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Dans le flou - Une autre vision de l'art de 1945 à nos jours

7 Juin 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Au musée de l'Orangerie, une exposition qui sort un peu de l'ordinaire, consacrée au "flou". Les commissaires la présentent ainsi :

Les Nymphéas ont longtemps été regardés par les artistes ou étudiés par les historiens comme le parangon d’une peinture abstraite, all over, sensible, annonciatrice des grandes installations immersives à venir. En revanche, le flou qui règne sur les vastes étendues aquatiques des grandes toiles de Monet est resté un impensé. Ce flou n’avait pas échappé à ses contemporains, mais ils y voyaient l’effet d’une vision altérée par une maladie oculaire. Il nous semble aujourd’hui pertinent et plus fécond d’explorer cette dimension de l'oeuvre tardif de Monet comme un véritable choix esthétique dont la postérité doit être mise au jour.

Prologue

L'esthétique du flou apparaît bien avant la période moderne. Elle donne de l'imprécision à certains contours, joue des effets vaporeux dans le paysage et, jusqu'au flou atmosphérique des œuvres de William Turner, gagne progressivement le premier plan des tableaux. À la fin du XIXe siècle, l'impressionnisme marque véritablement un tournant ; le flou y culmine, au point que la figure se dissout. Dans le même temps, la photographie naissante s'empare du potentiel esthétique induit par la nature même de son procédé mécanique et fait du flou le signe de la subjectivité de son auteur. Cette affirmation de la vision de l'artiste trouve un écho dans les créations des symbolistes. En explorant leur moi intérieur, ceux-ci révèlent par le trouble ce que la vision nette dissimule d'ordinaire à la conscience.

Joseph Mallord William Turner (1775-1851) : Paysage avec une rivière et une baie dans le lointain ou Confluent de la Severn et de la Wye, vers 1845, huile sur toile
 

Dans le flou - Une autre vision de l'art de 1945 à nos jours

Claude Monet (1840-1926) : Le Bassin aux nymphéas. Harmonie rose, 1900, huile sur toile
Auguste Rodin (1840-1917) : Dernière vision, L'Étoile du matin ou Avant le naufrage, 1902, marbre
À partir du milieu des années 1890, le sculpteur Auguste Rodin fait évoluer son esthétique, floutant les contours de ses marbres, faisant vibrer la matière. Comme Eugène Carrière en peinture, comme Edward Steichen dans ses tirages photographiques, il semble voir désormais toute chose comme «à travers un imperceptible voile». 
Eugène Carrière (1849-1906) : Portrait de Rodin, vers 1900, huile sur toile
Julia Margaret Cameron (1815-1879) : Mrs Herbert Duckworth (Julia Jackson), 1872, épreuve au charbon

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Edvard Munch (1863-1944) : L'Œil malade de l'artiste. Nu agenouillé avec un aigle, 1930, aquarelle sur papier
Dans les années 1930, le peintre norvégien Edvard Munch est atteint d'une maladie oculaire. Une hémorragie de la rétine atteint son œil droit, alors qu'il souffrait déjà d'une acuité réduite à gauche. Il peint et note au jour le jour les effets de cette dégénérescence, intégrant les taches noires qui perturbent sa vision à ses compositions.
Medardo Rosso (1858-1928) : Ecce Puer, 1906, bronze
Georges Seurat (1859-1891)  : La Voilette, non daté, crayon Conté
Odilon Redon (1840-1916) : L'Œil au pavot, 1892, fusain, estompe, traces de gommage, grattage, rayures et traits d'encadrement au crayon rouge sur papier vergé
Edward Steichen (1879-1973) : Balzac - The Silhouette, 4 a.m., 1911, héllogravure

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Aux frontières du visible

En jouant des effets du flou, les artistes questionnent nos modes de perception, proposent de revenir à la source du regard, et nous poussent ainsi à nous défaire d'une lecture univoque du réel. Ils interrogent les lisières du visible, reprenant le vocabulaire de l'imagerie scientifique, de la vision de l'inframince à l'immensité du cosmos (Gerhard Richter, Sigmar Polke ou Thomas Ruff). Ils font vaciller les repères traditionnels de la représentation, jouant de l'indis- tinct plutôt que de l'opposition entre figuration et abstraction (Mark Rothko, Hiroshi Sugimoto, Hans Hartung). Par des effets optiques, ils mettent à l'épreuve le regardeur en stimulant son acuité vi- suelle avec malice (Wojciech Fangor, Ugo Rondinone, Vincent Dulom). En déstabilisant le regard, le flou tend à rendre la vision consciente d'elle-même.

