Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
/image%2F1508962%2F20250225%2Fob_79262f_affiche.jpg)
Une exposition originale, au Louvre, qui ramène à la lumière un peintre, il faut bien le dire, bien tombé dans l'oubli, alors qu'il a occupé le devant de la scène artistique de son vivant, et que, né fils d'esclave, son destin à lui seul suscite l'intérêt.
Guillaume Guillon Lethière a été, écrit Charles Blanc dans son Histoire des peintres de toutes les écoles (1865), « une des grandes autorités de son temps ». Né à Sainte Anne, à la Guadeloupe, en 1760, fils naturel d’une esclave d’origine africaine et d’un colon blanc procureur du roi, Guillon Lethière occupa les postes parmi les plus prestigieux du monde des arts. Il maintint tout au long de sa vie des liens étroits avec des personnalités et des artistes venus des Antilles, ainsi avec la famille Dumas – le général, lui aussi fils d’une esclave, et le jeune écrivain Alexandre Dumas. Comme nombre de ses contemporains il dut, pour obtenir des commandes, s’adapter à la rapide succession des régimes et aux retournements politiques, depuis la période révolutionnaire jusqu’à l’aube de la monarchie de Juillet.
Le titre de l'exposition fait allusion à la signature «g. guillon Le Thiere né à La Guadeloupe» qu'il appose au tableau Le Serment des ancêtres, peint en 1822 et qui constitue l'affiche de l'exposition. Peint dans le secret de l'atelier, il fut transporté clandestinement, avec la complicité de l'Abbé Grégoire, par Auguste Lethière, fils de Guillaume, qui l'offrit de la part de son père à la nation haïtienne, dont l'indépendance proclamée en 1804 ne fut reconnue par la France qu'en 1825 par Charles X contre une très lourde compensation financière.
Section 1 - Lethière : « une des grandes autorités de son temps »
- Buste en marbre de Guillon Lethière par Jean-Pierre Cortot (1787-1843)
1er prix de Rome en 1809, Cortot rejoint l’Académie de France à Rome de 1810 à 1813, sous le directorat de Guillon Lethière nommé par décret impérial en 1807 à ce poste prestigieux grâce au soutien de Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de l’Empereur Napoléon 1er.
Louis-Léopold Boilly (1861-1945) :
- Lethière et Carle Vernet, étude préparatoire pour L’atelier d’Isabey
- Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey
L’étude préparatoire à l’atelier d’Isabey, une des nombreuses esquisses peintes par Louis-Léopold Boilly, représente au premier plan le peintre Carle Vernet (1758-1836) de profil et Guillaume Guillon Lethière drapé dans une grande cape rouge. Tous deux sont en conversation. Les modèles des deux artistes se retrouvent au centre de la composition finale du tableau Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey présenté au Salon de 1798. Dans ce portrait de groupe où chacun est reconnaissable, Boilly met en scène le milieu artistique parisien.
François-Joseph Heim (1787-1865) :
- Charles X distribuant des récompenses aux artistes exposants du Salon de 1824 au Louvre, le 15 janvier 1825, 1827, huile sur toile
A la fin de sa vie, Guillon Lethière est dépassé par les nouveaux mouvements artistiques mais il demeure une personnalité importante du monde des arts. Académicien, il est au premier rang de cette cérémonie officielle, centrée autour du roi, devant le peintre Ingres. Ses amis sont là, Bidauld, Boilly, Parcier et Fontaine... Ils côtoient d'anciens pensionnaires à Rome sous le directorat de Guillon Lethière, comme David d'Angers, ou Heim lui-même. Hortense Haudebourt-Lescot, autrefois son élève, salue le roi.
Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) :
Portrait de Guillaume Guillon Lethière, dédicacé « M. DE INGRES/A MAD. LE LESCOT», 1815, graphite sur papier
Grand Prix de Rome en 1801, Ingres doit reporter son départ et n'arrive en Italie qu'en 1806. Pensionnaire de l'Académie de France à Rome sous le directorat de Guillon Lethière à partir de l'automne 1807, il noue avec lui d'excellentes relations.
