Brancusi - L'art ne fait que commencer
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Magistrale rétrospective au Centre Pompidou, consacrée au sculpteur Constantin Brancusi (1876-1957). Le Centre Pompidou a en effet un lien particulier avec Brancusi qui, en 1956 a légué tout ce que contenait son atelier (œuvres achevées, ébauches, meubles, outils, bibliothèque, discothèque, photographies…) à l’État français, sous réserve que celui-ci s’engage à le reconstituer tel qu’il se présentera à la mort de l’artiste. Après une première reconstitution partielle en 1962 à l’intérieur de la collection du Musée national d’art moderne alors situé au Palais de Tokyo, cette reconstitution est réalisée en 1977, face au Centre Pompidou, et réinstallée en 1997 par l’architecte Renzo Piano, comme un espace muséal dans lequel est inséré l’atelier. Si l’architecte n’a pas tenté de reproduire, dans un lieu public, l’intimité de l’impasse Ronsin où était installé l'atelier du sculpteur, il a su préserver l’idée d’un lieu protégé, d’un espace très intérieur, dans lequel s’infuse une lumière zénithale, et où le spectateur est préservé de l’animation de la rue et de la Piazza, notamment par un jardin clos. La rénovation du Centre, prévue de 2025 à 2030, va conduire à revoir encore cette installation : cette exposition est l'occasion de revoir toutes ces œuvres avant une nouvelle éclipse de cinq ans.
À l'entrée, nous sommes accueillis par Le Coq, 1935, plâtre sur socles en plâtres, figure emblématique que nous retrouvons dès la première salle :Grand Coq I, 1924
Grand Coq II, 1930
Grand Coq III, [vers 1930-1934]
Plâtre, sur socle en plâtre
La figure du coq revêt une importance particulière pour Brancusi qui l'a déclinée en différentes tailles et matériaux pendant trois décennies. Dès 1924, il modèle ces ébauches de Grands Coqs directement dans le plâtre, avec pour projet, inabouti, d'en réaliser une version monumentale en acier inoxydable pour la France. Posée sur une étroite base, leur silhouette élancée est rythmée par une découpe en dents de scie qui rappelle à la fois la forme de leur crête et la saccade de leur chant strident. « Le Coq de Brancusi est une scie de joie », écrit le sculpteur Jean Arp.
La Muse endormie, 1910, bronze poli
La lumière est l'une des composantes de la sculpture de Brancusi. Par un patient travail de polissage, la surface de ses bronzes devient réfléchissante comme un miroir. Avec La Muse endormie, Brancusi remplace le buste traditionnel par un fragment de tête couchée, en équilibre sur la joue. Si le visage est clos dans sa forme, un ovale parfait où les traits sont à peine esquissés, il s'ouvre par le jeu de reflets à l'espace environnant en intégrant l'image du regardeur.
Dans la section nommée Sources, une mise en regard d'œuvres de Brancusi et d'autres œuvres.
Le Sommeil, 1908, marbre (à droite) en regard du Sommeil, 1894, marbre, d'Auguste Rodin dont Brancusi a été brièvement l'assistant en 1907.
Danaïde, 1908-1909, pierre (calcaire), à droite, en regard d'une tête ibérique masculine du 3e siècle avant JC [volée en 1907 par le secrétaire de Guillaume Apollinaire sur le site de Cerro de los Santos et vendue à Pablo Picasso]
Torse de jeune fille, 1910, plâtre, à droite, en regard d'une statuette d'Aphrodite nue, époque hellénistique, marbre
Le Baiser, 1907, pierre, à droite, en regard de Homme accroupi, d'André Derain, 1907, grès
Torse de jeune fille III, 1925, onyx, à droite, en regard d'une tête de statue du type aux bras croisés, dite « Tête de Kéros », 2600-2400 av. J.-C, marbre
La Sagesse de la Terre, 1907-1908, calcaire crinoïde poli et ciré, à droite, en regard de Oviri, de Paul Gauguin, 1894, statuette en grès partiellement émaillé
Tête d'enfant, 1906, bronze patiné
Portrait de Georges, 1911, marbre
Tête d'enfant endormi, [vers 1908], marbre
Tête d'enfant endormi, [vers 1921], marbre blanc
Tête d'enfant endormi, [vers 1921], pierre noire
Le Nouveau-Né I, 1915-1920, plâtre
Les portraits d'enfants occupent une part importante de la création de Brancusi autour de 1906-1911, au contact des fils ou filles de ses amis, comme le petit Georges Farquhar. La série des Têtes d'enfant coïncide avec le passage d'un style naturaliste à une stylisation radicale marquée par la fragmentation du corps, la bascule à l'horizontale et la réduction des traits du visage.
