Berthe Morisot (1841-1895) - 1/2

Avant de partir pour notre villégiature bretonne, nous avons visité une dernière exposition parisienne dont nous tenons à vous faire profiter. Comme l'avouent les organisateurs :
Pour la première fois depuis son ouverture en 1986, le musée d'Orsay consacre une exposition à l'une des figures majeures de l'impressionnisme, Berthe Morisot (1841-1895). C'est aussi la première manifestation monographique dédiée à cette artiste par un musée national depuis la rétrospective organisée en 1941 au musée de l'Orangerie.
C'est dire combien cette artiste a été éclipsée - bien injustement - par ses amis et contemporains masculins : ce phénomène est d'ailleurs très français, car la plupart des œuvres exposées viennent de musées étrangers : les collectionneurs hors de France, notamment les américains, avaient reconnu depuis longtemps le talent de Berthe Morizot.
Le premier tableau de l'exposition est le seul qui ne soit pas d'elle, mais de sa sœur ainée Edma, épouse Pontillon, (1839-1921), représentant Berthe Morisot en 1865 :
Dans cette première section, Peindre la vie moderne, Edma est d'ailleurs très présente comme modèle, avec sa fille Blanche dans Le Berceau, 1862
ou dans Jeune femme à se fenêtre dit aussi Portrait de Mme Pontillon ,1969
ou encore Portrait de Mme E.P. ,1871
Dans la même section, Les Sœurs dit aussi Deux sœurs sur un canapé , 1869
Intérieur, 1872
Dans la section "Mettre une figure en plein air", on voit que Berthe Morisot a très tôt intégré à sa formation le travail en extérieur.
Vue du petit port de Lorient dit aussi Marine, 1869
Marine dit aussi Le Port de Cherbourg, 1871
Femme et enfant au balcon, 1871-1872
Cache-cache, 1873
La Lecture, 1873
Les Papillons, dit aussi La Chasse aux papillons, 1874
Femmes et enfants sur le gazon, dit aussi Les Lilas à Maurecourt, 1874
La Terrrasse, 1874
En Angleterre (Eugène Manet à l'île de Wight), 1875
Dans les blés,1875
Vue d'Angleterre dit aussi Enfants dans l'herbe en Angleterre, 1875
Sur l'herbe dit aussi Sur la pelouse ou Dans le parc, vers 1874
Marine en Angleterre, 1875
Vue d'Angleterre, dit aussi Vue du Solent (Île de Wight) ou Marine en Angleterre, 1875
Changement de décor avec la section suivante Femmes à leur toilette.
Cette peinture de l'intimité chez Berthe Morisot, qui met en scène son propre cadre de vie privé, a eu un destin public. Elle a exposé deux tableaux sur le sujet à l'exposition impressionniste de 1876, introduisant la première ce thème dans les expositions du groupe.
Devant la Psyché, 1890
La Psyché, 1876
Nu de dos, 1885
Jeune femme se poudrant, 1877
Jeune femme de dos à sa toilette, 1875
Le lever, 1885
Modèle au repos, 1887
Cette section se poursuit avec des jeunes femmes illustrant La "beauté de l'être en toilette" :
Pour les impressionnistes, la mode et le vêtement moderne sont des éléments essentiels de la "nouvelle peinture". La mode des tableaux de Morisot n'est pas celle des grands couturiers : elle dépeint les robes élégantes, adaptées par des couturières ou des magasins de prêt-à-porter, pour des jeunes femmes de la grande bourgeoisie parisienne, qui, comme l'artiste, ne font peut-être pas la mode, mais la suivent.
Jeune fille au chien, 1887
Portrait dit aussi Jeune femme en toilette de bal, 1879
Figure de femme dit aussi Femme en noir (Avant le théâtre), 1875
Jeune femme au divan, 1885
Eté dit aussi Jeune femme près d'une fenêtre, 1879
Hiver, 1880
Paule Gobillard en robe de bal, 1887
Jeune femme en gris étendue, 1879
Nous poursuivrons dans un prochain billet le parcours de cette belle rétrospective.
La balade de Tugdual - Jean-Yves André à Saint-Pabu
Comme chaque année depuis quelque temps, Saint Pabu s'orne pendant l'été d'installations artistiques (cf. nos billets du 29 juillet 2016 et du 18 juillet 2018).
