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Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)

25 Juin 2022 , Rédigé par japprendslechinois

Le titre un peu complexe de ce billet reprend à la lettre celui de l'exposition majeure qui se tient actuellement au Centre Pompidou.

"Cette exposition offre deux récits sur la modernité allemande de la république de Weimar (1918-1933), qui se recoupent à certains points. Le premier volet propose la première vue d'ensemble en France sur le courant de la Nouvelle Objectivité, dans une perspective pluridisciplinaire. Le second volet présente l'œuvre majeure du photographe August Sander (1876-1964), Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du XXe siècle]. "

Tout en présentant quelques photographies de Sander en rapport avec les autres œuvres, nous ne pourrons rendre compte dans le détail des centaines qui figurent dans l'exposition, qui à elles seules en valent une visite détaillée.

En prologue, trois œuvres offrent un panorama en trois temps de l'art en Allemagne avant la Nouvelle Objectivité :
Dans les années 1910 domine l'expressionnisme, art exalté et lyrique, centré sur le Moi créateur et l'intériorité de l'artiste, comme dans l'Autoportrait de Ludwig Meidner (1913, huile sur toile).
Dans les environs de Cologne, August Sander travaille comme photographe ambulant à la campagne : trois jeunes paysans du Westerwald se rendant à la fête, 1914.
Le mouvement Dada apparaît durant la Première Guerre Mondiale. Résolument engagé à gauche, il bouleverse la définition bourgeoise de l'art en multipliant les provocations : la Tête mécanique de Raoul Hausmann (1921, marotte de coiffeur, bois et objets divers) annonce le retour à l'objet et à une forme d'inexpressivité.

Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)

Genèse

Au début des années 1920, la question du devenir de l’art après la Première Guerre mondiale occupe les débats esthétiques en Allemagne. L’expérience concrète du front, la lourde défaite puis l’échec de la révolution (1918-1919) ont eu raison des utopies de la génération expressionniste et de son art visionnaire, spirituel et psychologique. Dégrisés de leurs illusions idéalistes, notamment au sujet d’un conflit que certains avaient d’abord sublimé en épopée héroïque, les artistes se tournent vers le réel ; en peinture, ce changement de paradigme se traduit par l’apparition d’un style figuratif plus neutre et moins expressif, tendant vers une plus grande Sachlichkeit [objectivité].
La critique allemande cherche alors un nom pour désigner ce qu’elle identifie comme un retour à une figuration réaliste. Tantôt qualifiée de nouveau naturalisme (Paul Westheim), de postexpressionnisme ou de réalisme magique (Franz Roh), cette tendance est finalement baptisée Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivité] par l’historien de l’art Gustav Friedrich Hartlaub. Sous ce titre, il organise en 1925 une exposition à la Kunsthalle de Mannheim, dont il est le directeur ; elle rassemble 32 artistes, parmi lesquels Otto Dix, George Grosz, Alexander Kanoldt, Georg Scholz ou Georg Schrimpf. Le large écho rencontré par l’exposition participe à la diffusion de l’appellation Neue Sachlichkeit. Rapidement, elle devient un slogan culturel à la mode pour évoquer le Zeitgeist [l’esprit du temps] de l’Allemagne weimarienne de la seconde moitié des années 1920 ; on la retrouve notamment dans des pièces de théâtre populaire ou dans des revues de cabaret. Se détachant du seul courant de peinture, le terme finit par désigner l’esthétique de toute une époque fondée sur la sobriété, la rationalité, la standardisation et le fonctionnalisme. 

Max Beckmann (1884-1950) : Doppelbildnis [Double portrait], 1923, huile sur toile

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George Grosz (1893-1959) : Porträt des Schriftstellers Max Herrmann-Neiße [Portrait de l'écrivain Max Herrmann-Neiße], 1925, huile sur toile,

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Georg Sholz (1890-1945) : Bahnwärterhäuschen [Guérite du garde-barrière], 1925, huile sur carton

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Georg Schrimpf (1889-1938) : Kinderbildnis [Portrait d'enfant], 1925, huile sur toile

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Alexander Kanoldt (1881-1939) : Olevano II, 1925, huile sur toile

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Des photos de scène de la comédie de Marcellus Schiffer Es liegt in der Luft [C'est dans l'air], à la Komödie am Kurfürstendamm, Berlin, 1928

Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
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Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)

