Aristide Maillol (1861-1944). La quête de l'harmonie (2/2)
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Nous terminons le parcours de l'exposition consacrée à Aristide Maillol par le musée d'Orsay.
Le temps des baigneuses
Grâce à son ami le peintre hongrois József Rippl-Rónai, Maillol rencontre vers 1893 le groupe des Nabis. En mai 1902, un exemplaire de sa Léda est présenté à la Galerie Bernheim-Jeune (Paris) au milieu de peintures de Bonnard, Denis, Roussel, Vuillard et Vallotton. L’année suivante, Maillol quitte Villeneuve pour Marly-le-Roi pour se rapprocher de ses amis, notamment Maurice Denis, qui habite Saint-Germain-en-Laye.
Sans doute grâce à Édouard Vuillard, Maillol rencontre le marchand Ambroise Vollard, qui l’encourage dans la voie de la sculpture : il organise en 1902 sa première exposition personnelle et signe avec lui un contrat pour l’édition de ses statuettes.
S’il continue à tailler le bois, Maillol modèle désormais des baigneuses intemporelles traitées avec une grande économie de moyens, un modelé simplifié et des attitudes minimalistes. Dans un texte fondateur, Maurice Denis vante la sobriété, l’équilibre des proportions et la gaucherie instinctive de Maillol. Pour Octave Mirbeau, « Ce qu’il y a d’admirable en Maillol, […] c’est la pureté, la clarté, la limpidité de son métier et de sa pensée ; c’est que, en aucune de ses œuvres, du moins en aucune de celles que j’ai vues, jamais rien n’accroche la curiosité du passant ! »
Maurice Denis (1870-1943) : L'Adoration des Mages, 1904, huile sur toile
Maillol figure au premier plan, en roi mage, dans ce tableau où comme à son habitude, Denis a donné aux personnages bibliques les traits de ses proches : son épouse Marthe en Vierge, Paul Sérusier en saint Joseph, Ker-Xavier Roussel et Ambroise Vollard figurant les deux autres rois mages.
Trois tableaux où figurent des statuettes de baigneuses de Maillol :
- Pierre Bonnard (1867-1947) : Portrait d'Ambroise Vollard, vers 1924, huile sur toile
- Auguste Renoir (1841-1919) :
Madame Josse Bernheim et son fils Henry, 1910, huile sur toile
Étude d'une statuette de Maillol, vers 1907, huile sur toile
- Ève, vers 1900-1901 (modèle), bronze, fonte Alexis Rudier
- Femme à la tunique, 1903, bois probablement sculpté dans une poutre par Antoine Bourdelle
- Baigneuse debout, vers 1897-1900 ?, bois
- Baigneuse debout, vers 1901, bois de buis
- Baigneuse debout, dit aussi Baigneuse Rodin, vers 1900-1902 (modèle), fonte de fer ?
- Vase, Léda, avec le céramiste André Metthey (1871-1920), vers 1907, faïence
- Vase bleu, avec André Metthey vers 1907, faïence
- Femme assise sur ses talons, 1905, bronze
- Les Deux Lutteuses, avant 1905 (modèle), bronze fondu par Bingen et Costenoble
- Jeune fille assise se voilant les yeux, dit aussi Pudeur, vers 1897-1900 ?, terre cuite vernissée
Édouard Vuillard (1868-1940) : Nature morte avec Léda, vers 1902 huile sur carton et Maillol : Léda, 1901-1902, terre cuite blanche et un modèle en bronze
Maurice Denis : Autoportrait au buste de Maillol, 1908, huile sur toile
Maillol : Marthe Denis, buste, vers 1903-1904, terre cuite "restaurée" par Maurice Denis et Marthe Denis ; mains, dessins préparatoires, vers 1903, carnet de croquis
Maurice Denis : L'Art Plastique - portrait de Maillol sculptant d'après le modèle, esquisse pour le décor de l'hôtel particulier de Jacques Rouché, 1907, gouache et fusain sur papier
Maillol et l'Allemagne
Harry Kessler et Ambroise Vollard, Maurice Denis et Henry Van de Velde assurent le rayonnement de Maillol à l’étranger. Admirateur des sculptures de Maillol avant même de le rencontrer en 1904, Kessler s’emploie à le faire connaître dans son pays : « Depuis que j’ai fait votre connaissance, il me vient beaucoup de sympathie de l’Allemagne », reconnait Maillol en 1905. En 1906, le salon de musique de Kurt von Mutzenbecher, directeur de théâtre à Wiesbaden, est décoré, ainsi que l’appartement de Kessler à Weimar, par Maurice Denis et Maillol, sous la direction d’Henry Van de Velde.
En 1914, Kessler adresse à Maillol un télégramme lui conseillant d’enterrer ses statues devant l’avancée des troupes allemandes. Maillol est accusé de complicité avec l’ennemi mais innocenté grâce à l’appui de Georges Clemenceau. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses sympathies allemandes conduisent Maillol à accueillir des soldats allemands à Banyuls. S’il refuse le voyage en Allemagne organisé pour les artistes français par l’occupant, il se rend cependant en 1942 à l’inauguration de l’exposition consacrée au sculpteur hitlérien Arno Breker à Paris, saisissant cette occasion pour franchir la ligne de démarcation et revoir son atelier de Marly. Cet épisode regrettable entache durablement sa réputation.
Baigneuse aux bras relevés, 1905-1906, terre cuite [historique : collection Julius Stern]
Jeune fille debout, dit aussi Petite Flore, avant 1902, bois [historique : acquis par Karl Ernst et Gertrud Osthaus auprès de la galerie Vollard]
Les Deux Lutteuses, avant 1905 (modèle), terre cuite vernissée [historique : collection Henry van de Velde] et un petit bronze de même origine.
