Magritte / Renoir Le surréalisme en plein soleil
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La réouverture du Musée de l'Orangerie se fait autour de René Magritte (1898-1967) , dont nous avions rendu compte dans notre billet du 30 octobre 2016 de la grande rétrospective que le Centre Pompidou lui avait consacrée. Cette exposition est plus modeste, et associe au peintre belge la figure d'Auguste Renoir, très présent dans ce musée comme il l'était dans la collection de Paul Guillaume. Citons la directrice du musée :
Cet éclairage inédit sur une période mal connue de la carrière de Magritte permet de s'interroger sur la postérité de Renoir au XXe siècle et sur une approche déjà postmoderne de l'impressionnisme. Rompant avec son style surréaliste singulier et inquiétant, Magritte se tourne, dès 1940, vers Renoir, « peintre du bonheur », pour conjurer les horreurs, le chaos et l'expérience de l'exil durant la Seconde Guerre mondiale. Les peintures et dessins rassemblés ici esquissent une fantasmagorie de paysages enchantés, de baigneuses étranges, de fleurs multicolores et de scènes érotiques qui dialoguent avec des chefs-d'œuvre de Renoir, offrant un parcours de peintures jubilatoire.
À l'entrée, cette affiche (lithographie sur papier) réalisée par Magritte vers 1937 pour le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes Le vrai visage de Rex où Léon Degrelle, fondateur du parti nationaliste Rex, reflète dans un miroir le profil d'Adolf Hitler
et une gouache sur papier de 1939 Le Présent
Portrait de Georgette Magritte, huile sur toile, 1946
Le Retour, huile sur toile, 1940
Les Derniers Beaux Jours, huile sur toile, 1940
Le Retour de flamme, huile sur toile, 1943
La Voie royale, huile sur toile, 1944
L'Orient, huile sur toile, 1941
C'est dans la grande salle de l'exposition que s'exprime son thème, la période "impressionniste" de Magritte.
Trois bouquets de Renoir :
Fleurs dans un vase, vers 1896-98
Bouquet, vers 1900
Bouquet de tulipes, vers 1905-1910
En regard, de Magritte, La Leçon d'anatomie, huile sur toile, 1943
La Préméditation, huile sur toile, 1943
Renoir : Nu dit aussi Femme nue sur un canapé, huile sur toile, 1915
Magritte : L'Univers interdit, huile sur toile, 1943
Renoir : Nu couché, huile sur toile, vers 1890-95
Magritte : La Moisson, huile sur toile, 1943
Deux dernières toiles de Renoir :
Etude. Torse, effet de soleil, vers1876
Les Baigneuses, entre 1918 et 1919
Puis Magritte avec Le Vertige, huile sur toile, 1943
Le Traité des sensations, huile sur toile, 1944
La Magie noire, Trois huiles sur toile de 1934, 1941 et 1943
Dans l'exposition « Le nu dans l'art vivant » à laquelle il participe en 1934, Magritte découvre une sculpture d'Aristide Maillol qui lui inspire une dizaine de variations. Celle de 1934 a les contours les plus nets, celle de 1943 est adaptée à la touche impressionniste.
Le Principe d'incertitude, huile sur toile, 1944
La parenthèse « impressionniste » de Magritte ne l'éloigne jamais de sa conviction que la peinture est avant tout une démarche raisonnée et raisonnante, que son art est le vecteur privilégié de l'esprit. Expliquant que la lumière « a le pouvoir de rendre visibles les objets », il met au jour que la peinture, comme les ombres, n'est qu'un simulacre : « On ne peut pas dire avec certitude, d'après l'ombre d'un objet, ce que celui-ci est en réalité. (Par exemple : une ombre d'oiseau peut être obtenue en ombres chinoises par une certaine disposition des mains et des doigts.) »
L'Hydre, huile sur toile, 1943
Le Premier jour, huile sur toile, 1943
En 1943. Magritte charge Marcel Mariën de lui fournir des ouvrages sur l'impressionnisme. À Renoir, il emprunte la touche vibrante mais aussi les carnations rosées et jusqu'au chapeau de paille en forme de cloche. Le Premier jour qui est peut-être la plus « impressionnistes » des œuvres de l'artiste n'en est pas moins chargée d'humour. Ce portrait d'un violoniste qui fait danser une minuscule ballerine judicieusement placée est peut-être un hommage à Sheila Legge, la danseuse britannique surréaliste avec laquelle il entretint une relation amoureuse en 1936.
La Cinquième Saison, huile sur toile, 1943
Image à la maison verte, huile sur toile, 1944
La Pensée parfaite, huile sur toile, 1943
Le Regard mental, huile sur toile, 1946
Elseneur, huile sur toile, 1944
Le Roman populaire, huile sur toile, 1944
Le Sourire, huile sur toile, 1943
Alice au Pays des Merveilles, huile sur toile, 1946
La Bonne Fortune, huile sur toile, 1945
Le Somnambule, huile sur toile, 1946
La Clairière, huile sur toile, 1944
L'Âge de plaisir, huile sur toile, 1946
ŒUVRES GRAPHIQUES
L' « impressionnisme » auquel adhère René Magritte pendant la seconde guerre mondiale connaît un développement graphique. Il produit plusieurs séries de dessins réalisés d'une « touche » en virgule. Ces dessins sont pour la plupart des illustrations pour des ouvrages dont la nature s'accorde au « sensualisme » de la « période Renoir ». À l'invitation du libraire-éditeur Albert Van Loock, Magritte réalise six dessins à l'encre de Chine pour une édition pirate de Madame Edwarda, le récit érotique de Georges Bataille (1897 - 1962). Dans la même veine, Magritte réalise plusieurs dessins destinés à illustrer une biographie du marquis de Sade écrite par Gaston Puel (1924 - 2013). A la demande de Marcel Baesber, directeur des éditions La Boétie à Bruxelles, Magritte illustre Les Chants de Maldoror d'Isidore Ducasse (1846 - 1870). L'ouvrage paraît en 1948, illustré de soixante-dix-sept illustrations. Pour Paul Éluard, il conçoit également une série de dessins illustrant Les Nécessités de la vie et les conséquences des rêves précédés d'Exemples, 1946.
Le Sourire, gouache sur papier, 1946
L'Air et la Chanson, crayon et crayons de couleur sur papier, 1962
Confiture de cheval, crayons de couleur sur papier, 1945
Le Premier jour, crayon noir sur papier, 1943
Le Plaisir, dit aussi La Jeune Fille dévorant un oiseau, gouache sur papier, 1946
Raminagrobis, gouache sur papier, 1946
Illustrations pour Madame Edwarda
Dessins exécutés par Magritte pour illustrer la nouvelle érotique de Georges Bataille, Madame Edwarda, publiée anonymement en 1941. Encre de Chine sur papier, 1946
Sans titre, dit aussi La Pipe-sexe, crayons de couleur sur papier, 1943
Le Bain de cristal, gouache sur papier, 1946
La Vocation, pastels sur papier, 1964
VACHERIE
Dans l'exposition Le surréalisme en 1947 qui marque le retour du mouvement sur le sol européen, les œuvres de René Magritte apparaissent dans une section consacrée aux « surréalistes malgré eux ». Après le désaveu auquel s'est heurté son Manifeste du surréalisme en plein soleil, cette semi exclusion achève d'irriter Magritte. Lorsqu'au printemps 1948, la Galerie du Faubourg lui propose d'exposer ses œuvres, Magritte y voit l'occasion de solder ses comptes avec le Surréalisme parisien. En quelques jours, il « torche » une série de tableaux outranciers et carnavalesques que ses proches (le poète Louis Scutenaire (1905-1987) le premier) ne peuvent qualifier autrement que de « vaches ». Poussant aux limites du supportable l'intensité chromatique et le grotesque de ses derniers tableaux « Renoir », les œuvres « vaches » viennent clore l'aventure de son œuvre solaire.
