Promenade patrimoniale dans la vallée de l'Anger
Nous convions le lecteur à nous suivre dans l'ouest du département des Vosges, le long de la vallée de l'Anger, affluent du Mouzon et donc sous-affluent de la Meuse, en participant à la promenade patrimoniale organisée dans le cadre des journées d'études vosgiennes, manifestation annuelle de la Fédération des sociétés savantes des Vosges qui se tenait du 21 au 24 octobre dernier à Bulgnéville.
La première étape est à l'église Sainte-Ode-et-Sainte-Trinité de Saint-Ouen-lès-Parey, fondée au 12e siècle et refaite en style gothique flamboyant au 16e siècle.
Ce bel édifice garde des éléments de l'église romane primitive, à l'extérieur
comme à l'intérieur
De beaux autels du 17e siècle...
Une intéressante chaire au niveau du sol
Sainte Ode, martyre qui serait morte le 23 octobre 362 à la suite d'une persécution de l'empereur Julien l'Apostat, patronne du lieu (Ouen est une déformation d'Ode) est représentée par un grand tableau du 17e siècle et une statue gisante encadrée d'angelots, probablement du 16e.
L'étape suivante nous conduit à Médonville, pour y admirer l'ancienne église Notre-Dame : citée dès 1043 dans les archives de l'évêché de Toul, elle fut terminée au 12e siècle. Un incendie a détruit l'église au cours du 18e siècle et elle fut restaurée tant bien que mal. Après qu'une nouvelle église, de style néo-gothique, fut construite au centre du village, la nef de Notre-Dame fut détruite. À son emplacement se trouve aujourd'hui le cimetière de la commune. Il n'en reste aujourd'hui que le chœur et le clocher.
Le chevet était à l'origine percé d'un triplet de fenêtres remplacé au14e siècle par une seule fenêtre en arc brisé actuellement bouchée. Le clocher présente encore les traces des différentes toitures de la nef. Couvert en bâtière, il est percé sur chaque côté de deux fois deux baies géminées séparées par des colonnettes, et placées sous des arcs ornés de voussures.
Ce beau site domine le village et la nouvelle église.
Au village suivant, Gendreville, ce n'est pas l'église dont le beau clocher est éclairé par le soleil déjà déclinant qui nous intéresse,...
mais le petit édifice de la modeste chapelle dédiée à Notre Dame du Bon Secours, édifiée par Claude d'Aarberg (1447-1517), seigneur de Valangin et baron de Beaufremont.
qui abrite un bel ensemble de statues polychromes du 16e siècle.
La figure centrale est une Vierge au Manteau, communément appelée Vierge de Miséricorde ou Notre-Dame de Bonsecours. Couronnée, la Vierge protège, sous son large manteau, roi, pape, évêque, clercs et nobles.
A droite de la Vierge au Manteau, Sainte-Anne assise et tenant un livre que lit la Vierge enfant. A gauche, un groupe représente la Vierge tenant Jésus dans ses bras sous le regard de Saint-Jean-Baptiste.
De part et d'autre de l'entrée, sur des consoles, l'Ange de l'Annonciation vêtu en diacre, tenant un phylactère indiquant "Ave Maria" et la Vierge, une main posée sur la poitrine et l'autre sur un livre.
Avant-dernière étape, l'église Saint-Michel de Jainvillotte, édifice du 13e siècle dont le clocher a été rebâti en 1702 et dont la nef a fait l'objet d'un remaniement profond en 1866 sous la direction de l'architecte Léon Vautrin, de Nancy.
C'est surtout son riche mobilier qui retiendra notre attention, avec le retable aux douze apôtres (1ère moitié du 16e siècle, avec restaurations)
Le retable aux scènes de la vie de la Vierge (1ère moitié du 16e siècle)
et un beau groupe statuaire d'Anne trinitaire du 16e siècle, commenté avec talent par notre guide et ami.