C'est cette année le peintre Jean-Yves André qui en est la vedette. Il vit et travaille à Brest et Argenton-Landunvez, passant du dessin à la gravure, de l'illustration à la peinture, variant aussi les supports: papier, bois, toile, mur, faïence...Son art est marqué par ses voyages au Moyen-Orient, en Australie et ses racines bretonnes...
L'exposition est répartie sur cinq sites de la commune, que nous parcourerons tour à tour.
Commençons par la mairie :
Mandala cornouaillais- Mandala Bro Gernev
Bleu comme un poisson - Glas evel ur pesk
Bigoudènerie en ut majeur - Kan Bro Vigoudenn
Croix celtique - Kroaz Keltiek
Arbre du Léon - Gwezenn Bro Leon
Sur la place Teven-Ar-Reut, nouvellement aménagée autour d'une reproduction "stylisée" de la balise (danger isolé) du Chien, devenue emblème de Saint-Pabu à l'instar de celle (cardinale Est) du Petit Pot de Beurre pour l'Aber Wrac'h...
Cinq œuvres dépourvues de titre...
Surplombant la plage de Korn-ar-Gazel, au pied de la maison des Abers...
Des poissons et autres animaux marins sans titre...
Lézards jumeaux - Glazarded gevell
Mandala glazig - Mandala glazig
Papillon de joie - Balafenn al levenez
Quatre oiseaux - Pevar labous
Une quatrième installation sur le quai du Stellac'h, ornant les toutes nouvelles installations du port...
De gauche à droite, Arbre de vie [Gwezenn ar vuhez] et Poule de Plouescat [Yar Plouescad]
La coupe est pleine - Leun an hanaf
Deux poissons sans titre...
Toute voile dehors - Hatoup
Terminons par l'nstallation réalisée autour de l'église du bourg....
Deux oiseaux sans titre...
Fantaisie quimperoise - Faltazi Kemper
Coeur de Plobalannec - Kalon Pornaleg
Et, pour finir, Le cœur est orange - Orañjez eo ar galon
Je ne voudrais pas terminer ce billet en évoquant l'église de Saint-Pabu, dédiée à Saint-Tugdual (autre nom de Pabu) sans parler de la collecte en cours pour aider la municipalité à la restaurer, comme l’indiquent les banderoles placées sur sa clôture...
Si vous n'avez pas vidé votre tirelire pour Notre-Dame de Paris :
Le « Talisman » de Paul Sérusier - Une prophétie de la couleur

Ce petit tableau de Paul Sérusier autour duquel s'articule l'exposition présentée ce printemps au Musée d'Orsay est aujourd'hui investi, comme l'indiquaient les organisateurs, d'un étrange statut : celui d'une oeuvre que l'on regarde moins pour elle-même que comme une icône de l'histoire de la peinture.
Cette petite étude de plein-air réalisée en Bretagne dans le petit village de Pont-Aven, en octobre 1888, "sous la direction de Gauguin", devient bientôt pour les Nabis (prophètes en hébreu) le symbole d'une véritable révolution esthétique.
Lorsque Sérusier, de retour à l'Académie Julian, présente au groupe de jeunes artistes ce paysage synthétique aux couleurs pures et aux formes simplifiées, ceux-ci en font leur "talisman". Ce dernier rejoint plus tard la collection de Maurice Denis, qui a contribué à en faire une oeuvre fondatrice en livrant le récit de sa création dans un texte publié dans la revue L'Occident en 1903.
L'exposition est introduite par ce petit tableau, avec pour l'anecdote son revers,...
...aux côtés de Intérieur à Pont-Aven, peint à peine quelques mois plus tôt dans cette année 1888 où il rencontre Gauguin...
L'éclosion du synthétisme
Durant l'été 1888, Paul Gauguin et Emile Bernard se retrouvent à Pont-Aven. Commence alors une période d'intense émulation entre les deux artistes qui aboutit à l'éclosion du synthétisme.
Cette quête d'une nouvelle manière de représenter le sujet amène les peintres à rompre définitivement avec l'espace illusionniste.
