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L'art est dans la rue (II/II)

2 Mai 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Nous poursuivons dans ce billet le parcours, commencé dans celui du 19 avril dernier, de l'exposition consacrée par le musée d'Orsay à l'art de l'affiche à la fin du XIXe siècle.

Les avant-gardes et l’affiche

Dans les années 1880, l’affiche devient un médium artistique à part entière, salué par les critiques d’art qui font l’éloge des « maîtres de l’affiche », dont Jules Chéret est reconnu comme le pionnier. À côté des artistes qui se spécialisent dans l’affiche et l’illustration, certains peintres investissent également ce domaine dans les années 1890. Ceux du cercle nabi trouvent dans l’affiche un terrain d’expérimentation fécond pour renouveler leur art. Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis, mais aussi Henri-Gabriel Ibels et bien entendu Henri de Toulouse-Lautrec contribuent à des degrés divers à ce nouvel art. Ils retrouvent dans ce médium les spécificités de leur propre œuvre picturale : l’absence de perspective traditionnelle, l’emploi d’aplats de couleurs vives, le synthétisme des compositions.

Henri de Toulouse-Lautrec : Caudieux, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Henri-Gabriel Ibels (1867-1936) : Mévisto, 1892, lithographie en couleurs, Imprimerie Édouard Delanchy & Cie (Paris)
Cette affiche est la deuxième conçue par Ibels, membre du groupe des peintres nabis. Elle vise à promouvoir le talent du comédien et chansonnier Auguste Marie Wisteaux, dit « Mévisto ».

L'art est dans la rue (II/II)

Henri-Gabriel Ibels : L'Escarmouche, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Eugène Verneau (Paris)
Édouard Vuillard (1868-1940) : Becane, liqueur apéritive, 1892, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Pierre Bonnard (1867-1947) :
Exposition Les Peintres graveurs. Galerie Vollard, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie A. Clot (Paris)
La revue blanche, 1894, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)

L'art est dans la rue (II/II)
L'art est dans la rue (II/II)

Maurice Denis (1870-1943) : La Dépêche de Toulouse, 1892, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Henri de Toulouse-Lautrec : La revue blanche bi-mensuelle, 1895, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Fondée à Liège par les frères Natanson, puis transférée à Paris en 1891, La Revue blanche est une revue d'avant-garde littéraire, artistique et politique. Les Nabis, peintres appréciés par les rédacteurs, y contribuent largement par leurs illustrations. Toulouse-Lautrec crée cette affiche autour de la figure féminine centrale de la revue, mécène et modèle : Misia Godebska, alors épouse de Thadée Natanson. Le peintre, qui l'emmenait régulièrement fréquenter cabarets et cafés- concerts, a su ici traduire sa tenue élégante et son expression affirmée.
Félix Vallotton (1865-1925) : Ah! la Pé... la Pé... la Pépinière !!!, 1893, lithographie en couleurs
Illustrateur familier de la vie moderne et des rues parisiennes, Vallotton s'essaie à l'art de l'affiche dans les années 1890. Il réalise ce support publicitaire pour une opérette de Pajols, Couturet et Jacoutot, sans rien dévoiler du spectacle : ce qui l'intéresse, c'est la salle, le public masculin qui se presse au balcon. Tout en se limitant à une palette en noir et blanc rehaussée de rouge, il saisit une dizaine de visages, individualisés à la limite de la caricature. En 1900, l'affiche est reprise pour la couverture de la publication du texte de l'opérette.
Henri de Toulouse-Lautrec : Moulin Rouge. La Goulue, 1891, lithographie en couleurs
Après avoir confié à Chéret l'affiche de lancement (voir ci-dessous), la direction s'adresse à Toulouse-Lautrec pour promouvoir une de ses figures phare : Louise Weber, dite la Goulue. L'oeuvre présente une scène de danse, le fameux cancan, de la Goulue et son partenaire Valentin le Désossé devant une haie de spectateurs. La Goulue devient un sujet récurrent de peintures, dessins et estampes de Lautrec, et demande également à l'artiste de décorer sa baraque à la Foire du Trône en 1895.