Remontant la vallée de l'Anger nous traversons la rivière pour rentrer à Bulgnéville et passons à Malaincourt et sa petite église néoclassique
Elle abrite de beaux autels du 18e siècle avec d'intéressantes statues en bois...
et une mise au tombeau du 15e siècle, groupe sculpté composé de huit personnages, recouvert de badigeon, jadis probablement polychromé.
Une surprise nous avait été préparée à côté de l'église, quelques spécimens de la très belle collection de tracteurs d'un participant aux journées d'études
Pour conclure ce billet, nous ne pouvons manquer de vous proposer quelques images du tympan d'un des plus beaux portails romans de Lorraine, celui de l'église Saint-Martin à Pompierre, au bord du Mouzon, à quelques kilomètres en amont du confluent de l'Anger.
Biomimétisme au jardin - Festival international des jardins, édition 2021
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Nous renouons avec la tradition de rendre compte du festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, que nous avons évoqué à de nombreuses reprises, la dernière fois dans notre billet du 21 septembre 2019.
Le thème en est cette année : Biomimétisme au jardin
Donnons la parole aux organisateurs :
"Et si, même au jardin, l'on repensait tout sous l'angle du mimétisme et de l'universalité des formes et des organisations ! La compréhension et l'imitation des systèmes vivants et, en particulier, des écosystèmes naturels est l'une des clés de notre avenir. Gestion des flux, de l'énergie, purification et stockage des eaux, conversion de la lumière du soleil en énergie, chimie verte... tout est dans la nature. Processus d'innovation s'inspirant des formes, des matières, des propriétés et des fonctions du vivant, le biomimétisme a, en effet, beaucoup à nous apprendre, qu'il s'agisse de bioluminescence. de thermorégulation, de dépollution, d'hydrophobie, de résistance au vent... L'objectif est bien de remettre la nature, aussi bien la faune que la flore, au coeur de la réalisation des projets humains. La nature n'est alors plus une ressource ou une contrainte, mais une véritable source d'inspiration. Qu'il s'agisse du fil de l'araignée, de l'organisation des termitières ou des crampons de la vigne vierge ou de la bardane, mille leçons, applicables au jardin, sont à tirer du grand livre de la nature. Les jardins de l'édition 2021, tout en gardant leur habituelle créativité, ont su illustrer, avec talent, les vertus du biomimétisme.
Au service de cette thématique et de sa traduction esthétique, les concepteurs de l'édition 2021 ont, en effet, proposé des réponses ambitieuses et exemplaires et créé des scénographies nouvelles et contemporaines, visant à la fois à faire comprendre, à surprendre et à faire rêver".
Nous présentons la plupart des installations, avec le texte qui les accompagne dans la brochure : il a un style particulier, mais nous avons surtout essayé de vous faire partager de belles images...
1. Le jardin caméléon et 1.bis Agapé (jardin pérenne)
Ce jardin se métamorphose en permanence, au fil de la découverte., changeant de couleur et de texture, comme un animal qui voudrait se dissimuler. Agapé est un "paradis blanc" célébrant toutes les formes de l'amour qu'a conçu le paysagiste Pierre-Alexandre Risser.
2. Le jardin de la termitière
Ce jardin met en évidence le procédé naturel de refroidissement des maisons et des architectures en général.
3. Ce que l'on voit, ce que l'on sait
Ce jardin est un observatoire ouvrant sur l'invisible et les mystères de la nature : des biotopes ayant leurs propres systèmes de survie, de protection et de communication, qui nous apprennent l'entraide et la construction collective.
4. Bleu désir
Quand le recyclage devient séduction. Tel le "jardinier satiné", oiseau bleu australien, construisant patiemment le nid de ses amours en glanant des objets de sa propre couleur, il est possible de créer un jardin refuge avec des objets à la fois proches et délaissés.
4-bis : Mosaïque mimétique
Création du domaine de Chaumont sur Loire, ce jardin célèbre l'extraordinaire perfection artistique des fractales végétales.
