James Tissot (1836-1902) L'ambigu moderne (I/II)

Nous renouons avec plaisir dans ce billet avec l'actualité des expositions parisiennes, de justesse avant les villégiatures estivales, en faisant partager au lecteur notre visite, dès le premier jour de la réouverture des salles, de l'exposition que le Musée d'Orsay consacre à James Tissot (ici portraituré par son ami Edgar Degas vers 1867-1868).
On ne lui avait pas consacré de rétrospective, à Paris, depuis l’exposition de 1985 au Petit Palais.
Né à Nantes, celui qui se fait appeler «James » dès l’enfance (plutôt que Jacques Joseph, ses prénoms de baptême), s’est rapidement dédié à une carrière artistique. Mais il s’est tour à tour inspiré de la peinture germanique médiévale, de l’historicisme de certains de ses contemporains, des arts de la Chine et du Japon, de la peinture anglaise de son temps et notamment du préraphaélisme. Il a aussi participé, avec Whistler, Manet et Degas, au renouveau de l'expression picturale à la fin du Second Empire sans cependant participer à l’aventure impressionniste, malgré l’invitation de Degas. Traçant son sillon d’une rive à l’autre de la Manche, se consacrant à la fin de sa carrière à l’illustration de la vie de Jésus, Tissot demeure un artiste singulier.
Accueillis à l'entrée par cet Autoportrait (huile sur panneau vers 1865),
la première salle intitulée Questions d'influences présente ses premières œuvres, inspirées par la peinture germanique médiévale et les scènes historiques.
Marguerite à l'église, huile sur toile vers 1860-61
Rencontre de Faust et Marguerite, huile sur bois 1860
Voie des fleurs, voie des pleurs, dit aussi Danse macabre, huile sur toile 1860
Départ, dit aussi Départ de l'enfant prodigue, huile sur toile 1863 et son esquisse, plume, encre brune et lavis d'encre sur crayon, 1862
Retour de l'enfant prodigue, huile sur toile 1862 et un détail.
Les premières peintures n'ayant rencontré qu'un succès mitigé, Tissot change radicalement de style et présente surtout des portraits et scènes de genre à partir du salon de 1864.
Dans la salle suivante, Figures et portraits modernes :
Les deux sœurs ; portrait, huile sur toile 1863
Partie carrée , huile sur toile 1870
Tissot choisit de prendre ses distances avec le Déjeuner sur l'herbe de Manet, de travestir le pique-nique bourgeois en fête galante grivoise et les Parisiens du Second Empire en couples d'amoureux de la fin du XVIIIème siècle.
Le Printemps, huile sur toile 1865
Portrait des quatre enfants d'Emile Gaillard, huile sur toile 1868 et détail
Portrait de Mlle L. L... , huile sur toile 1864
Portrait de la famille du marquis de M., dit aussi Le marquis et la marquise de Miramon et leurs enfants, huile sur toile 1865
Portrait d'Aimé Seillière, huile sur panneau 1866
Le Cercle de la rue Royale, huile sur toile 1866
Portrait d'Algernon Moses Marsden, huile sur toile 1867
Portrait of Captain***, dit aussi Portrait de Frederick Gustavus Burnaby, huile sur toile 1870
Placé à cet endroit de l'exposition de façon anachronique, ce Portrait de Mathilde Sée, pastel sur papier marouflé sur toile de 1883
La section suivante de l'exposition, Le Japon pour horizon rappelle que Tissot fut un des premiers "japonisants" français, quelques années après l'ouverture du Japon en 1853 et avant même l'exposition universelle de 1867 où ce pays envoya une délégation.
Le rouleau japonais, huile sur bois, 1873
Japonaise au bain, huile sur toile 1864
Femmes regardant le temple chinois, huile sur toile 1869
Jeune femme en blanc dans le vestibule de ma maison de Paris, dit aussi l'Escalier, huile sur toile 1869
Jeunes femmes regardant des objets japonais, huile sur toile 1869
En 1870, James Tissot participe à la guerre franco-prussienne dans les Tirailleurs de la Seine puis à la défense de Paris durant la Commune. Peut-être à la suite de cet engagement, ou simplement par opportunité, il quitte Paris pour Londres en 1871 et commence alors sa "décennie londonienne", avec laquelle nous débuterons un prochain billet.
Le Versailles lorrain
Nous nous proposons de faire découvrir au lecteur, à l'occasion de notre première sortie hors du cercle des 100 km, le château de Lunéville, construit pour le compte du duc de Lorraine Léopold Ier entre 1703 et 1720 sur des plans de Pierre Bourdict, Nicolas Dorbay et Germain Boffrand.