L'art est dans la rue (II/II)
L'art est dans la rue (II/II)

Eugène Grasset (1845-1917) : 
Librairie romantique, 1887, lithographie en couleurs, Imprimerie J. Bognard Jeune (Paris)
Les Fêtes de Paris, 1885, lithographie en couleurs, Imprimerie François Appel (Paris)
Pierre Bonnard : France-Champagne, 1891, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Dans France-Champagne, Bonnard semble emprunter à Chéret sa joyeuse figure féminine, notamment celle de Moulin Rouge. Paris Cancan (1890), et en donne une interprétation fortement inspirée de l'estampe japonaise.
La composition introduit une esthétique nouvelle avec son point de vue en plongée, son jeu de lignes sinueuses, le traitement de la mousse de champagne ainsi que ses couleurs en aplats.
Jules Chéret (1836-1932) : Bal du Moulin Rouge, 1889, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Les fondateurs du Moulin Rouge, Joseph Oller et Charles Zidler, demandent à Chéret de concevoir leur première affiche, qui annonce l'ouverture de l'établissement. Sa composition frappe les peintres, dont Toulouse-Lautrec et Pierre Bonnard, qui contribuent également quelques années plus tard à l'art de l'affiche.

L'art est dans la rue (II/II)
L'art est dans la rue (II/II)

L’affichomanie
Dans les années 1890, les affiches font l’objet d’un véritable engouement. Elles attirent des collectionneurs à tel point que l’on parle d’« affichomanie ». Pour les amateurs, un marché spécialisé dans l’affiche illustrée, proche de celui de l’estampe, se met en place avec ses expositions, ses marchands et ses publications. Certains tirages d’affiches comportent des épreuves rares, spécialement destinées aux « affichomaniaques » et dont aucune ne fut jamais placardée dans la rue. Les variations d’affiches célèbres, comme celles d’Alphonse Mucha pour Sarah Bernhardt ou de Toulouse-Lautrec, sont recherchées. Certaines sont conservées dans de vastes portefeuilles, d’autres sont mises en valeur dans des meubles spéciaux destinés aux collectionneurs, comme cet intéressant porte-affiches (1904) d'Eugène Vallin (1856-1922) en cédrat, métal, et verre.

L'art est dans la rue (II/II)
L'art est dans la rue (II/II)

Anonyme : Où courent-ils ?, 1889, lithographie en couleurs, Imprimerie Jules Pequignot fils (Nantes)
Pierre Bonnard : L'Estampe et l'Affiche, revue d'art, 1897, lithographie en couleurs
Jules Chéret : Librairie Ed. Sagot Affiches, estampes, 1891, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Jean Peské (1870-1949) : L'Estampe et l'Affiche Revue d'art mensuelle illustrée, 1897, lithographie en couleurs, Imprimerie Gerin (Dijon, Paris)

L'art est dans la rue (II/II)
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Henri de Toulouse-Lautrec : P. Sescau, Photographe, vers 1897, lithographie en couleurs
Les deux variantes de cette affiche de Toulouse- Lautrec pour son ami, le photographe Paul Sescau, montrent un exemple de rareté créée à l'intention des collectionneurs, en ces temps d'affichomanie. L'une d'elles, en effet, tirée à quelques exemplaires et destinée à la vente, porte deux signes particuliers: une « remarque » (le croquis de la femme au cochon, allusion à l'œuvre de Félicien Rops, Pornocrates) et le masque jaune. Ces éléments sont absents sur l'épreuve correspondant au reste du tirage, conçu pour annoncer la nouvelle adresse du photographe 9 place Pigalle, au-dessus du café de la Nouvelle Athènes.
Alphonse Mucha :
Lorenzaccio
Lorenzaccio : épreuve destinée aux collectionneurs