L'Incendie, huile sur toile, 1943
L'Intelligence, huile sur toile, 1946
Le Lyrisme, huile sur toile, 1947
La Liberté de l'esprit, huile sur toile, 1948
Le Psychologue, crayon, aquarelle, gouache, gouache or sur papier, 1948
Le Crime du Pape, crayon, aquarelle, gouache sur papier, 1948
Pom' po pon po pon pon pom pon, aquarelle et gouache sur papier, 1948
La Vie des insectes, huile sur toile, 1947
La Famine, huile sur toile, 1948
PICABIA AUSSI
Lors de son premier voyage dans le Paris d'après-guerre, René Magritte rend visite à Francis Picabia. Dans son atelier, il découvre les tableaux que l'ancien dadaïste a réalisés pendant la période de l'Occupation. Ces œuvres enthousiasment tant Magritte qu'il propose à Picabia de rédiger la préface de sa prochaine exposition. Prenant aussitôt la plume, il écrit que sa peinture « oppose à tout un passé envahissant le mouvement et les éclairs de la lumière vive qui font voir la vie tout entière dans son isolement grandiose ». Magritte découvre qu'il n'est pas seul à avoir opposé à la terreur nazie, une peinture qui célèbre l'amour et les effusions printanières, qui illustre le « beau côté de la vie ».
L'exposition se termine ainsi sur deux tableaux de Francis Picabia (1879-1953) :
Main mystérieuse / Portrait de femme, Recto-verso, huile sur panneau double-face, vers 1938-1942 (c'est le portrait de femme qui est visible ici)
Sans titre (Bouquet de fleurs), huile sur toile, 1940-1943
L'atelier de Jean Arp et Sophie Taeuber
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Restons encore cette semaine avec une artiste femme, que nous avons croisée dans notre billet du 22 mai. Il s'agit de l'atelier qu'elle partageait avec son mari Jean Arp, comme elle un des fondateurs du mouvement dada au Cabaret Voltaire à Zürich (notre billet du 18 février 2018). C'est en effet Sophie Taeuber qui a imaginé cette construction originale, une maison Bauhaus en meulière, sur un terrain qu'ils ont acquis en 1927 à la limite de Meudon et Clamart. Sophie était suisse, Jean Arp né à Strasbourg en 1886 d'un père allemand, n'avait pas eu la nationalité française à la suite du traité de Versailles, tous deux ont été naturalisés français en 1926. Jean Arp a vécu jusqu'en 1966, utilisant cet endroit comme principal atelier, même s'il eut d'autres résidences. Sophie est décédée accidentellement en 1943 en Suisse où elle s'était réfugiée. La Fondation Arp qui gère cette maison-atelier a été fondée par la seconde épouse de Jean Arp, selon le vœu de l'artiste qui souhaitait "favoriser la connaissance et la perception de son œuvre à côté de celle de Sophie Taeuber et y accueillir les artistes ou les promeneurs, les professionnels de l’art ou les collectionneurs, à la recherche d’une émotion, d’un message ou d’un enseignement".
De la petite rue des Châtaigniers, la maison ne se distingue pas particulièrement de ses voisines,...
La grande pièce du rez-de-chaussée présente de nombreuses œuvres des deux artistes, dans un cadre intimiste très agréable
Une gouache sur papier de Sophie, Six espaces distincts (1939)
On accède par un escalier droit à la grande pièce du premier étage
avec une belle vue sur le jardin et le Berger des nuages (voir la fin de ce billet)
Au mur, une huile sur toile de Jean Arp, Trois femmes (1912)
et d'après un dessin de Jean Arp, As de pique, tapisserie en laine point noué (1929)
De petites sculptures de Jean sur les tables, dont, sur la blanche, quatre sculptures de 1954 intitulées Du pays de Thalès
Les quelques pièces de mobilier étaient présentes du temps où le couple y habitaient, comme ce fauteuil signé par Gerrit Rietveld.
À l'étage, une autre petite pièce en longueur avec un balcon, abritant surtout des œuvres de Sophie.
Bateaux, soie imprimée (1918-1924)
Deux crayons sur papier calque de 65x50 cm :
Etude (lignes brisées), vers 1941
Etude (formes triangulaires et lignes courbes), vers 1942
Redescendons vers le rez-de-jardin, un étage sous le rez-de-chaussée
De Sophie, une gouache sur papier 26x35 cm, Composition à rectangles et bras angulaires (1928)
et deux dessins d'un grand projet commun, juste avant leur installation dans cette maison. : L'Aubette à Strasbourg avec Arp et Van Doesburg (1926-1928)
L'édifice de l'Aubette construit en 1765 et reconstruit en 1870 après un incendie, occupe une place importante dans la ville de Strasbourg. Les frères Horn, qui s'occupent de la restauration du gros oeuvre, proposent à Taeuber de décorer l'Aubette (1926-1928). La commande étant très importante et son activité principale étant son poste de professeur à Zurich, Taeuber décide de la partager avec Jean Arp, et Theo van Doesburg pour la partie architecturale. Taeuber intervient de façon certaine dans la décoration du « salon de thé », de l « Aubette bar », du « passage » et du « foyer-bar ». Pour ce dernier, elle réalise trois projets différents. La Fondation Arp présente ici les dessins de la deuxième solution. Le projet n'ayant pas été accepté par Van Doesburg, Taeuber en réalisera un quatrième. Inaugurée en février 1928, l'Aubette fut mal accueillie par le public, qui trouva l'espace trop ouvert et trop froid. Le décor fut modifié dès les années 30, puis dégradé entre 1950 et 1970. Une partie a été restaurée en 2006, notamment le « foyer-bar», seule intervention de Sophie Taeuber ayant pu être récupérée.
En empruntant la porte de la pièce en rez-de-jardin, nous traversons la pelouse pour rejoindre l'atelier de Jean Arp.
Ce bâtiment au fond du jardin abrite des dizaines de réalisations ou ébauches du sculpteur, qui y semble encore présent.
Laissons nous séduire par la magie des formes...
Le jardin est un lieu hors du temps où le visiteur est convié à se poser et à jouir du calme de ce si bel endroit. La pièce maîtresse des sculptures de ce jardin est le grand bronze au centre du deuxième cliché :
Le Berger des Nuages, bronze monumental emblématique de Jean Arp qui y a pris place le 19 avril 2014 sur son socle de granit de Brusvily, avec ce communiqué de presse :
Sur les lieux mêmes, où Arp et Sophie Taeuber se sont installés en 1929, le géant de bronze guide désormais le regard du visiteur. Il orchestre dans cet espace ouvert, la partition silencieuse des sculptures déjà présentes au jardin. Perspectives et volumes s’organisent en douceur autour de ses formes généreuses. C’est Marguerite Arp, la veuve de l’artiste, qui avait projeté en 1983 de faire tirer le bronze 0/1 du Berger des Nuages. Cette fonte a été exécutée pour la Fondation Arp de Clamart en 2009, par la fonderie de Coubertin à St-Rémy-lès-Chevreuse, sous la direction d’Antoine Poncet, membre de l’Institut, qui en 1953 avait élaboré avec Jean Arp le plâtre ayant servi à la première fonte aujourd’hui à l’université de Caracas. Le plâtre qui a servi de modèle pour la deuxième fonte - le bronze 0/1 - a été présenté en 1962 dans la rétrospective Arp du Musée national d’art moderne à Paris. Arp l’a donné ensuite à ce musée en 1963.
Peintres Femmes 1780-1830 Naissance d'un combat
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Après Elles font l'abstraction au Centre Pompidou et l'intermède des Modernités suisses, qui ne comportait que deux peintres femmes, Alice Bailly et Martha Stettler, reprenons le thème qui marque cette reprise des expositions parisiennes avec celle du musée du Luxembourg, présentée en ces termes :
"On croit volontiers qu’après la gloire d’Elisabeth Vigée Le Brun liée à l’Ancien Régime, il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour trouver des peintres femmes aussi remarquables. Pourtant, c’est entre 1780 et 1830, que le combat de ces dernières a trouvé ses racines : le droit à la formation, la professionnalisation, une existence publique et une place sur le marché de l’art."
1. Le droit d’être peintre : l’anti-académisme et la féminisation des beaux-arts
Autour de 1780, controverses et rivalités s’attisent, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Académie royale de peinture. Sa hiérarchie, ses privilèges et sa pédagogie suscitent un mécontentement qui n’est pas étranger à la crise socio politique en germe. Dans le même temps, en marge du Salon officiel, le Salon du Colisée, l’Exposition de la Jeunesse, le Salon de la Correspondance suscitent l’engouement. On y découvre de jeunes peintres femmes de talent. La presse en parle. L’admission en mai 1783 à l’Académie d’Élisabeth Vigée Le Brun et d’Adélaïde Labille-Guiard, déjà célèbres, crée l’événement. Le sujet passionne, déclenche les controverses. On limite à quatre le nombre d’académiciennes. La prééminence de la peinture d’histoire, fer de lance du programme de restauration de la grandeur de l’école nationale, est menacée, s’inquiète-t-on, par la féminisation croissante des beaux-arts. L’étude du nu, préalable indispensable au grand genre, est en principe interdit au « sexe faible » car contraire à la morale. Comme l’est la mixité que favorise l’ouverture croissante des ateliers de formation aux demoiselles. Le débat fait rage, se politise. La Révolution éclate. Le premier Salon libre ouvre en 1791, l’Académie royale de peinture est abolie en 1793. La même année, la Société populaire et républicaine des arts, mettant en balance vocation domestique et vocation artistique, interdit jusqu’en octobre 1794 aux femmes d’y adhérer. Mais rien ne les empêche désormais d’exercer professionnellement ni d’exposer : seulement une trentaine dans les salons révolutionnaires, elles seront deux cents au milieu des années 1820.