Ce style novateur se traduit par des procédés picturaux inédits : simplification des formes, utilisation de couleurs pures posées en aplats, emploi d'un cerne foncé pour délimiter les masses.
Charles Laval : Paysage, entre 1889 et 1890
Paul Gauguin : Au-dessus du gouffre, dit aussi Marine avec vache, 1888
Paul Gauguin : Fête Gloanec, dit aussi Nature morte "fête Gloanec", 1888
Emile Bernard : Madeleine au Bois d'Amour, 1888
Emile Bernard : L'Arbre jaune, vers 1888
Emile Bernard : Trois Bretonnes en coiffe de veuve, 1888
Emile Bernard : Le Repos sur la falaise, vers 1890
Emile Bernard : Le Gaulage des pommes, 1890
La Confrérie des Nabis
"Lorsqu'il rentre à Paris après son séjour à Pont-Aven en octobre 1888, Paul Sérusier montre à ses camarades de l'Académie Julian le petit paysage qu'il a peint au Bois d'Amour en compagnie de Gauguin. Son caractère extrêmement novateur est un véritable catalyseur pour ce groupe de jeunes peintres désirant ardemment renouveler le langage artistique.
Ils inventent ensemble le nom de Nabi. Les premiers membres, Sérusier, Denis, Ranson, Piot, Ibels et Bonnard sont bientôt rejoints par Vuillard, Roussel, Verkade, Ballin, Vallotton et Lacombe.
Ils prennent l'habitude de se retrouver régulièrement lors de dîners qu'ils transforment rapidement en simulacres de cérémonies religieuses. Quelques portraits attestent ainsi leurs liens d'amitié. On remarque également dans certains tableaux leur intérêt marqué pour l'ésotérisme et les sciences occultes."
Paul Sérusier : Portrait de Paul Ranson en tenue nabique, 1890
Georges Lacombe : Le Nabi à la barbe rutilante (Portrait de Paul Sérusier), vers 1894
Edouard Vuillard : Le Liseur, dit aussi Portrait de K.-X. Roussel, vers 1890
Paul-Elie Ranson : Le Paysage nabique, dit aussi Le Nabi, 1890
Les icônes des Nabis
Maurice Denis : Le Christ vert, 1890
Maurice Denis : L' Offrande au calvaire, vers 1890
Maurice Denis : Montée au calvaire, dit aussi Le Calvaire, 1889
Maurice Denis : Les Fées, vers 1891
Maurice Denis : La Messe, vers 1890
Maurice Denis :
L' Autel Jaune
La Prière au livre jaune
L'enfant de choeur au cierge
La Cène
1889-1890
Maurice Denis : Taches de soleil sur la terrasse, 1890
Ker-Xavier Roussel : Femme devant un portail vert, vers 1891-1893
"Comment voyez-vous cet arbre ?"
Le Bois d'Amour est depuis longtemps un site d'inspiration privilégié par les artistes résidant à Pont-Aven. Connu pour ses effets pittoresques, il rejoint les aspirations des peintres à se rapprocher d'une nature authentique, investie par les légendes bretonnes d'une aura mystique.
« Comment voyez-vous cet arbre, avait dit Gauguin devant un coin du Bois d'Amour : il est bien vert ? Mettez donc du vert, le plus beau vert de votre palette ; et cette ombre, plutôt bleue ? Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. »
Maurice Denis, "L'influence de Paul Gauguin", L'Occident, octobre 1903
Jan Verkade : Paysage décoratif, vers 1891-1892
Maurice Denis : Les arbres verts, dit aussi Les Hêtres de Kerduel, 1893
Paul Sérusier : La Pluie sur la route, 1893
Paul Sérusier : La Barrière fleurie, Le Pouldu, 1889
Georges Lacombe : Les Pins rouges, vers 1894-1895
Paul Sérusier : Le Bois rouge, vers 1895
Paul Sérusier : Arbres rouges et fougères en automne, vers 1905
Paul Sérusier : Le Champ de blé d'or et de sarrasin, vers 1900
"Une surface plane recouverte de couleurs"
Avec Le Talisman, Gauguin et Sérusier affirment l'importance de la couleur pure et de sa valeur expressive.