1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Ferdinand Champenois (Paris)

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L'art est dans la rue (II/II)
L'art est dans la rue (II/II)

Henri-Gabriel Ibels : Pierrefort : affiche avant la lettre, 1897, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Henri de Toulouse-Lautrec : Couverture du Catalogue d'Affiches artistiques. A. Arnould, 1896

L'art est dans la rue (II/II)
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Les affiches d’expositions
Le Salon officiel, contesté dès les années 1860, est de plus en plus concurrencé par des salons émanant d’organisations indépendantes, dont certaines se spécialisent dans des domaines bien précis – arts décoratifs, aquarelle, estampe, etc. – quand d’autres visent à établir un dialogue entre les arts. Ces manifestations donnent souvent lieu à la création d’affiches, probablement moins destinées à attirer le public qu’à marquer l’événement comme en témoignent les expositions pluridisciplinaires organisées à partir de 1894 par le Salon des Cent au siège de la revue La Plume. Quarante-trois affiches furent ainsi créées, chacune par un artiste différent. La diversité des personnalités et des styles donne une idée de l’étendue de l’intérêt des milieux artistiques pour l’affiche.


Henri de Toulouse-Lautrec : Salon des Cent. Exposition internationale d'affiches, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Bourgerie & Cie (Paris)

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James Ensor (1860-1949) : Salon des Cent - Exposition [...] de l'œuvre de James Ensor, 1898, lithographie en couleurs
Alphonse Mucha : Salon des Cent - XXe exposition du Salon des Cent, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Ferdinand Champenois (Paris)
Eugène Grasset : Salon des Cent - Exposition d'une partie de l'œuvre de E. Grasset, 1894, lithographie en couleurs, G. de Malherbe, imprimeur-éditeur (Paris)
Frédéric-Auguste Cazals (1865-1941) : 7° exposition du Salon des 100, 1894, lithographie en couleurs, Imprimerie Bourgerie & Cie (Paris)

L'art est dans la rue (II/II)
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Georges Joseph van Sluyters, dit Georges de Feure (1868-1943) : 5e exposition du Salon des Cent, 1894, lithographie en couleurs, Imprimerie Bourgerie & Cie (Paris)
Paul Berthon (1872-1934) : Salon des 100 17e Exposition, 1895, lithographie en couleurs, Imprimerie typographique A. Davy (Paris)
René Hermann-Paul (1864-1940) : Salon des Cent, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie E. Ladam (Paris)
Pierre Bonnard : Salon des Cent - 23° exposition d'ensemble, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)

L'art est dans la rue (II/II)
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Des spectacles pour tous

Les entrepreneurs du spectacle font largement appel à l’affiche illustrée pour attirer les spectateurs, dans ce secteur alors très dynamique et concurrentiel à Paris. Diffusées principalement dans le quartier des Grands Boulevards, ces nombreuses affiches sont posées sur des chevalets devant l’entrée des salles, collées sur les murs ou sur les colonnes Morris. Renouvelées fréquemment, au rythme d’une programmation changeante, elles contribuent à l’essor d’une culture de masse.
Les peintres qui fréquentent ces lieux développent parfois des liens avec certains interprètes, au point d’en prendre en charge l’image : c’est le cas de Toulouse-Lautrec avec les personnalités des cabarets et cafés-concerts, ou d’Alphonse Mucha avec Sarah Bernhardt. Plus généralement, le monde de la scène, du théâtre au cirque, de l’Opéra au cabaret, fascine les peintres et devient un sujet pictural en soi. La familiarité de ces deux milieux, le spectacle et la peinture, s’exprime donc à la fois dans les affiches et dans la pratique picturale.