Alexandre Lethière (1787-1824) et sa famille, signé et dédicacé "INGRES À/MONSIEUR LETHIÈRE / ROME 1815", graphite sur papier [Alexandre est le fils aîné de Guillon Lethière, né en 1787, hors mariage, de la liaison du peintre avec Marie-Agathe Lapôtre.)
Marie Joseph Honorée Vanzenne (1762-1838), épouse du peintre, et leur fils Lucien, 1808, graphite sur papier
Derrière eux se déploie le paysage romain duquel its sont familiers : l'église de la Trinité des Monts, l'obélisque et la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome, dont Guillaume Guillon Lethière est alors directeur et Ingres pensionnaire
Rosina Meli, épouse d'Alexandre Lethière, et leur fille Letizia, vers 1815, graphite sur papier
Anne-Louis Girodet (1767-1824) : Benjamin Rolland (1773-1855), 1816, huile sur toile
Né en Guadeloupe en 1773, le peintre Benjamin Rolland est fils d'une esclave métisse. Il est libéré par son père en 1776. Élève de Jacques-Louis David à l'École des Beaux-Arts, il devient le premier conservateur du musée de Grenoble. Guillon Lethière et Rolland se sont sans doute rencontrés chez leur ami commun, le peintre d'histoire Fortuné Dufau (1770-1821), né à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti).
Jacques-Auguste Fauginet (1809-1847) : Alexandre Dumas père (1802-1870), 1831, plâtre patiné couleur bronze
Guillon Lethière est très lié avec le général Thomas Alexandre Dumas, fils d'esclave né à Saint-Domingue (Haïti), héros des guerres révolutionnaires, ainsi qu'avec son fils, l'écrivain Alexandre Dumas (1802-1870).
Section 2 - Survivre aux bouleversements politiques
Comme nombre de ses contemporains Lethière doit, pour asseoir sa carrière, rester en vue et obtenir des commandes du pouvoir en place, s’adapter aux changements de régimes et aux bouleversements politiques de son temps. Durant la période révolutionnaire (1789-1804) il participe ainsi à des concours qui lui permettent d’obtenir des bourses, par exemple pour peindre « Philoctète » en 1798, traite des sujets en lien avec les idéaux républicains ou la propagande patriotique. Introduit dans les cercles bonapartistes, il se voit confier de grandes compositions à la gloire du Premier consul puis empereur Napoléon Bonaparte (1769-1821). Portraitiste, il bénéficie aussi de commandes privées. Sous la Restauration (1814/1815-1830), il peint des scènes qui exaltent la monarchie de retour au pouvoir, illustrant des épisodes de la vie de Saint Louis (1214-1270), ou la fondation du collège de France par le roi de France François 1er (1515-1547). Ces tableaux de très grands formats, exposés au Salon, n’ont pu être déplacés et exposés ici mais ils constituent un aspect important de son œuvre. À la fin de sa vie, avec « La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris », l’artiste cherche l’agrément du nouveau roi des Français Louis-Philippe (1830-1848) et montre sa volonté de rester en compétition et de s’adapter à l’évolution de la peinture d’histoire.
Philoctète dans l'île déserte de Lemnos, gravissant les rochers pour avoir un oiseau qu'il a tué, 1798, huile sur toile
En 1794, sous la Terreur, Guillon Lethiere participe à l'un des concours organisés par le Comité de salut public et obtient un prix de 6000 livres qui lui permet d'exécuter ce Philoctète. Achevé en 1798, le tableau de grand format est exposé au Salon, où il reçoit un bon accueil. Il est acquis par le gouvernement puis exposé à la Chambre des députés. Alexandre Dumas écrit dans ses souvenirs que son père, le général Dumas, aurait posé pour ce tableau.
Scène Antique, 1796, pointe, lavis et craie sur papier
La Patrie est en danger, 1799, huile sur toile
Portrait d’une musicienne, 1791, huile sur toile
Lucien Bonaparte contemplant sa maîtresse Alexandrine de Bleschamp Jouberton (1778-1855), huile sur toile
Le tableau est peint au retour d'un voyage en Espagne et témoigne de la relation de confiance et de connivence entre Guillon Lethière et son mécène.