Ce tableau "synthétique" aux formes simplifiées propose une nouvelle forme de représentation du paysage, privilégiant la perception visuelle à l'exactitude du rendu.
Les principaux éléments de paysage représentés restent cependant bien identifiables, que ce soient de grandes étendues d'eau ou de verdure.
« Se rappeler qu'un tableau – avant d'être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées »
Pierre Louis [Maurice Denis], "Notes d'art. Définition du néo-traditionnisme", Art et critique, 23 août 1890
Paul Sérusier : Les Laveuses à la Laïta, 1892
Paul Sérusier : Eve bretonne, dit aussi Mélancolie, 1890
Paul Sérusier : Les Blés verts au Pouldu, 1890
Paul Sérusier : Route dorée, dit aussi La Route de Châteauneuf-du-Faou, ou Le Chemin jaune, vers 1903
Mogens Ballin : L'Eglise à Saint-Nolff, vers 1892
Charles Filiger : Paysage rocheux, vers 1891
Georges Lacombe : Marine bleue, effet de vagues, vers 1893
Maurice Denis : Femmes sur le balcon, 1912
Pierre Bonnard : Les Voiliers, régates, vers 1932
Sérusier, peintre et théoricien
Tout au long de sa carrière de peintre, Sérusier mène des recherches plastiques qui le conduisent à établir une véritable théorie du bon usage des couleurs en peinture.
Il livre une grande partie de ses réflexions dans son ouvrage ABC de la peinture publié en 1921. Il y expose ses conclusions sur la relativité des couleurs et les contrastes entre tons chauds et tons froids.(...) Il produit vers 1910 une série de toiles composées de formes géométriques sur des fonds abstraits. Ces œuvres radicales d'une abstraction surprenante mettent en images les interrogations du peintre sur les origines du monde.
Paul Sérusier : Tétraèdres, 1910
Paul Sérusier :
Cercle chromatique
Dissonance chaude/Dissonance froide
vers 1921
Paul Sérusier : Le Cylindre d'or, vers 1910
Charles Filiger : Notations chromatiques, 1915-1928
Du même Charles Filiger, né à Thann en 1863, mort à Brest en 1928 : La Montagne Noire de Thann, vers 1900-1914
et dans la même section consacrée à Sérusier théoricien, une oeuvre de Kandinsky qu'on ne s'attendrait pas à trouver là : Etude pour Schwarz und Weiss, premier Tableau - étude de décor pour le premier tableau d'une pièce de théâtre composée par l'artiste, 1909.
ROUGE - art et utopie au pays des Soviets (2ème partie)

Comme promis dans notre billet du 29 juin, nous terminons la présentation de l'exposition qui vient de fermer ses portes au grand palais, avec sa
2ème partie : La vie rêvée dans l’art : vers le réalisme socialiste
Elle commence par une section consacrée à la répression, aux grands procès, ...
Ennemis de classe et ennemis du peuple
Salomon Nikritine : Le tribunal du peuple (1934)
M. Reïkh : Pour une plus grande sévérité contre les dilapidateurs et les fumistes (1933)
Bruni Tatiana (1902 – 2001) :
Études de costume d’homme pour Le Boulon, ballet de D. Chostakovitch.
L'ouvrier instable, l’ouvrier tire-au-flanc, l’ivrogne.
Théâtre académique d’État d’opéra et de ballet (GATOB), Leningrad. (1931, aquarelle et gouache sur papier)
Une culture de la vigueur
Alexandre Samokhvalov : Komsomol militarisé (1932-1933)
Alexandre Deïneka : Donbass, la pause-déjeuner (1935)
Alexeï Pakhomov : Le bain des matelots de la flotte rouge du bord d’un bateau (1933)
Alexandre Deïneka : Baigneuse (1951)
Alexandre Samokhvalov : La sportive au bouquet (1935)
Gustav Klutsis : Les hirondelles (plongeon), esquisse pour carte postale (1928)
La ville stalinienne
Youri Pimenov : La nouvelle Moscou (1937)
On se croirait aux Etats-Unis !
Dmitri Tchetchouline et Andreï Rostkovsky : Gratte-ciel résidentiel sur le quai Kotelnitcheskaïa, vue perspective depuis la Moskova à Moscou (1947-1949)
Alabian Iofan : Pavillon de l’URSS pour l’exposition universelle de Paris (maquette, 1937)
D'après le catalogue qu'en avait ramené mon grand-père, il faisait face à celui de l'Allemagne nazie, d'une architecture similaire...