Albert Guillaume (1873-1942) : À La Scala, 1903, lithographie en couleurs, Imprimerie Minot (Paris)
Eugène Grasset : Théâtre national de l'Odéon, 1890, lithographie en couleurs, Malherbe & Cellot, imprimeurs-éditeurs (Paris)
Henri de Toulouse-Lautrec : Théâtre Antoine La Gitane de Richepin, 1899-1900, lithographie en couleurs, Imprimerie Eugène Verneau (Paris)
Georges Rochegrosse (1859-1938) : Théâtre national de l'Opéra Comique. Louise de Gustave Charpentier, 1900, lithographie en couleurs, Imprimerie Delanchy & Cie (Paris)

L'art est dans la rue (II/II)
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Mucha et Sarah Bernhardt : la construction d’une icône
Sarah Bernhardt est certainement la première comédienne à maîtriser son image. À mesure de sa célébrité grandissante, elle peut exiger d’apparaître à son avantage sur les affiches. Au faîte de sa gloire au milieu des années 1890, sa bonne entente avec Alphonse Mucha se traduit par la création de huit affiches, aussitôt iconiques. Missionné dans l’urgence pour créer l’affiche de Gismonda, Mucha saisit la spécificité de l’actrice qu’il avait déjà dessinée sur scène. Il en propose une vision idéalisée, tout en mettant en avant les accessoires de chacun des rôles qui résument la pièce : la palme du martyr, la fleur de camélia, le glaive sanglant, etc.

Alphonse Mucha : 
Gismonda. Sarah Bernhardt. Théâtre de La Renaissance, 1895, lithographie en couleurs, Imprimerie Lemercier (Paris)
La Dame aux Camélias Sarah Bernhardt Théâtre de La Renaissance, 1899, lithographie en couleurs, Imprimerie Ferdinand Champenois
​Médée -Théâtre de La Renaissance Sarah Bernhardt, 1898, lithographie en couleurs, Imprimerie Ferdinand Champenois
Projet pour l'affiche Médée, 1898, fusain sur papier
Eugène Grasset : Jeanne d'Arc
- modèle refusé par Sarah Bernhardt
- modèle accepté
1890, chromotypographie, Imprimerie Draeger & Lesieur (Paris)
Grasset conçoit cette affiche lorsque Sarah Bernhard reprend la pièce Jeanne d'Arc de Jules Barbier, en 1890 au théâtre de la Porte Saint-Martin. Figure centrale de la composition, elle est également mise à l'honneur par son nom inscrit en bas de l'affiche, aussi grand que le titre de la pièce. Pour autant, la comédienne a refusé la première version: son visage, tourné vers le ciel, était moins reconnaissable, et la tenue dévoilant ses jambes contredisait la gravité qu'elle insufflait à son personnage.

L'art est dans la rue (II/II)
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Auguste Gorguet (1862 - 1927), Manuel Orazi (1860 - 1934) : Théodora, 1884, lithographie en couleurs, Imprimerie Delanchy, Ancourt et Cie (Paris)
Théophile Alexandre Steinlen : Tournée du Chat Noir de Rodolphe Salis, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)
Henri de Toulouse-Lautrec :
Aristide Bruant dans son cabaret, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Le deuxième volume de Bruant illustré par Steinlen vient de paraître, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Tous les soirs. Bruant au Mirliton, 1893, lithographie en couleurs, ​​​​​​​Imprimerie Chaix (Paris)
« Le Mirliton » désigne à la fois le cabaret personnel de Bruant, ouvert en 1885 à Montmartre, et la revue hebdomadaire dans laquelle il publie ses textes, de 1885 à 1906. La revue est en général illustrée par Steinlen, mais c'est à Toulouse-Lautrec, habitué de ses soirées, qu'il demande de composer ses affiches. Le peintre contribue puissamment à construire le personnage de Bruant, dans son habit de chasseur : large veste de velours, bottes, chapeau, qui résument si bien la figure du chansonnier qu'il peut être représenté de dos ; une posture aussi irrévérencieuse que ses chansons.