- Le Désir, études, vers 1907, graphite sur papier et Le Couple, dit aussi L'Homme et la femme, vers 1907 ?, terre cuite
- Le Désir, 1907, haut-relief en plomb, fonte Alexis Rudier - commande de Harry Kessler
Maillol le Catalan
Né et élevé à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), Maillol y revient chaque hiver. Les peintres George-Daniel de Monfreid et Étienne Terrus, plus tard le sculpteur Manolo Hugué, font partie de son entourage proche. Il entretient des liens étroits avec un milieu perpignanais d’écrivains et musiciens défenseurs de la culture catalane. Pour ses amis parisiens, il est indissociable du Roussillon dont la généreuse Pomone semble l’incarnation. Rippl-Rónai représente son ami devant les toits en tuiles de Banyuls. Bonnard, Vuillard et les frères Bibesco, Maurice Denis, Kessler et bien d’autres lui rendent visite.
À Banyuls, Maillol habite la Maison rose de son grand-père, au cœur du vieux village côtier. En 1894, il y installe son atelier de brodeuses et y réalise ses premières sculptures. Il dessine les femmes et les jeunes filles de son entourage, dans leur quotidien. En 1912, il acquiert une métairie dans la vallée de la Roume, dans l’arrière-pays. Il y trouve un accord profond avec la nature qui s’exprime en particulier dans ses illustrations de Virgile ou d’Horace. Tout naturellement, c’est à Banyuls que la caméra de Jean Lods suit en 1943 celui que Maurice Denis désigne comme le « chevrier de Virgile, amoureux de toute la nature de sa petite patrie. ».
Vierge à l'enfant entourée de deux anges, 1898, relief, terre cuite vernissée [historique : commandé par Jules Pams pour son hôtel à Perpignan]
Méditerranée, dit aussi La Côte d'Azur, vers 1895, huile sur toile
József Rippl-Rónai : Aristide Maillol, 1899, huile sur toile et Maillol : La Maison rose, vers 1884, huile sur panneau
Maison en Roussillon, 1897, huile sur toile
Clotilde et Angélique Narcis en costume catalan, projet de broderie?, vers 1900, fusain sur papier marouflé sur toile
Tête de femme [Raymonde Bonnet, épouse de Marcel Robin, directeur des archives des Pyrénées-Orientales], vers 1910 ?, pierre
Dans cette section se trouve aussi une série de gravures sur bois sur papier, tirage à l'encre rouge ou noire, entre 1912 et 1916, repris en 1925
Corydon
Corydon se mirant dans l'eau
Hercule, d'après Étienne Terrus
Hylas disparu dans une fontaine
et au milieu, la statue de Pomone, 1910 (modèle), 1922 au plus tard (fonte), bronze, fonte Florentin Godard. (modèle commandé par Morozov en décembre 1909, voir notre billet du 4 décembre 2021)
Clotilde épouse et modèle
La liaison bientôt suivie d’un mariage avec Clotilde Narcis offre à Maillol la possibilité de disposer en permanence d’un modèle : « Je relève les jupes de ma femme et je trouve un bloc de marbre ». Clotilde correspond à un idéal, celui du type physique méditerranéen. Maillol aime les corps denses, les jambes solides, les formes développées : « La sculpture est un art masculin, il faut qu’elle soit forte, sans ça, ça n’est rien. »
Maillol n’a de cesse de dessiner Clotilde pendant une douzaine d’années, entre 1895 et au moins 1907. Elle pose pour les premières sculptures monumentales : Méditerranée, La Nuit, L’Action enchaînée. Elle est saisie dans son intimité par des dessins rapides qui saisissent une ligne, une attitude.
Maillol dessine non pour capter la véracité d’un instant, mais pour « comprendre [le] corps » de ses modèles. Il est dirigé par une aspiration au général et à la simplification, à des principes anatomiques et structurels communs. Même si les modèles sont reconnaissables sur un certain nombre de dessins, Maillol opère une mise à distance dès les séances de pose : « Je regarde le modèle, et quand je l’ai bien dans l’œil, je travaille sur le papier pour faire ce que j’ai compris. Je ne regarde pas si le modèle et le dessin c’est bien pareil, comprenez-vous, je ne copie pas le modèle. »
Retenant son voile, dit aussi Baigneuse debout, vers 1900-1902, terre cuite, rehauts polychromes
Méditerranée, dit aussi La Pensée, statue en marbre, entre 1923 et 1927, d'après un plâtre exposé en 1905 - commande de Harry Kessler
La Nuit, 1909, plâtre de fonderie
D'un modèle à l'autre
Le temps passant, Clotilde pose de moins en moins. Dès 1900, Maillol fait appel à d’autres modèles : un premier torse de La Jeunesse est ainsi modelé entre 1905 et 1910 d’après « une jeune fille magnifique, qui venait me poser. Elle avait un corps très curieux ».
Maillol prend aussi l’habitude de faire poser ses domestiques, solution discrète et facile : Laure pour Pomone, Thérèse dans l’après-guerre.
Au fil de la création, Maillol synthétise, souvent à partir de plusieurs modèles. Pour Île-de-France, il part en 1910 d’un premier modèle souple et longiligne, suivi sans doute de la « môme Papa » au début des années 1920, puis d’un troisième, une domestique noire de la famille Hahnloser.
En 1907, Maillol confie à Harry Kessler : « Une fois que j’aurai commencé, je ne ferai plus que des hommes, c’est bien plus facile. Chez un homme, il y a toujours quelque chose, un muscle, où se rattraper. Chez les femmes, il n’y a rien, pas de formes, il faut tout inventer, excepté quand elles sont très bien faites, mais c’est rare. » Sous l’impulsion de Kessler, il fait poser quelques modèles masculins, en particulier le jeune Gaston Colin, pour Le Désir et Le Cycliste. En 1911, Kessler lui suggère pour un projet de Monument à Nietzsche à Weimar, une figure d’Apollon à partir du danseur russe Vaslav Nijinsky, dont il simplifie les attitudes. Cet essai avorté signe la fin des projets de sculptures masculines de Maillol, même s’il continue à dessiner régulièrement des hommes dans ses carnets de dessin et illustrations.