La Prière, 1907, bronze patiné foncé
On entre dans la salle suivante par une porte de ferme roumaine (Gorj, Olténie) de 1884 : dans l'enfilade, une porte en chêne réalisée par Brancusi (entre 1923 et 1936) qui marquait la séparation entre l'espace public et privé de son atelier.
Des meubles en bois réalisés par Bancusi entre 1920 et 1930
Cariatide, 1943-1948, bois (chêne)
« L'architecture, c'est de la sculpture », disait Brancusi. De 1914 aux années 1940, il crée plusieurs cariatides en bois conçues comme des sculptures à part entière et non comme un support architectural ou un élément de socle. Influencée par la statuaire africaine, celle-ci présente des genoux fléchis, un ventre bombé et joue sur l'alternance entre les arrondis et les formes cubiques.
Tête d'enfant [Tête du Premier Pas], 1913-1915 et Tabouret, 1930, bois (chêne) teinté en noir, sur socle en bois (chêne)
Petite fille française (Le Premier Pas III), vers 1914-1918, bois (chêne) sur socle en bois (pin)
Des photos prise par Brancusi de ses sculptures :
Tête de jeune fille, 1907, pierre et La Baronne R.F. (Tête de femme), vers 1909, pierre
Quelques œuvres graphiques de Brancusi :
Trois enfants, non daté, plume et encre noire sur papier calque vélin beige, monté sur une carte vélin crème
Nu allongé, 1910, gouache et mine graphite sur carton
Femme nue debout, 1920-1922, crayons de couleur sur papier
Deux portraits de Brancusi par des artistes amis :
- par Amedeo Modigliani, vers 1909, encre sur papier
- par Oskar Kokoschka, 1932, huile sur toile
Un autoportrait de Margit Pogany, 1913, huile sur carton, qui fut la muse de Brancusi et qui a inspiré les sculptures "Mlle Pogany".
L'atelier de l'artiste est reconstitué au centre de l'exposition...
avec quelques œuvres :
une ébauche de L'Oiseau dans l'espace, 1950, marbre bleu turquin
Projet d'architecture, 1918, bois (chêne)
Tête d'enfant [Tête du Premier Pas], vers 1917 et Tabouret, 1925, marbre sur socle en bois (chêne)
Coupe I, vers 1917, bois (fruitier)sur socle bois (chêne)
Féminin et masculin
Chez Brancusi, la simplification des formes et la suppression des détails sont paradoxalement sources d’ambiguïté. Dès 1909, l’artiste entame une réflexion sur le motif du torse féminin. De sa Femme se regardant dans un miroir, nu encore classique, il ne retient que la courbe unissant les formes arrondies de la tête et de la poitrine pour aboutir à l’ambivalente Princesse X. L’aspect équivoque de la sculpture fait scandale et lui vaut d’être refusée au Salon des indépendants de 1920. Un même trouble s’exprime dans son Torse de jeune homme, au genre incertain. Perturbant l’ordre symbolique de la division des sexes, ces œuvres font écho à l’esprit contestataire de Dada, porté à la même époque par ses amis Marcel Duchamp, Man Ray et Tristan Tzara.
Princesse X, 1915-1916, bronze poli, pierre (calcaire)
Torse de jeune homme
1919, plâtre patiné
1923, bois (noyer) sur socle de pierre (calcaire)
1917-1924, laiton
Portraits
En s’éloignant du visible pour aller à l’essentiel, le sculpteur n’en délaisse pas moins la figure humaine, en particulier féminine. Alors que les titres des sculptures conservent les noms des amies ou compagnes qui inspirent le sculpteur (Margit Pogany, la baronne Frachon, Eileen Lane, Nancy Cunard, Agnes Meyer…), leurs personnalités tendent à se fondre et se confondre en un visage stylisé, ovale et lisse. Chacune se distingue par quelques signes élémentaires : yeux en amandes, chignon,bouclettes… Travaillant sans modèle, préférant reconstruire la figure de mémoire, Brancusi pose à travers ses portraits la question de la ressemblance et de la représentation.