5. Régénérescence
Replacé à sa juste place dans l'écosystème, face à une spectaculaire fontaine bouleaux, l'homme trouve un espace de ressourcement. L'association de l'eau et des végétaux se mue en véritable coopération, illustrant le yin et le yang de la pensée chinoise.
6. Terrain vague abonde
Comme une goutte troublant la surface de l'eau, des ondes circulaires déforment les plans carrés du jardin, préformés par la main humaine. Cultures en cercles et en buttes ouvrent le champ des possibles.
7. Territoire de bocage
Séparés par des haies ou des talus, les champs des paysages de bocage trouvent ici un écho et une application urbaine, avec des bancs et des jardinières collectant les eaux pluviales, dans le respect du cycle de l'eau.
8. L'effet lotus
Les feuilles de lotus, parfaitement imperméables, ont la faculté de laisser glisser l'eau à leur surface. Illustrant cette qualité d'hydrophobie, le jardin accueille une étendue foisonnante de lotus.
9. Osmose
Un système d'irrigation naturel et économe, basé sur les lois de la physique, imite les racines des arbres. Adapté aux conditions climatiques, il n'arrose que les espaces qui en ont besoin.
10. Le jardin de la fontaine anémone
Brodés comme un tapis persan, des tentacules végétaux s'enchevêtrent dans un jardin de cloître, et attirent le visiteur vers une fontaine.
11. Le petit pays des larmes
Sue une toile figurant le tissage de l'araignée, gouttes de pluie et de rosée perlent comme des bijoux. Glissant jusqu'au sol, elles sont redistribuées à travers le jardin, petit pays des larmes, célébrant la nature et ses merveilles.
12. Le jardin rayonné
Prenant exemple sur la ruche et l'abeille, des structures alvéolées exposent un panel de curiosités minérales et végétales, à découvrir et à partager.
14. Retour aux racines
À travers l'architecture racinaire d'un arbre centenaire et coloré en bleu, le promeneur entame un voyage poétique au cœur de la vie des sols.
15. Le jardin camouflage
Si certains animaux se fondent dans le paysage, un abri couvert de miroirs offre à son tour un refuge aux humains
16. L'arbre source
L'arbre source est un jardin qui recueille l'eau du ciel à travers les feuilles d'un arbre.
17. Äng
Comme l'oiseau fait son nid avec des éléments proches de lui, ce jardin nous invite à utiliser les ressources de notre environnement immédiat. Une structure de terre crue compactée se dresse ainsi, offrant, au cœur du jardin, un espace de repli et de réflexion.
19. Chemin de lierre
Liane ordinaire qui pare les murs anciens de romantisme, le lierre est inspirant au-delà de ses qualités esthétiques. Rampant ou grimpant, il symbolise force, résistance et protection, nourrit les oiseaux et de séveloppe dans la simplicité.
20. La petite serre (jardin pérenne)
Cette serre aux formes résolument contemporaines met en scène une magnifique collection de plantes tropicales aquatiques évoluant au fil de la saison.
21. Tout est connecté
Un réseau de tubes sonorisés, mimétique des communications d'aujourd'hui, connecte les visiteurs d'un bout à l'autre du jardin.
22. L'Ode à Gaïa
De la roche au mythe, la terre nourrit et inspire autant le vivant que les imaginaires. Un monolithe en pisé illustre ses multiples facettes : abri, paysage, témoin des origines. Il se reflète dans un miroir liquide qui fusionne avec le ciel.
23. Le jardin zèbre
À l'heure du changement climatique, le zèbre n'offrirait-il pas une source d'inspiration et un modèle de régulation de la chaleur. En guise de rayures, des canisses ombreuses et espacées assurent une ventilation constante de ce jardin.
24. La tour du jardinier des nuages
Il s'agit d'une évocation poétique de la tour Warka Water d'Arturo Vittori, dont l'architecture permet la récolte de l'eau.