Sigmar Polke (1941-2010) : Pasadena, 1968, huile et peinture acrylique sur toile
Cette peinture est tirée d'une photographie de la première mission Surveyor (1966-1968) destinée à capturer des images de la surface lunaire. En imitant la trame de l'image telle qu'elle a été diffusée dans la presse, Polke tourne en dérision le choc de cette vision qui ne montre rien.
Clémence Mauger (née en 1991) : Darker Shines Planet of Grapes Deep Blowing, 2023, encre de Chine sur papier
Ugo Rondinone (né en 1964) :
N°42 VIERZEHNTERJANUARNEUNZEHNHUNDERTDREIUNDNEUNZIG, 1996, acrylique sur toile
Wojciech Fangor (1922-2015) : N 17, 1963, huile sur toile de jute

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Laure Tiberghien (née en 1992) : 499#2, 2023, tirage chromogène unique
Thomas Ruff (né en 1958) : ma.r.s.01_III, 2011, tirage chromogène sous Diasec
Cette œuvre appartient à une série que l'artiste, passionné d'astronomie, consacre à Mars. Il travaille d'après des photographies haute résolution de la surface de la planète, prises par un satellite de la NASA. Si l'œil peine à lire cette image, c'est que le photographe l'a ensuite retouchée numériquement par compression et ajout de couleurs, réduisant ainsi sa qualité. Sous l'apparence de la réalité, cette représentation n'est que la vision imaginaire et fantasmée d'une planète qui reste inaccessible aux regards humains.
Hiroshi Sugimoto (né en 1948) : English Channel, Weston Cliff - Lake Michigan, Gills Rock - Sea of Japan, Hokkaido - North Pacific Ocean, Mount Tamalpais, 1994, 1995, 1987, 1994, tirages gélatino-argentiques
Albert Oehlen (né en 1954) [notre billet du 11 janvier 2025] : Untitled, 2016, huile sur toile

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Vincent Dulom (né en 1965) : Hommage à Monet, 2024, jet d'encre sur toile (unique)
Vincent Dulom produit ses peintures en déposant sur la toile, en un unique passage, une pellicule de pigments par le biais d'une imprimante. Ce procédé produit un halo qui émerge à la surface du support en offrant d'infimes variations vibratoires. Au gré de ses tentatives d'accommodation, l'œil voit des nappes colorées apparaître, des nuances chromatiques se préciser, une dissipation progressive de la forme advenir.
Claire Chesnier (née en 1986) : 140223, 2023, encre sur papier
Mark Rothko (1903-1970) [nos billets du 2 mars et du 16 mars 2024] : Untitled, 1948, huile sur toile
Cette toile est réalisée peu après le passage de l'artiste à l'abstraction. Rothko y superpose des couches de peintures diluées, Jouant sur l'intensité des couleurs, l'irrégularité des formes, et leur distinction avec le fond de la tolle. Le peintre propose ainsi une expérience à la fols perceptive et corporelle, celle de l'observation sur le temps long, pour saisir l'atmosphère, mouvante et nuageuse, de la peinture. «J'utilise des bords estompés. J'al dit qu'ils sont atmosphériques, donc ils suscitent une réaction atmosphérique.» Le flou procède ici pleinement de son cheminement vers le color field (champ coloré).
Yves Klein (1928-1962) : La Marque du feu (F85), 1961, carton brûlé sur panneau

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Gerhard Richter (né en 1932) : Appearance (Schein), 1994, huile sur toile
Hans Hartung (1904-1989) [nos billets du 15 février et du 25 février 2020] : T1982-H31, 1982, acrylique sur toile
Daniel Turner (né en 1983) : Oxnard Burnish (03.07.24), 2024, Gesso, lanoline et cuivre bruni sur toile
Artiste installé à New York, Daniel Turner accorde beaucoup d'importance aux matériaux employés qui lui permettent de donner forme à des récits ancrés dans un territoire donné. Pour réaliser cette toile, l'artiste a extrait des composants en cuivre contenus dans des tuyaux prélevés dans la centrale électrique désaffectée d'Oxnard, au sud de Los Angeles. Ces composants ont ensuite été transformés en laines de cuivre raffinées, prenant la forme de filaments abrasifs. Ces sortes d'éponges métalliques ont été frottées sur la toile pour créer des ombres voilées, présences fantomatiques et images poétiques de ce lieu aujourd'hui déserté.
Claudio Parmiggiani (né en 1943) : Polvere, 1998, fumée et suie sur panneau
Le travail de Parmiggiani s'inscrit dans la lignée de l'Arte Povera [nos billets du 1er février et du 8 février 2025], mouvement italien des années 1960 dont les moyens de création s'opposent à la logique productiviste de la société de consommation. En créant un feu contrôlé, l'artiste laisse ici se former une fine pellicule de suie sur les étagères de sa bibliothèque recouverte d'ouvrages. Une fois le mobilier enlevé, se dessine en négatif une empreinte aux contours vaporeux. «Il ne restait que les ombres des choses, presque les ectoplasmes de formes disparues, évanouies, comme les ombres des corps humains vaporisés sur les murs d'Hiroshima.»