Gustav Klucis : Tout Moscou construit le métro : livrons pour le 17e anniversaire de la révolution d’Octobre la première ligne du meilleur métro du monde (affiche de 1934)
Iofan, Chtchuko, Gelfreikh : Moscou, Projet de Palais des Soviets. Élaboration de la version définitive. Panorama à vol d’oiseau englobant les constructions avoisinantes.
1932
L’Internationale des arts
Renato Guttuso (1912-1987, Italie) Travailleurs journaliers, 1949
Boris Taslitzky (1911-2005, France) Escalator dans le métro parisien, 1935
Jacob Burck (1907, Pologne - 1982, Etats-Unis) :
Morgan and Co.
Heil!
Années 1930, crayon lithographique, encre sur papier
Fred Ellis (1886-1965, Etats-Unis)
L’obésité dorée du capitalisme américain
La journée de la femme dans l’Allemagne fasciste
Années 1930, crayon lithographique, encre sur papier
Ernst Neuschul (1895, Autriche-Hongrie-1968, Royaume-Uni)
Chômeurs, 1931
Bela Uitz (1887, Roumanie-1972, Hongrie)
Travailleurs allemands (Pastel sur papier de journal, 1930)
Diego Rivera (1886-1957, Mexique)
Soldat de l'Armée Rouge (encre noire et encre de couleur sur papier, 1928)
Frans Masereel (1889, Belgique-1972, France)
Dans le parc de la culture et des loisirs [Gorki]
La fin de la manifestation
(Pinceau, encre sur papier, 1937)
Frans Masereel : Place rouge, 1935
Avenir radieux
Georgy Nissky : Saut en parachute (1933)
Alexandre Deïneka : Pleine liberté (1944)
Alexandre Deïneka : V. I. Lénine en promenade avec des enfants (1938)
Vassily Kuptsov : Dirigeable (1933)
Et pour faire la transition avec la prochaine et dernière section :
Vassily Svarog : Staline et les membres du Politburo parmi les enfants au Parc Gorki (1939 - tableau retouché la même année pour effacer Piotr Smirnov, commissaire du peuple à la Marine de guerre, fusillé au début de l'année...)
Peinture d’histoire et mythification
A. lar-Kravchenko : 11 September 1931. Gorky lit à Staline Molotov et K. E. Voroshilov son conte “La jeune fille et la mort” (1941)
Vassily Efanov : J.V. Staline, V. M. Molotov et K. E. Vorochilov au chevet de A. M. Gorki malade. (1940-1944)
Alexandre Guerassimov : Staline devant le cercueil de Jdanov (1948)
V. I Govorkov : Au Kremlin, Staline se soucie de chacun de nous (Chromolithographie, 1940)
Pour le lecteur qui souhaiterait une analyse moins artistique et plus critique de cette expo, voir ce billet d'humeur de Laurent Bloch, ou, comme il le recommande, cet article de Rachel Mazui dans Histoire@Politique.
Le textile vosgien après la grande guerre

Dans la continuité de nos billets sur des sujets voisins (cf. L'âge d'or du textile vosgien le 20 avril 2013 ou plus récemment Journées d'études vosgiennes 2018 publié le 27 octobre 2018) nous rendons compte de la communication de Jean-Pierre Doyen au colloque organisé la semaine dernière par la Société d'émulation des Vosges à Épinal, nous appuyant sur le diaporama aimablement communiqué par l'auteur.
Il s'articulait en trois parties, décrites ci-dessous et illustrées respectivement par une plaquette commémorative, le portrait de Marcel Boussac, et le sigle de la CGT...
1.Le Souvenir - Célébrer les morts et les héros - Le pacifisme
Dans les entreprises textiles des Vosges, après l'armistice, l'heure est à la célébration et au souvenir, avec des plaques commémoratives en bonne place dans l'usine ou les bureaux...
des plaquettes imprimées distribuées aux familles, et même des médailles comme celle dont on voit ici l'avers et le revers...