Des photos de scène de Die Neue Sachlichkeit [La Nouvelle Objectivité], de Toni Impekoven et Carl Mathern au Schauspielhaus, Francfort-sur-le-Main, 1930

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Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)

Standardisation

Dans les années 1920, l’exaltation de l’individu qui caractérisait l’esthétique expressionniste est remplacée par un idéal de standardisation : les singularités sont effacées au profit d’un recours à des modèles, des types normés, des formes simples reproduites en série.
En peinture, George Grosz et Anton Räderscheidt représentent des figures humaines schématiques, sans visage ou aux expressions neutres, dans des décors urbains étrangement vides et impersonnels. Les empâtements et les vives couleurs de l’expressionnisme disparaissent dans une facture plus lisse, des couleurs sourdes.

George Grosz :  Ohne Titel (Konstruktion) [Sans titre (Construction)], 1920, huile sur toile

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Anton Räderscheidt (1892-1970) :
Haus Nr 9 [Maison n°9], 1921, huile sur panneau
Junger Mann mit gelben Handschuhen [Jeune homme avec des gants jaunes], 1921, huile sur bois

et August Sander : dans la série des peintres, Anton Räderscheidt, 1926

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Davantage que sur les particularités physiques, l’attention des artistes se porte sur l’appartenance sociale des individus. À Cologne, les artistes Gerd Arntz, Heinrich Hoerle et Franz Wilhelm Seiwert forment le groupe des Kölner Progressive [Progressistes de Cologne], avec lequel expose August Sander. Portés par leurs utopies socialistes, ils réalisent des compositions
mettant en scène exploiteurs et exploités, représentés selon une typologie les rendant immédiatement reconnaissables.

Franz Wilhelm Seiwert (1894-1933) :
Wandbild für einen Fotografen (August Sander) [Peinture murale pour un photographe (August Sander)], 1925, huile sur toile
Die Arbeitsmänner [Les Travailleurs], 1925, huile sur toile
Proletarier [Prolétaires), vers 1922, linogravure sur papier

et August Sander : dans la série des peintres, Franz Wilhelm Seiwert, 1924

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Heinrich Hoerle (1895-1936) : Selbstbildnis [Autoportrait], vers 1931, huile sur toile
et August Sander : dans la série des peintres, Heinrich Hoerle, 1928

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August Sander :

Geistesarbeiter des Proletariats [Intellectuels du prolétariat (Else Schuler, Tristan Rémy, Franz Wilhelm Seiwert, Gerd Arntz)], vers 1925

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Et seul, cette fois, Gerd Arntz (1900-1988), vers 1925

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Dans sa série de gravures Zwölf Häuser der Zeit [Douze maisons de notre temps] (1927, gravure sur bois, impression sur papier Japon), Gerd Arntz représente les classes sociales selon un ensemble de codes aisément identifiables ; ce recours à la schématisation doit générer une prise de conscience chez le prolétaire, en lui révélant à travers des formes simples la réalité de son oppression.

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Dans la même veine, le hollandais Peter Alma (1886-1969) : Série Acht Portretten [Huit portraits], 1929-1931, 4 de 8 linogravures sur papier. 
Priester (Prêtre] Militair [Militaire] Cipier (Geôlier] Bankier [Banquier]

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Gerd Arndt travaille ensuite à Vienne avec le philosophe et économiste Otto Neurath à l’élaboration d’un langage visuel universel : l’Isotype. Ces pictogrammes aux couleurs simples, lisibles par tous, permettent de classifier et de faire comprendre des données politiques ou économiques complexes.

Brochure Isotype (vers 1935, recto-verso)

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Gesellschaftgliederung [Structure de la société], vers 1931-1932

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Gerd Arntz et Otto Neurath : Portfolio Gesellschaft und Wirtschaft Bildstatistisches Elementarwerk [Société et économie. Statistiques élémentaires en images], 1930

Couverture
Tafel 23 : Die Mächte der Erde (Planche 23 : Les Pouvoirs de la terre]
Tafel 72: Wohndichte in Großstädten [Planche 72: Densité résidentielle dans les grandes villes]

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En urbanisme, la pénurie de logements sans précédent au sortir de la Première Guerre mondiale conduit à la construction de grands ensembles immobiliers. Dans le cadre du programme « Das Neue Frankfurt » [Le Nouveau Francfort], l’architecte Ernst May est recruté par le maire de la ville et construit en cinq années près de 10 000 logements. Ceux-ci sont
regroupés dans des cités-lotissements uniformisées, aux formes simples et identiques, conçues à partir d’éléments standards préfabriqués.