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Henri de Toulouse-Lautrec :
Jane Avril. Jardin de Paris, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Bourgerie & Cie (Paris)
Divan japonais, 1893, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Situé au 75 rue des Martyrs, à Montmartre, le Divan Japonais, dont Toulouse-Lautrec est un habitué, accueille les spectateurs dans un décor japonisant. Les spectateurs représentés au premier plan sont la danseuse Jane Avril et l'écrivain et critique musical Édouard Dujardin, traits d'union entre la salle et la scène.
May Milton : épreuve avec remarque, 1895, lithographie en couleurs
May Belfort, 1895, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Leonetto Cappiello : Folies-Bergère Tous les soirs spectacle varié,  1900, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Théophile Alexandre Steinlen : Ambassadeurs Yvette Guilbert, 1894, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)

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Le spectacle de l’altérité
À côté des premières vedettes dont les noms s’imposent sur les affiches, l’univers du spectacle repose largement sur une mise en scène du « monde » vu de Paris. Les spectateurs sont invités à découvrir les prétendus représentants de sociétés lointaines, colonisées par les empires occidentaux. Les affiches insistent donc sur les traits pittoresques – costumes, accessoires – dans des numéros spécialisés réputés « inédits ». Le corps des individus fait aussi partie du spectacle : orné et vêtu selon des codes inconnus du public, il est montré comme doté de capacités différentes telles que la force, la souplesse et le sens de l’équilibre. Ces nombreuses affiches posent les bases de représentations fondées sur l’essentialisation des individus, leur réduction à des caractéristiques fantasmées.

Jules Grün (1868-1938) : Bal Tabarin, 1904, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Jules Chéret :
Folies-Bergère. La Musique de l'avenir par les Bozza, 1881, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Folies-Bergère Les Hanlon-Lees, 1878, lithographie en couleurs, Imprimerie Jules Chéret (Paris)
Anonyme : Folies Bergère Le Tatoué, 1874, lithographie en couleurs, Imprimerie Émile Lévy (Paris)

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Anonyme : Folies Bergère. Awata le célèbre jongleur japonais, vers 1895, lithographie en couleurs, Imprimerie François Appel (Paris)
Henri-Gabriel Ibels : Andrée Sumac dans ses boniments, vers 1897, lithographie en couleurs, Imprimerie E. Malfeyt & Cie (Paris)
Manuel Orazi : L'Hippodrome, 1905, lithographie en couleurs, Imprimerie Société d'impressions et d'art industriel (Paris)
Jules Chéret : Hippodrome, 1885,  lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Marcellin Auzolle (1862-1942) : Cinématographe Lumière, 1896, lithographie en couleurs, Imprimerie Eugène Pichot (Paris)
À la fin du XIXe siècle, un nouveau divertissement apparaît, le cinéma, notamment grâce à l'entreprise des frères Lumière. Rapidement populaire, il est au départ montré dans les salles de spectacle, dont beaucoup deviennent des cinémas après la Grande Guerre. Les musiciens habitués de l'établissement peuvent accompagner les films alors dénués de bande-son. On retrouve dans cette affiche une des manières usuelles d'évoquer le spectacle, en montrant autant le film que la salle, où se divertit un public familial.

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Dernière grande section de l'exposition :

La politique est dans la rue

L’âge d’or de l’affiche artistique advient dans une période marquée par des préoccupations d’ordre social, dans une IIIe République travaillée par une aspiration à de profonds changements. Considérant que « le peuple s’instruit dans la rue autant que dans la classe », l’architecte Frantz Jourdain pose la question de la responsabilité sociale de l’artiste en 1892, dans un article au titre fort : « L’art dans la rue ». Accessible à tous, l’affiche est mise au centre du débat sur l’art social par de nombreux auteurs tels Roger Marx, Joris-Karl Huysmans ou encore Gustave Kahn. Lieu de diffusion de l’affiche, la rue est aussi devenue un espace d’expression à part entière pour les citoyens. Moins violente qu’autrefois, la vie politique voit s’affirmer de nouvelles pratiques, comme les manifestations de rue. C’est dans ce contexte, marqué par une montée des extrêmes dans la capitale, qu’apparaissent les premières affiches illustrées politiques.