Chaïm Soutine / Willem de Kooning - La peinture incarnée
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Belle exposition à l'Orangerie en ce moment, mettant en regard un artiste très représenté dans les collections du musée - c'est à dire dans l'ancienne collection Walter qui en constitue le fond, Chaïm Soutine (1893-1943) et le grand peintre américain d'origine hollandaise Willem de Kooning (1904-1997) qui a affiché son admiration pour celui-ci et l'inspiration qu'il a puisée dans son œuvre.
Selon Cécile Debray, directrice du musée de l Orangerie : "Découvrant l'œuvre de Soutine dès les années 1930, puis au MoMA en 1950 et enfin lors de sa visite à la Fondation Barnes, en juin 1952, Willem de Kooning construit alors un expressionnisme singulier, entre figuration et abstraction. Ce dialogue entre deux figures emblématiques de l'École de Paris et de celle de New York est le propos de l'exposition, portée par la Fondation Barnes et le musée de l'Orangerie, deux institutions détentrices des plus beaux ensembles de Soutine. Il se déploie à partir du cheminement de de Kooning - depuis ses premières «Woman » ingresques des années 1940, en passant par le tournant des années 1950 et la formulation puissante, face à la picturalité de Soutine, de ses fameuses «Woman » pop et archaïques, de ses compositions débridées et gestuelles, jusqu'aux paysages élégiaques de East Hampton des années 1970, et s'organise autour et à partir de l'évocation centrale de la rétrospective de 1950 de Soutine. Ainsi sont réunis et confrontés de véritables chefs-d'œuvre, rarement vus à Paris."
1940 « Peindre comme Ingres et Soutine à la fois »
De Kooning découvre la peinture de Soutine peu après son arrivée à New York. Introduite aux États-Unis en 1923 grâce au collectionneur Albert Barnes, celle-ci est régulièrement présentée au cours de la décennie suivante. Des 1943, la Bignou Gallery présente des œuvres de Soutine et de de Kooning côte à côte dans une exposition collective.
Cependant, l'influence de Soutine n'est pas immédiatement apparente dans son oeuvre. Ses premiers portraits de femmes sont plus redevables à Picasso, Matisse ou aux portraits classiques observés dans les musées, qu'à la liberté de facture de son aîné. On a ainsi parlé de « renouveau ingresque » à propos de certaines toiles exécutées alors par de Kooning et ses amis Arshile Gorky et John D. Graham.
En quête de sa propre voie, le peintre new-yorkais se confronte cependant à des tendances opposées. Cette tension trouve son expression dans cet aveu qu'il fait plus tard à un ami, le photographe Rudy Burckhardt, indiquant qu'il a voulu peindre « comme Ingres et comme Soutine à la fois » : il emprunte à Ingres sa ligne, à Soutine l'audace de ses couleurs, mais aussi son exagération expressive.
Chaïm Soutine :
Le Groom, dit aussi Le Chasseur, huile sur toile, 1925
Le Garçon d'étage, huile sur toile, vers 1927
Portrait de Madeleine Castaing, huile sur toile, 1929
La Femme en rouge, huile sur toile, 1923-1924
Grotesque, dit aussi Autoportrait, huile sur toile, 1922-1925
La Fiancée, huile sur toile, vers 1923
Willem de Kooning :
Queen of Hearts [Reine de coeur], huile et fusain sur panneau de fibres de bois, 1943-1946
Woman [Femme], huile et fusain sur toile, 1944
1950 La rétrospective Soutine au MoMA
La peinture de Soutine trouve sa pleine reconnaissance aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Sa mort en 1943, alors qu'il se tenait caché en pleine France occupée, renforce la dimension tragique de ses toiles tourmentées. Sa peinture gestuelle résonne par ailleurs avec le contexte artistique américain d'après-guerre, et l'on voit dans son expressionnisme la forme non préméditée d'un nouveau type d'abstraction, érigé en source de l'art new-yorkais d'alors.