De gauche à droite :
Tête de femme, vers 1908, plâtre sur socles en plâtre, marbre, pierre (calcaire)
Une muse, après 1917, plâtre sur socles en pierre (calcaire) et bois (peuplier)
Une muse, 1912, marbre sur socle en chêne daté 1920
Tête de femme, avant 1922, plâtre, marbre sur socles en marbre et bois (chêne)
La Baronne, vers 1920, plâtre, sur socle en pierre (calcaire)
Mlle Pogany I, 1912-1913, plâtre, sur socle en plâtre et bois (noyer)
Mlle Pogany I, 1913, bronze avec patine noire, sur socle en calcaire
Mlle Pogany II, 1920, plâtre patiné à la gomme laque, sur socles en pierre (calcaire) et chêne
Mlle Pogany III, 1933, bronze, sur socles en pierre (calcaire), bois (chêne)
Danaïde, 1913, bronze patiné noir (et doré à la feuille), sur socle en pierre (calcaire)
Danaïde, vers 1913, bronze avec patine noire, sur socle en pierre (calcaire)
La Négresse blanche I, 1923, marbre veiné
La Négresse blonde II, 1933, plâtre patiné à la gomme laque, sur socles en plâtre, pierre (calcaire) cruciforme et bois (chêne)
La Négresse blonde II, 1933, bronze, sur socles en marbre, pierre calcaire et bois
Portrait de Nancy Cunard (jeune fille sophistiquée), 1928, plâtre patiné, sur socles en plâtre et bois (chêne)
Eileen Lane, 1923, onyx blanc, sur socles en pierre (calcaire) et bois (chêne)
Étude pour le Portrait de Mme Eugene Meyer Jr., 1916-1933, bois (noyer), sur socles en pierre (calcaire) et chêne
En apprenant que le sculpteur Charles Despiau vient de faire le portrait de sa mécène et amie américaine Agnès Meyer, Brancusi réagit : « Je vais vous montrer à quoi ressemblerait vraiment un portrait de vous. » La version finale en marbre noir tire son origine de cette étude en bois qui présente le même haut du visage en forme de tiare, prolongé par un long cou bombé au-dessus d'un petit piètement. L'autorité du modèle s'incarne dans cette figure imposante aux allures de totem abstrait.
L’envol
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Le motif de l’oiseau, qui comporte plus de trente variantes en marbre, bronze et plâtre, occupe Brancusi pendant trois décennies. Initiées en 1910, les Maïastras au corps bombé, cou allongé et bec grand ouvert font référence à un oiseau fabuleux des contes populaires roumains. [ci-contre, 1911, bronze sur socle en calcaire]
Dans les années 1920, le sculpteur simplifie la forme, l’amincit et l’étire verticalement jusqu’à la limite de la rupture pour créer la série des Oiseaux dans l’espace. L’envol symbolise pour Brancusi le rêve de l’homme échappant à sa condition terrestre, son ascension vers le spirituel.
Maïastra, 1923/1940, marbre bleu turquin, sur socle
Cariatide-chat en bois (chêne)
L'Oiselet II, 1928, marbre veiné, sur socle en pierre (calcaire)
L'Oiseau dans l'espace, 1927/1934, plâtre, sur socles en plâtre et bois (noyer)
L'Oiseau dans l'espace, 1926, plâtre, sur socles en marbre noir et bois (chêne)
L'Oiseau dans l'espace, 1936, plâtre coloré en gris, sur socles en plâtre et pierre (calcaire) cruciforme
L'Oiseau dans l'espace, 1941, bronze poli, onyx
Lisse et brut
Dans les photographies prises dans l’atelier, Brancusi cadre souvent ses sculptures au plus près, exploitant le pouvoir d’évocation des matériaux. Les surfaces patiemment polies, sur lesquelles toute trace du geste est effacée, contrastent avec des morceaux bruts ou taillés grossièrement. Ce jeu de matière est autant tactile que visuel, comme le souligne par son titre
sa Sculpture pour aveugles. Avec le travail en série, chaque sculpture est à la fois unique et multiple, souvent posée sur des socles superposés auxquels Brancusi porte un soin tout particulier. Composés de formes géométriques simples (croix, cube, disque…), ces supports créent un rythme ascensionnel dynamique et des jeux de correspondances. Brancusi remet en question le statut conventionnel de cet accessoire, traditionnellement utilisé pour surélever la sculpture et la distinguer de son environnement. Il convertit à plusieurs reprises certains socles en sculpture autonome, refusant toute hiérarchie entre le haut et le bas, entre le banal et le noble.