Au premier plan de cet ensemble :
Torse de l'action enchaînée, 1927, d'après la figure complète de 1907 (une des dernières œuvres pour lesquelles a posé Clotilde Maillol), plomb, probablement fonte Alexis Rudier
Torse de l'Île-de-France, vers 1920-1921 (modèle), 1924 (fonte), bronze
Île-de-France, entre 1925 et 1933, pierre
Jeunesse, vers 1910, marbre
Au premier plan de ce groupe,
Flore, 1909 (modèle) 1916 au plus tard (fonte), bronze à patine polychrome
L'Été, 1911 (modèle) 1916 au plus tard (fonte), bronze fondu par Florentin Godard, patine moderne
Vénus, 1928 (modèle) vers 1934 (fonte), bronze, fonte Alexis Rudier
Monument à Cézanne, 1912-1925, marbre rose du canigou
[historique : refusé par la ville d'Aix en 1925, placé au jardin des Tuileries en 1929, remplacé par un plomb en 1943]
La Musique Monument à Claude Debussy, 1930-1933, marbre
[historique : inauguration à Saint-Germain-en-Laye le 9 juillet 1933]
- Île-de-France, étude (mouvement), vers 1923, sanguine sur papier à la forme
- L'Américaine, vers 1930 ?, fusain, pastel, crayon et sanguine sur papier à la forme
- Le Dos de Thérèse, vers 1920, fusain sur papier à la forme filigané
- Femme nue assise, de profil, vers 1920 ?, fusain sur papier vergé
Deux femmes nues, vers 1937, fusain, rehauts de blanc sur papier crème
Le Cycliste, 1907-1908, bronze fondu à la cire perdue par Bingen et Costenoble [historique : commande Harry Kessler]
Dina, la dernière muse
La rencontre avec la jeune Dina Aïbinder semble réaliser une prophétie de 1907 : « Quand j’aurai trouvé le modèle qui me va tout à fait, je resterai dessus quatre ou cinq ans, à faire une statue. C’est comme ça qu’on fait de belles choses, c’est comme ça qu’ont fait les Grecs. » C’est l’architecte Jean-Claude Dondel qui parle à Maillol de la jeune fille de quinze ans. Maillol lui écrit alors cette lettre : « Je voudrais bien que vous fussiez un petit Maillol car c’est bien difficile à trouver. Mais je me contenterai bien d’un petit Renoir ! » Dina inspire Maillol pour des peintures et pose pour La Montagne, La Rivière, puis à Banyuls épisodiquement entre 1940 et 1944 pour son testament artistique, Harmonie. Après l’arrestation de la jeune femme pour passage de la frontière franco-espagnole, le sculpteur l’envoie au début de l’année 1941 poser pour ses amis Henri Matisse et Pierre Bonnard. Dina se fait de nouveau arrêter en mai 1943. Maillol parvient à la faire libérer, et elle reprend les séances de pose.
Comme un père, Maillol a craint pour la vie de son modèle qui a pris une place incontournable dans sa vie : « Dina, c’est comme ma fille. Je suis heureux d’avoir pu la sauver. » Lorsque la jeune femme part pour participer à la Libération de Paris, Maillol est plus que jamais isolé. Il meurt le 27 septembre 1944 des suites d’un accident de voiture, loin de celle qui avait promis de lui fermer les yeux. Elle fera de la glorification de Maillol le combat de sa vie.
- Étude pour Harmonie, 1940-1944 (modèle), bronze, fonte Alexis Rudier
- Quatre dessins de Dina (Dina au foulard, 1940, fusain sur papier, "Je connais trois fleurs divines", 1938, sanguine et crayon noir avec rehauts de craie blanche sur papier à la forme, Dina posant pour Harmonie, vers 1940-1944, fusain sur papier, Dina aux bras levés, après 1934, graphite sur papier vergé)
Et trois grandes sculptures dont Dina a été le modèle :
L'Air, 1938-1939 (modèle), plâtre de fonderie,
[historique : monument en pierre en hommage aux pilotes de la ligne France-Amérique du Sud inauguré à Toulouse en 1948]
La Montagne, pierre, 1937
[historique : commandé par l'État pour l'Exposition Universelle de 1937]
La Rivière, 1938-1943, plâtre de fonderie
Pour réaliser ce projet de monument à l'écrivain pacifiste Henri Barbusse, Maillol "recycle" le plâtre de La Montagne en le renversant,
A la sortie de l'exposition, cette toile d'Edouard Vuillard, Aristide Maillol, dans la série des Anabaptistes, 1931-1934, retravaillé en 1935-1937, huile sur toile, peinture à la colle
Aristide Maillol (1861-1944). La quête de l'harmonie (1/2)
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Depuis l’Hommage à Maillol organisé en 1961 au musée national d’art moderne pour le centenaire de sa naissance, Aristide Maillol n’a pas bénéficié d'exposition dans un musée parisien qui lui soit exclusivement consacrée. Le musée d’Orsay lui consacre enfin une grande rétrospective, que nous avons plaisir à faire partager à nos lecteurs.
Avant même l'entrée le visiteur est accueilli par la groupe Nymphes de la prairie, 1930-1938 (modèle), 1941 au plus tard (fonte), bronze, fonte Alexis Rudier.