À l'entrée de la salle, un sombre tableau de Fernand Pelez (1848-1913) : Sans asile, 1883, huile sur toile.

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Léon Choubrac dit Hope (1847-1885) : Le Dernier Jour de la Commune Grand panorama, 1883, lithographie en couleurs, Imprimerie Franc (Paris)
Anonyme : Histoire d'un crime par Victor Hugo, 1878, lithographie en couleurs, Imprimerie Jules Chéret (Paris)
Relatant le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, Histoire d'un crime. Déposition d'un témoin est un essai éminemment politique. Hugo en décide la publication par livraisons à partir de 1877, dans le contexte de crise que traverse la III République face à la menace d'une restauration monarchique. L'affiche met en scène le corps du député républicain Alphonse Baudin, mort sur les barricades, gisant sur une pierre brisée représentant la loi. La tache rouge de l'écharpe ensanglantée du député trouve un écho dans le sang versé au sol et met l'accent sur la République martyrisée.
Jules Chéret :
La Terre par E. Zola, 1889
L'Argent Roman inédit par E. Zola, 1890
Lithographies en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)

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Fernand Pelez : Gare. Voilà la vache enragée, 1897, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Destinées à créer un fond d'entraide pour les artistes pauvres, les « vachalcades » sont des défilés carnavalesques organisés à Montmartre en 1896 et 1897 sous l'impulsion d'Adolphe Willette et avec le soutien de Jules Roques, patron du journal satirique Le Courrier français.
Léon Choubrac dit Hope : Les Débauches d'un confesseur par Léo Taxil et Karl Milo, 1884, lithographie en couleurs, Imprimerie de la Librairie anticléricale Marie Jogand (Paris)
Jules Chéret : Zézette par Oscar Méténier, 1890, lithographie en couleurs, Imprimerie Chaix (Paris)
Fils de commissaire de police, fondateur du théâtre du Grand Guignol, Oscar Méténier se passionne pour les bas-fonds urbains et les crimes, qu'il met en scène dans ses œuvres. Dans Zézette, il explore le milieu forain dont il décrit la misère et les turpitudes supposées. La scène violente représentée ici constitue le paroxysme de l'intrigue: un cadavre sanguinolent livré en pâture à des fauves de ménagerie rugissants. Ce type de représentation, qui flatte le goût pour le sordide, est largement répandu dans les affiches de romans-feuilletons.

L'art est dans la rue (II/II)
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Théophile Alexandre Steinlen : Le Journal publie Paris par Émile Zola, 1897, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)
Henri de Toulouse-Lautrec :
Au pied de l'échafaud Mémoires de l'Abbé Faure, 1893, lithographie en couleurs
Reine de Joie. Par Victor Joze, 1892, lithographie en couleurs, Imprimerie Edward Ancourt (Paris)
Cette affiche fait la promotion de Reine de joie, mœurs du demi-monde, une nouvelle publiée par Victor Joze en 1892. L'écrivain y dépeint les relations d'une courtisane avec différents amants, parmi lesquels un riche banquier juif. L'affiche illustre l'un des passages du récit qui recourt à des stéréotypes ouvertement antisémites.