Quelques rappels pour qui ne serait pas familier avec l'histoire - tourmentée - de la Lorraine qui ne devint totalement française qu'en 1766.
Léopold, né en exil à Innsbruck pendant l'occupation française, ne prit possession de ses duchés de Lorraine et de Bar et de sa capitale Nancy qu'avec la signature du traité de Ryswick qui mit fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg en 1697. Au moment d'une nouvelle occupation des duchés à peine quelques années plus tard par l'armée française - cette fois pacifique, à l'occasion de la guerre de Succession d'Espagne - il se retira non sans panache à Lunéville dont il fit entièrement reconstruire le château tout en s'inspirant comme le voulait la mode de l'époque du château de Versailles. Il en fit sa résidence principale et y mourut en 1729.
Stanislas Leszczyński, ex-roi de Pologne et beau-père de Louis XV, à qui le fils de Léopold Ier, le duc François III, fut bientôt contraint de céder à titre viager ses possessions, séjourna lui aussi beaucoup à Lunéville, qu'il fit réaménager à son goût. Il y mourut accidentellement en février 1766. Le duché et Lunéville furent alors annexés par la France.
Les châteaux lorrains échurent à Louis XV qui ne savait qu'en faire. Un grand nombre furent détruits. Lunéville survécut mais fut transformé en caserne. Qu'on permette à l'auteur une pensée pour son oncle maternel qui y fit plusieurs séjours avec le 3ème régiment de Dragons qui y fut caserné de 1929 à 1940.
Le Départemental de Meurthe-et-Moselle est propriétaire depuis 2017 de l'ensemble du Château.
Détaillons l'imposante vue d'ensemble placée en exergue de ce billet : deux grandes ailes extérieures encadrent la cour des communs. Au fond, une grille donne accès au cœur du château.
Au milieu de la cour, une statue du général Antoine Charles Louis de Lasalle, tué à Wagram à 34 ans le 6 juillet 1809, œuvre de Henri-Louis Cordier érigée en 1893.
Au passage, une belle porte qui permet d'accéder directement au château depuis la ville.
La cour d'honneur du château, avec les grandes arches du bâtiment central qui permettent d'accéder directement au parc et lui donnent cette allure si caractéristique.
Un regard en arrière sur la cour des communs, et la ville au fond avec ses façades lorraines...
...et depuis le début du parc, la silhouette en L, une aile d'un côté et de l'autre la rambarde d'une terrasse donnant sur d'autres jardins qui courent jusqu'à la Vezouze.
Le parc, dit Parc des Bosquets, offre de belles perspectives,
parsemé de statues ou de folies
A l'intérieur du château, la belle chapelle palatine réalisée entre 1720 et 1723, d'après des plans de l'architecte Germain Boffrand, et restaurée récemment après l'incendie qui a ravagé cette partie du château en 2003
Depuis le monumental escalier, une vue sur la facade centrale du château
Des maquettes et des plans donnent une idée de la splendeur du parc au temps de Stanislas, avec la maquette du pavillon du Trèfle, qui y fut construit en 1739 par l'architecte Héré ou ce plan de kiosque...
ou encore cette maquette restituant la chartreuse de Marie Françoise Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers, favorite de Stanislas.
Quelques scènes de genre sont exposées dans les endroits accessibles au public...
L'exposition fait une large place aux faïences diverses (Lunéville oblige...)
Terminons sur un anachronisme, ce beau vase aux glycines ( réalisé vers 1893 à la Faïencerie de Lunéville-Saint-Clément Keller et Guérin), avec un décor du peintre lorrain Alfred Renaudin (1866-1944).
Cathédrale Santa Maria Nuova de Monreale

Les longs mois d'interruption de la collecte de matériaux pour ces billets, et le succès rencontré par ceux sur Palerme me conduisent à proposer à nouveau au lecteur un billet sicilien : à quelques kilomètres de Palerme, dans la petite ville de Monreale, se trouve une pure merveille, la cathédrale Santa Maria Nuova.
Elle a été construite à la demande de Guillaume II entre 1172 et 1176. Ce roi de Sicile, né en 1154 à Palerme où il est mort le 18 novembre 1189, est le fils de Guillaume le Mauvais, de la dynastie des Hauteville, et de Marguerite de Navarre. Roi de Sicile de 1166 à 1189, il a été surnommé « le Bon » par opposition à son père...
Elle est typique de l'architecture normande de Sicile, marquée par l’interaction conjointe des cultures normande, arabe et byzantine.
