Une des expositions phares de cette rentrée est la rétrospective présentée, avec la concours de l'artiste, de l'œuvre de Gérard Garouste. nous lui consacrerons, compte tenu de son volume, plusieurs billets.
Gérard Garouste, né en 1946, est l'un des plus importants peintres contemporains français, adepte d'une figuration sans concession. Sa peinture, qui puise dans la mythologie, la littérature, le récit biblique et les études talmudiques, questionne sans relâche, dérange, mais sur le mode d'un jeu dont les règles seraient sans cesse à réinventer. La rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou permet de saisir toute la richesse du parcours inclassable de Garouste, «l'intranquille ».
Pour notre part, nous chercherons surtout à faire partager au lecteur notre découverte d'une œuvre foisonnante, mise en scène de façon magistrale.
Au début de l'exposition, des œuvres des années 1970 rassemblées sous le titre Le Classique et l'Indien.
Issues d'un rêve, apparaissent au milieu des années 1970, sur l'échiquier de Garouste, les figures du Classique et de l'Indien, reprenant la dichotomie du dionysiaque et de l'apollinien de la philosophie nietzschéenne. Ce mythe intemporel structure sa pensée. On le retrouve dans les personnages de Don Quichotte et Sancho Panza ou encore de Faust et Méphistophélès ; il ressurgit récemment en Clown blanc et en Auguste.
Le Classique, années 1970, huile sur papier marouflé sur toile
Odalisque, 1970, mine de plomb et pastel gras sur panneau
Le Masque, 1980, mine de plomb sur papier
Une installation réunissant :
Le Jeu avec ses 16 combinaisons, 1980, 10 toiles d'une série de 16, huile sur toile et papier kraft enduit marouflé sur toile
La Neuvième Combinaison, 1980, 9 toiles, huile sur toile
avec un gros plan sur :
Le Manipulateur, 1981, huile sur toile
La Règle du jeu, 1979, bronze et terre cuite
Comédie policière, 1978, 4 huiles dur toile
Bouchon de Champagne
Rouge à lèvres
Cavalier
Rouge à lèvres et bouchon de Champagne
Adhara, 1981, huile sur toile (trois toiles, assez dissemblables...)
La Vénus et le Pendu, 1984, sanguine sur papier monté sur chassis
L'Indien, le Chien et le Miroir, 1982, huile sur toile
Orion le Classique, Orion l'Indien, 1981, huile sur toile
Orthros et le Classique, 1981-1882, fusain sur papier
Le Déjeuner sur l'herbe, 1982, mine de plomb sur papier
Les Incendiaires, 1982, huile sur toile
Colomba, 1981, huile sur toile
Les Lutteurs, 1982, huile sur toile
La Chambre rouge, 1982, huile sur toile
La section suivante est intitulée La Bourgogne et les Mythes
Sainte Thérèse d'Avila, 1983, huile sur toile
Le Commandeur et la Règle du jeu, 1985, huile sur toile
Le Pendu, le Vase et le Miroir, 1985, huile sur toile
La Barque et le Pêcheur, la Douleur, 1984, huile sur toile
La Barque et le Pêcheur, le Pantalon rouge, 1984, huile sur toile
Le Commandeur et le Vase bleu, ou Le Commandeur renversé, 1985, huile sur toile
Orion, Maera et le miroir, 1984, diptyque, huile sur toile
Une salle intitulée Dante réunit sur ses murs neuf toiles de la fin des années 1990 inspirées par la Divine Comédie de Dante, et en son centre quatre sculptures de 1990-1991 qui prolongent cette inspiration.
Gérard Garouste s'inspire de La Divine Comédie de Dante, poème écrit au XIVe siècle, pour une série majeure qui l'initiera aux différents niveaux de lecture biblique. Ce monument littéraire raconte, dans les chants de l'Enfer. le parcours initiatique de Dante, conduit par Virgile, des limbes jusqu'au centre de la terre. La descente de Dante aux Enfers se fait depuis la forêt obscure par une longue route qui traverse les neuf cercles concentriques menant au Diable. Chaque palier, correspondant à l’expiation de péchés, est une scène où se jouent les supplices sur fond de fange, de pluie, de vent, d'eau boueuse, de fleuves de sang, de terre brûlante, de fossés, de ravins. Des formes, souvent indistinctes, que l'oeuvre de Dante inspire à Garouste émergent par moments des personnages plus ou moins nets que l'on pourrait associer, comme certains titres le suggèrent, à un épisode donné du récit, mais là n'est pas l'essentiel. Avec La Divine Comédie, Garouste développe une peinture de l'imprécision d'une force saisissante.
Dante et Cerbère, 1986, huile sur toile
Trois oeuvres Sans titre, 1986-1987, huile sur toile
Phlégyas, Dante et Virgile, 1986, huile sur toile
Manto, 1986, huile sur toile
Les Rives de l'Eunoé, 1986, huile sur toile
Inferno, Dante et Virgile, 1986-1987, huile sur toile
La Visitation, 1987, huile sur toile
Les quatre sculptures, sans titre, 1990-1991
Terminons ce premier billet par une très belle salle intitulée La Dive Bacbuc. Cette installation (1998, acrylique sur toile et structure en fer battu) en occupe le centre, et ses murs sont tendues de grandes toiles intitulées Indiennes (acrylique sur toile, 1987-1988).
Vers la fin des années 1990, Gérard Garouste conçoit La Dive Bacbuc, une œuvre circulaire monumentale dont les parois sont des tentures rappelant la série des «Indiennes », initiée en 1987, mais qui sont peintes sur les deux faces. La face interne est cachée au regard puisque l'on ne pénètre pas dans le cylindre. Elle se découvre grâce à des œilletons disposés le long des parois. L'œuvre est inspirée de celle de Rabelais: elle en transmet la trivialité, l'humour caustique, la jouissance vitale et aussi la dimension mystique. Elle nous place en situation de voyeur, mais le dispositif nous empêche de suivre le fil du récit imagé de façon continue: le hiatus entre deux visions, cet espace mental que nous cherchons à combler, devient alors le moteur de l'œuvre.
Quelques vues de l'extérieur de La Dive Bacbuc.
À travers les œilletons...
Les Indiennes le long des murs de la salle...
et pour finir ce premier aperçu, les indiennes les plus spectaculaires.