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Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937) : La Fronde, 1898, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)
Fondé par la journaliste Marguerite Durand, le premier numéro de La Fronde paraît le 9 décembre 1897. Dans le paysage médiatique de la fin du siècle, ce quotidien se singularise par sa conception inédite : pour la première fois, un titre est dirigé, administré, rédigé et composé exclusivement par des femmes. En 1898, sa directrice fait appel à la jeune artiste Clémentine-Hélène Dufau pour promouvoir le journal. Elle dessine une affiche d'un féminisme explicite, qui mêle des femmes de toutes classes sociales regardant vers l'avenir.
Théophile Alexandre Steinlen : Le Petit Sou Journal de défense sociale, 1900, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)
Jules Grandjouan (1875-1968) : La Révolution, quotidien, 1906, lithographie en couleurs
Eugène Cadel (1862-1941) : Demandez partout l'Assiette au beurre, 1901, lithographie en couleurs, La Lithographie nouvelle (Asnières)
L'Assiette au beurre est un hebdomadaire satirique créé en 1901. De tendance anarchisante, le journal propose une formule innovante, se singularisant par la rareté du texte au profit d'illustrations en couleurs en pleine page, voire en double page. De nombreux artistes de premier plan, comme Jossot, Steinlen, Willette, van Dongen, ou encore Vallotton y collaborent.

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Eugène Ogé (1861-1936) : La Lanterne. Journal Républicain Anti-clérical. Voilà l'ennemi!, 1902, lithographie en couleurs, Imprimerie Charles Verneau (Paris)
Henri Gustave Jossot (1866-1951) : L'Action. À bas les calottes!, 1903, lithographie en couleurs, Imprimerie Bourgerie & Cie (Paris)
Durant les années qui précèdent la loi de séparation des Églises et de l'État en 1905, la France est profondément divisée sur la question religieuse, qui oppose deux blocs antagonistes. En 1902, la nomination d'Émile Combes à la présidence du Conseil marque la victoire des anticléricaux, qui luttent contre l'ingérence de l'Église dans les affaires publiques. Conçue pour le lancement du journal L'Action, cette affiche témoigne de la virulence des attaques que se livrent les deux camps.

L'art est dans la rue (II/II)
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Louis-Alexandre Gosset de Guines dit André Gill (1840-1885) : Élections législatives du 2 février 1879. Arrondissement de Pontivy, 1879, impression photomécanique coloriée, Imprimerie La Bilette (Paris)
Alors que la production d'affiches illustrées se développe dans tous les domaines, les affiches électorales restent des placards de texte, sans image, jusqu'en 1914 et au-delà. Cette affiche d'André Gill constitue donc une des rares exceptions. Le grand dessinateur, caricaturiste et patron de presse poursuit son combat ici en soutenant le candidat « ami de la République » et du suffrage universel contre le réactionnaire « ami du Roi ». 
Adolphe Léon Willette (1857-1926) : Ad. Willette candidat antisémite, 1889, lithographie en noir
Peintre, caricaturiste, illustrateur et affichiste, Willette se présente comme « candidat antisémite » lors des élections législatives de 1889. Accueillie comme un canular, sa candidature ne recueille que 23 suffrages. L'affiche qu'il conçoit est symptomatique du développement d'un antisémitisme racial en France à partir des années 1880, marquées par le succès du pamphlet La France juive d'Édouard Drumont.
Anonyme : L'Ennemi, c'est lui, 1910, lithographie en couleurs, Imprimerie Affiches Belleville (Paris)
Sous la Ille République, l'influence politique et sociale de la franc-maçonnerie, à son apogée, s'accompagne d'une forte poussée d'hostilité à son encontre. L'antimaçonnisme touche les milieux catholiques, mais aussi le mouvement ouvrier où elle a pu être considérée comme une complice de la bourgeoisie et du capital.

L'art est dans la rue (II/II)
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Terminons sur deux affiches syndicales de Jules Grandjouan :
Public, apprends que chaque semaine les accidents de travail tuent trois des nôtres, 1910, lithographie en couleurs, Imprimerie du Syndicat (Paris)
Les victoires de la Ille République !!! Villeneuve Saint Georges, 1908, lithographie en couleurs, Union des Syndicats du département de la Seine, éditeur

et deux affiches d'Abel Faivre (1867-1945) faisant appel au civisme et à l'épargne des Français :
On les aura! 2e Emprunt de la Défense nationale, 1916
Pour la France versez votre or, 1915
Lithographies en couleurs, Imprimerie Devambez (Paris)

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