Maillol peintre
Maillol arrive à Paris en 1882 pour répondre à une vocation de peintre. Il étudie dans l’atelier d’Alexandre Cabanel, puis dans celui de Jean-Paul Laurens. En 1885, il est admis à l’École des Beaux-Arts. Sa première œuvre connue, un Autoportrait daté de 1884, se revendique de Courbet. Il peint par la suite essentiellement des paysages baignés par la lumière de son Roussillon natal, où il retourne régulièrement. La découverte de Puvis de Chavannes en 1887 puis de Gauguin vers 1889 l’entraîne dans une direction radicalement différente, déjà manifeste dans la Couronne de fleurs de 1889 : une peinture synthétiste caractérisée par des aplats de couleur, un refus de la perspective linéaire et la recherche d’effets décoratifs. Vers 1890, la carrière de peintre de Maillol prend un nouvel essor grâce aux commandes du sculpteur roussillonnais Gabriel Faraill. Il peint ses filles de profil, souvent coiffées de chapeaux extravagants, cadrées aux épaules, et parfois en pied par goût des grands formats.
Autoportrait, vers 1884, huile sur toile
La Couronne de fleurs, 1889, huile sur toile
L'Enfant couronné, vers 1890-1892, huile sur toile
La Couronne de fleurs, première version, vers 1888-1889, huile sur toile
Maternité - Portrait de Clotilde Maillol, épouse de l'artiste, avec leur fils Lucien, fin 1896-Début 1897, huile sur carton
Tante Lucie (Lucie Maillol, 1817-1909), vers 1892, huile sur carton
(ce tableau offre un écho évident au célèbre tableau de Whistler La mère de l'artiste (1871) qui était entré au musée du Luxembourg en 1891 - cf notre billet du 12 mars 2022)
- Autoportrait, vers 1898, encre de chine sur papier bleu-gris
- Étude de tête de jeune fille, vers 1890-1895, crayon et fusain sur papier vergé filigrané
- Profil de femme, vers 1896, pastel et fusain sur papier gris d'emballage
- Profil de jeune femme, vers 1892, lithographie dur papier vergé
Portrait de jeune fille (portrait de Mademoiselle Faraill ?), vers 1890, huile sur toile
Femme à l'ombrelle, vers 1892, huile sur toile
Jeune paysanne en buste, 1891, huile sur toile
Questions de décor
Comme beaucoup de ses contemporains, Maillol s’intéresse à la matière, « sans autre raison que le plaisir », selon sa biographe Judith Cladel. Cette curiosité le conduit à explorer plusieurs disciplines dans les années 1890, à commencer par la broderie. La première est présentée en 1893 au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Concert de femmes est remarqué par les Nabis en 1895. Grâce à Édouard Vuillard, Maillol fait alors la connaissance de la princesse Hélène Bibesco, son premier mécène, qui l’encourage à continuer : il produit des broderies, tentures murales, garnitures de sièges, écrans de cheminée. Tout en surveillant les ouvrières chargées de l’exécution des broderies, Maillol taille ses premiers bois et s’essaie bientôt à la céramique, à Banyuls et à Paris. Mal outillé, il exécute avec simplicité des objets d’usage courant : des vases et des veilleuses exposées en 1897, puis un relief, et enfin des fontaines d’appartement dont l’une obtient une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1900. En 1899, il est nommé sociétaire de la Société nationale des beaux-arts dans la section Objets d’art, alors que le plaisir qu’il a pris à tailler le bois puis à modeler des statuettes l’encourage à se tourner vers la sculpture.
- Femme brodant, vers 1895, crayon rouge sur papier
- La Princesse Bibesco, vers 1895, crayon noir sur papier Boucher
Fontaine, vers 1900-1902 ?, terre vernissée sur support de bois
- Femme à la mandoline et Danseuse, vers 1895, bois, arbre fruitier ?
- Jeune fille au voile, dessin préparatoire pour le bois Danseuse, vers 1895, crayon bleu sur papier
- Concert de femmes, 1895, broderie à l'aiguille, laine, soie, lin, fils d'argent et d'or
- Concert champêtre, carton de broderie, automne-hiver 1894, huile sur toile
- Jeune fille cueillant des herbes, carton de broderie, vers 1894-1895 ?, huile sur panneau
- La Laveuse, projet de panneau décoratif, 1895, zincographie sur papier
- Clotilde Narcis, automne-hiver 1894, huile et crayon sur toile
Baigneuses et Lavandières
Vers 1895, Maillol s’intéresse aux thèmes des lavandières et baigneuses. Il est sans doute marqué par l’art de Paul Gauguin découvert vers 1889 grâce à un ami commun, le peintre George-Daniel de Monfreid. Le goût pour l’expérimentation et la facilité déconcertante avec laquelle Gauguin passe d’une discipline à l’autre, fait circuler et adapte ses motifs selon les matériaux et les supports, ont montré une voie possible à Maillol.
La pratique simultanée de la peinture, de la broderie, de l’estampe et de la sculpture caractérise son art entre 1895 et 1904, avant sa maladie des yeux et la prééminence donnée à la sculpture.
Premier nu abouti, La Vague est probablement peinte « de chic », c’est-à-dire sans modèle. Dans des teintes sourdes, une baigneuse décorative dont le corps occupe tout le cadre se détache sur fond de mer. Transposée en estampe, la baigneuse devient le bois gravé le plus gauguinien de Maillol, sur fond d’eau parsemé de grandes taches mouvantes. Maillol transcrit également ce motif dans un médaillon en relief : l’accent est mis sur la solidité du corps galbé par contraste avec l’onde ridée.
Il poursuit durablement les réflexions sur les baigneuses de dos et de face, en particulier dans des illustrations pour les Églogues de Virgile.
