/image%2F1508962%2F20220201%2Fob_5d3a19_front.jpg)
Nous terminons la visite de l'exposition du musée d'Orsay "Signac collectionneur", que nous avions débutée dans notre précédent billet.
Les « néo »
Signac aime s'entourer de « toiles amies » et les peintres néo-impressionnistes sont très logiquement au coeur de sa collection. Théo Van Rysselberghe, qui a longtemps été un de ses camarades de lutte les plus proches, lui offre l'admirable portrait En mer, portrait de Paul Signac. En 1887, l'achat de L'Homme à sa toilette signe le début de son amitié avec Maximilien Luce. Celui-ci adopte dès lors la touche divisée à laquelle il renonce dans les années 1890 pour une facture plus libre. Charles Angrand compte lui aussi parmi les premiers représentants du cercle « néo ». Mais s'il dessine admirablement, il peint peu, au grand regret de Signac. Henri-Edmond Cross entre dans le cercle néo-impressionniste relativement tard, en 1891, et se lie d'une étroite amitié avec Signac. Les deux peintres échangent des tableaux et se voient régulièrement dans le Midi où Cross accompagne la réflexion théorique de Signac sur la couleur. À partir de 1895, leurs touches s'élargissent dans un usage de la couleur libre et audacieux. Après la mort de Cross en 1910, Signac continue d'acquérir ses toiles. Parmi les peintres de la seconde génération néo-impressionniste, Signac apprécie beaucoup l'art de son amie et élève Lucie Cousturier.
Charles Angrand (1854-1926) :
La Grange sous la neige, crayon Conté sur papier, 1895
Lapins, soleil levant, crayon Conté sur papier, 1905
Le mouton rouspéteur, crayon Conté sur papier, 1908-1910
Au Champ, huile sur toile, 1906
Plusieurs toiles de Maximilien Luce (1858-1941), peintre anarchiste que nous avions découvert dans notre billet du 9 novembre 2019 consacré à Félix Fénéon. Politiquement et artistiquement proche de Signac, il entretiendra avec lui une longue amitié.
L'Homme à sa toilette, huile sur toile, 1887
Le Café, huile sur toile, 1892
L'Échafaudage dit aussi Le Drapeau rouge, étude pour l'affiche La Bataille Syndicaliste, huile sur papier marouflé sur toile, 1910
Saint-Tropez, dit aussi Pins au bord de la mer, huile sur carton en forme d'éventail, vers 1890
Le Louvre et le Pont Neuf la nuit, huile et gouache sur papier en forme d'éventail, vers 1891
Nature morte, buisson de fleurs, huile sur toile, non daté
et toujours de Maximilien Luce, des portraits :
Portrait de Paul Signac, huile sur bois, 1889
Portrait d'Henri-Edmond Cross, étude pour Henri-Edmond Cross, huile sur carton, vers 1898
Portrait de Lucie Cousturier, huile sur carton, vers 1903
Théo Van Rysselberghe (1862-1926)
Les deux peintres se lient d'amitié en 1887, lors de la présentation à Bruxelles de Un dimanche après-midi à l'île de la Grande Jatte de Seurat. Van Rysselberghe adopte la touche divisée l'année suivante et défend dès lors avec brio le néo-impressionnisme en Belgique. En 1892, il navigue avec Signac, qu'il quitte à Sète, peu avant l'arrivée à Saint-Tropez. En 1896, il lui offre, en souvenir de cette expédition, le portrait du «captain» Signac, maître à bord d'Olympia et chef de file des néos.
En mer, portrait de Paul Signac, dit aussi Paul Signac à la barre de son bateau l'Olympia, huile sur toile, 1896
Étude pour En mer, portrait de Paul Signac, sanguine, 1896
L'Homme à la barre (Yves Priol, marin de Paul SIgnac), huile sur toile, 1892
Portrait de Berthe Signac, huile sur toile, vers 1900-1902
Un peu perdues dans cette section, deux femmes : la peintre belge Juliette Combier (1879-1963), élève de Maurice Denis, Sérusier, Vuillard : Ma cheminée, huile sur toile, 1917
et Lucie Cousturier (1876-1925), élève de SIgnac et Henri-Edmond Cross :
Nature morte fruits, huile sur toile, vers 1903
Nature morte fleurs, huile sur toile, vers 1900-1910
Terminons cette section avec Henri-Edmond Cross (1856-1910), dont l'exposition présente de nombreuses toiles, à commencer par :
Blanchisseuses en Provence, huile sur toile, vers 1885-1889
Cross adopte la touche divisée en 1891 et refuse dès lors de montrer ses œuvres de jeunesse. La plupart ont disparu, à l'exception d'un ensemble de portraits de famille et de rares scènes de plein-air comme Blanchisseuses en Provence qui témoigne de l'intérêt précoce de Cross pour la lumière du Midi. On ne sait dans quelles circonstances ses amis Signac et Ker-Xavier Roussel entrent en possession de l'œuvre, mais c'est afin d'honorer la mémoire de Cross qu'ils l'offrent au musée des Arts décoratifs en 1929.