La rétrospective que lui consacre le MoMA à l'automne 1950, où soixante-quinze de ses toiles sont réunies, participe de cette réévaluation. Le commissaire Monroe Wheeler, dans un catalogue court et didactique, associe des considérations sur les éléments formels de son art et d'autres plus anecdotiques, reprises de biographies antérieures. Sa lecture de l'œuvre insiste sur la complémentarité entre l'aspect formel de son organisation picturale et l'expression «primitive » de son émotion, ainsi que sur le dépassement des formes naturelles par son traitement quasi abstrait du motif. La rétrospective enthousiasme le cercle de critiques et artistes dans lequel de Kooning évolue.
Chaïm Soutine :
Paysage avec maison et arbre, huile sur toile, 1920-1921
La Route montante, vers Gréolières, huile sur toile, 1920-1921
Paysage avec maison blanche, huile sur toile, 1920-1921
Autoportrait, huile sur toile, vers 1918
Le Vieillard, dit aussi L'Homme en prière, huile sur toile, 1920
L'Homme au manteau vert, huile sur toile, 1921
Vue de Céret, huile sur toile, vers 1921-1922
Toits rouges, dit aussi Le Clocher de l'église Saint-Pierre à Céret, huile sur toile, 1922
Paysage à Céret, huile sur toile, 1920-1921
Enfant de chœur, huile sur toile, 1927-1928
La Communiante, dit aussi La Mariée, huile sur toile, 1924
Le Petit Pâtissier, huile sur toile, 1922-1923
Bœuf et tête de veau, huile sur toile, 1925
Les années 1950 : Le tournant des «Woman »
Au début des années 1950, l'oeuvre de Soutine joue un rôle de catalyseur pour de Kooning. La rétrospective du MoMA a un impact important sur son art. En juin 1952, Willem et son épouse Elaine bénéficient d'une visite privée à la Fondation Barnes à Mérion, près de Philadelphie. Il y découvre de nombreuses toiles de Soutine, dont le « rayonnement » qui semble en émaner le fascine, comme il le confiera plus tard.
Cette révélation a lieu à un moment particulier pour le peintre, qui cherche dans un ensemble de toiles intitulées « Woman », un moyen d'aller au-delà de l'antagonisme entre figuratif et abstrait invoqué par les critiques d'art contemporains tel Clement Greenberg. Une semaine après sa visite à la Fondation Barnes, de Kooning achève des toiles sur lesquelles il travaillait depuis des mois, intensifiant le pouvoir expressif de son imagerie, comme Elaine l'annonce à un ami : son mari «a fini deux de ses grosses femmes », parmi lesquelles Woman II. Dès 1959, le critique d'art britannique David Sylvester établit un parallèle, que de Kooning lui-même confirmera, entre les coups de pinceaux gestuels et la distorsion expressive des oeuvres de Soutine et les «Woman » férocement souriantes.
Willem de Kooning :
Woman [Femme], huile, peinture, émail et fusain sur papier monté sur toile, 1953
Woman [Femme], huile et fusain sur papier monté sur toile, 1953
Marylin Monroe, huile sur toile, 1954
Willem de Kooning : Woman II [Femme II ], huile sur toile, 1952
et le seul tableau de Soutine dans cette salle, dont le lien avec la série des «Woman » n'apparaît pas évident :
Le Bœuf écorché, huile sur toile, 1925
Les années 1960 : Femmes-Paysages
Woman as Landscape (1954-55) constitue pour de Kooning le point de départ d'une exploration qu'il poursuit à la fin des années 1960, dans une série de peintures à la facture très fluide, qui mêlent figure féminine et paysage maritime. Il vit désormais à la campagne, au bord de la mer, dans la région des Hamptons. Les poses provocantes de ses figures - assises, jambes parfois écartées, torse raccourci - suggèrent des sources directes ou pop, telles les femmes qu'il voit sur la plage ou les photos de pin'up, mais aussi la Femme entrant dans l'eau (1931) de Soutine que de Kooning a vu reproduite dans le catalogue de la rétrospective du peintre. Il connaissait également très certainement le tableau dont s'est inspiré Soutine, La Femme se baignant dans un ruisseau de Rembrandt (v. 1654, Londres, National Gallery), référence qui lie les deux artistes dans leur admiration pour le maître hollandais.