Baubüro Gropius (photographie),  Walter Gropius (1883-1969, architecte) : Cité-lotissement de Dessau-Törten, 1927

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Carl-Hermann Rudloff (1890-1949) et Ernst May (1886-1970), architectes :

Römerstadt, Bloc de magasins dans la Hadrianstraße, Francfort-sur-le-Main, vers 1929
La rue Im Burgfeld dans la Römerstad Francfort-sur-le-Main, vers 1929
La rue Am Forum dans la Römerstadt, Francfort-sur-le-Main, vers 1929 (2 vues)

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Le fonctionnalisme triomphe par ailleurs dans les intérieurs modernes : en 1927, Marcel Breuer fonde la société Standard Möbel [meubles standards], et conçoit un mobilier en acier tubulaire aux formes pures, facilitant sa reproduction à une échelle industrielle.

Marcel Breuer (1902-1981) :

B 9/Hocker für die Bauhauskantine [B 9/Tabouret pour la cantine du Bauhaus], 1925, tube d'acier, bois laqué
B 9-9c, 1925, tube d'acier, bois laqué
et une chaise de facture similaire
 

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Montages

Dès la fin des années 1910, les artistes du mouvement Dada ont recours à la technique du montage pour créer dans leurs œuvres des associations insolites et humoristiques, souvent doublées d’un discours politique. Loin d’abandonner ce procédé, la Nouvelle Objectivité le reprend pour le mettre au service de l’analyse de la société : le mélange de motifs ou d’informations dissociés dans la réalité permet aux artistes de proposer une forme de
synthèse visuelle de l’époque, à travers différents supports (photographie, collage, peinture ou film).
Le montage est notamment la technique privilégiée pour intégrer le quotidien au sein des œuvres. Les films de Walter Ruttmann sont constitués d’un assemblage d’images ou de sons hétérogènes, captés directement dans la grande ville ou sur les lieux de travail, et qui figurent une journée type à Berlin ou la routine d’une fin de semaine. 

Fox Europa Produktion : Affiche pour le film Berlin : Die Sinfonie der Großstadt [Berlin, symphonie d'une grande ville), 1927, lithographie en couleur

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Le film lui-même est projeté sur un mur de l'exposition. Un extrait :

Dans les portraits, la pratique du montage permet de rassembler dans une même oeuvre plusieurs facettes d’une même personne, dans une démarche quasi analytique : Karl Hubbuch peint quatre versions contrastées de son épouse Hilde. L’individu réifié est disposé dans des compositions fictives créées par l’artiste comme dans Graf St. Genois d’Anneaucourt [Portrait du Comte St-Genois d’Anneaucourt] (1927), par Christian Schad, où l’aristocrate viennois côtoie un travesti berlinois devant une rue de Montmartre.

Karl Hubbuch (1891-1979) :
Zweimal Hilde I [Deux fois Hilde I)], 1929, huile sur toile
Zweimal Hilde II [Deux fois Hilde ll], vers 1929, huile sur toile montée sur masonite
Étude de dos, 1927, aquarelle et graphite sur papier
 

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Christian Schad (1894-1982) : Graf St. Genois d'Anneaucourt [Comte St. Genois d'Anneaucourt], 1927, huile sur bois
 

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Lotte B. Prechner (1877-1967) : Epoche [Époque), 1928, huile sur toile
Gert Heinrich Wollheim (1894-1974) : Abschied von Düsseldorf [Adieux à Düsseldorf], 1924, huile sur toile
 

Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
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La presse illustrée devient pour des photographes comme Sasha Stone ou Alice Lex-Nerlinger un réservoir d’images à assembler. Traités comme des objets interchangeables, les paysages des grandes villes mondiales se confondent, les technologies modernes font face à des animaux sauvages
dans des photomontages factices.