Le Sommeil de Vénus, 1796, huile sur toile
Portrait d'Adèle Papin jouant de la harpe, 1799, huile sur toile
Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de Napoléon Bonaparte, 1800-1806, huile sur toile
Guillon Lethière peint plusieurs portraits officiels de Lucien Bonaparte. Celui-ci, plus intime, le présente en voyageur cultivé et élégant. La ville à l'arrière-plan représente probablement Badajoz en Espagne.
Élisa Bonaparte-Bacciochi, princesse de Lucques et de Piombino (1777-1820), 1800, huile sur toile
En 1806, Guillon Lethière reçoit la commande du portrait de l'impératrice des Français Joséphine de Beauharnais (1804-1809) pour le Salon du Président au Palais Bourbon, et de celui d'Élisa Bonaparte, sœur de l'empereur, pour le Palais des Tuileries.
La Victoire et les Génies des Arts du dessin, vers 1800, sanguine sur papier
Esquisse pour les Préliminaires de paix signées à Leoben, 17 avril 1797, vers 1805, huile sur toile
En 1804, Guillon Lethière reçoit du Corps législatif la commande d'un grand tableau commémorant la signature des préliminaires de paix à Leoben (Autriche centrale). Le sujet célèbre une victoire diplomatique du général Bonaparte en 1797 pendant les guerres révolutionnaires: cet accord avec l'Empereur d'Autriche aboutit au traité de Campo-Formio qui scella la paix. Cette esquisse prépare à l'exécution du tableau final, achevé en 1805 et placé au Palais Bourbon puis à Versailles où il se trouve toujours.
Manufacture des Gobelins, d'après Guillaume Guillon Lethière : Préliminaires de Paix signés à Leoben, 17 avril 1797, 1810-1814, laine et soie
Esquisse pour La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris, 1830-1831, huile sur toile
Guillon Lethière montre ici, à soixante-dix ans passés, sa capacité à s'adapter à l'imagerie d'un nouveau régime et à suivre l'évolution stylistique de la peinture d'histoire à sujet contemporain.
Le peintre meurt avant d'avoir pu achever la version finale de ce tableau commandé par le roi.
Section 3 - L’atelier de Guillon Lethière. Elèves femmes et Caribéens
Guillon Lethière ouvre dès 1793 un premier atelier à Paris à La Childebert, bâtiment qui regroupe plusieurs ateliers dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Après son retour de Rome en 1816, il s’établit, rue de l’Abbaye. Il enseigne aussi dans son atelier à l’Institut de France. En 1819, il est nommé professeur à l’École des Beaux-Arts, consécration dans sa carrière officielle. Il accueille notamment des élèves qui viennent de la Guadeloupe ou des Caraïbes, comme Eulalie Morin (1765-1852) ou Jean-Baptiste Gibert (1803-1883).et reçoit dans son atelier privé plusieurs élèves femmes ; cette pratique est courante et bien admise dans la première moitié du 19e siècle, époque particulièrement favorable à la formation des artistes femmes.
Cette salle évoque les élèves peintres femmes, en particulier Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845), et Eugénie Servières (1783 – 1855), probablement les plus douées. Il y eut aussi de nombreux autres élèves, comme Louis Boulanger (1806-1867) ou Théodore Rousseau (1812-1867).
Eugénie Honorée Marguerite Servières (1766-1865) : Inês de Castro et ses enfants
se jettent aux pieds du roi Alphonse pour obtenir la grâce de Don Pedro, 1822, huile sur toile
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Autoportrait, 1825, huile sur toile
Guillaume Guillon Lethière : Une femme appuyée sur un portefeuille, 1799, huile sur toile
Exposé au Salon de 1799, ce portrait représente très vraisemblablement Eugénie Servières (1783-1855) vers l'âge de 16 ans. La jeune femme est la belle-fille du peintre, la fille de son épouse, Marie-Honorée Vanzenne (1762-1838), et du premier mari de cette dernière, Pierre Charen (décédé en 1792). Formée dans l'atelier de Guillon Lethière, elle devint une peintre accomplie et eut un atelier où elle forma à son tour des peintres femmes. Le fond neutre et le naturel du visage rappellent les portraits néoclassiques du peintre Jacques-Louis David (1748-1825).