Woman as Landscape [Femme comme paysage], huile sur toile, 1954-1955
The Visit [La Visite], huile sur toile, 1956-1957
Woman, Sag Harbor [Femme, Sag Harbor], huile et fusain sur bois, 1964
Woman Accabonac [Femme Accabonac], huile sur papier monté sur toile, 1966
Chaïm Soutine : Femme entrant dans l'eau, huile sur toile, 1931
Les années 1960 et 1970 : Transfigurations
L'impact visuel des tableaux qu'il a vus au MoMA puis à la Fondation Barnes reste présent dans la mémoire de de Kooning durant de nombreuses années. Ses œuvres tardives où la composition se déploie et affleure à la surface témoignent d'un intérêt de plus en plus profond pour les qualités picturales qu'il apprécie chez Soutine. La franche sensualité de ses «Woman » des années 1960, comme les surfaces animées de ses œuvres abstraites des années 1970, rappellent certains paysages de Soutine. Il en est ainsi de Colline à Céret (v. 1921), où les tourbillons de peinture appliqués avec véhémence sur la toile créent un effet quasi hypnotique : «on ne voit pas le paysage, on voit la peinture » comme le constate le critique David Sylvester. Quand de Kooning déclare en 1977 être « fou de Soutine - toutes ses peintures », il loue sa capacité à capturer la lumière, comme émanant de l'intérieur de la peinture elle-même, pour créer une forme de transfiguration. Dans ses propres compositions des années 1970, comme North Atlantic Light, on retrouve la même approche lumineuse, vibrante et luxuriante de la peinture.
L'oeuvre emblématique de Soutine présente dans cette salle :
La Colline de Céret, huile sur toile, 1921
La salle abrite aussi une sculpture de de Kooning, Clamdigger [Pêcheur de palourdes], bronze de 1972 acquis en 1979 par le Centre Pompidou.
Trois toiles, nos préférées, où l'inspiration de Soutine est manifeste, et qui nous rappellent celles de Joan Mitchell, qui cotoya de Kooning et Jackson Pollock à New York dans les années 50.
...Whose Name Was Writ in Water [...Dont le nom était écrit dans l'eau], huile sur toile, 1975
North Atlantic Light [Lumière de l'Atlantique Nord], huile sur toile, 1977
Amityville, huile sur toile, 1971
et enfin
Woman as Landscape III [Femme comme paysage III], huile sur papier, 1968
Woman in a Garden [Femme dans un jardin], huile sur papier monté sur toile, 1971.
Paris-Athènes - Naissance de la Grèce moderne
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Organisée à l'occasion du bicentenaire de la Révolution Grecque de 1821 - et de la découverte la même année de la Vénus de Milo, joyau emblématique du Louvre - le musée présente « Paris - Athènes : Naissance de la Grèce moderne 1675 - 1919 ». L'exposition a pour ambition de croiser l’histoire de l’archéologie avec l’histoire du développement de l’État grec et des arts modernes. Elle donne à voir une Grèce colorée très éloignée des canons du néoclassicisme. Les fouilles de Délos, Delphes ou de l’Acropole au 19e siècle ont permis de mettre en lumière ce nouvel art grec moderne, marqué par la reconnaissance de l’identité byzantine et orthodoxe de la Grèce.
Le visiteur est accueilli par quelques vestiges antiques, avec au fond un tableau attribué à Jacques Carrey (1649-1726) L'Ambassade du marquis de Nointel à Athènes, vers 1674. Son mérite est de montrer, dans le fond, le Parthénon, devenu église puis mosquée après la conquête d'Athènes en 1456 par l'Empire ottoman, dans son état avant sa destruction en 1687 à la suite de l'explosion d'une poudrière pendant la guerre de Morée opposant l'Empire ottoman aux Vénitiens.