ÉLISABETH-LOUISE VIGÉE LE BRUN née Louise-Élisabeth VIGÉE (1755-1842) :
Autoportrait de l'artiste peignant le portrait de l'impératrice Elisaveta Alexeevna, 1800, huile sur toile
Elisabeth Philippine Marie Hélène de France, dite Madame Elisabeth (1764-1794). sœur du roi Louis XVI, 1782, huile sur toile
Marie-Antoinette en robe de mousseline, dite «à la créole», «en chemise » ou «en gaulle », 1783, huile sur toile
ADÉLAÏDE LABILLE-GUIARD née LABILLE (1749-1803) :
Élisabeth Philippine Marie Hélène de France, dite « Madame Élisabeth » (1764-1794), sœur du roi Louis XVI, 1788, huile sur toile
Portrait de femme, vers 1787, huile sur toile
ROSALIE FILLEUL DE BESNES née Anne-Rosalie BOQUET (1752-1794) : Autoportrait, vers 1775, huile sur toile
MARIE-GENEVIÈVE BOULIARD (1763-1825) Autoportrait en Aspasie,1794, huile sur toile
JEANNE-LOUISE, dite « NANINE » VALLAIN épouse PIETRE (1767-1815) : Portrait d'une femme tenant un agneau, 1788, huile sur toile
MARIE-NICOLE VESTIER épouse DUMONT (1767-1846) : L'Auteur à ses occupations, 1793, huile sur toile
MARIE-GUILHELMINE BENOIST née DE LA VILLE LE ROULX (1768-1826) :
Autoportrait copiant le Bélisaire et l'enfant à mi-corps de David, 1786, huile sur toile
MARGUERITE GÉRARD (1761-1837) : L'Élève intéressante, vers 1786, huile sur toile
MARIE-ÉLISABETH LEMOINE épouse GABIOU (1761-1811) :
Autoportrait au chapeau de paille et à la palette, vers 1795, huile sur toile
ADÈLE ROMANÉE ou DE ROMANCE née Marie-Jeanne MERCIER, épouse ROMANY (1769-1846) : Autoportrait présumé d'Adèle Romane, dite Adèle Romanée, vers 1799, huile sur toile
2. Apprendre : dilettantes et professionnelles
Dès les années 1780, la bourgeoisie, en pleine ascension sociale, s’approprie les signes de distinction des classes privilégiées : la maîtrise du dessin, l’érudition artistique, la fréquentation des expositions, connaissent une vogue croissante. Nombreuses sont les jeunes filles, nées hors de l’espace des beaux-arts, à se former à la peinture et aux arts graphiques, et à suivre les cours d’anatomie pittoresque. Elles sont encouragées par leur famille qui y voit, d’abord, un capital symbolique et matrimonial, puis, après la crise révolutionnaire, une profession rémunératrice. Greuze, David, Suvée, Regnault, etc. : se substituant à l’ancien modèle de transmission familiale, des ateliers réputés s’ouvrent à ces demoiselles. Leur interdiction par l’Académie, édictée en 1787 au nom de la bienséance, n’a que peu d’effet. Jeanne-Élisabeth Chaudet, Césarine Davin-Mirvault, Hortense Haudebourt-Lescot, Louise Hersent, etc. : à la suite des pionnières des années 1780, les peintres femmes forment aussi des élèves. Et dès 1800, les cours privés se multiplient et les maîtres en vue ouvrent des sections féminines, souvent supervisées par leur épouse ou une ancienne élève. La pédagogie y est comparable à celle des sections masculines, jusqu’au nu et à la peinture d’histoire pour certains ateliers. La réputation du maître, le réseau de sociabilité qu’on tisse dans son atelier sont déterminants pour la carrière, la candidature au Salon, la constitution d’une future clientèle et la légitimité de la jeune peintre : l’amateure reste une femme, la professionnelle devient une artiste.
ANNE-GENEVIÈVE, dite « ANA » GREUZE (1762-1842) : L'Enfant à la poupée, fin du 18e siècle, huile sur toile
JEANNE-PHILIBERTE LEDOUX (1767-1840) : La Suppliante d'après Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), fin du 18e siècle, huile sur toile
MARIE-RENÉE-GENEVIÈVE BROSSARD DE BEAULIEU (1755-1832) : La Muse de la poésie pleurant la mort de Voltaire, 1785, huile sur toile
Un "homme peintre", le premier de l'exposition, peignant deux jeunes personnes, sans doute ses élèves...
JACQUES-AUGUSTIN-CATHERINE PAJOU (1766-1828) : Mesdemoiselles Duval, 1er quart du 19e siècle, huile sur toile
MARIE-ÉLÉONORE GODEFROID (1778-1849) :
Portrait posthume de Jacques-Louis David, peintre (1748-1825) représenté pendant son exil à Bruxelles, début du 19e siècle, huile sur toile
François Gérard, peintre (1770-1837) huile sur toile
Encore un homme peintre : c'est le sujet qui est en rapport avec l'exposition.
Louis HERSENT (1777-1860) : Portrait de Jean-Baptiste Regnault (1754-1829), d'après l'Autoportrait conservé au musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 19° siècle, huile sur toile
Pendant plus de vingt ans, l'atelier féminin de Regnault, ouvert l'été 1787 au Louvre, est le plus prisé et une pépinière de talents : Pauline Auzou, Alexandrine Delaval, Henriette Lorimier. Adele Romanée... Une trentaine d'élèves, la plupart issues de familles aisées, se sont formées auprès de lui.
CATHERINE-CAROLINE COGNIET-THÉVENIN née THÉVENIN (1813-1892) : Atelier de jeunes filles, 1836, huile sur toile
Exerçant un quasi-monopole, Léon Cogniet a formé un millier d'élèves de 1822 à 1876 : des jeunes hommes, dans son atelier personnel et dans un autre qu'il ouvre pour accueillir les nombreux candidats ; puis des jeunes femmes à partir de 1834.
MARIE-AMÉLIE COGNIET (1798-1869) : Intérieur de l'atelier de Léon Cogniet (1794-1880), 1831, huile sur toile
ADRIENNE-MARIE-LOUISE GRANDPIERRE-DEVERZY épouse PUJOL (1798-1869) : L'Atelier d'Abel de Pujol, 1822, huile sur toile
ANTOINE-JEAN GROS, BARON GROS (1771-1835) : Portrait d'Augustine Dufresne, baronne Gros, 1822, huile sur toile
A défaut d'oeuvre d'Augustine Dufresne, artiste peintre elle aussi, son portrait par son mari...
JULIE DUVIDAL DE MONTFERRIER épouse HUGO (1797-1865) :
Autoportrait, non daté, huile sur toile
Élève des peintres François Gérard et Jacques-Louis David, elle épousa Abel Hugo, frère de Victor
Adèle Foucher, vers 1820, huile sur toile
Mariée à Victor Hugo en 1822, elle était l'élève de Julie Duvidal de Montferrier, auteur de ce portrait, qui épousa Abel Hugo en 1827.
LOUISE-JOSÉPHINE SARAZIN DE BELMONT (1790-1871) : Naples, vue du Pausilippe, entre 1843 et 1858, présenté au Salon de 1859, huile sur toile
Élève de Pierre-Henri de Valenciennes avant 1812, Louise-Joséphine Sarazin de Belmont se rend en Italie de 1824 à 1826 : elle visite Rome et ses environs, Naples, la Sicile.