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Voyage de noces, 1825, huile sur toile
Peintre d'histoire et de scènes de genre, portraitiste, Hortense Haudebourt-Lescot est la filleule d'un ami du père de Guillon Lethière originaire de la Guadeloupe. Elle a étudié auprès de Guillon Lethière dès l'âge de sept ans. Le peintre, qui l'invite à la Villa Médicis, a beaucoup d'estime pour son talent.
Jeanne Pauline Bouscaren, dite Jenny Prinssay (1771-1824) : Vue de la Guadeloupe, vers 1813, huile sur toile
Née Jeanne Pauline Bouscaren à Goyave en Guadeloupe, Jenny Prinssay évolue sans doute à Paris dans un cercle antillais proche de Guillon Lethiere, mais leurs liens ne sont pas documentés. Paysagiste, elle expose à partir de 1801. Cette vue de la Guadeloupe à été présentée eu Salon de 1814.
Section 4 - Le classicisme et Poussin : des modèles pour Lethière
Au début de sa carrière, Lethière est en phase avec la réaction néoclassique qui vise à revenir à la solennité des modèles antiques et des artistes qui s’en sont inspirés depuis la Renaissance. Dans les années 1810 et 1820, il oriente ses recherches dans des directions différentes, et son style se rapproche parfois de tendances préromantiques. En dehors des commandes de l’État, il est resté attaché aux sujets tirés de la mythologie, de l’histoire et des textes antiques, ou de la littérature classique, se détourant du sujet moderne. Dans une lettre au peintre François-André Vincent (1746-1816) en 1813, il défend le « feu sacré du beau » : « les sujets de batailles modernes n’offrent guère d’intérêt que celui qui leur est propre sans doute, mais des habits bleus, des bottes, des guêtres, des gants, des fusils… ne forment guère au sublime et il y a
loin d’un hussard à l’Apollon du Belvédère… ».
Le modèle absolu demeure à ses yeux le peintre Nicolas Poussin (1594-1665), pour qui il a une
immense admiration, et dont il acquiert lors de son directorat à l’Académie de France à Rome l’un des derniers chefs-d’œuvre, « Apollon amoureux de Daphné ». À la fin de sa vie, Lethière est jugé sévèrement par la critique, comme le tenant d’un classicisme dépassé par les nouveaux courants artistiques.
Nicolas Poussin (1594-1665) : Apollon amoureux de Daphné, 1663-1664: huile sur toile
Ce tableau. est considéré comme le dernier tableau de Poussin, inachevé. Sa signification profonde reste mystérieuse. Il a été donné par le peintre au cardinal Camillio Massimi (1620-1677). Guillon Lethière l'acquiert au Palais Massimi à Rome, durant son directorat à la Villa Médicis.
La Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ, 1784, huile sur toile
Élève du peintre Gabriel-François Doyen (1726-1806), Guillon Lethière concourt trois fois pour le Grand Prix de Rome. Pour sa première participation en 1784, le sujet de l'épreuve est tiré de l'Évangile selon saint Matthieu. Guillon Lethière est classé deuxième, après Jean-Germain Drouais (1763-1788) et Louis Gauffier (1762-1801) - premiers à égalité.
La Mort de Camille, 1785, huile sur toile
En 1785, le concours du Prix de Rome a pour sujet un épisode de l'histoire mythique de Rome, la mort de Camille. Classé à nouveau second, Guillon Lethière peut néanmoins l'année suivante obtenir une bourse de pensionnaire grâce à divers soutiens politiques.