Alice Lex-Nerlinger (1893-1975) :
Giraffe [Girafe], vers 1928, page d'un livre d'images, photomontage
Funkturm [Tour de radio], vers 1928, page d'un livre d'images, photomontage

Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
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Teo Otto (1904-1968) : Tennisplatz [Court de tennis], deux dessins pour le décor du ballet Jeux (Poème dansé) de Claude Debussy, Berlin, Krolloper, 1931,  photomontages, gouache
 

Allemagne / Années 1920 / Objectivité / August Sander (I/II)
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Dans les peintures d’Otto Dix ou d’Albert Birkle, l’association au sein d’une même oeuvre de motifs disparates ouvre la voie à des visions plus politiques de la ville, montrée comme un espace socialement hétérogène, dans lequel la bourgeoisie jouxte la plus grande pauvreté.

Otto Dix (1891-1969) : An die Schönheit (Selbstbildnis) [À la beauté (Autoportrait)], 1922, huile sur toile

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Albert Birkle (1900-1986) : Kurfürstendamm, 1924, pastel sur carton

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Otto Dix : Karton zum « Großstadt-Triptychon » [Carton pour « Le Triptyque de la Grande Ville »], 1927-1928, fusain, craie, crayon, sanguine, gouache sur papier à dessin marouflé sur toile, 3 panneaux

Dans ce travail préparatoire pour une peinture de mêmes dimensions trop fragile pour voyager, Otto Dix reprend le thème du divertissement urbain nocturne, déjà présent dans son tableau À la beauté. Il décline le principe du montage en investissant un format classique de la peinture religieuse, le triptyque. La division en trois panneaux permet à l'artiste de montrer simultanément les multiples facettes de la société selon une disposition lourde de sens : au centre se trouve l'élite privilégiée, dansant le jazz dans un night-club, tandis que les panneaux latéraux évoquent le peuple de la rue, relégué aux marges (prostituées, invalides de guerre). De manière arbitraire, l'artiste a donné à ses personnages les visages de différentes personnalités de Dresde, ou de certains de ses proches.

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Nous parcourrons la suite de cette exposition-fleuve dans un prochain billet.

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Promenade patrimoniale dans les Vosges

18 Juin 2022 , Rédigé par japprendslechinois

Nous proposons au lecteur un aperçu des richesses découvertes au cours d'une promenade patrimoniale organisée le 11 juin dernier par la Société d'Émulation du département des Vosges, sous la houlette de notre ami Jean-Pierre Doyen.

La première étape en était l'église Saint-Julien de Domjulien, véritable "musée d'art religieux" que nos lecteurs ont déjà découvert dans notre billet du 13 mars 2021, auquel nous renvoyons ceux qui ne l'auraient plus en mémoire...

Promenade patrimoniale dans les Vosges

Puis ce fut Dommartin-sur-Vraine, avec son église Saint-Martin. avec son beau chœur du début du XVIe siècle 

Promenade patrimoniale dans les Vosges
Promenade patrimoniale dans les Vosges

Elle est notamment remarquable pour son enfeu, chapelle funéraire d'Érard de Dommartin, qui constitue un spécimen unique de l'art de la première Renaissance en Lorraine. 

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Dans l'église, un tableau ancien représentant Saint Mansuy et une pietà récupérée sur une ancienne croix de chemin.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Près de l'église, comme elle perché sur la butte qui domine la village, le château (XVe et XVIe siècle) classé en 2004, en attente de restauration.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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L'étape suivante nous conduit à l'église Saint-Élophe de Longchamp-sous-Chatenois, véritable "surprise baroque", où nous découvrons sous sa voûte en bois en anse de panier un très bel ensemble du début du XVIIIe siècle. 

Promenade patrimoniale dans les Vosges

Le maître-autel comporte un remarquable retable architecturé, muni d'un baldaquin en forme de couronne ducale et d'un tabernacle monumental.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Quelques détails de cet ensemble de grande qualité.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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De chaque côté de l'autel, deux autres autels au retable architecturé consacré à Saint Joseph et à la Vierge (ce dernier daté de 1718) 

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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aussi finement ouvragés que le maître-autel

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Une très belle chaire en bois sculpté complète l'ensemble.

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Avant-dernière étape, Removille et son église Notre-Dame, exemple d'architecture flamboyante rurale du XVIe siècle<;

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Le site est superbe, dominant la large vallée du Vair, rejoint par la Vraine.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Au pied de l'église, on a rapporté pour en assurer la protection d'intéressantes croix du XVIIIe siècle, dont l'une commémorant l'endroit où un habitant du village fut "dévoré par un loup enragé".

