Greco au Grand Palais

Exposition rare au Grand Palais cet automne, avec une rétrospective d'un des talents les plus originaux de l'histoire de l'art dont on a pu considérer qu'il était un prophète de la modernité en peinture et que Picasso considérait bien au-dessus de Velázquez.
Doménikos Theotokópoulos dit Greco, né en Crète en 1541 et mort à Tolède en 1614, n'avait pourtant jamais fait l'objet d'une rétrospective ou d'une exposition de grande ampleur en France, où d'ailleurs peu de ses œuvres sont visibles.
De Crète en Italie - 1560-1576
Formé dans la tradition byzantine des peintres d'icones, comme en témoignent une des premières œuvres de Greco, Saint-Luc peignant la Vierge, tempera et or surtoile marouflée sur bois, 1560-1566 ou encore L'Adoration des Mages, tempera sur panneau, vers 1560-1568
Greco alla d'abord tenter de se faire une place à Venise, où il découvrit Titien, son modèle, et sans doute Tintoret, et Jacopo Bassano dont il retiendra toute sa vie le clair-obscur. Il alla ensuite à Rome.
il pratique alors un style hybride, comme dans cette autre Adoration des Mages, huile sur panneau, 1568-1570, La Cène, dit aussi Le Dernier Repas du Christ, huile sur panneau, 1568-1570
ou encore La Mise au tombeau du Christ, huile et tempera sur panneau, 1568-1570.
Cet Autel portatif, dit Tryptique de Modène, tempera sur panneau, 1567-1569, est la pierre angulaire de la conversion de Gréco de l'art de l'icone à celui de la Renaissance.
L'Annonciation, huile sur panneau de 1569-1570
Saint François recevant les stigmates, huile sur panneau vers 1568-1570, première occurence d'un thème sur lequel Greco reviendra toute sa carrière
Deux huiles sur panneau vers 1570-1575, une Pietà et une Mise au tombeau du Christ
Terminons cette période italienne avec cette Annonciation, vers 1576, probablement la dernière toile peinte par Greco en Italie ou la première peinte en Espagne, où l'artiste "témoigne de son appartenance à l'école vénitienne mais sait aussi donner aux figures une force plastique issue de son observation de Michel-Ange"
Les Portraits
Les portraits - genre où Greco excellait - exposés dans l'exposition remontent pour les premiers à se période romaine (1570-1576), comme ce Portrait d'un homme de 1970 et ce Portrait d'un architecte (peint à Rome vers 1575-1576)
On passe à la période espagnole avec ce Portrait d'un Sculpteur (Pompeo Leoni ?) vers 1977-1980 et ce Portrait d'un gentilhomme de la maison de Leiva (vers 1580)
Restons dans la maison de Leiva avec deux frères, Antonio de Diego de Covarrubias y Leiva, respectivement peints vers 1597-1600 et vers 1602-1605
et terminons cette galerie de portraits avec quelques ecclésiastiques, le Portrait du cardinal Niño de Guevara, vers 1600, dont le cartel souligne qu'il inspira autant Velázquez que Francis Bacon...
Portrait d'un Trinitaire, vers 1609-1611 et Portrait du frère Hortensio Félix Paravicino, vers 1609-1611
Les premières grandes commandes
Tout comme Venise, Rome reste relativement fermée à Greco. Le roi Philippe II, grand admirateur du Titien, cherche des peintres pour décorer l’Escorial. C’est grâce un ami espagnol rencontré à Rome, Luis de Castilla, que Greco se rendra à Tolède où il fera la carrière que l’on sait.
Une de ses premières commandes pour la cathédrale de Tolède est Le partage de la tunique du Christ (El Expolio), vers 1579-1580, ci-dessous avec une autre version réalisée vers 1580-1585.
L’Adoration du nom de Jésus, dit,aussi Le Songe de Philippe II, vers 1578–1579. Offert par Greco au roi Philippe II ; le souverain fut séduit et commanda à l’artiste une grande toile pour l’Escorial mais il n’en fut pas satisfait et ne fit plus jamais appel aux services de Greco.