En guise d'introduction au thème, beaucoup plus "lavandières" que baigneuses", cette zincographie de Paul Gauguin (1848-1903) de la suite Volpini, Les Laveuses, que nous avions déjà vue au musée de Pont-Aven (notre billet du 21 août dernier)
La Source, 1895-1896, haut-relief très "gauguinien" de Maillol
La Vague, vers 1894, huile sur toile
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Femme accroupie, 1911 (modèle), plâtre de fonderie
Vase, vers 1905, terre cuite, engobes et glaçures partielles et quelques statuettes
- Baigneuse en mer, vers 1894, gravure sur bois sur papier
- La Vague, entre 1895 et 1898, gravure sur bois
- Nu accroupi, dit aussi Ève et le serpent, vers 1893, gravure sur bois sur papier vergé
Vers la sculpture
En 1896, Maillol expose une peinture intitulée Sur le fond de la mer à la galerie Le Barc de Boutteville (Paris). Il pourrait s’agir de Femme à la vague qu’il considère comme l’une de ses meilleures peintures. Sa compagne, et bientôt épouse, Clotilde lui sert de modèle.
Dans un cadrage moins serré, il exécute un dessin au fusain à grandeur d’exécution qui sert de carton de référence pour l’exécution par Clotilde d’un écran de cheminée en broderie. Maillol adopte une composition volontairement décorative, anatomiquement impossible, encadrée par une frise végétale.
Il fait évoluer ce motif dans des directions et supports variés : gravure sur bois, et enfin relief de grandes dimensions en plâtre présenté grâce à Auguste Rodin à un emplacement favorable au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1903. Dans ce relief baptisé Femme au bain, le contexte marin disparaît presque. Seule une légère draperie volante recouvre le bras droit et anime discrètement le fond d’où jaillit le corps simplifié, puissant et monumental.
Ce plâtre constitue la première sculpture de grande dimension de Maillol conservée, préalable à Méditerranée.
Femme à la vague, 1895-1896, fusain sur papier marouflé sur toile
Femme à la vague, écran de cheminée, 1896, broderie à l'aiguille, sans doute exécutée par Clotilde Maillol
Femme au bain, dit aussi La Vague, 1903, plâtre
Le parcours de l'exposition se poursuit avec la sculpture, qui a fait la célébrité de Maillol et que nous proposerons au lecteur dans un prochain billet.
Pharaons des Deux Terres - L'épopée africaine des rois de Napata
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Intéressante exposition au Louvre en ce moment sur un épisode méconnu de l'Antiquité : l'histoire du royaume de Kouch, de la 25° dynastie égyptienne puis du royaume napatéen.
Surgie de l'Afrique antique, l'épopée de la conquête de la vallée du Nil ne pourrait être contée sans la Stèle Triomphale de Piânkhy, le roi de Kouch. Elle constitue l'un des documents historiques les plus étonnants et les plus diserts de la vallée du Nil. Il s'agit du compte rendu d'une expédition militaire menée depuis le Sud et l'actuel Soudan. Ce raid avait pour ambition et eut pour résultat l'unification, pendant quelques dizaines d'années, des deux royaumes de Kouch et d'Égypte. C'est vers 720 avant J.-C. que, se jugeant prédestiné, Piânkhy, « prince aimé de Thèbes », lança ses armées depuis son fief de Napata à la conquête de l'ensemble de la vallée. Il prit les villes des rois et des dynastes qui se partageaient l'Égypte alors divisée : Thèbes, Hermopolis, Héracléopolis et Memphis. Ses successeurs, les pharaons Chabataka, Chabaka et Taharqa, réussirent l'exploit de tenir toute la vallée, de la pointe du Delta jusqu'à la 6e cataracte, alors que l'Empire assyrien et les armées d'Assarhaddon puis celles d'Assourbanipal ne leur laissaient aucun répit.
C'est d'ailleurs une statue colossale de Taharqa qui accueille le visiteur dans le hall d'entrée. Comme pour la stèle triomphale qui était un moulage en plâtre de l'originale conservée au musée du Caire, il s'agit d'une impression 3D au sable de quartz consolidée à la résine epoxy, plâtre et chaux, peinture et dorure à la feuille. L'exposition vise un but pédagogique plutôt que la présentation de vestiges archéologiques authentiques - bien présents eux aussi.
Les pharaons du Nouvel Empire à la conquête du Sud
Le parcours commence par un rappel du mouvement précédent, qui vit le Nouvel Empire se lancer à la conquête du sud, avec cette belle mise en scène de la statue du bélier Amon protégeant Aménophis III, découverte au Djebel Barkal (Nouvel Empire, 18e dynastie, règne d'Aménophis III, granit de Tombos, alliage cuivreux)
Relief d'une déesse offrant les cannes de « millions d'années »
Temple de Sesibi, en Nubie soudanaise, Nouvel Empire, 18° dynastie, premières années du règne d'Aménophis IV, bas-relief, grès.
Stèle du vice-roi de Kouch et directeur des territoires du sud, Ousersatet, Amara-Ouest, en Nubie soudanaise, Nouvel Empire, 18° dynastie, règne d'Aménophis II, bas-relief et gravure dans le creux, grès.
Cette grande stèle montre Aménophis Il offrant les vases à vin à Khnoum, Satet et Anouqet, la triade d'Éléphantine. Le vice-roi de Nubie était un véritable proconsul, chargé d'assure la sécurité du territoire et de contrôler l'acheminement de sa production vers l'Égypte. Son autorité reposait sur une filiation juridique avec le monarque, les pharaons de la 18° dynastie attachant en effet une importance capitale au contrôle du pays de Kouch.
