La réouverture du Musée de l'Orangerie se fait autour de René Magritte (1898-1967) , dont nous avions rendu compte dans notre billet du 30 octobre 2016 de la grande rétrospective que le Centre Pompidou lui avait consacrée. Cette exposition est plus modeste, et associe au peintre belge la figure d'Auguste Renoir, très présent dans ce musée comme il l'était dans la collection de Paul Guillaume. Citons la directrice du musée :
Cet éclairage inédit sur une période mal connue de la carrière de Magritte permet de s'interroger sur la postérité de Renoir au XXe siècle et sur une approche déjà postmoderne de l'impressionnisme. Rompant avec son style surréaliste singulier et inquiétant, Magritte se tourne, dès 1940, vers Renoir, « peintre du bonheur », pour conjurer les horreurs, le chaos et l'expérience de l'exil durant la Seconde Guerre mondiale. Les peintures et dessins rassemblés ici esquissent une fantasmagorie de paysages enchantés, de baigneuses étranges, de fleurs multicolores et de scènes érotiques qui dialoguent avec des chefs-d'œuvre de Renoir, offrant un parcours de peintures jubilatoire.
À l'entrée, cette affiche (lithographie sur papier) réalisée par Magritte vers 1937 pour le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes Le vrai visage de Rex où Léon Degrelle, fondateur du parti nationaliste Rex, reflète dans un miroir le profil d'Adolf Hitler
et une gouache sur papier de 1939 Le Présent
Portrait de Georgette Magritte, huile sur toile, 1946
Le Retour, huile sur toile, 1940
Les Derniers Beaux Jours, huile sur toile, 1940
Le Retour de flamme, huile sur toile, 1943
La Voie royale, huile sur toile, 1944
L'Orient, huile sur toile, 1941
C'est dans la grande salle de l'exposition que s'exprime son thème, la période "impressionniste" de Magritte.
Trois bouquets de Renoir :
Fleurs dans un vase, vers 1896-98
Bouquet, vers 1900
Bouquet de tulipes, vers 1905-1910
En regard, de Magritte, La Leçon d'anatomie, huile sur toile, 1943
La Préméditation, huile sur toile, 1943
Renoir : Nu dit aussi Femme nue sur un canapé, huile sur toile, 1915
Magritte : L'Univers interdit, huile sur toile, 1943
Renoir : Nu couché, huile sur toile, vers 1890-95
Magritte : La Moisson, huile sur toile, 1943
Deux dernières toiles de Renoir :
Etude. Torse, effet de soleil, vers1876
Les Baigneuses, entre 1918 et 1919
Puis Magritte avec Le Vertige, huile sur toile, 1943
Le Traité des sensations, huile sur toile, 1944
La Magie noire, Trois huiles sur toile de 1934, 1941 et 1943
Dans l'exposition « Le nu dans l'art vivant » à laquelle il participe en 1934, Magritte découvre une sculpture d'Aristide Maillol qui lui inspire une dizaine de variations. Celle de 1934 a les contours les plus nets, celle de 1943 est adaptée à la touche impressionniste.
Le Principe d'incertitude, huile sur toile, 1944
La parenthèse « impressionniste » de Magritte ne l'éloigne jamais de sa conviction que la peinture est avant tout une démarche raisonnée et raisonnante, que son art est le vecteur privilégié de l'esprit. Expliquant que la lumière « a le pouvoir de rendre visibles les objets », il met au jour que la peinture, comme les ombres, n'est qu'un simulacre : « On ne peut pas dire avec certitude, d'après l'ombre d'un objet, ce que celui-ci est en réalité. (Par exemple : une ombre d'oiseau peut être obtenue en ombres chinoises par une certaine disposition des mains et des doigts.) »
L'Hydre, huile sur toile, 1943
Le Premier jour, huile sur toile, 1943
En 1943. Magritte charge Marcel Mariën de lui fournir des ouvrages sur l'impressionnisme. À Renoir, il emprunte la touche vibrante mais aussi les carnations rosées et jusqu'au chapeau de paille en forme de cloche. Le Premier jour qui est peut-être la plus « impressionnistes » des œuvres de l'artiste n'en est pas moins chargée d'humour. Ce portrait d'un violoniste qui fait danser une minuscule ballerine judicieusement placée est peut-être un hommage à Sheila Legge, la danseuse britannique surréaliste avec laquelle il entretint une relation amoureuse en 1936.