La Ferme (soir), vers mai 1892 - avant mars 1893
Baigneuses, dit aussi La Joyeuse Baignade, huile sur toile, 1899; repris et modifié fin 1902
La Plage de Saint-Clair, huile sur toile, 1901
Côte provençale, le four des Maures, huile sur toile, juin 1906 - février 1907
Le Naufrage, huile sur toile, juin 1906 - février 1907
Toulon, matinée d'hiver, huile sur toile, décembre 1906 - avril 1907
Avant l'orage (La Baigneuse), huile sur toile, novembre 1907 - janvier 1908
Rivière de Saint-Clair, huile sur toile, mars-mai 1908
Les surprises d'une collection
Co-fondateur puis président du Salon des Artistes indépendants à partir de 1908, Signac figure longtemps au carrefour des avant-gardes, et certains de ses choix témoignent d'intérêts inattendus. Proche de Vincent Van Gogh, qu'il fréquente à Paris dès 1887, il recevra en 1889 Deux harengs, en souvenir d'une visite au peintre interné à Arles. Sensible à l'expressivité de la couleur, Signac a aussi privilégié les fauves pour sa collection : Matisse, Camoin, Marquet, Puy, d'Espagnat et surtout Valtat. De Kees Van Dongen, Signac obtient deux tableaux importants, Nu à la jarretière et Modjesko, Soprano, acquis chez Bernheim-Jeune en 1907 et 1908. Il aime aussi la céramique fauve et réunit un bel ensemble d'œuvres de son ami André Metthey.
La collection de Signac révèle son engouement pour le nu, genre qu'il a lui-même rarement abordé, dont un Édouard Vuillard réduisant un nu féminin à quelques aplats de couleur. Acquis aux idées anarchistes, Signac achète sans surprise des estampes de cette veine auprès de Félix Vallotton, mais choisit aussi plus étonnamment chez ce peintre Marée basse, Honfleur, traité en aplats sombres. Et, s'il admire grandement Pierre Bonnard, ce ne sont pas ses toiles les plus lumineuses qu'il retient, mais celles aux teintes plus sourdes de gris et de verts. Il possèdera aussi deux peintures de Maurice Denis et une de Ker-Xavier Roussel, deux artistes dont il est proche. Enfin, lui qui a tant raillé les symbolistes possédait tout de même un chef-d'œuvre d'Odilon Redon : un fusain intitulé Le Centaure tirant à l'arc.
Tout d'abord trois toiles, que Signac présentait ensemble et considérait comme le joyau de sa collection :
Henri-Edmond Cross : Composition, dit aussi L'Air du soir, huile sur toile, 1893-1894
Henri Matisse (1869-1954) : Luxe, calme et volupté, huile sur toile, hiver 1904-1905
Louis Valtat (1869-1953) : Femmes au bord de la mer, huile sur toile, vers 1904
Deux autres œuvres d'Henri Matisse dans cette collection :
Étude pour le goûter, aquarelle sur papier, été 1904
Notre-Dame, huile sur papier, printemps 1904 ou printemps 1905
et trois de Louis Valtat :
Nocturne (effet de lune), huile sur toile, vers 1900-1901
Les Roches rouges de l'Esterel, huile sur toile, 1900-1901
Femme à la fourrure, esquisse de Femme au renard, huile sur bois, vers 1902
Vincent Van Gogh (1853-1890) : Deux harengs, huile sur toile, 1889
En 1887 Van Gogh fait la connaissance de Signac. Une passion commune pour la couleur les rapproche et ils peignent côte à côte sur les bords de Seine. Quand son ami Vincent est interné à Arles en 1889, Signac lui rend visite. Bien que la porte de l'atelier de Van Gogh ait été mise sous scellés, les deux peintres en forcent l'entrée. En souvenir de cette journée mémorable, Van Gogh offre Deux harengs à Signac, parce que «cela représentait deux harengs fumés, qu'on nomme gendarmes».
Odilon Redon (1840-1916) : Le Centaure tirant à l'arc, fusain et pastel sur papier, non daté
Louise Hervieu (1878-1954) : Papillon, fusain et estampe sur papier, non daté
Kees Van Dongen (1877-1968) :
Nu à la jarretière, huile sur toile, 1907
Modjesko, Soprano, huile sur toile, 1908
Félix Valloton (1865-1925) :
Deux xylographies : L'Anarchiste (1892) et La Charge (1893)
Marée basse, Honfleur, huile sur carton, 1901
Ker-Xavier Roussel (1867-1944) : Nymphes et satyres, huile sur panneau, non daté
Édouard Vuillard (1868-1940) : Nu au tabouret dans l'atelier, huile sur carton, vers 1900
Maurice Denis (1870-1943) :
Trestrignel jaune, dit aussi Jeunes femmes sur la plage, huile sur bois, vers 1897
Soir de fête, en bord de Seine dit aussi La Promenade : La Fête à Meulan, jaune, huile sur carton parqueté, vers 1900
Pierre Bonnard (1867-1947) : Bateaux au port, Cherbourg, huile sur toile, 1910
Albert Marquet (1875-1947) : La Seine, temps gris dit aussi Quai des Grands Augustins : Quais à Paris, huile sur toile, vers 1905
Charles Camoin (1879-1965) : La Rue Bouterie, huile sur toile, 1904
Georges d'Espagnat (1870-1950) : Baigneuses, huile sur toile, 1909-1910
et pour terminer ce billet, nous retrouvons à nouveau, comme lors de notre visite de la collection Morozov, notre découverte de l'été au musée de Pont-Aven, Jean Puy (1876-1960) :
Quai à Saint-Tropez, dit aussi Le Port de Saint-Tropez, huile sur toile, vers 1906
ainsi que, juste avant la sortie, les poteries d'André Metthey (1871-1920), avec qui Jean Puy avait beaucoup travaillé et que nous avions aussi découvert à Pont-Aven.