- vases décorés de figures en relief, Kerma classique (1750-1500 av. JC), terre cuite
- vases "tulipe", Kerma classique (1750-1500 av. JC), terre cuite
Statuette de la déesse Bastet au nom du roi Piânkhy et de la reine Kenset, règne de Piânkhy, shiste
Égide à tête de lionne au nom du roi de Boubastis et de Rê-nefer Osorkon IV, Boubastis, Troisième Période intermédiaire, 23e dynastie, règne d'Osorkon IV, argent (?) recouvert d'électrum
Le Royaume de Kouch
De tradition, en remontant le Nil comme le temps, le « Royaume de Kouch » désigne le territoire et les États qui se sont succédé au sud de la deuxième cataracte. Ils se laissent décrire en une succession de villes classées selon les noms modernes ou anciens de celles qui nous apparaissent comme des capitales : Kerma, Napata et Méroé. Le lointain pays de Kouch est connu par les sources pharaoniques dès le Moyen Empire et les premières conquêtes, ainsi que par les sources assyriennes ou encore bibliques. Aujourd'hui, l'archéologie permet de confronter de mieux en mieux la réalité des riches textes hiéroglyphiques des stèles napatéennes pour une région d'Afrique de l'Est et une histoire plusieurs fois millénaire.
Djebel Barkal, Temple B 700
Dessin de la face intérieure du pylone par le major Orlando Felix, 1828
Planche représentant Amon-de-Napata à l'intérieur de la Montagne-pure, Karl-Richard Lepsius, Denkmäler, expédition de 1842-1845
Le relief tabulaire du Djebel Barkal et les temples construits à ses pieds, aquarelle (2011) de Jean-Claude Golvin.
Statue du bélier Amon protégeant le roi Taharqa, Kawa, Temple T, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, granit gris de Tombos
Statue en bronze d'Horus faisant une libation, dite "Horus Posno", région de Memphis (?), Basse époque, 26e dynastie, bronze
- pieds de trône (?) en forme de lion assis au nom du roi Aspelta, époque napatéenne, règne d'Aspelta, bois de figuier sycomore
- sphinx à l'effigie de Taharqa, Kawa, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, règne de Taharqa, granit gris et ex-voto réunissant les hiéroglyphes ânkh-djed-ouas, Djebel Barkal, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, faïence siliceuse.
Trois statues-cubes, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie et statue du dieu Amon-Rê, roi des dieux, dédiée par Horoudja, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, règne de Tanouétamani (?), bronze incrusté d'or, de cuivre et d'argent
- statue théophore d'Haroua, grand majordome de la Divine Adoratrice Amenirnis 1ère, présentant celle-ci à côté d'une déesse.
- statue de babouin en adoration, Kawa, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, granit gris
La 25e dynastie de Manéthon
Prêtre égyptien du IIIe siècle avant J.-C., Manéthon est l'auteur d'une histoire de l'Égypte, les Aegyptiaca, dans laquelle il donne des listes royales ordonnées selon les dynasties. Quelles que soient les erreurs de transmission, cette source est fondamentale pour notre connaissance de la chronologie. Pour sa 25e dynastie, qu'il dit « éthiopienne », Manéthon a retenu trois rois : Sabakôn, Sebichốs et Tar(a)cos, dans lesquels l'égyptologie reconnaît depuis peu et dans cet ordre les règnes de Djedkarê Chabataka (huit ans), Neferkarê Chabaka (quinze ans) et Néfertoumkhourê Taharqa (vingt-six ans). Les huit années durant lesquelles Bakarê Tanouétamani tenta de conserver son trône marquèrent la fin de « l'expérience ».
Taharqa à genous offrant le vin au dieu-faucon Hémen, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, règne de Taharqa, bronze (roi), grauwacke (?) plaqué d'or, bois plaqué d'argent (socle)
Vue vers l'ouest et le Nil des temples de Karnak à la fin de la 25e dynastie, aquarelle (2019) réalisée pour l'exposition par Jean-Claude Golvin.
Sphinx de Chépénoupet II *, Karnak, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, granit noir.
* La princesse Chépénoupet II, fille de Piânkhy et sœur de Taharqa, assura la haute fonction de divine adoratrice d'Amon.
Un fragment de relief, des perles cylindriques en faïence, un contrepoids de collier au nom de Taharqa, et un fragment de jambage de porte portant le nom du roi Chabaka, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie.
Chabataka offrant un pain blanc à Amon-Rê accompagné de la déesse Mout, Karnak, Troisième Période intermédiaire, 25° dynastie, règne de Chabataka, grès, relief dans le creux.
Relief de l'intronisation de la Divine Adoratrice Nitocris, Basse époque, 26e dynastie, grès peint.
Porteurs d'offrandes sur un relief de la tombe de Montouemhat, Thèbes, Assasif, tombe de Montouenhat, Basse époque, 26e dynastie, calcaire.
Statue stélophore de Montouemhat, Probablement Thèbes-ouest, Basse Époque, fin de la 25°- début de la 26° dynastie, granodiorite
Stèles de donation datées de l'an 2 et de l'an 6 de Chabaka aux dieux de Bouto et de Pharbaïtos dans le Delta, calcaire
Tanouétamani versus Assourbanipal
La fragilité de la 25° dynastie s'explique en grande partie par l'expansionnisme de l'Empire assyrien. Il fallut dix ans : les règnes d'Assarhaddon et de son fils Assourbanipal, des armées parcourant des distances considérables, trois sièges et trois assauts (671, 666 et 663 avant J.-C.) pour que l'Égypte de Taharqa, puis de Tanouétamani, cède avec la ville qui stratégiquement la commandait, Memphis. Peu d'événements eurent alors un retentissement comparable à celui du sac de Thèbes qu’Assourbanipal ordonna en 663 avant J.-C. Au point qu'aujourd'hui encore il est parfois difficile de distinguer la réalité historique de la tradition légendaire qui s'est emparée de la mémoire de cette expédition militaire.
Devant une scène d'audience avec cortège de chevaux, de soldats, de chars, de dignitaires et d'eunuques, relevé en fac-similé à l'échelle 1/1 d'une peinture décorant les murs de la salle XXIV de la partie privée du palais royal néo-assyrien (8° siècle av. J.-C.) a Til Barsip / Tell Ahmar par Lucien Cavro (fouilles de F. Thureau-Dangin entre 1929 et 1931), un Lion couché rugissant, Khorsabad (ancienne Dur-Sharrukin), palais royal, règne de Sargon II, bronze.