Vue du Forum le matin, entre 1842 et 1860, huile sur toile
HORTENSE HAUDEBOURT-LESCOT née Antoinette Cécile Hortense VIEL, épouse HAUDEBOURT (1784-1845) : Le Jeu de la main chaude, 1812, huile sur toile
MARIE-GABRIELLE CAPET (1761-1818) : Scène d'atelier (Adélaïde Labille-Guiard faisant le portrait de Joseph-Marie Vien) ou L'Atelier de madame Vincent vers 1800, 1808, huile sur toile
3. Le Salon : un espace incontournable en mutation
Le Salon, au tournant du XIXe siècle, devient l’événement culturel majeur (plus de 22 000 visiteurs en 1804) et le seul espace d’exposition et de consécration des artistes vivants. Suite à la réorganisation révolutionnaire du système des beaux-arts, devenu dès 1802 une autorité administrative unique, la Direction des musées gère le Musée récemment créé et encourage l’art vivant exposé au Salon avec, à son issue, l’attribution des médailles, les commandes et les acquisitions par l’État. De 300 exposants sous la Révolution, on passe à 700 au début de l’Empire puis 1 200 à la fin des années 1840. La multiplication exponentielle des tableaux, accrochés sur plusieurs rangs, seulement numérotés, et le succès de l’exposition bisannuelle expliquent le rôle déterminant de la critique naissante sur le goût du public comme sur la carrière des artistes. De 9 % dans les années 1790 à 15 % au milieu des années 1820, les exposantes y sont, d’abord, pour la plupart issues de classes favorisées, tandis que, durant les dernières années de l’Empire et sous la Restauration, les filles issues de la petite bourgeoisie ou du métier se font plus nombreuses. Leur parcours est semblable à celui des hommes, bien qu’affecté par un taux de refus du jury plus élevé. Néanmoins, leur rôle est essentiel dans l’évolution du Salon vers un marché de l’art où le goût du public l’emporte sur les visées didactiques antérieures. En effet, participe de cette mutation l’envahissement du Salon par les scènes de genre, les portraits et les petits tableaux, qu’elles sont plus nombreuses à pratiquer que les hommes.
MARIE-VICTOIRE LEMOINE (1754-1820) :
Femme et Cupidon, 1792, huile sur toile
Portrait de Marie-Geneviève Lemoine avec sa fille Anne-Aglaé Deluchi, vers 1802, huile sur toile
ANGÉLIQUE MONGEZ née Marie-Joséphine-Angélique LEVOL (1775-1855) : Thésée et Pirithoüs délivrent deux femmes des mains de leurs ravisseurs, 1806, craies noire, blanche, bleue, et ocre sur papier ivoire
ALEXANDRINE DELAVAL (active entre 1808 et 1838) : Malvina. Chant de douleur sur la perte de son cher Oscar (Poésies d'Ossian), 1810, huile sur toile
ROSALIE CARON (1791-1860) : Mathilde surprise dans le jardin de Damiette par Malek-Adhel, présenté au Salon de 1817, huile sur toile
CÉSARINE DAVIN-MIRVAULT née Césarine Henriette Flore MIRVAULT, épouse DAVIN (1773-1844), La Mort de Malek-Adhel, présenté au Salon de 1814, huile sur toile
PAULINE AUZOU née DESMARQUETS (1775-1835) : Novès et Alix de Provence, 1816, huile sur toile
On retrouve Julie DUVIDAL de MONTFERRIER, épouse HUGO avec Tête d'Ève, 1822, huile sur toile
De MARGUERITE GÉRARD, deux œuvres plus tardives que celle de 1786 vue au début du parcours :
Clémence de Napoléon envers madame de Hatzfeld, présenté au Salon de 1808, huile sur toile
Maternité, 1801, huile sur toile
CONSTANCE MAYER (1774-1821) : Le Flambeau de Vénus, 1808, huile sur toile
En dépit des préventions contre la pratique féminine du nu érotisé, le tableau présenté en 1808 avec son pendant Le Sommeil de Vénus (1806), aujourd'hui conservé au musée du Louvre, offre à Constance Meyer la consécration : l'acquisition de l'ensemble par l'impératrice Joséphine.
Partageant avec Pierre-Paul Prud'hon le métier et la vie de peintre, elle est pourtant réduite au rang d'élève sans talent par une historiographie misogyne tandis qu'un révisionnisme lucratif a systématiquement attribué au maître toutes les œuvres et esquisses réalisées pendant leur collaboration.
Une esquisse de l'œuvre, attribuée à Prud'hon, est ainsi conservée au musée Condé de Chantilly. Une lettre de lui affirme cependant que Le Flambeau de Vénus est d'elle et qu'elle seule y travailla.
AIMÉE BRUNE 1803-1866 : Une jeune fille à genoux, 1839, huile sur toile
ISABELLE PINSON née PROTEAU (1769-1855) L'Attrapeur de mouche, 1808, huile sur toile
ANGELIQUE MONGEZ née Marie-Joséphine-Angélique LEVOL (1775-1855) : Mars et Vénus, 1841 (date de signature), huile sur toile
ROSE-ADÉLAÏDE DUCREUX (1761-1802) : Portrait d'une femme tenant sa fille sur les genoux, présenté au Salon de 1793 (n° 242), huile sur toile
LOUISE MARIE-JEANNE HERSENT née MAUDUIT (1784-1862), Portrait d'une jeune femme portant une robe blanche, avec un châle de cachemire, accoudée à une méridienne, 1828, huile sur toile
JEANNE-ELISABETH CHAUDET née GABIOU (1761-1832) : Portrait d'une dame en novice, 1811, huile sur toile
EULALIE MORIN née Eulalie Françoise Anne CORNILLAUD (1765-1837) : Juliette Récamier (1777-1849), fin du 18° siècle (refusé au Salon de 1799), huile sur toile
On retrouve Adèle ROMANÉE avec ce Portrait de Fleury, comédien (1750-1822), 1818, huile sur toile
ainsi que MARIE-ÉLÉONORE GODEFROID avec ce Portrait d'Abd el-Kader, entre 1830 et 1844, huile sur toile
C'est encore MARIE-ÉLÉONORE GODEFROID qui participe à cette confrontation entre deux portraits posthumes de Germaine de Staël : celui, à gauche, de son ami FRANÇOIS GÉRARD et le sien, à droite (après 1817, huile sur toile)
MARIE-DENISE, dite « NISA » VILLERS née LEMOINE (1774-1821) fournit le thème de l'affiche de l'exposition avec Portrait présumé de madame Soustras laçant son chausson, 1802, huile sur toile
HENRIETTE LORIMIER (1775-1854) : François Pouqueville à Janina, 1830, huile sur toile
L'acquisition en 1805 de La Chèvre nourricière (Salon de 1804) par Caroline Bonaparte, une médaille d'or en 1806 pour Jeanne de Navarre acquis par l'impératrice Joséphine en 1807 : Henriette Lorimier est une artiste en vogue quand elle rencontre François Pouqueville, qui deviendra son compagnon jusqu'à sa mort. Membre de l'expédition d'Egypte en 1798, prisonnier des Ottomans en Grèce puis à Constantinople jusqu'en 1801, médecin, archéologue, voyageur et écrivain philhellène, Pouqueville contribue à la révolution grecque.
4. Moi. Peintre
Cette dernière section présente avant tout des autoportraits, ce genre auquel aucun peintre femme n'échappe, qui leur permet d'affirmer leur personalité en tant qu'artiste et dont on a déjà vu plusieurs exemples dans le parcours de l'exposition.
MARIE-ADELAIDE DURIEUX née LANDRAGIN (active entre 1793 et 1798) Autoportrait, vers 1793-1798, huile sur toile
Un autre autoportrait d'ÉLISABETH-LOUISE VIGÉE LE BRUN, daté de 1790, antérieur à celui de 1800 qui ouvrait le parcours de l'exposition
On retrouve HORTENSE HAUDEBOURT-LESCOT avec ce Portrait de l'artiste, 1800, huile sur toile
ainsi que CONSTANCE MAYER avec cet autoportrait, vers 1801, huile sur toile
Pour le dernier tableau du parcours, on retrouve le petit format intimiste caractéristique de MARGUERITE GÉRARD avec Artiste peignant le portrait d'une musicienne, vers 1800, huile sur bois.
Modernités suisses au Musée d'Orsay
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Exposition originale à Orsay : une quinzaine d'artistes, plus de 70 œuvres pour la plupart jamais montrées en France - sauf quelques-unes, précisément, dans les collections permanentes d'Orsay - pour refléter la grande vitalité, au tournant du XXème siècle, de la scène artistique de la jeune confédération helvétique née en 1848.