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Érosion des certitudes

C'est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que l'on voit véritablement se déployer la dimension proprement politique de l'esthétique du flou. Après la découverte des camps de concentration, face à l'impossibilité de représenter l'irreprésentable, le flou vient voiler une réalité que le regard ne peut soutenir. Dans le même temps, il vient aussi nous forcer à faire la mise au point, nous obligeant de ce fait à nous attarder sur l'image, à regarder cette réalité en face. Remettant en question le statut et la valeur de l'image, les artistes proposent une vision à la fois poétique et désenchantée des tragédies qui ont traversé l'histoire du xxe siècle, jusqu'aux crises les plus actuelles.

Christian Boltanski (1944-2021) : 
École de Grosse Hamburgerstrasse (Les enfants cachés), 2005, huile sur tirage argentique noir et blanc
Kaddish: Menschlich, Sachlich, Örtlich, Sterblich, 1998, Paris, musée d'Art moderne de la Ville de Paris et Munich, éditions Gina Kehayoff
Menschlich, 1994, Aachen, Leipzig, Paris, Thouet, W. König
Artiste plasticien français né en 1944 d'un père juif ayant échappé à la déportation, Christian Boltanski questionne la mémoire individuelle et collective en exploitant la dimension funèbre propre à la photographie. Dans ses livres comme dans cette œuvre, Boltanski recourt à des portraits anonymes flous obtenus souvent par reproduction de reproduction. Ce procédé brouille l'identité des sujets et renvoie l'image universelle d'une humanité dans laquelle chacun peut se reconnaître.
 

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Bracha Lichtenberg Ettinger (née en 1948) :
Medusa (series), 2012, encre de Chine, pigments et cendres photoscopiques, aquarelle, crayon de couleur et craie sur papier
Aerial Views (series), 1985/2018-2021, encre de Chine, poudre de toner au carbone, pigment et cendres photocopiques, aquarelle et crayon de couleur sur papier
Eurydice - Pieta (series), 2013-2018, encre de Chine, pigment, cendres photocopiques et aquarelle sur papier
Zoran Mušič (1909-2005) : Enclos primitif, 1960, huile sur toile

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Krzysztof Pruszkowski (né en 1943) : Quinze miradors du camp d'extermination de Majdanek (Pologne), 1992, Fotosynteza, sels d'argent sur papier
Le photographe Krzysztof Pruszkowski développe, à partir de 1975, un nouveau procédé qu'il appelle «photosynthèse». Il photographie plusieurs fois le même motif, en le superposant avec un léger écart, pour créer une image synthétique. Il produit ainsi, par ce léger chevauchement, une image vibrante, presque spectrale, qui modifie la perception de la réalité et la trace que notre mémoire va en conserver.
Christer Strömholm (1918-2002) : Child in Hiroshima, 1963, tirage argentique d'époque
Thomas Ruff (né en 1958) : jpeg ny01, 2004, tirage chromogène sous Diasec
Gerhard Richter (né en 1932) : September, 2005, huile sur toile
Cette tolle représente la collision du premier avlon sur la tour nord du World Trade Center, le 11 septembre 2001 à New York.
 