Prise par les armées assyriennes d'une ville égyptienne, Tell Kuyunjik (ancienne Ninive), époque néo-assyrienne, règne d'Assourbanipal, albâtre gypseux. Certains prisonniers ont des traits africains et une plume verticale sur la tête, ce qui pourrait les désigner comme des soldats kouchites.
- plaque du roi d'Assyrie Assarhaddon suivi de sa mère Naq'ia et commémorant la restauration de Babylone, Mésopotamie, Époque néo-assyrienne, règne d'Assarhaddon, cuivre et or (restes de placages)
-fragment de relief mural représentant le roi Assourbanipal ,Tell Kuyunjik (ancienne Ninive), palais Nord Époque néo-assyrienne, règne d'Assourbanipal, albâtre gypseux
Plaque chryséléphantine avec lionne dévorant un soldat kouchite blessé, Nimrud (Kalkhu), palais nord-ouest d'Assurnasirpal II (900-700 av. J.-C.) Epoque néo-assyrienne, règne d'Assurnasirpal Il, ivoire, or, lapis-lazuli, cornaline.
Table d'offrandes du précepteur des enfants royaux Horirâa, nécropole de Saqqara, Basse époque, 26e dynastie, basalte.
Les nécropoles des rois et des reines de Napata
El-Kourrou en aval et Nouri en amont du Djebel Barkal : ces deux nécropoles nous font connaître les rois et les reines de Napata. Les ancêtres de la lignée à El-Kourrou, selon une habitude millénaire, ont d'abord été enterrés dans des tumuli monumentaux, puis sous de petites pyramides très pentues en accord cette fois avec une « mode » adaptée de l'Égypte. C'est Taharqa qui décida la création de la nécropole de Nouri en y faisant construire la plus grande pyramide du royaume de Kouch. Ces deux nécropoles et, près du Djebel Barkal, les pyramides des cinq derniers rois ont été l'un des moyens d'établir la chronologie des souverains de Napata par la position relative des tombeaux et par les objets inscrits des trésors funéraires.
- un des 1 700 ouchbetis (petites statues de serviteurs funéraires) découverts dans la tombe de Taharqa à Nouri, pyramide 1
- stèle de la dame Paabtameri, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, calcaire
- Les trois vases en faïence de Tombos, 25° dynastie faïence. Ces trois petits vases trouvés dans une tombe contemporaine de la 25e dynastie sont d'une qualité et d'une conservation parfaites. On ignore s'ils sont de fabrication locales ou s'ils ont été importés de Rhodes, mais ce sont, quoi qu'il en soit, des objets de grand prix et leur découverte contribue a construire l'image d'un royaume napatéen culturellement ouvert au monde et celle d'une puissance politique et économique du VIIe siècle avant J.-C.
- Pied de lit funéraire, El-Kourrou, Troisième Période intermédiaire, 25e dynastie, bronze. Sur un dé rectangulaire à léger fruit, décoré sur ses quatre faces d'un fourré de papyrus en très bas relief, est accroupie sur ses pattes une oie dont le dos supporte le pied du lit à proprement parler.
Les statues de Doukki-Gel, la ville d'Amon- du-Jujubier
Ces dernières années, l'épigraphie et l'archéologie ont apporté des réponses entièrement nouvelles à des questions lancinantes posées par les sources historiques. Manquait la localisation exacte de l'une des quatre « villes saintes » du royaume de Napata, Pa-Nébès « Le Jujubier », dont nous savons désormais qu'elle est à reconnaître à Doukki Gel. Y fut mise au jour en 2003 une fosse remplie des statues fracassées de cinq rois napatéens : Taharqa, Tanouétamani, Senkamanisken, Anlamani et Aspelta. L'enquête archéologique, les faits historiques, l'histoire de l'art et l'organisation du culte des souverains au royaume de Kouch sont parmi les questions multiples auxquelles une telle découverte apporte des réponses.
Introduite par la statue de Taharqa, l'exposition se termine donc en apothéose avec les six autres copies reconstituées des sept statues royales (deux rois sont représentés deux fois) de Doukki Gel : de gauche à droite, Tanouétamani, Senkamanisken, encore Tanouétamani, Aspelta, Anlamani et encore Senkamanisken.
Leurs fragments avaient été enfouis sous le règne d'Aspelta après le sac de Napata par les armées de Psammétique II.
Le Faouët (Ar Faoued)
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Un article consacré au riche patrimoine monumental d'une commune du Morbihan d'environ 3 000 habitants, Le Faouët. (ci-contre les armes actuelles de la ville, reprises des seigneurs de Boutteville et qu'on retrouvera dans la suite de ce billet dans les chapelles remarquables construites par cette famille.)
Au centre de la ville, les halles édifiées entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle. Elles sont longues de 53 mètres et larges de 19 mètres. Couvert d'une vaste toiture reposant sur de petites colonnes de granit, l'édifice s'ouvre de chaque côté par deux imposants portiques. La charpente est impressionnante par sa qualité et son volume.
À un kilomètre et demi au nord-est du bourg, dans un vallon, se trouve la chapelle Sainte-Barbe. Étape sur un des chemins bretons du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle et sanctuaire attirant de nombreux fidèles lors du pardon de sainte Barbe, le site a été aménagé dans le but de faciliter les processions et pèlerinages, avec son immense esplanade qui fait office de placître, l'escalier monumental avec rampe sur balustres et la chapelle.
La chapelle elle-même a été construite du XVIe siècle au XVIIe siècle, les principaux travaux étant réalisés de 1489 à 1512. L'aménagement du site avec un escalier monumental a été réalisé par Sébastien Le Meur en 1700 : il est constitué d'un système de quatre rampes sur plan cruciforme et orné de balustres de style Louis XIII, avec à son sommet le petit oratoire Saint-Michel.