De grandes broderies ottomanes du 17e siècle de Ionina (Épire) et un coffre aux décor peint Mytilène 18e-19e siècle
De nombreuses icones, entre le 15e et le 19e siècle
La section suivante est consacrée à la révolution grecque, au philhellénisme et à la vision occidentale de la Grèce :
Théodoros Vryzakis : Lord Byron à Missolonguy, huile sur toile, 1867
Jean-Claude Bonnefond : Officier grec blessé au combat, huile sur toile, 1826
David d'Angers (1788-1856) : Jeune Grecque au tombeau de Markos Botzaris, modèle original en plâtre d'une statue en marbre envoyée par le sculpteur à Missolonghi, 1827
Théodoros Vryzakis : Épisode du siège de Missolonguy, huile sur toile, 1853
Eugène Delacroix : La Grèce sur les ruines de Missolonguy, huile sur toile, 1826
La section suivante évoque les débuts de l'archéologie :
Aphrodite dite Vénus de Milo, vers 150-125 av JC, découverte en avril 1820 à Milo, offerte au Louvre en 1821 (l'original en marbre n'a pas quitté son emplacement, c'est une copie ancienne en plâtre qui figure dans l'expo)
Casque antique
Statue de fille de Niobe (?), marbre, IIe siècle ap JC, en provenance de Patras
Hermès de Milo, marbre, Ier siècle av JC - Ier siècle ap JC, trouvé en 1827, attribué à Antiphanes de Paros,
À la découverte d'une identité grecque
Des costumes grecs, entre tradition et modernité, sont conçus pendant la monarchie mise en place en 1932 par les "puissances protectrices". Le premier roi est Othon, prince de Bavière et son épouse Amélie d'Oldenbourg. Monarque autoritaire, il devra accepter une constitution en 1843 et devra quitter le pouvoir en 1862 au profit du prince Guillaume de Danemark, élu roi des Hellènes sous le nom de Georges Ier.
Des peintres grecs se forment à Munich comme Nikolaos Gysis (1842-1920) :
L'Araignée, huile sur panneau de bois, 1884
Archange, Étude pour le fondement de la foi, huile sur toile, 1894-1895
Léonidas Drossis (1834-1882) : Pénélope, marbre, 1873
Les peintres occidentaux restent attirés par le pays...
Dominique Papety (1815-1849) Le duc de Montpensier et sa suite visitant les ruines d'Athènes, huile sur toile, 1848
L'Archéologie : à la découverte de l'Antique
De belles mises en scène dans cette section, comme cette sphinge ailée qui trône devant des fragments de fresques du 18è siècle déposés du monastère de Delphes,...
une copie de la colonne aux danseuses de Delphes (vers 330 av JC) réalisée pour l'exposition universelle de 1900, devant une rangée de statues masculines.
Au premier plan de ce groupe de statues, la Victoire de Brescia, moulage (1859-1860) par l'atelier des Musées Impériaux, Paris, d'une copie romaine (25-30 ap JC) d'après un bronze original grec du IVe siècle av JC.
La tête du tigre de Dyonysos sur un tigre, mosaïque de Delos (IIe-Ier siècle av JC)
La couleur dans l'antiquité grecque
Au milieu du 18e siècle, le mythe de la "blancheur" de l'art grec est mis à mal par la découverte de traces de polychromie sur des fragments d'architecture, et tout un mouvement naît aux Beaux-Arts de Paris, notamment à l'occasion de la préparation aux prix de Rome pour la villa Médicis par les élèves architectes
Vers la fin du parcours, des présentations des pavillons grecs aux expositions universelles de Paris en 1889 (celui où on aperçoit la Tour Eiffel en arrière-plan) et en 1900 (aux allures d'église orthodoxe)
On retrouve quelques belles icones anciennes (15e et 16e siècle) de la collection du marquis de Campana acquise par le Louvre en 1863
et le parcours s'achève sur un ensemble de toiles modernes reflétant les influences des divers courants européens.