Sculpture pour aveugles, 1920-1921, plâtre, sur socle en bois (chêne)
Sculpture pour aveugles, 1925, onyx, sur socle en plâtre
Le Commencement du monde, vers 1920, marbre, maillechort et pierre
Le Commencement du monde, 1924, bronze poli, sur disque en acier poli et socle en bois (chêne)
Plante exotique, 1923-1924, bois (chêne), sur socle en pierre (calcaire)
L'Oiselet, 1928, plâtre, sur socle-poutre en bois (platane)
Bois forme, début 1920-1930, bois (chêne)
Le Nouveau-Né II, 1927, acier inoxydable, sur disque en acier inoxydable et socle en bois (chêne) en partie teinté
Cette version du Nouveau-Né en acier inoxydable est un modèle unique dans la production de Brancusi. Elle est née de sa collaboration avec l'architecte Jean Prouvé, alors ferronnier d'art à Nancy. Celui-ci, enthousiasmé par ce nouveau matériau, réalise une fonte que Brancusi vient meuler dans l'atelier nancéen. La collaboration tourne court : l'acier inoxydable ne permet pas encore un rendu lisse et la dureté de l'alliage rend son polissage ardu. Cette tête témoigne cependant de la curiosité de Brancusi pour les innovations techniques.
La Timidité, 1917, pierre (calcaire), sur socle en bois (platane)
Forme simple par excellence, La Timidité est une des rares œuvres que Brancusi ait conservé en l'état mais qui fut sans doute une étude pour un Torse de jeune fille. Bloc de calcaire taillé et poli, la surface ne porte aucune trace d'outil, donnant seulement naissance à une sculpture lisse, au profil de nuage. Elle contraste avec le tronc massif, à peine dégrossi, qui lui sert de socle.
Le Nouveau-Né II, vers 1923, bronze poli, sur disque bronze poli et socle en marbre cruciforme, bois (chêne) et pierre
Brancusi réalise plusieurs versions du Nouveau-Né, reconnaissable à sa bouche démesurément ouverte. Il joue sur le reflet du bronze poli posé sur un disque miroir, fabriqué dans le même métal. Ce plateau est aussi le berceau sur lequel semble se pencher le monde alentour, accueillant la naissance de la sculpture. Le dispositif des quatre socles empilés crée un effet de rythme et de correspondance, la cavité ronde du bois pouvant s'apparenter à la matrice d'où serait issue la sculpture.
La Sorcière, 1916-1924, noyer, sur socle en calcaire posée sur Chien de garde, vers 1924, bois (chêne)
La Sorcière, [1924-1955], plâtre, sur socle en plâtre et pierre (calcaire)
Un section Reflet et mouvement est entièrement dévolue à une sculpture que Brancusi a voulue mobile, posée sur un roulement à billes et tournant sur elle-même grâce à un moteur. Un grand exemplaire, installé dans une salle circulaire :
Léda, 1926, bronze poli, disque en maillechort
et un plus petit,
Léda, vers 1920, marbre sur socle en ciment
où c'est un film réalisé par l'artiste qui donne l'illusion du mouvement.
L’animal
Dans les années 1930 et 1940, plusieurs séries consacrées à la thématique de l’animal marquent une évolution vers des formes obliques ou horizontales. Au sein de ce bestiaire, deux groupes se distinguent : les volatiles (coqs, cygnes, oiseaux…) et les animaux aquatiques (poissons, phoques, tortues…). Avec de multiples versions, dans des matériaux et des formats variés, ses sculptures semblent répondre au principe naturaliste de l’espèce. Par la simplification des formes, Brancusi vise à la fois à atteindre une figuration symbolique de l’animal et à retranscrire son mouvement.
Phoque II, 1943, marbre bleu turquin sur socle en pierre
Le Phoque, 1943-1946, plâtre, sur table à double tambour en plâtre
Le Poisson, 1922, marbre veiné, socle en deux parties (miroir et chêne)
Le Poisson, 1930-1949, plâtre patiné, sur socle en marbre gris et table double tambour en plâtre
Brancusi décline le motif du poisson pendant une dizaine d'années, réalisant une première version en marbre blanc veiné avant de réaliser des bronzes puis une version monumentale en marbre gris dont il conserve le plâtre dans son atelier. Figure plane en forme d'os de seiche aérodynamique, Brancusi joue sur les propriétés des matériaux pour créer des effets chatoyants ou réfléchissants. Ici, les veines du marbre évoquent les ondulations de l'eau, là, le disque de métal réfléchissant accentue l'aspect fragile, en suspension, de la sculpture.
