rôle central attribué à la couleur plus qu'à la matière picturale et exalte sa luminosité dans ses toiles abstraites de 1916-1918. Elle meurt prématurément en 1918. En 1919, une rétrospective posthume, visitée par 7 000 personnes, célèbre son œuvre avant un long hiatus.
Deux huiles sur toile, Composition sans objet, vers 1916
et Un nid de canards de vilains mots, ensemble de 13 lithographies de 1913.
Natalia Gontcharova (1881, Nagaevo - 1962, Paris)
Née dans un milieu instruit et aisé, Natalia Gontcharova rencontre en 1900 le peintre Mikhail Larionov qui devient son compagnon et complice professionnel. En 1913, elle cosigne avec lui le Manifeste du rayonnisme influencé par la découverte des rayons X et de la photographie de particules. Irréductible à une seule tendance, elle se dit au contraire « toutiste ». Elle affirme ainsi une liberté de moyens plastiques qui lui ouvre les portes de l'abstraction.
Deux pastels sur papier :
Composition rayonniste, vers 1912-1913
Construction rayonniste, vers 1913
et trois tableaux :
La Lampe électrique, huile sur toile, 1913
Composition, huile sur toile, 1913-1914
Vide, gouache sur toile, technique mixte, 1913
Alexandra Exter (1882, Białystok - 1949, Fontenay-aux-Roses)
Née en Ukraine, Alexandra Exter se forme d'abord à Kiev puis au gré de ses voyages de 1907 à 1914 entre Kiev, Moscou et Paris. De 1910 à 1912, d'abord étudiante à la Grande Chaumière, elle fréquente Apollinaire, Braque, Léger, Picasso. Son travail est d'abord dominé par le cézanisme géométrique, puis par le cubo-futurisme russo-ukrainien. Elle participe à toutes les expositions de l'art de la gauche russe dont l'Exposition Tramway V, celles du Valet de Carreau.
Deux huiles sur toile :
Composition non-objective, 1917-1918
Nature morte constructive, 1920-1921
L'abstraction dynamique qu'expérimente Exter trouve un champ de réalisation inédit au théâtre. Elle réalise décors et costumes pour les spectacles d'Alexandre Taïrov au Théâtre de Chambre (Kamerny) de Moscou, notamment Roméo et Juliette en 1921.
Projet de costumes pour Juliette dans Roméo et Juliette (1921)
Gouache, blanc, détrempe, couleur dorée et argentée sur carton
Toujours pour cette mise en scène de 1921 :
La Mort de Juliette. Esquisse d'un rideau (peinture à la colle sur carton)
Chambre à coucher de Juliette. Esquisse d'un rideau (peinture à la colle, peinture au bronze et crayon graphite sur carton)
Esquisse d'un rideau (gouache, chaux, peinture à la colle sur carton)
Don Juan et la Mort. Projet, 1926 (gouache sur papier collé sur carton)
Deux maquettes de lumière, 1927 (pochoirs publiés en 1930 dans le portfolio Alexandra Exter : Décors de théâtre)
Maquettes de costume, 1924 (mine de plomb et gouache)
Terminons la série des artistes de l'avant-garde russe avec
Varvara Stepanova (1894, Kaunas - 1958, Moscou)
Née dans une famille de fonctionnaires, Varvara Stepanova s'installe à Moscou en 1914 où elle étudie et commence à exposer. Elle s'installe en 1916 avec Alexandre Rodtchenko.
Dessins de costumes pour « La Mort de Tarelkine », 1922
Ensemble de trois dessins, encre sur papier.
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En 1923, Varvara Stepanova théorise le "vêtement de production". Destiné au travail ou au sport, dépourvu d'éléments esthétiques, le vêtement est vu comme une construction fonctionnelle abstraite déterminé par les exigences de son utilisation. (Ci-contre une auto-caricature en clown de 1924)
Trois dessins (encre de chine, gouache sur papier) : une robe pour tous les jours, vêtement de sport pour homme, vêtement de sport pour femme.
Un échantillon et des dessins de motifs pour tissus, tous de 1924.
Terminons ce premier billet sur cette très riche exposition avec deux artistes que nous avons déjà évoquées dans ce blog :
La première, Sophie Taeuber-Arp (1889, Davos - 1943, Zurich), attachante figure du mouvement dada (cf notre billet du 18 février 2018)
Dans cette exposition, on retrouve la reconstitution d'un des ses costumes katsina d'indiens hopi de 1922
un ensemble de meubles créés par elle, avec au mur une gouache sur papier de 1932 Quatre espaces avec une croix brisée
Composition dada (Tête au plat), 1920 (huile sur toile collée sur carton encadrée sous verre)
Deux échantillons de coton imprimé, 1918-1924
Tapisserie Dada, Composition à triangles, rectangles et parties d'anneaux, 1916 (tapisserie au petit point, laine)
et un travail commun à Sophie Taeuber et Jean Arp, Symétrie pathétique, 1916-1917 (broderie en coton)
La seconde, Sonia Delaunay-Terk (1885, Gradizhsk (Ukraine) - 1979)
dont nous avions présenté les créations textiles, notamment en matière de mode, dans notre billet du 11 août 2018 UAM - Une aventure moderne
Née en Ukraine et venue comme plusieurs autres dans cette expo se former au contact des ateliers parisiens, où elle a rencontré son mari Robert Delaunay, avec qui, comme Sophie Taeuber avec Jean Arp, elle a beaucoup travaillé dans une mutuelle inspiration.
Couverture de berceau, 1911, tissus cousus sur toile, sa première œuvre textile, réalisée pour son fils.
Un coffret peint, 1913
Pièce magistrale de cette section,
Prismes électriques, 1914
Ce chef-d'œuvre de la peinture orphique fixe sur la toile les variations éphémères de la lumière colorée émanant des globes électriques. La couleur devient le sujet unique du tableau. Les disques astraux de Sonia Delaunay-Terk, totalement abstraits, vibrent du mouvement qui circule en eux, traduisant l'infinitude de l'espace sensible.
Deux projets de publicité de 1914 :
Les Montres Zénith, papiers de couleur découpes et colles sur papier
Dubonnet, papiers de couleur découpes et colles sur papier contrecollé sur papier noir
Prisme solaire simultané, 1914 (collage, papiers découpés et collés sur carton, rehauts d'aquarelle et de crayons de couleur)
et un cliché avec Sonia Delaunay et Sophie Taeuber sur la plage avec des tenues dessinées par Sonia.