En contrebas, la chapelle, de style gothique flamboyant. Elle n'est constituée, du fait de l'étroitesse du lieu, que d'une seule travée et d'une abside et présente l'originalité de ne pas être orientée dans l'axe traditionnel Ouest/Est, mais dans un axe Sud-Est/Nord-Ouest.
Les deux portails de la façade occidentale sont composés chacun de deux portes jumelées surmontées d'un tympan ajouré.
À l'intérieur, le choeur liturgique débordant sur la croisée,
La chapelle comporte encore de beaux vitraux anciens, comme :
- Le martyre de Sainte-Barbe, dans le bras nord du transept (4,80 m de haut sur 1,50 m de large). Datation : 1510-1515.
- La Transfiguration, à l'est de de l'autel principal (4,65 m de haut sur 1,40 m de large). Datation : 1512-1515.
Des ex-votos, bateau et remerciements à Sainte-Barbe après des incendies.
Sur l'esplanade, le campanile où, sous un toit soutenu par des piliers, se balance la cloche des pèlerins
la grande croix des pardons
et le tombeau d'un grand républicain du Faouët, contrepoint bienvenu aux féodaux dont les armes envahissent la chapelle, Claude-René Bellanger.
Un peu plus au nord, en pleine campagne, se dresse la chapelle Saint-Sébastien. Elle a probablement été bâtie en tant qu'ex-voto pour la cessation de l'épidémie de peste de 1598.
L'édifice est en forme de croix latine, à vaisseaux uniques épaulés par des contreforts angulaires. Ceux-ci sont amortis par des pinacles et ornés de gargouilles sculptées. Le chevet à trois pans est de type Beaumanoir.
Le détail des gargouilles, particulièrement expressives.
Des portails qui, même condamnés, gardent leur élégance.
Il est malheureusement impossible actuellement d'accéder à l'intérieur de la chapelle, qui s'est considérablement dégradée ces derniers temps. Nous en proposons au lecteur un aperçu.
On peut y voir une belle poutre de gloire :
Mais l'édifice est surtout remarquable par le décor de ses sablières, sculptées entre 1600 et 1608 par Gabriel Brenier.
- une danse macabre conduite par le diable au son du biniou
- deux hommes tête-bêche tenant un bâton, accompagné de l'inscription « Faict par Gabriel Brenier l'an 1608. »
- deux hommes faisant la sieste
Terminons par un pur joyau, à quelques kilomètres au sud du Bourg, la chapelle Saint-Fiacre.
Construite à partir du XVe siècle (vers 1450), elle présente une façade découpée en trilobes avec un clocher sur pignon fréquemment retrouvé en Bretagne. Celui de Saint-Fiacre est cependant triple flanqué de deux tourelles latérales et d'un balcon.
La chapelle est surtout célèbre pour son exceptionnel jubé en bois polychrome de style flamboyant réalisé de 1480 à 1492 par Olivier Le Loergan, classé monument historique dès 1862. Le côté de la nef illustre des scènes de la tentation d'Adam et Ève, de l'Annonciation de Marie, et de la passion du Christ.
Quelques anges ornant les culots des retombées de la tribune
Deux anges ornant les clés des fausses voûtes de la tribune portent des écus avec des inscriptions qui témoignent de la date (1480) de cette réalisation et du nom de son auteur (Olivier Le Loergan).
Encore quelques détails :
- les personnages de Marie et Jean au pied de la crucifixion,
- détail du haut de la porte centrale de la clôture,
- Adam et Ève sous le figuier.
La face côté chœur n'est pas moins ornée, représentant des péchés capitaux et vices, avec le vol (de fruit dans un arbre), l'ivresse (un homme vomissant un renard), la luxure (un homme et une femme), la paresse (un musicien breton).
Deux figures grotesques de la sablière de la clôture
Les figures ornant les culots des retombées de la tribune
De chaque côté du jubé :
- la statue d'un noble personnage agenouillé au pied de ce jubé. Cette statue en chêne du XVe siècle représenterait le duc Jean V, duc de Bretagne de 1399 à 1442.
- les vestiges très dégradés d'un retable figurant le martyre de Saint-Sébastien.
Dans le chœur, notons encore :
- Saint Fiacre, statue de bois polychrome de 1,41m, du XVIe siècle, dans sa niche de 3,10 m, à candélabres feuillagés sur les montants, surmontée d'un dais à quatre niveaux.
- Sainte Apolline et ses bourreaux, statue en pierre du XV-XVIe siècle où la sainte est attachée par les cheveux à une potence, tandis que ses mains sont attachées dans le dos et que ses deux bourreaux, armés de tenailles, sont en train de lui arracher les dents.
- une curieuse chaire-balcon du XVIIIe siècle
Parmi les vitraux :
- la Passion (maîtresse-vitre), milieu du XVIe. Haut de 5,30 m et large de 2,52 m.
- la Vie de Saint-Jean Baptiste (détail) - milieu du XVIe siècle
- la Sainte Parenté (détail) 1550, restauré en 1912
- l'arbre de Jessé.
Cette verrière mesure 4,45m de haut et 1,96m de large ; elle se compose de quatre lancettes trilobées et d'un tympan de 5 ajours et écoinçons. Elle est datée du troisième quart du XVe et du milieu du XVIe siècle. Elle a été (peu) restaurée en 1910-1917 par la maison Delon de Paris.
Quelques vues de l'extérieur de la chapelle, avec son chevet carré et sa grande vitre maîtresse de la Passion, son clocher triple sur pignon.
un grand et un petit portails latéraux
À proximité de la chapelle, un four à pain ancien en bon état.
Depuis le four, un dernier regard sur la magnifique façade de la chapelle avant de prendre congé.