Section 1 - Figures tutélaires : Ferdinand Hodler et Giovanni Segantini
Nés dans les années 1850, Ferdinand Hodler (1853-1918) et Giovanni Segantini (1858-1899) font figure de pionniers de la modernité et marquent toute une génération de peintres de vingt ans leurs cadets. Menant des carrières internationales, ils deviennent à la fin des années 1890 des acteurs majeurs de la peinture symboliste européenne, rompant avec la tradition naturaliste fondée sur l'imitation du réel. Pour Hodler, la mission de l'artiste consiste à révéler l'harmonie de la nature, au-delà des particularités: il s'agit de voir et de dégager l'essentiel. Segantini, de son côté, déploie un sens de la synthèse et de la simplification. Ses sujets paysans se muent en méditation sur la place de l'homme dans la nature et sur le cycle de la vie. Malgré sa mort prématurée en 1899, son art marque durablement Giovanni Giacometti, tandis que Hodler inspirera les peintres Amiet, Buri, Righini, Perrier ou encore Vallet.
Ferdinand Hodler : La Pointe d’Andey, vue depuis Bonneville [La Pointe d’Andey von Bonneville aus] 1909, huile sur toile
Portrait de Mathias Morhardt [Bildnis Mathias Morhardt] 1913, huile sur toile
Le Bûcheron [Der Holzfäller] 1910, huile sur toile
Femme joyeuse [Fröhliches Weib] 1909, huile sur toile
Autoportrait [Selbstbildniss] 3 février 1912, huile sur toile
Giovanni Segantini : Midi dans les Alpes [Mezzogiorno sulle Alpi] 1891, huile sur toile
Section 2 - Lumière et couleur
Comme son mentor Segantini, Giovanni Giacometti (1868-1933) est obsédé par la lumière. À la mort du maître en 1899, Giacometti achève l'une de ses toiles, ce qui lui permet d'étudier sa touche divisionniste: des traits enchevêtrés de mille couleurs, plus ou moins épais, qui vibrent entre eux pour faire surgir la lumière. Fasciné par cette manière, le jeune Giacometti pousse ses expérimentations encore plus loin en traduisant les effets de la lumière par de larges stries colorées. Cuno Amiet (1868-1961) partage cette attirance pour la lumière et ses effets colorés. Après avoir travaillé en Allemagne et en France, Amiet et Giacometti reviennent en Suisse. Leurs recherches picturales du tournant du siècle transfigurent des sujets tirés de leur quotidien: la nature environnante et le cercle familial.
Giovanni Giacometti : Autoportrait devant un paysage hivernal (Autoritratto davanti a paesaggio invernale]1899, huile sur toile
Vue sur Capolago et le lac de Sils [Blick über Capolago und den Silsersee) vers 1907, huile sur toile
Floraison [Fioritura] 1900, huile sur toile
Arc-en-ciel [Arcobaleno] 1916, huile sur toile
Cuno Amiet : Le Grand Hiver [Der Grosse Winter] 1904, détrempe sur toile
Taches de soleil [Sonnenflecken] 1904, huile sur toile
Section 3 - Cuno Amiet: le chemin de Pont-Aven
Le séjour de Cuno Amiet à Pont-Aven en 1892-1893 est déterminant. Depuis les années 1860, ce village breton est très fréquenté par les artistes, attirés par les paysages, les habitants aux costumes traditionnels et le sentiment de fréquenter une région épargnée par l'industrialisation. Vers 1885-1890, Paul Gauguin et ses amis y abandonnent le réalisme au profit d'œuvres marquées par une forte stylisation et l'emploi de couleurs vives cernées d'un contour sombre. S'il ne rencontre pas Gauguin, Amiet est fasciné par ce qu'il découvre à Pont-Aven des recherches les plus avancées des artistes postimpressionnistes. Son opinion sur l'art en est bouleversée et les œuvres qu'il produit en Bretagne, puis de retour en Suisse, attestent de la puissance de ce choc visuel et culturel.
Bretonne [Bretonin] 1892, huile sur toile marouflée sur bois
Garçon mendiant avec du pain [Bettelknabe mit Brot] 1894, huile sur toile
Bretonne couchée [Liegende Bretonin] 1893, huile sur toile
Paysage près de Pont-Aven [Landschaft bei Pont-Aven] 1892, huile sur toile
Section 4 - Cuno Amiet et Giovanni Giacometti: «Nos éducateurs à l'art de Van Gogh »
En Suisse, les œuvres de Cuno Amiet et Giovanni Giacometti jouent un rôle majeur dans l'appréciation par le public des œuvres des impressionnistes, de Cézanne et de Van Gogh. Ils admirent beaucoup ce dernier, lisent sa correspondance et copient ses œuvres. En 1908, à Zurich, une importante exposition présente les œuvres de Van Gogh aux côtés de celles de peintres suisses. Le critique Hans Trog voit alors les tableaux de Giacometti et Amiet qu'il considère dès lors comme des «éducateurs» à l'art du maître, à leurs «accords de couleurs pures et éclatantes». Une nouvelle génération de collectionneurs acquiert ainsi des œuvres de Van Gogh et contribuent à les faire connaître en Suisse.
Giovanni Giacometti : Le pain [Il pane] 1908, huile sur toile
Autoportrait [Autoritratto] 1909, huile sur toile
Le Pont de Langlois, copie d'après Van Gogh, vers 1906-1907, huile sur fibrociment
Paysage ensoleillé (Agn) [Paesaggio sole (Agn)] 1910, huile sur toile
Portrait de Trutti Müller [Bildnis Trutti Müller] 1907, huile sur toile
Cuno Amiet : Le Chapeau violet [Der violette Hut] 1907, huile sur toile
Ce premier portrait de Gertrud Müller par Amiet est peint en même temps que celui de Giovanni Giacometti lors d'une séance de pose commune. La jeune femme, qui prend des cours de dessin auprès d'Amiet dès 1904, deviendra collectionneuse et mécène de nombreux peintres suisses.
Autoportrait en rose [Selbstbildnis in Rosa] 1907, huile sur toile
Nature morte avec des asters [Stillleben mit Astern] 1908, huile sur toile
L'Arlésienne, copie d'après Vincent Van Gogh, 1908, huile sur toile
Section 5 - La recherche de l'innocence
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'industrialisation croissante de la Suisse provoque des bouleversements sociaux. De nombreux artistes fuient la vie trépidante des villes pour créer leur propre paradis a la campagne. Les peintres reprennent de façon neuve et variée des thèmes classiques, comme la moisson, sujet cher au XIXe siècle évoquant l'harmonie entre l'homme et la nature. Amiet en fait une célébration du bonheur terrestre dans des œuvres qui évoquent à la fois Cézanne, l'Art Nouveau et le mouvement expressionniste allemand Der Blaue Reiter. Chez Alice Bailly (1872-1938), la nature vierge de toute présence humaine apparaît comme un refuge harmonieux et éclatant, tandis que Giovanni Giacometti s'inspire des modèles classiques italiens pour célébrer le bonheur familial. Évocatrice de l'innocence, l'enfance l'inspire, tout comme Amiet ou Martha Stettler (1870-1945).
Alice Bailly (1872 - 1938) :
Verger [Ursenbach] 1909, huile sur toile
Printemps à Orsay (L'Arbre blanc) 1912, huile sur toile
Giovanni Giacometti :
Maternité [Maternità] 1908, huile sur toile
Lumière et ombre II [Luce e Ombra II] 1912, huile sur toile
Cuno Amiet :
Au Jardin [Im Garten] 1911, huile sur toile
Le Jardin de la ferme [Bauerngarten] vers 1907, huile sur toile
La Cueillette [Obsternte] 1912, huile sur toile
Le Pommier [Apfelbaum] 1907, huile sur toile
Étude pour Les Filles jaunes [Studie zu Die Gelben Mädchen] 1905, huile sur plaque en fibrociment (Eternit)
Martha Stettler (1870 - 1945) :
La Toupie [Der Kreisel] entre 1907 et 1916, huile sur toile
Section 6 - L'inquiétant théâtre de l'intime
Si la révolution industrielle et ses mutations sociales entraînent chez certains un retour à une nature idéale, d'autres, comme Félix Vallotton (1865-1925) et Sigismund Righini (1870-1937), s'attardent plutôt sur l'angoisse qu'elles génèrent. L'étrangeté fait irruption dans la sphère intime lorsque les deux peintres bouleversent les codes traditionnels du portrait familial, notamment par leur usage de la couleur. Dans Le Dîner, effet de lampe, Vallotton anéantit l'image idéalisée de la famille par une atmosphère trouble et sinistre. Il aborde de façon implacable les tensions et conflits amoureux dans La Chambre rouge. Figure respectée de la vie culturelle zurichoise, Righini pose un regard ambivalent, voire ironique, sur les portraits monumentaux et très colorés de sa propre famille: isolés les uns des autres, femme, enfants, père et mère apparaissent comme sur une scène de théâtre, chacun conservant la pose qui lui a été attribuée, chacun faisant face au spectateur.