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Miriam Cahn (née en 1949) : das schöne blau, 2008 + 28.05.2017, huile sur toile
Artiste activiste et féministe, Miriam Cahn envisage son œuvre comme une caisse de résonance des conflits contemporains et de leur médiatisation. Ici, des figures humaines diaphanes affrontent silencieusement une situation dans laquelle leur corps se dissout, exposées dans toute leur fragilité. Les personnages se fondent dans un environnement aquatique sur le point de les aspirer dans les profondeurs. Commencé en 2008, ce tableau est inspiré par les images de migrants fuyant l'Afrique du Nord en traversant la Méditerranée au péril de leur vie.
Philippe Cognée (né en 1957) : Métamorphose I, 2011, peinture à la cire sur toile
La technique singulière de Philippe Cognée consiste à reproduire des images photographiques en utilisant une peinture encaustique de pigments mêlés à de la cire d'abeille.
Luc Tuymans (né en 1958) : Sniper, 2009, huile sur toile
Peintre de la banalité du mal, l'artiste belge Luc Tuymans travaille d'après des images glanées dans les médias.
Estefanía Peñafiel Loaiza (née en 1978) : Un air d'accueil, 2013-2019, photographie reproduite sur papier peint
Née en Équateur et installée en France depuis 2002, Estefanía Peñafiel Loaiza s'intéresse à l'histoire et à la mémoire des lieux et des personnes qui les traversent. Dans cette série, elle prend comme source les systèmes de vidéosurveillance empêchant les migrants de traverser les frontières terrestres.
Nicolas Delprat (né en 1972) : Zone 3, 2007, acrylique sur toile
Cette toile appartient à une série plus large dans laquelle le spectateur est confronté à la représentation d'un grillage grandeur nature.

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Éloge de l'indistinct

Le monde est flou, quoi que nous fassions pour en dessiner les contours. Toute mise au point n'est finalement qu'éphémère. L'identité, elle aussi, est floue, insaisissable, constamment changeante (Oscar Muñoz, Hervé Guibert, Bertrand Lavier). Entre mémoire incertaine du passé (Eva Nielsen) et refus d'une représentation figée au présent (Mame-Diarra Niang), le flou devient une quête d'identité. Résultat d'une forme de naïveté technique, mais aussi garantie de la spontanéité du moment saisi, le flou de la photographie amateur capte la vie là où elle est la plus réelle et donne à voir ce qui échappe souvent au regard. Les effets de défiguration permis par cette esthétique révèlent parfois aussi la part d'animalité qui traverse la représentation humaine (Francis Bacon, Pipilotti Rist).

Alfredo Jaar (né en 1956) : Six Seconds, 2000, impression jet d'encre pigmentaire
Artiste, architecte et réalisateur chilien, Alfredo Jaar questionne dans son travail la possibilité de produire une œuvre d'art à partir d'événements déformés par leur médiatisation. Six Seconds est la dernière pièce d'un projet de plus de six ans consacré au génocide rwandais. «C'est l'image d'une jeune fille de dos. Cette jeune fille avait été témoin de la scène où son père et sa mère se font tuer à coups de machette. J'avais pris un rendez-vous avec elle pour qu'elle me raconte son histoire. Mais quand elle est arrivée, elle a changé d'avis (...) Au moment où elle se retourne et rebrousse chemin, je saisis mon appareil et prends une photo sans vraiment faire le point, d'où le flou. Cette image floue représente mon incapacité à raconter l'expérience de cette femme ou l'expérience du Rwanda.» 
Gerhard Richter : I.G., 1993, huile sur toile
Alberto Giacometti (1901-1966) : Figurine, vers 1947, bronze
Hiroshi Sugimoto (né en 1948) : Past Presence 071, L'Homme qui marche II,  Alberto Giacometti, 2016, tirage argentique

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Antoine d'Agata (né en 1961) : Service Covid-19, Hôpital Bagatelle, Bordeaux, mai 2020, impression jet d'encre pigmentaire sur papier Hahnemühle
Pendant le confinement, Antoine d'Agata réalise deux séries
de photographies à la caméra thermique, dans les rues et à l'hôpital. Il s'approprie ainsi une technologie de surveillance et de reconnaissance conçue à des fins scientifiques et militaires. Ces photographies d'un nouveau genre témoignent de la solitude forcée par l'interdiction des contacts physiques, mais aussi du soin porté aux personnes hospitalisées pendant cette période. Il en résulte des images aux contours flous, presque brûlés. Les traits des visages sont comme avalés par la lumière émanant des radiations infrarouges. Les corps s'en trouvent tout à la fois anonymisés et sublimés.
Eva Nielsen (née en 1983) : Scope (6), 2021, acrylique, encre de Chine sur toile et organza imprimé
Artiste franco-danoise, Eva Nielsen explore la perméabilité entre peinture et photographie par l'usage de la sérigraphie sur toile.
Christian Boltanski : LOST, New York Projects, 1995, boîte en fer-blanc, photo et objet
Thomas Lélu (né en 1976) : Manuel de la photo ratée, 2007, Paris, éditions Léo Scheer

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Anonyme : Ensemble de 103 photographies amateur collectionnées par Sébastien Lifshitz, examinés par une visiteuse attentive

