James Tissot (1836-1902) L'ambigu moderne (II/II)

Nous poursuivons la visite de l'exposition Tissot à Orsay, amorcée dans notre billet précédent, avec la section suivante, Un Français à Londres. Avant son départ pour Londres en 1871, il collaborait déjà comme caricaturiste avec Vanity Fair : Napoléon III (septembre 1869), le Sultan de Turquie (octobre 1869), le Tsar de Russie (octobre 1869), Darwin (septembre 1871).
Quelques réalisations inspirées par la guerre : Le soldat blessé, aquarelle sur papier 1870, Le Foyer de la Comédie Française pendant le siège de Paris, eau-forte et pointe sèche 1876-1877, Grand'Garde, souvenir du siège de Paris, eau-forte et pointe sèche 1878
A Londres, dans la continuité de la série "japonaise", Safe To Win, dit aussi The Crack Shot, huile sur toile entre 1869 et 1873
London Visitors, huile sur toile, vers 1874
Too Early, huile sur toile, 1873
The Ball on Shipboard, huile sur toile,1874
Cette dernière toile fait la transition avec la section astucieusement nommée par les commissaires Thames et Variations
The Gallery of HMS Calcutta (Portsmouth), huile sur toile, 1877
Portsmouth Dockyard, huile sur toile, 1877
The Thames, huile sur toile, 1876
The Last Evening, huile sur toile, 1873
The Captains'Daughter, huile sur toile, 1873
Terminons cette série avec deux œuvres sur papier (une eau-forte et une encre) intitulées Ramsgate et une huile sur toile, Room Overlooking the Harbour, (1875-1876) : toutes autour de thèmes voisins, avec des variations sans doute destinées à s'adapter au goût des amateurs.
La section suivante, Paradise Lost, est ainsi présentée : dans la seconde moitié de sa décennie londonienne, Tissot accorde à l'univers des jardins et des parcs une place inédite. Transformés en en lieu souvent clos, que les éléments naturels - feuillages, pelouses, plans d'eau - participent à borner, ces espaces sont le théâtre de mises en scènes séduisantes et énigmatiques. La figure féminine, souvent inspirée par la compagne du peintre, Kathleen Newton, y joue un rôle majeur.
Waiting, huile sur toile, 1873
October, huile sur toile, 1877
La Paresseuse, dit aussi The Convalescent, huile sur bois, 1870
A Convalescent, huile sur toile, 1875
Holyday, huile sur toile, 1876
The Reply, dit aussi The Letter, huile sur toile, 1874
A la même époque, le goût de Tissot pour l'Extrême-Orient - qu'il n'a cependant jamais visité - le conduit à se lancer dans la production de pièces d'art décoratif en émail cloisonné directement inspirées par les arts de la Chine et du Japon.
Croquet, huile sur toile, 1878
Kathleen Newton à l'ombrelle, dit aussi Femme à l'ombrelle, huile sur toile, vers 1878
Summer Evening, dit aussi La Rêveuse, huile sur bois 1882
A Portrait, dit aussi Mavourneen, huile sur toile, 1877
Hide and Seek, huile sur panneau de bois, 1878 (il s'agit des enfants de Kathleen Newton et de ses nièces)
Un Nemrod, dit aussi Le Petit Nemrod, huile sur toile, vers 1882-1883
Il s'agit des mêmes enfants
Tissot fut très affecté par la disparition de Kathleen Newton, jeune divorcée irlandaise qui était son modèle et sa compagne depuis 1876. Atteinte de tuberculose, se donna la mort en 1882 à 28 ans. Il quitta définitivement Londres quelques jours après. Cette huile sur toile de 1885, L'Apparition mediumnique, en est un témoin.
Il se tourna aussi vers la religion, comme en témoignent ces scènes bibliques : trois gouaches sur carton (1896-1902) conservées au Jewish Museum de New York : Les deux prêtres foudroyés, L'arche traverse le Jourdain, Le chantier de l'arche
et surtout cette Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, éditée bien sûr chez Mame à Tours, comme le catéchisme de notre enfance...
dont quelques scènes (gouache et graphite sur papier vergé gris, vers 1886-1894) : Élévation de la Croix, Ce que voit Notre Seigneur Jésus-Christ sur la Croix, Le Tremblement de terre, Les Morts apparaissent dans le Temple.
Signalons aussi une belle série de quatre tableaux, huiles sur toiles peintes à Londres en 1880 avant la disparition de Kathleen, The Parable of the Prodigal Son in Modern Life :
Le Départ, En Pays étranger, Le Retour, Le Veau gras
La dernière section présente un des grands accomplissements de Tissot, un cycle de 15 peintures de même format que l'artiste réalise à son retour en France et qu'il présente lors de deux expositions personnelles à Paris en 1885 puis à Londres en 1886, dispositif spectaculaire et inédit pensé par le peintre comme un moyen de retrouver sa place sur la scène artistique française : La Femme à Paris
Sept de ces huiles sur toile réalisées entre 1883 et 1885 sont présentées dans l'exposition.
Les Demoiselles de province
La Demoiselle d'honneur
La Demoiselle de magasin
Les Femmes de sport
Ces Dames des chars
La plus jolie femme de Paris
Les Femmes d'artistes
A la sortie de cette remarquable exposition, sans doute une des dernières œuvres peintes par Tissot en 1899 : Portrait de Madame de Senonnes. Copie en grisaille d'après Ingres.
Cette copie fidèle, conservée au musée d'Art de Nantes, est un ultime témoignage de son admiration pour le grand maître. Elle est exécutée en août 1999, comme en atteste la date de la lettre de Tissot demandant au conservateur du musée de Nantes une photographie de l'original, détenu par ce musée depuis 1853, pour en faire une copie. La copie permet à l’artiste, lui-même élève d’un élève d'Ingres, de se remémorer une peinture admirée dans sa jeunesse. L’usage du miroir, ouvrant un espace mystérieux, l'attention aux accessoires, textile et bijoux, et surtout la finesse psychologique, sont des éléments que l’on retrouve dans les portraits peints par Tissot tout au long de sa carrière.
Nota : nous avons joint ci-dessous l'original d'Ingres (1814) [photo libre de droits]