L’Assomption de la Vierge, 1577–1579. Cette gigantesque toile formait la partie principale du maître autel de l’église de Santo Domingo el Antiguo, l’une des premières réalisations de Gréco à son arrivée à Tolède.
La Sainte Face, huile sur panneau, 1579–1584. À la fois peinte et sculptée, l’œuvre prenait place au-dessus de l’Assomption dans l’église de Santo Domingo el Antiguo. Une Sainte Véronique, huile sur toile de 1580, avec la même Sainte Face.
L’Adoration des bergers, huile sur toile, vers 1579, toujours peint pour la même église de Tolède.
Saint Martin et le mendiant, 1597–1599 et Le Christ en Croix adoré par deux donateurs, 1595
L’Agonie du Christ au jardin des Oliviers, vers 1579 et Le Christ en Croix, vers 1600
Greco et Tolède
En-dehors de ces grandes commandes, le succès de Gréco lui procure de nombreuses commandes « ordinaires » et il se dote bientôt d’un atelier pour pouvoir y répondre tandis que lui-même travaille aux marchés les plus importants.
Saint François en prière, vers 1590 et Saint François et frère Léon, vers 1600–1605.
Saint Louis et son page, 1585–1590 et Saint Luc, vers 1605.
Saint Pierre et Saint Paul, vers 1595-1600 et 1600-1605, et Saint Paul en motif isolé, vers 1595
Jeune garçon soufflant sur une braise (El Soplón), sans doute peint à Venise vers 1569-1570, thème repris plusieurs fois, par exemple dans La Fable, vers 1585.
Saint François recevant les stigmates, vers 1585 et Saint Pierre pénitent, vers 1595-1600.
Deux Sainte Madeleine pénitente, l'une de 1576-1577, l'autre vers 1584.
La Vierge Marie, vers 1590 et Le Christ sur le chemin du Calvaire, vers 1585.
Saint Joseph, vers 1576-1577 et Saint Dominique en prière, vers 1585-1590.
Une très belle Pietà, 1580-1590, issue d'une collection particulière et très rarement présentée au public.
Architecte et sculpteur
Bien que l'intérêt de Greco pour l'architecture soit certain, il ne réalisa que des œuvres éphémères. Un des rares témoignages en est ce tabernacle bois doré réalisé pour l'hôpital de Tavera, qui abrite une des rares sculptures de la main de Greco qui nous soit parvenue, ce Christ ressuscité en bois doré, vers 1595-1598.
L'Atelier
A partir de 1585, Greco installe sa famille et son atelier dans trois appartements qu'il loue au marquis de Villena. Il intervient dans la finition des œuvres, qu'il signe même parfois, et peut ainsi satisfaire aux nombreuses commandes qu'il reçoit.
Ci-dessous, deux tableaux représentant Le Repas chez Simon. L'un (vers 1610-1614) est de "Greco et son atelier", l'autre (vers 1614 - date de la mort de Greco - 1621) en est une réinterprétation, mais la composition et la finition trahissent d'autre mains.
Le Christ chassant les marchands du Temple
Emblématique, la série du Christ chassant les marchands du Temple permet, autour d'un même thème et d'une même composition, de suivre Greco de ses premières années italiennes à ses dernières années tolédanes.
Les 4 quatre versions rassemblées dans l'exposition sont une huile sur panneau vers 1570, peinte sans doute à Venise, une huile sur toile peinte à Rome vers 1575, chef d'oeuvre de jeunesse, et deux plus tardives, vers 1600 et vers 1600-1614.
Les derniers feux
L' Annonciation (vers 1600-1605) et Le Mariage de la Vierge (vers 1600)
Cette magnifique rétrospective s'achève en apothéose sur L'Ouverture du cinquième sceau, dit aussi La Vision de Saint Jean, vers 1600-1614.
Aujourd'hui amputée dans sa partie haute, la toile était destinée à un retable de l'hôpital de Tavera, à Tolède. Restée inachevée à la mort de l'artiste en 1614, elle ne fut jamais mise en place. Présente à Paris au début du XXème siècle, elle inspira de nombreux artistes, dont Picasso.