Félix Vallotton (1865-1925) :
Autoportrait 1897, huile sur carton
La Chambre rouge 1898, tempera sur carton
Le Dîner 1899, huile sur carton marouflé sur bois
Sigismund Righini (1870-1937) :
Autoportrait sur fond de fleurs [Selbstbildnis vor Blumenhintergrund) vers 1908, huile sur carton
La Famille I [Die Familie I] 1904, huile sur toile
La Famille II [Die Familie II] 1911, huile sur toile
Section 7 - Renouveau des scènes de genre paysannes
Les expositions nationales suisses (en 1883 à Zurich, 1896 à Genève et 1914 à Berne) sont de véritables vitrines du patriotisme helvète. Une iconographie nationale s'y forge à travers la peinture alpine, tandis que l'accent est mis sur les identités régionales, les sujets populaires exaltant les coutumes d'une population rurale montrée en costumes traditionnels. Attirés par le mode de vie des paysans, des peintres quittent la ville pour la campagne : Ernest Biéler (1863-1948), Edouard Vallet (1876-1929), Max Buri (1868-1915). Jusqu'alors dépeints dans une veine naturaliste précise, ces sujets traditionnels sont repris par ces artistes sans aucune approche anecdotique et dans un langage plastique novateur: une ligne souple évoquant l'Art Nouveau chez Biéler, un jeu de couleurs franches et vives chez Buri, des compositions structurées chez Vallet.
Ernest Biéler (1863-1948) :
L'Auteur 1911, aquarelle et gouache sur papier
Le Petit Cheval rouge 1909, tempera et crayon sur papier contrecolé sur toile
Ramasseuse de feuilles vers 1906-1909, aquarelle, gouache et crayon sur papier marouflé sur carton
Max Buri (1868 - 1915) :
Autoportrait [Selbstbildniss] 1913, huile sur toile
Jeune fille de la vallée du Hasli [Mädchen aus dem Haslital] vers 1906, huile sur toile
Joueur d'accordéon en compagnie [Handorgeler in Gesellschaft] 1905-1906, huile sur toile
La Sieste [Siesta] 1907-1910, huile sur toile
Édouard Vallet (1876-1929) :
Autoportrait 1912, huile sur toile
Dimanche matin 1908-1909, huile sur toile
Section 8 - Le paysage symboliste
En Suisse, le multilinguisme et un fort régionalisme ont limité l'émergence d'une iconographie nationale dans la peinture d'histoire. Depuis la fin du XVIIIe siècle, cette recherche d'une identité nationale s'exprime plutôt dans le paysage, mais celui-ci perd vers 1900 cette fonction patriotique au profit d'une approche subjective et onirique de la nature. Chez des artistes aussi différents que Félix Vallotton, Hans Emmenegger (1866-1940), Alexandre Perrier (1862-1936) et Albert Trachsel (1863-1929), le paysage devient rêve, vision fantastique ou symbole d'harmonie. Basés sur une connaissance aigüe et précise de la nature, leurs tableaux la transfigurent par le jeu de couleurs irréelles, la stylisation des motifs et l'importance donnée aux effets de lumière. Cette approche symboliste renouvelle profondément la tradition du paysage helvète et celle de la peinture de montagne en Suisse et en Europe.
Félix Valloton :
Derniers rayons dit aussi Paysage avec arbres 1911, huile sur toile
La Mare (Honfleur) 1909, huile sur toile
Albert Trachsel (1863-1929) :
L'Île des arbres en fleurs (Paysage de rêve) [Traumlandschaft] vers 1912-1913, huile sur toile
Paysage de rêve [Traumlandschaft] vers 1907, huile sur toile
Hans Emmenegger (1866 - 1940) :
Château-rocher III [Felsenburg II 1901, huile sur toile sur un apprêt à la détrempe
En Février (étude) [Im Februar (Studie)] 1907, huile sur toile
Alexandre Perrier (1862-1936) :
Le Lac Léman et le Grammont 1901, huile sur toile
Section 9 - Augusto Giacometti: de l'Art Nouveau à l'abstraction
L'art d'Augusto Giacometti (1877-1947) relève d'une vision diamétralement opposée à celle de son cousin Giovanni : ce dernier prône la peinture de plein air et l'observation directe du modèle, alors qu'Augusto considère la nature comme le point de départ d'un travail fondé sur l'imagination. Formé auprès du Suisse Eugène Grasset, installé à Paris et tenant de l'Art Nouveau, il s'appuie sur ce langage formel pour donner aux couleurs et à la ligne leur propre valeur et atteindre une certaine abstraction.
Augusto Giacometti (1877-1947) :
Plein été [Hochsommer] 1912, huile sur toile
Fantaisie Chromatique [Chromatische Fantasie] 1914, huile sur toile
Autoportrait au chapeau [Selbstbildnis mit Hut] 1908, huile sur toile
Contemplation [Contemplazione] vers 1908, huile sur toile
Section 10 - Natures mortes: jeux de couleurs et de formes
Fleurs, fruits, objets familiers : les motifs traditionnels de la nature morte restent attrayants pour les artistes comme pour les collectionneurs. Comme Cézanne, Gauguin ou Van Gogh avant eux, les peintres y déploient un nouveau vocabulaire artistique et se livrent à des expérimentations de forme, de couleur et de composition. Jouets, céramiques traditionnelles suisses et végétaux leur inspirent des combinaisons inédites, aux couleurs souvent intenses. Parmi ces réinventions de l'univers quotidien, celle d'Alice Bailly est la plus radicale. Elle est la seule des artistes de cette exposition à s'inscrire, au début des années 1910, au coeur d'une nouvelle avant-garde française : le cubisme.
René Auberjonois (1872 - 1957) : Nature morte au pot jaune 1910, huile sur carton
Alice Bailly : Nature morte au réveille-matin 1913, huile sur toile
Félix Vallotton : Pommes 1919, huile sur toile
Giovanni Giacometti : Nature morte avec livres [Stilleben mit Büchern] vers 1907-1908, huile sur toile
Cuno Amiet : Nature morte [Stillleben] 1907, huile sur toile
Hans Emmenegger : Fruits [Früchte] 1909, huile sur toile
Max Buri : Grande nature morte aux fleurs avec pommes (Grosses Blumenstück mit Äpfeln] vers 1911, huile sur toile
Sigismund Righini : La Table [Der Tisch] 1908, détrempe sur carton
Dernière section de cette exposition où les découvertes ont été nombreuses, Vallotton étant le seul de ces artistes bénéficiant en France d'une grande notoriété (cf. notre billet du 5 novembre 2013) :
Section 11 - Dimensions cosmiques
Lacs, montagnes et autres éléments naturels sont ici simplifiés et réduits à l'essentiel, frôlant l'abstraction. Nos repères spatiaux traditionnels sont brouillés par les horizontales du lac Léman de Hodler, la fragmentation du motif chez Emmenegger, les ciels étoilés de Giacometti ou les éclatants couchers de soleil de Vallotton. Ces paysages des années 1910 se vident de toute présence humaine, même quand il s'agit de lieux normalement très fréquentés. Lignes, couleurs, formes dépassent la représentation du motif et du moment pour suggérer un univers, un au-delà insondable de la nature. Intenses et magnétiques, ces paysages revêtent une dimension cosmique. Ils invitent à la méditation, à la rêverie et à l'émerveillement face à l'infini et à la beauté.
Hans Emmenegger : Reflet sur l'eau (Petit bateau à vapeur se reflétant dans l'eau) [Reflektion im Wasser (Kleiner Dampfer, sich im Wasser spiegelnd)] 1908-1909, huile sur toile
Ferdinand Hodler : Brouillard du soir sur le lac de Thoune [Abendnebel am Thunersee] 1908, huile sur toile
Le Lac Léman et le Mont-Blanc à l'aube (octobre) [Genfersee mit Mont-Blanc am frühen Morgen (Oktober)] 1917, huile sur toile
Augusto Giacometti : Nuit étoilée (Voie lactée) [Sternenhimmel (Milchstrasse)] 1917, huile sur toile
Félix Vallotton : Coucher de soleil, ciel orange 1910, huile sur toile
Elles font l'abstraction : suite et fin
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Comme promis, un dernier regard sur cette exposition-fleuve rendant hommage à 106 femmes artistes qui ont marqué de leur empreinte l'irruption de l'art abstrait tout au long du siècle dernier. (cf. nos billets du 22 mai et du 29 mai derniers).