Herminie et les bergers, 1795, huile sur toile
Carlo et Ubaldo dans le jardin d'Armide, vers 1815-1820, huile sur toile
Le Jugement de Pâris, 1812, huile sur toile
Située dans un paysage idéal, inspirée des modèles classiques du peintre Nicolas Poussin, cette ambitieuse composition est peinte à Rome en 1812. Guillon Lethière y adopte un style gracieux et raffiné, loin d'un héroïsme sévère et guerrier.
La déesse de l'amour, Vénus, demandant au dieu des forgerons, Vulcain, de forger des armes pour son fils Énée, 1822, pierre noire, graphite, plume et encre brune et grise, lavis bleu et brun sur papier
Critias et Théramène, 1789, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc sur pierre noire
Vénus et Adonis, avant 1817, huile sur toile
La Condamnation de Rhea Silvia par Amulius, vers 1822, huile sur toile
Homère chantant son Iliade aux portes d'Athènes, 1814, huile sur toile
Vue du château de Genazzano dans les États romains, 1819, huile sur toile
Et pour clore cette section, un tableau de Jean-Baptiste Adolphe Gibert (1803-1883) :
La Mort d'Adonis, 1829, huile sur toile
Né en Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre, Gibert a été élève de Guillon Lethière à l'École des Beaux-Arts. En 1829, il remporta avec ce tableau le Prix de Rome du paysage historique.
Section 5 - « Brutus » et « Virginie » : les « grandes machines »
Durant son séjour de pensionnaire à l’Académie de France à Rome (1786-1791), Guillon Lethière
envisage un cycle de quatre compositions consacrées à l’histoire romaine antique. Il abandonne à l’état préparatoire « La Mort de César et Maxence défait par Constantin ». Les deux autres sujets l’occupent pendant de longues années, et aboutissent aux œuvres les plus ambitieuses et les plus monumentales de sa carrière. La critique a qualifié ces œuvres de « grandes machines », expression utilisée notamment pour les grands tableaux d’histoire de son maître Gabriel-François Doyen (1726-1806).
« Brutus », achevé à Rome en 1811, est exposé au Salon de 1812 et très admiré. C’est l’œuvre la plus célèbre de l’artiste au 19e siècle.
« La Mort de Virginie » est présentée avec succès à l’Egyptian Hall de Londres (1828), puis à Paris au Salon de 1831 où le tableau est éreinté par la critique. Le sujet héroïque, la grandiloquence et la démesure dans le sujet antique ne sont plus au goût du jour en France.
En reprenant, à la fin de sa vie, ce projet de jeunesse, et en le centrant désormais sur la figure de
Virginie, Guillon Lethière faire ressurgir une question qui est au cœur de son histoire intime et de l’histoire de son temps : celle de la liberté et l’esclavage.
Brutus condamnant ses fils à mort, 1788, huile sur toile
L'artiste a choisi un parti pris narratif, spectaculaire et théâtral, avec une foule de personnages aux réactions diverses et qui expriment des émotions variées - stupéfaction, admiration, effroi...
L'interprétation du sujet est très éloignée de celle de Jacques-Louis David (1748-1825) dont le Brutus sera présenté aux Salons de 1789 et 1791.
Comme dans les premiers dessins, le bourreau montre la tête du fils décapité à la foule. Dans les versions ultérieures, ce geste, qui pouvait être associé aux exécutions sous la Terreur (1793-1794), sera supprimé.
Trois tableaux successifs représentant La Mort de Virginie, entre 1823 et 1828
Le troisième, avec un détail, est le plus proche du grand tableau définitif.
Autre projet de "grande machine" abandonné,
La Mort de César, avant 1795, huile sur toile
Cependant, l'historien de l'art Philippe Bordes a récemment proposé d'attribuer cette esquisse supposée de Lethière au peintre Jean-Baptiste Frédéric Desmarais (1756-1816).
Les tableaux de « Brutus » et « Virginie » sont aujourd’hui exposées dans le salon Denon, en salle 701 du musée du Louvre. Nos photos en sont de qualité médiocre, car ces tableaux de très grande taille sont accrochés en hauteur et les reflets sur le vernis ne les avantagent guère.