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Mame-Diarra Niang (née en 1982) : Morphologie du rêve #6, 2021, impression jet d'encre sur papier métallique photo rag, édition de 7+ 2AP
Artiste et photographe française, Mame-Diarra Niang explore dans ses photographies récentes l'identité du corps noir, refusant toute tentative de définition ou de narration qui reposerait sur les siècles d'histoire de la représentation occidentale. Elle cherche ainsi à l'abstraire, à travers ce qu'elle appelle des formes de non-portraits.
Bertrand Lavier (né en 1949) : MERION, 2024, peinture et gel médium acryliques sur bois et Dibond® 
Francis Bacon (1909-1992) : Figure Crouching, 1949, huile et sable sur toile

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Et pour finir, la dernière section de l'exposition, au titre aussi énigmatique que les précédentes :

Incertains futurs

La spiritualité, abordée sous l'angle des lieux ou des gestes sacrés saisis par Hiroshi Sugimoto et Y.Z. Kami, résonne comme une réponse possible aux incertitudes contemporaines. Capturé pendant le confinement de 2020, le bouquet de Nan Goldin vient souligner la beauté et la fugacité d'un quotidien troublé dans un monde en perte de repères. La question du temps, qu'il s'agisse de celui donné par l'horloge faussement numérique de Marteen Baas, ou du futur imprévisible annoncé par Mircea Cantor, s'expose comme objet de contemplation et d'interrogation existentielle. Paradoxalement, le flou se fait à la fois symptôme d'une époque troublée et condition d'un réenchantement, signe d'une inquiétude et espace de réinvention des possibles.

Léa Belooussovitch (née en 1989) : Sequoia National Forest, Californie, États-Unis, 27 septembre 2021, série Brasiers, 2023, dessin au crayon de couleur sur feutre de laine
Léa Belooussovitch réalise des dessins aux crayons de couleur sur feutre de laine à partir d'images médiatiques. Appliquée sur ce matériau textile isolant, la couleur se répand en profondeur, sans limite apparente, et crée un trouble dans l'œil comparable à celui d'une nuée ardente en train de tout consumer sur son passage.
Gerhard Richter : Blumen (815-1), 1994, huile sur toile
Nan Goldin (née en 1953) : 1st Days in Quarantine, Brooklyn, NY, 2020, impression jet d'encre pigmentaire
La photographe et activiste américaine Nan Goldin a toujours affronté dans son œuvre, sans détourner le regard mais en leur donnant forme, la douleur et l'angoisse. Ce bouquet posé sur une table devant une fenêtre possède pourtant le charme désuet des natures mortes classiques. Le flou qui y règne semble y apporter une touche de poésie nostalgique. Si ce n'étaient ces deux dessins de crânes, symboles de danger, discrètement apposés sur un papier collé à la vitre. Nous sommes tous mortels, nous rappelle cette image, moment suspendu, volé par l'artiste alors qu'elle voyait les fleurs se faner, pétale par pétale, pendant qu'elle était confinée lors de la première vague de COVID-19.
Maarten Baas (né en 1978) : Real Time Analog Digital Clock, 2009, vidéo sans son, 12 heures

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Y.Z. Kami (né en 1956) : 
Hands, 2019, huile sur toile de lin
Untitled (Hand) I, 2013, huile sur toile de lin
Né à Téhéran en 1956, Y.Z. Kami vit et travaille à New York depuis 1984. Dans son œuvre peint, réalisé à partir de ses propres photographies, il explore le flux entre matière et esprit et cherche à évoquer le sentiment d'une présence. Ces deux peintures prennent leur source dans des fragments de portraits de proches: la main d'une femme indienne détentrice d'une pratique ancestrale de danse sacrée, et les mains Jointes d'un moine bouddhiste.
Hiroshi Sugimoto : Chapelle Notre-Dame du Haut, Ronchamp, 1998, tirage gélatino-argentique

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À la sortie de l'exposition, Mircea Cantor (né en 1977) : Unpredictable Future, 2015, caisson lumineux
Artiste d'origine roumaine, installé en France à la fin des années 1990, Mircea Cantor se définit comme «artiste du monde». Il interroge les failles de notre société contemporaine au travers d'une œuvre poétique plurielle.
Dans Unpredictable Future, il photographie la trace tremblante laissée par son doigt sur une vitre embuée. Du même coup, il conserve à dessein la petite faute d'orthographe en anglais (« unpredicteble ») du jeune artiste. De ce «futur imprévisible», il propose avec autodérision d'accepter le sort, rendant pérenne un acte éphémère, et fixant sur la pellicule l'instabilité du futur, entre espoir et inquiétude.

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