Science et photographie
La photographe allemande
Marta Hoepffner (1912, Pirmasens - 2000, Lindenberg im Allgäu)
Räumliche Strukturen, Variation III (orange), 1979 [Structures spatiales, variation III (orange)], image interférente en couleurs à la lumière polarisée Streifen im Achteck I, 1968 [Rayures dans l'octogone l], image interférente en couleurs à la lumière polarisée et deux autres réalisations de même nature
et l'américaine
Berenice Abbott (1898, Springfield, Ohio - 1991, Monson, Maine)
avec ces photographies "abstraites" des années 1960 (balle rebondissante et pendules stroboscopés, et autres effets)
Black and White, Op and Pop
à gauche :
Martha Boto (1925, Buenos Aires - 2004, Paris)
Essaim de reflets, 1965, acier inoxydable, aluminium, Plexiglas, moteur
Martha Boto, formée à Buenos Aires, opte pour un langage plastique abstrait dès 1954. À son arrivée à Paris, en 1959, elle se lie aux artistes gravitant autour de la galerie Denise Ren À partir de 1963, elle recourt à l'électricité et réalise ses premières sculptures cinétiques.
à droite :
Eduarda Emilia Maino, dite Dadamaino (1930, Milan- 2004, Milan)
Dès les années 1950, Dadamaino s'engage sur la voie d'un art pensé comme une plongée radicale dans l'espace et vers d'autres dimensions possibles. Surtout connue pour ses toiles monochromes percées de trous ovales, elle est remarquée dans les années 1960 sur la scène artistique européenne grâce aux Oggetti ottico-dinamici présentés au Musée des Arts Décoratifs de Paris en 1964.
Oggetto ottico-dinamico, 1962-1971, plaques d'aluminium fraisées sur fils de nylon fixés sur structure de bois
Louise Nevelson (1899. Percaslavie, Ukraine) - 1988, New York)
A la fin de 1920, elle suit des cours de peinture à l'Art Student's League of New York. Par la suite, elle travaille avec Hans Hofmann à Munich en 1931, puis à New York et Mexico en tant qu'assistante de Diego Rivera. Dès 1933, elle expose peinture et gravure, et se tourne vers la sculpture. De 1949 à 1950, elle étudie la terre cuite, l'aluminium, le bronze au Sculpture Center, puis elle étudie la gravure avec Stanley Wiliam Hayter . Elle est l'une des premières à montrer ses sculptures dans les années 1950
Tropical Garden II, 1957, Assemblage de 15 boîtes en bois peint
Les années 1960
Carla Accardi (1924, Trapani, Italie - 2014, Rome)
En 1947, la sicilienne Carla Accardi co-fonde le groupe marxiste et formaliste Forma 1 aux côtés de Piero Dorazio, Pietro Consagra, Giulio Turcato et Antonio Sanfilippo, théoricien du groupe qu'elle épouse deux ans plus tard. Dès 1954, elle trace de façon répétitive des signes blancs à l'aspect calligraphique sur des toiles peintes en noir. Cette « anti-écriture » se fait constitutive de son œuvre. A partir de 1964, les feuilles de scofoil deviennent son support de prédilection. Elle apprécie la transparence de ce matériau inhabituel qu'elle associe à de la peinture fluorescente, déclarant à ce sujet : « ce n'était que lumière ! ».
Rotoli, 1966-1971, peinture sur sicofoil, 10 éléments
Sans titre, 1967, peinture sur sicofoil
Derrière les Rotoli de Carla Accardi, deux acrylique sur toiles, vers 1965, de l'américaine
Marcia Hafif (1929, Pomona, Californie - 2018, Laguna Beach, Californie)
Marcia Hafif séjourne à partir de 1961 pendant une dizaine d'années à Rome, où elle fréquente la scène artistique de l'époque dont fait partie Carla Accardi.
llona Keserü née en1933 à Pécs (Hongrie), vit et travaille à Budapest
Ilona Keserü est une des représentantes majeures de la scène artistique hongroise des années 1960. Elle se forme notamment aux côtés de l'artiste Ferenc Martyn, lui-même membre du groupe Abstraction Création, qui l'engage à se tourner vers un langage pictural abstrait. En 1967, elle découvre dans un cimetière près du lac Balaton des pierres tombales aux formes ondulées. Ce motif est dès lors récurrent dans ses peintures aux tonalités chaudes, comme dans la série Közelités.
Közelítés 1., 1969 [Approche 1.] huile sur toile
Közelítés 2., 1969 [Approche 2.] acrylique, toile en relief
Tess Jaray (née en 1937 à Vienne en Autriche, vit et travaille à Londres
Peintre et graveuse britannique, elle a enseigné à la Slade School of Fine Art, UCL de 1968 à 1999.
St Stephen's Green, 1964, huile sur toile
Textile et abstraction
Sheila Hicks (1934, Hastings, Nevada, vit et travaille à Paris)
Sheila Hicks, installée à Paris depuis 1964, se forme à l'Université de Yale auprès du théoricien des couleurs Josef Albers et du spécialiste de l'art et des textiles précolombiens Georges Kleber Textile Fresco témoigne de son intérêt pour les méthodes de tissage de l'Amérique précolombienne. On perçoit ainsi dans les nouds rythmant cette composition le souvenir du quipu, ancien outil de calcul de l'administration inca.
Textile fresco, 1977, 5 panneaux d'écheveaux torsadés en lin, soie et coton
Lenore Tawney (1907, Lorain (Ohio - 2007, New York)
Lenore Tawney, formée au dessin, à la sculpture et au tissage au New Bauhaus / Institute of design de Chicago dans les années 1940, développe une œuvre textile délicate à l'aspect éthéré. Ses tapisseries à chaînes ouvertes, réalisées à l'horizontale, sont alors composées d'une alternance d'espaces tissés et non tissés.
Union of Water and Fire, 1974, Lin et fil de pêche
Magdalena Abakanowicz (1930, Falenty, Pologne - 2017, Varsovie
Eccentric Abstraction
Louise Bourgeois (1911, Paris - 2010, New York)
Après des études à Paris, Louise Bourgeois s'installe en 1938 à New York. Dans les années 1960, elle réalise des œuvres à la forte dimension physique et corporelle, souvent en latex. Avenza Revisited Il est typique d'une abstraction post minimale opposée à la rigidité minimaliste. Un ensemble de formes cellulaires, dans lesquelles l'artiste voit des « nuages », semble contenu dans un cocon de chair s'étalant sur le sol. Cette sculpture en bronze, réalisée à partir du moule d'une sculpture en plâtre, témoigne des recherches de Louise Bourgeois autour des matériaux. Le bronze, métal dur, lourd et inaltérable, fige cette forme à l'aspect viscéral.
Avenza Revisited II, 1968-1969, bronze, nitrate d'argent et patine polie
Au premier plan :
Eva Hesse (1936, Hambourg, Allemagne - 1970, New York)
Eva Hesse, formée à la peinture auprès de Josef Albers à l'Université de Yale, explore d'abord l'abstraction géométrique dans les années 1950.
Sans titre, 1970, fibre de verre, résine, polyester, polyéthylène, fils d'aluminium, 7 éléments
Derrière, au mur :
Rosemarie Castoro (1939, New York - 2015, New York)
Proche de la scène de la danse expérimentale dans les années 1960, l'intérêt de Rosemarie Castoro pour le corps en mouvement transparaît dans ses œuvres plastiques postérieures. Armpit Hair fait partie de la série des Brushstrokes, sculptures composées de couches de plâtre recouvertes de graphite et appliquées sur un support de bois à l'aide d'un balai. Bien qu'abstraite, cette peinture-sculpture post-minimale a une connotation féministe, son titre « Poils sous les bras » dénonçant avec humour l'idéal du corps féminin lisse et épilé.
Armpit Hair, 1972, isorel, bois, gesso, graphite et pâte à modeler
Lynda Benglis, née en 1941 à Lake Charles (Louisiane), vit et travaille à New York et Santa Fe.