La Tortue, 1941-1943, bois (marronnier d'Inde), sur socles en acier non poli et bois (chêne)
Bête nocturne, vers 1930, bois (érable), sur socle en plâtre
Le Coq, 1935, bronze poli, sur socle en pierre (calcaire) et chêne
Le Coq, 1924, bois (cerisier)
Le Coq, vers 1926, plâtre teinté, sur socles en plâtre et bois (chêne et peuplier)
Le Crocodile, 1924, bois (chêne-liège) sur poutre en bois (chêne)
Durant l'été 1924, alors que Brancusi est en vacances à Saint- Raphaël (Var), il manque de se noyer en mer et doit son salut à un morceau de chêne-liège flottant qui lui permet de regagner le rivage. Sur la plage, Brancusi lui consacre un autel qu'il photographie. Souvenir d'un accident qui aurait pu être tragique, la branche salvatrice se transmue en animal magique, nommé «le crocodile» et doté d'un collier, qui est ensuite rapatrié et conservé dans l'atelier parisien.
L'exposition se termine en apothéose avec une installation :
Le socle du ciel
Brancusi a toujours nourri l’espoir de réaliser des œuvres monumentales, comme en témoigne la reprise inlassable du motif du Baiser, stylisé et développé à l’échelle architecturale, sous forme de colonne et de porte. Une première occasion s’offre à lui en 1926, quand il plante sa Colonne sans fin dans le jardin de son ami Edward Steichen à Voulangis (Seine et Marne). Née d’un modeste socle en bois, cette œuvre radicale procède de la scansion verticale de l’espace par la répétition du même module, évoquant les piliers funéraires du sud de la Roumanie. C’est d’ailleurs dans son pays natal, à Târgu Jiu en 1937-1938, qu’il mène à bien son unique projet monumental. Sur un axe d’un kilomètre et demi traversant la ville, il place trois éléments symboliques : La Table du Silence, La Porte du Baiser et La Colonne sans Fin. Érigée en fonte métallisée à près de trente mètres de haut, cette dernière figure l’axis mundi, le trait d’union entre la terre et le ciel, offrant au regard de multiples perspectives.
Au centre :
La Colonne sans fin I, vers 1925, bois (chêne)
La Colonne sans fin II, 1926-1927 - présentation partielle - bois (peuplier), métal
La Colonne sans fin, vers 1930-1931, présentation partielle - plâtre
La Colonne sans fin III, avant 1928, bois (peuplier)
Le Baiser, 1923-1925, pierre, sur socles en pierre (calcaire) et bois (peuplier)
Torse de jeune fille I, 1922, plâtre patiné et teinté, sur Maquette du linteau de La Porte du Baiser, 1935-1937, Maquette du pilier de La Porte du Baiser, 1935-1937 en pierre (calcaire) et socle en bois naturel (1933-1934) en bois (chêne)
Médaillon (Le Baiser), vers 1919, pierre (volcanique), fer
Le Baiser, 1916, calcaire
Maquettes pour le pilier de La Porte du Baiser, vers 1935-1937, plâtre, crayon et plâtre, sur socle en pierre (calcaire)
Moule de la maquette du pilier de La Porte du Baiser, 1935-1937, plâtre
Moulage du pilier de la Colonne du Baiser, vers 1930-1933, plâtre
Le Baiser, vers 1940, pierre (calcaire jaune), sur socle en pierre (calcaire)
Borne-frontière, 1945, pierre (calcaire)
En 1945, à une époque où la Roumanie passe sous influence soviétique et voit ses territoires profondément recomposés, Borne-frontière figure une ultime fois le motif du baiser sous la forme de trois blocs de pierre superposés. Symbole de l'harmonie entre les peuples, elle est l'une des rares œuvres de Brancusi empreintes d'une dimension politique. Au centre, le couple en pied est répété à l'identique sur chaque face, perdant toute profondeur. Au-dessus et en dessous, trois couples se déploient horizontalement en bas-relief.