Niképhoros Lytras (1832-1904) : Le Baiser, huile sur toile, présentée à l'exposition universelle de 1878
Georgios Iakovidis (1853-1932) : Orchestre improvisé ou Le Concert des enfants, huile sur toile, présentée à l'exposition universelle de 1900
Iakovos Rizos (1849-1926) : Sur la terrasse, huile sur toile, 1897, présentée à l'exposition universelle de 1900
Constantinos Maléas (1879-1928) : Paysage du Laurion, huile sur carton, 1918-1920
Dimitrios Galanis (1879-1966) : Visual Paths, huile sur toile, 1919
Nikos Lytras (1889-1927) : Portrait du jeune K. Montesantos, huile sur toile, 1914
Konstantinos Parthénis (1878-1967) : La Pente, huile sur toile, 1908
et Photis Kontoglou (1895-1965) : Laocoon, huile sur toile, 1938, illustration d'un mouvement, dans les années 30, tendant à s'inspirer de l'art bizantin.
Jenny Robinson - lauréate de l'Académie des Beaux-Arts
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Le Pavillon Comtesse de Caen, pavillon occidental du bâtiment qui abrite l'Institut de France, face à la Passerelle des Arts, accueille des expositions consacrées aux lauréats des prix que décerne l'Académie des Beaux-Arts dans différentes disciplines. Nous avions présenté dans notre billet du 11 janvier 2020 celle consacrée au photographe indien Raghu Rai.
C'est l'œuvre d'une graveuse britannique, Jenny Robinson, lauréate du prix de gravure Mario Avati, qui y est présentée en ce moment. Née en 1957 au Royaume-Uni, elle a grandi en Extrême-Orient et a fait ses études au West Surrey College of Art and Design (Angleterre). Elle a enseigné la gravure au Kala Art Institute de Berkeley, à l'Institut de l'art contemporain de San José, au Centre du livre de San Francisco, ainsi qu'à l'Université de Chico. Elle est lauréate du Prix de Gravure Mario Avati - Académie des beaux-arts en 2019. Voyageuse depuis toujours, elle vit et travaille depuis vingt ans entre Londres, San Francisco et l'Europe.
Les gravures exposées évoquent souvent des structures monumentales ajourées où, selon la présentation de l'exposition, "elle réinterprète l'espace urbain contemporain (...) suggérant à travers ces dessins deux notions contradictoires : la fragilité et l'éphémère d'une part, la solidité et la pérennité d'autre part. L'artiste voit dans la légèreté et la transparence du papier japonais sur lequel elle travaille ainsi que dans l'architecture métallique qu'elle représente le même type de contraste."
La mise en scène de la présentation, dans ces salles aveugles, lui donne un caractère particulier que nous essaierons de faire partager au lecteur, en lui proposant une suite d'images sans trop interférer avec des titres ou des précisions techniques.
Dome, pointe sèche sur papier japonais Gampi, 102x152 cm, 2017
Before the rise, pointe sèche sur papier japonais Gampi, 101x152 cm, 2016
Cornerstone, pointe sèche sur papier japonais Gampi, 100x150 cm, 2018
Des Architectural anomalies, pointe sèche feuilles de papier japonais Gampi appliquées sur Sekishu
Série Hidden lines, pointe sèche sur papier Mulberry et Gampi, 97x150 cm, 2019-2021
en haut : Infrastructure (an entertainment), livre en taille douce photopolymère turkish map fold 30,5x61 cm, 2015
No obvious monuments, suite de 16 gravures sur bois sur papier Gampi 40x28 cm, 2021
et tout au fond de la dernière salle, Paradigm, pointe sèche sur papier japonais Gampi, 152x203 cm, 2015.
En quittant le site de l'Institut, sous le beau soleil de septembre,...
...nous découvrons une grande sculpture de Daniel Hourdé exposée en plein air, par la galerie Larock-Granoff sur la petite esplanade du quai Conti :
Martyrium Mundi, 2021, "allégorie du martyre infligée par l'Homme à notre planète, de l'ambition et de la cupidité traduites par l'or de la couronne et dont le reflet dans la sphère miroitante est celle de la vanité."