Au contraire des minimalistes qu'elle fréquente à New York, Lynda Benglis cherche à insuffler de la vie dans ses œuvres. Dès 1968, elle répand des traînées de latex liquide coloré sur le sol. Ces « fallen paintings », rappellent le sort des « fallen women » femmes déchues de l'ère victorienne. EAT MEAT trouve son origine dans une série de sculptures en mousse de polyuréthane débutée en 1969 : déversé sur le sol, le matériau y trouve sa forme de façon autonome.
EAT MEAT, 1969-1975, Bronze
Modernité au Liban
Etel Adnan, née en 1925 à Beyrouth (Liban), vit et travaille à Paris
Etel Adnan est une poétesse américano-libanaise, écrivain et artiste visuelle ; polyglotte, elle écrit en français, en anglais et en arabe
Huiles sur toile entre 1960 et 1975
Helen Khal (1923, Allentown, Pennsylvanie - 2009, Ajaltoun, Liban)
Née de parents libanais, Helen Khal grandit en Pennsylvanie avant de passer deux ans au Liban à partir de 1946. Formée à la peinture à Beyrouth puis à New York, elle réalise dans les années 1960 des œuvres composées de blocs de couleur infusés de lumière qui évoquent la peinture de Mark Rothko.
Deux huiles sur toile sans titre de 1968
Virginia Jaramillo, née à El Paso (Texas), vit et travaille à New-York
Installée à New York en 1967, l'artiste d'origine mexicaine Virginia Jaramillo développe depuis près de soixante ans une œuvre abstraite originale.
Altotron, 1976, huile sur toile
Alma Woodsey Thomas (1891, Colombus, Ohio - 1978, Washington DC)
Dans la série des Earth Paintings dont Iris, Tulips, Jonquils and Crocuses fait partie, Alma Woodsey Thomas adopte un point de vue macroscopique sur la nature, comme si elle ne pouvait plus en distinguer que des taches de couleurs. Dès le début des années 1960, son travail, fondé sur des mosaïques de couleurs organisées en bandes circulaires ou verticales, est associé au Color Field painting.
Iris, Tulips, Jonquils, and Crocuses, 1969, acrylique sur toile
Orion, 1973, acrylique sur toile
Vera Molnár née en 1924 à Budapest (Hongrie), vit et travaille à Paris
Sans titre, 1972, dessin à l'ordinateur, encre de Chine et encres de couleur sur table traçante
À la recherche de Paul Klee, 1970, encre sur papier
Une installation originale composée d'oeuvres diverses de
Monir Shahroudy Farmanfarmaian (1924, Qazvin, Iran - 2019, Téhéran)
Monir Sharoudy Farmanfarmaian étudie les beaux-arts à l'Université de Téhéran avant de s'inscrire à la Parsons School of Design de New York. Elle se tourne vers l'abstraction en 1957, après un voyage en Iran au cours duquel elle est fascinée par la richesse de l'artisanat et par l'ornementation des monuments et des mosquées.
Les années 1970 aux États-Unis
Elizabeth Murray (1940. Chicago - 2007, New York)
Enthousiasmée par l'oeuvre de Paul Cézanne, Elizabeth Murray se forme à la peinture à la fin des années 1950 à l'Art Institute of Chicago puis au Mills College d'Oakland. En 1967, elle s'installe à New York, où elle est marquée par la sculpture de Claes Oldenburg et la peinture de Ron Gorchov.
Parting and Together, 1978, huile sur toile
Barbara Kasten née en 1936 à Chicago, vit et travaille à Chicago
Barbara Kasten réalise au début de sa carrière des œuvres textiles abstraites dans lesquelles elle inclut des éléments photographiques. A partir de 1974, elle fait de la photographie son médium principal, influencée par László Moholy-Nagy et Ludwig Mies van der Rohe et par les environnements lumineux du mouvement californien Light and Space.
Cibachromes, années 1980
Mary Heilmann, née en 1940 à San Francisco, vit et travaille à New-York
C'est à l'Université de Californie de Berkeley où enseignent alors Peter Voulkos et David Hockney que Mary Heilmann, marquée par la philosophie du surf et par la contre-culture californienne, se forme à la céramique et à la sculpture à la fin des années 1960. Installée à New York, elle est relativement isolée : ses tableaux postmodernistes détonnent sur une scène artistique dominée par les minimalistes.
Chinatown, 1976, acrylique sur toile
Une abstraction politique ?
Harmony Hammond, née en 1944 à Chicago, vit et travaille à Galisteo, Nouveau-Mexique
Activiste féministe, co-fondatrice de la galerie A.I.R de New York en 1972 et autrice d'importantes expositions et ouvrages sur l'art lesbien, Harmony Hammond est à l'origine d'une œuvre abstraite et engagée, flottant entre sculpture et peinture.
Trois Floorpieces, 1973, tissu et peinture acrylique
Howardena Pindell, née en 1943 à Philadelphie, vit et travaille New-York
Sans titre, 1971, acrylique sur toile
Corporalité de l'abstraction
Huguette Caland (1931, Beyrouth - 2019, Beyrouth)
Dans la série Bribes de corps, initiée au début des années 1970, l'artiste libanaise Huguette Caland, alors installée à Paris, peint des fragments du corps humain en blow up ou plans rapprochés. La courbe, le désir et l'érotisme sont célébrés à travers ce que le critique d'art Raoul-Jean Moulin comme alors une « abstraction corporelle ». Sa palette de couleurs, faite de teintes souvent vives et inattendues, détonne et contribue à l'abstractisation du motif.
Bribes de corps, 1973, huile sur lin
Checkpoint, 1974, huile sur lin
Zilia Sánchez, née en 1926 à La Havane (Cuba), vit et travaille à San Juan, Porto Rico
Zilia Sánchez, peintre cubaine exilée à New York à partir de 1960, est d'abord marquée par la peinture informelle qu'elle découvre lors de séjours en Espagne dans les années 1950. À partir de 1966, elle développe une œuvre sérielle, au vocabulaire et à la palette réduits. Autoproclamée "mulâtre minimaliste", elle reconnaît sa filiation avec une abstraction minimale qu'elle subvertit en y intégrant une forte dimension corporelle.
Eros, 1976/1998, acrylique sur toile tendue, supports de bois peints
Abstractions cosmologiques
APY Art Centre Collective
Wawitiya Burton, Nyurpaya Kaika, Timpayie Presley, Naomi Kantri Angkalinya Cadie Curtis, Nyumi Burton. Tjungkara Ken, Tingila Young, Sylvia Ken Wipana Jimmy, Mary Pan, Maringka Baker, Alison Milka Carroll Cartene Thompson, Mona Metaliki, Illuwanti Ken, Panjiti Lewis, Tuppy Goodwin Puna Yanima, Julie Yaltangki, Barbara Moore. Sharon Adamson, Paniny Mick, Betty Muffler, Nellie Coulthardt, Ingrid Treacle, Meredith Treacle. Anywpa treacle. Madeline Curley. Imatjala Curtey, Tjangali George. Elizabeth Dunn, Teresa Baker Kani Patricia Tunkin
Le APY Art Centre Collective regroupe sept centres d'art formés par des artistes issus de communautés aborigènes du sud de l'Australie. Leurs ceuvres collectives sont des transcriptions picturales de récits mythologiques ancestraux mêlant diverses traditions locales. La loi des femmes est vivante sur nos terres a été réalisée par un groupe de femmes détentrices de savoirs traditionnels.
Nganampa mantangka minyma tjutaku Tjukurpa ngaranyi alatjitu, 2018 [La Loi des femmes est vivante sur nos terres), acrylique sur toile
Terminons, dans la dernière salle de l'exposition, avec comme un clin d'œil au titre de ce blog, une artiste chinoise :
Irene Chou (1924, Shanghai, Chine - 2011, Brisbane, Australie)
Les peintures d'Irene Chou sont le fruit d'un syncrétisme entre influences artistiques orientale et occidentale. À Hong Kong, elle étudie la peinture de l'École de Lingnan, fondée sur la représentation à l'encre de la faune et de la flore. Elle découvre auprès de Lui Shou-Kwan, pionnier du New Ink Painting, le potentiel d'abstraction de la peinture à l'encre.
The Passage of Time, 1990/1991, encre de Chine, couleur et acrylique sur papier coréen hanji
The Universe Lies Within II, 1997, encre de Chine, couleur et acrylique sur papier coréen hanji