La Cinquième Saison, huile sur toile, 1943
Image à la maison verte, huile sur toile, 1944
La Pensée parfaite, huile sur toile, 1943
Le Regard mental, huile sur toile, 1946
Elseneur, huile sur toile, 1944
Le Roman populaire, huile sur toile, 1944
Le Sourire, huile sur toile, 1943
Alice au Pays des Merveilles, huile sur toile, 1946
La Bonne Fortune, huile sur toile, 1945
Le Somnambule, huile sur toile, 1946
La Clairière, huile sur toile, 1944
L'Âge de plaisir, huile sur toile, 1946
ŒUVRES GRAPHIQUES
L' « impressionnisme » auquel adhère René Magritte pendant la seconde guerre mondiale connaît un développement graphique. Il produit plusieurs séries de dessins réalisés d'une « touche » en virgule. Ces dessins sont pour la plupart des illustrations pour des ouvrages dont la nature s'accorde au « sensualisme » de la « période Renoir ». À l'invitation du libraire-éditeur Albert Van Loock, Magritte réalise six dessins à l'encre de Chine pour une édition pirate de Madame Edwarda, le récit érotique de Georges Bataille (1897 - 1962). Dans la même veine, Magritte réalise plusieurs dessins destinés à illustrer une biographie du marquis de Sade écrite par Gaston Puel (1924 - 2013). A la demande de Marcel Baesber, directeur des éditions La Boétie à Bruxelles, Magritte illustre Les Chants de Maldoror d'Isidore Ducasse (1846 - 1870). L'ouvrage paraît en 1948, illustré de soixante-dix-sept illustrations. Pour Paul Éluard, il conçoit également une série de dessins illustrant Les Nécessités de la vie et les conséquences des rêves précédés d'Exemples, 1946.
Le Sourire, gouache sur papier, 1946
L'Air et la Chanson, crayon et crayons de couleur sur papier, 1962
Confiture de cheval, crayons de couleur sur papier, 1945
Le Premier jour, crayon noir sur papier, 1943
Le Plaisir, dit aussi La Jeune Fille dévorant un oiseau, gouache sur papier, 1946
Raminagrobis, gouache sur papier, 1946
Illustrations pour Madame Edwarda
Dessins exécutés par Magritte pour illustrer la nouvelle érotique de Georges Bataille, Madame Edwarda, publiée anonymement en 1941. Encre de Chine sur papier, 1946
Sans titre, dit aussi La Pipe-sexe, crayons de couleur sur papier, 1943
Le Bain de cristal, gouache sur papier, 1946
La Vocation, pastels sur papier, 1964
VACHERIE
Dans l'exposition Le surréalisme en 1947 qui marque le retour du mouvement sur le sol européen, les œuvres de René Magritte apparaissent dans une section consacrée aux « surréalistes malgré eux ». Après le désaveu auquel s'est heurté son Manifeste du surréalisme en plein soleil, cette semi exclusion achève d'irriter Magritte. Lorsqu'au printemps 1948, la Galerie du Faubourg lui propose d'exposer ses œuvres, Magritte y voit l'occasion de solder ses comptes avec le Surréalisme parisien. En quelques jours, il « torche » une série de tableaux outranciers et carnavalesques que ses proches (le poète Louis Scutenaire (1905-1987) le premier) ne peuvent qualifier autrement que de « vaches ». Poussant aux limites du supportable l'intensité chromatique et le grotesque de ses derniers tableaux « Renoir », les œuvres « vaches » viennent clore l'aventure de son œuvre solaire.
L'Incendie, huile sur toile, 1943
L'Intelligence, huile sur toile, 1946
Le Lyrisme, huile sur toile, 1947
La Liberté de l'esprit, huile sur toile, 1948
Le Psychologue, crayon, aquarelle, gouache, gouache or sur papier, 1948
Le Crime du Pape, crayon, aquarelle, gouache sur papier, 1948
Pom' po pon po pon pon pom pon, aquarelle et gouache sur papier, 1948
La Vie des insectes, huile sur toile, 1947
La Famine, huile sur toile, 1948
PICABIA AUSSI
Lors de son premier voyage dans le Paris d'après-guerre, René Magritte rend visite à Francis Picabia. Dans son atelier, il découvre les tableaux que l'ancien dadaïste a réalisés pendant la période de l'Occupation. Ces œuvres enthousiasment tant Magritte qu'il propose à Picabia de rédiger la préface de sa prochaine exposition. Prenant aussitôt la plume, il écrit que sa peinture « oppose à tout un passé envahissant le mouvement et les éclairs de la lumière vive qui font voir la vie tout entière dans son isolement grandiose ». Magritte découvre qu'il n'est pas seul à avoir opposé à la terreur nazie, une peinture qui célèbre l'amour et les effusions printanières, qui illustre le « beau côté de la vie ».
L'exposition se termine ainsi sur deux tableaux de Francis Picabia (1879-1953) :
Main mystérieuse / Portrait de femme, Recto-verso, huile sur panneau double-face, vers 1938-1942 (c'est le portrait de femme qui est visible ici)
Sans titre (Bouquet de fleurs), huile sur toile, 1940-1943