Toujours dans la même,entreprise, la plus grande, la Blanchisserie Teinturerie de Thaon, l'érection d'un monument (1922) et la construction d'un foyer des mutilés et anciens combattants de la grande guerre (1923)
...inaugurés en grande pompe par les patrons en présence des autorités, avec la participation des mutilés.
La décoration du foyer des mutilés, due à Loÿs Prat (1879-1934) mérite qu'on s'y attarde un peu : de chaque côté des allégories de la paix et de la victoire, une célébration du retour au travail (dans les champs, dans les usines qui fument au loin) et une représentation toute symbolique de la guerre, au caractère peu sanglant - sauf pour un cheval mort...
On retrouve cette sobriété dans la représentation quasiment caricaturale des tranchées, dont on ne retient que des moments de convivialité (le "jus", le pinard...) bien loin des vers d'Apollinaire, pourtant relatifs au même lieu de Tahure :
"Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure"...
Ces représentations sont pourtant conformes à l'attitude des anciens combattants, réticents en général à évoquer l'horreur du champ de bataille...
La toile qui évoque l'armistice est tout aussi irréaliste, avec sa Madelon en corsage et des pampres peu compatibles avec la période de mi-novembre...
Encore une belle fresque en hommage à la Paix, dont la statue se dresse dans le fond de cette scène bucolique, où les hommes sont relativement peu nombreux comparés aux personnages féminins.
II. Reconstruction - Reconstruire et moderniser - Concentration
La guerre a beaucoup éprouvé l'industrie textile vosgienne,
- dans tout le département avec la mobilisation des ouvriers et des cadres, les difficultés d'approvisionnement en charbon et en matière première,
- et, dans le nord-est du département où la ligne de front a fluctué et dont une partie est restée plusieurs années occupée, par les destructions et les pillages.
Les dommages de guerre exigés de l’Allemagne défaite ont cependant servi à reconstruire et moderniser l'outil de production...
Ces dommages, attachés aux entreprises dont l'outil de production (immobilier, machines...) avait été été détruits, ont souvent été rachetés aux industriels touchés par des capitaines d'industrie prêts à investir et à étendre leur activité, provoquant un phénomène de concentration...
Parmi eux, Marcel Boussac, dont l'empire vosgien s'est surtout constitué à cette époque.
Des débouchés nouveaux ont été cherchés, le retour à la France de l'Alsace-Lorraine provoquant un accroissement soudain de la production : les Colonies ont de ce point de vue constitué l'un d'eux, très important pour l'industrie vosgienne.
III. Mutations de la société textile - Conflits, Améliorations, Crises
La montée des prix continue depuis la guerre, le retour des mobilisés, le bas niveau des salaires, ont été à la source de nombreux confits sociaux dès le début des années 20.
L'auteur a effectué une intéressante cartographie des usines touchées par les grèves entre 1920 et 1932, lors des différents épisodes...
...et présenté des documents qui en reflètent la tonalité.
Les patrons y répondaient en maniant le bâton et la carotte...
Des améliorations sociales, largement empreintes de paternalisme mais souvent appréciées des populations ouvrières vosgiennes, ont été apportées :
Des cités-jardins destinées au logement des ouvriers ont été développées par le patronat...
Après la crise de 1929, des menaces d'un autre ordre touchent l'industrie textile vosgienne : ainsi la faillite frauduleuse de la banque fondée par Oustric, dont l'avocat et industriel vosgien Henri Manuel (Etablissements Kahn, Lang et Manuel) avait été président du conseil d'administration, entraînant la chute de la Holding Française (HOLFRA) qui contrôlait entre autres la BTT (Blanchisserie-Teinturerie de Thaon).
De nouvelles prises de contrôle s'ensuivirent : la BTT deviendra Gillet-Thaon en 1931, du nom d'un industriel lyonnais du textile.
L'exposé se termine sur quelques images des grèves de 1936 dans les Vosges, à l'avènement du Front populaire....
Je vous en laisse lire la conclusion, sur cette belle image de la filature de Vincey, construite en 1892 par le bureau d'architecture Potts Son et Pickup de Manchester, pour des industriels notamment anglais, et qui a fermé ses portes en 1981 après la chute de Boussac puis son rachat par les frères Willot.