Façade occidentale
avec le magnifique portail de bronze de Bonanno de Pise, un des architectes de la cathédrale de Pise et de sa fameuse Tour, dont le seul voyage hors de Pise semble s'être rendu à Monreale en 1180 pour cette réalisation
Quelques détails du portail
La cathédrale a une longueur de 102 mètres, une largeur de 40 mètres et une hauteur de 35 mètres. L'intérieur comprend trois nefs séparées par 18 colonnes à chapiteaux corinthiens qui soutiennent des arcades ogivales, la nef principale ayant une largeur double des nefs latérales.
Les plafonds
Les murs sont couverts de mosaïques byzantines sur fond d'or, exécutées jusqu’à la seconde moitié du XIIIe siècle par des artistes locaux ou venus notamment de Constantinople et de Venise.
Leur superficie totale est de près de 10 000 m2, soit la plus vaste surface de mosaïque du bassin méditerranéen.
Dans le cul-de-four, un immense Christ Pantocrator bénit à la grecque. Au fond des absides, Saint Pierre, Saint Paul...
Des cortèges de saints...
D'autres sujets que le lecteur aura le loisir de reconnaître...
Le cloître est la seule partie restante du monastère bénédictin appartenant au complexe de bâtiments de la cathédrale.
Il mesure 47m x 47 m, aurait pris ses lignes architecturales primitives aux environs de la mort de Guillaume II le Bon et aurait été terminé au début du XIIIe siècle.
À l'angle sud-ouest du cloître s'appuie la colonnade d'un édicule - appelé le "petit cloître" - au centre duquel s'élève un autre pilier à cannelures en zigzag terminé par une sphère, d'où jaillit l'eau qui ruisselle le long de la colonne et retombe dans une vasque. C'est la "Fontaine du roi" voulue par Guillaume II.
Les chapiteaux sont de styles très variés
On ne se lasse pas de l'harmonie qui se dégage des alignements des colonnes, toutes groupées par deux (par quatre aux angles), 228 en tout.
Certaines sont simplement lisses, d'autres présentent des cannelures hélicoïdales ou en zigzag tandis que d'autres sont décorées de mosaïques incrustées relevant du style roman italien, comme au cloître roman de la basilique du Latran à Rome (style cosmatesque) ou la façade du dôme de Lucques.
C'est du cloître que nous jetterons un dernier regard sur ce bel édifice inscrit au patrimoine de l'UNESCO avec la Palerme arabo-normande et la cathédrale de Cefalù.
Images de déconfinement
Après de nombreux billets "d'archives" sur l'Andalousie et la Sicile, un billet avec des images d'actualité, redécouvertes après quelques mois de sédentarité...
21 mai : première sortie à l'intérieur du périmètre des 100 km, pour un pique-nique au bord de la Conie (affluent du Loir) avec un ami venu lui aussi de moins de 100 km plus au sud...
Au retour, l'occasion de revoir Chartres et sa cathédrale...
...ses vieilles maisons...
...l'ancien palais épiscopal...
...et les jardins qui descendent jusqu'au Loir...
...une très belle halle métallique,
et découvrir la petite église Saint-Aignan (XVIe siècle) et même l'intérieur (la cathédrale aussi était ouverte, mais la queue dissuasive).
23 mai : Aline est de retour au marché de Cachan, premier homard de la saison, première invitation à dîner...
30 mai : réouverture des parcs et jardins en Île-de-France
Le parc de Sceaux, où nous reprenons nos habitudes (en fin de soirée, pour éviter la foule de ce premier jour de réouverture)
31 mai : les parcs de la Vallée-aux-Loups, et notamment l'arboretum, avec son remarquable cèdre pleureur, et l'ancien manoir des propriétaires des pépinières Croux, qui abrite à présent des services du département des Hauts-de-Seine
1er juin : les grandes perspectives du parc de Saint-Cloud
Terminons avec quelques images de la capitale, où nos flâneries vont pouvoir reprendre...
En passant par la porte de Gentilly, la maison du Brésil, édifiée par Le Corbusier à la Cité universitaire internationale
Une belle école maternelle vers le carreau du Temple
Les anciens bâtiments d'une grande école où l'auteur a enseigné autrefois, et qui a déjà déménagé deux fois depuis cette époque...
De gigantesques "graffitti" à proximité du bâtiment de l'IRCAM
Un hôtel de ville qui attend de savoir - sans beaucoup de suspense - qui sera sa prochaine locataire...
Une cathédrale meurtrie, mais dont on peut à présent s'approcher un peu plus
et au bout de la rue, Saint-Sulpice qui en assure provisoirement la fonction.