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Quelques détails du portail classé

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L'ensemble harmonieux de l'intérieur

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On retrouve sur le côté droit du choeur un enfeu, plus simple et récent

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où se trouve à présent une belle pietà

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Autres éléments statuaires intéressants, deux vierges aux styles assez contrastés et un Christ aux liens.

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Au milieu du village de Removille, la chapelle Saint-Nicolas, construite à la fin du XVIe siècle.

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Face à l'entrée, sur l’autel, un retable Renaissance fait de pierre où sont sculptés les douze Apôtres et une crucifixion. Une Vierge à l'Enfant est placée dans la niche médiane percée dans le mur de chevet. Sur des consoles fixées au mur de part et d'autre du retable, un Saint Évêque anonyme et un saint Nicolas.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Ce sont surtout les peintures murales qui font l’intérêt de cette chapelle et lui ont permis d’être inscrite aux Monuments Historiques en 1994. Elles habillent tous les murs et constituent l’ensemble le plus important de peinture murale ancienne du département des Vosges. On reconnaîtra sur le mur du chœur l’Annonciation, la fuite en Égypte ainsi que saint Sébastien.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Il faut parfois les yeux de la foi pour reconnaître un certain nombre de scènes.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Un regard sur la statuaire naïve de la chapelle : outre les saint évêques flanquant l'autel, un saint Élophe martyr faisant face à un Saint Antoine aux ardents.

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Pour terminer ce beau périple, l'église Saint-Rémy de Vicherey, à la belle architecture romane du XIIe siècle, isolée sur une butte castrale au dessus du village.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Un très beau chevet, avec la particularité d'être surmonté d'un étage presque aveugle qui a pu servir de refuge aux villageois.

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Détails du chevet

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L'intérieur a fait l'objet d'une restauration exemplaire, où les éléments de décoration des différentes époques, jusqu'aux plus récentes, ont été préservés.

Promenade patrimoniale dans les Vosges
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Une belle chaire du XVIIIe siècle

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Une sainte martyre et une vierge à l'enfant

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C'est devant ce bel édifice que se séparent les "promeneurs".

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Renaissance du musée Carnavalet

11 Juin 2022 , Rédigé par japprendslechinois

Après une fermeture de presque cinq ans pour rénovation, le musée Carnavalet - Histoire de Paris a rouvert ses portes l'année dernière. Nous n'avions pas encore eu le loisir de le visiter : ce billet est l'occasion de donner un tout petit aperçu d'un parcours rapide que nous en avons effectué. Ce musée autrefois un peu "poussiéreux" est à présent extrêmement riche et agréable à parcourir, et nous engageons nos lecteurs à s'en rendre compte par eux-mêmes, d'autant que la visite des collections permanentes, comme dans les autres musées de la ville de Paris, est gratuite.

L'entrée du musée est celle de l'ancien hôtel Carnavalet (du nom de Françoise de Kernevenoy , veuve de François de Kernevenoy, dit Carnevalet ou Carnavalet) qui avec l'hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau abrite les collections du Musée. La très belle cour de l'entrée est due à Pierre Lescot, avec des statues de Jean Goujon et de son atelier. Elle est ornée en son centre d'une statue de Louis XIV en empereur romain par Antoine Coysevox.

Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

Dans la galerie d'entrée consacrée à une riche collection d'enseignes anciennes et de plaques de rue du vieux Paris, la reconstitution d'une boutique d'apothicaire du XIXe siècle, située autrefois 14, rue de Grammont (aujourd'hui Gramont), 2ème arrondissement.

Renaissance du musée Carnavalet

Beaucoup d'installations sont destinées aux enfants, dans un but pédagogique, comme ces personnages (vers 1780) d'Arlequin, Brighella, du docteur Bolonais et de Pantalon devant un tableau consacré au même sujet.

Renaissance du musée Carnavalet

Une des particularités du musée est d'accueillir des reconstitutions de décors d'hôtels particuliers parisiens - ou de boutiques - lors de la démolition ou de la rénovation de ces derniers

Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

Parmi ces réalisations, le cabinet de l’hôtel Colbert de Villacerf, bâti vers 1650 rue de Turenne; Ses boiseries ont été acquises en 1867 par la municipalité parisienne et remontées au musée vers 1913-1914. 

Renaissance du musée Carnavalet

Le salon de musique de l'hôtel d'Uzès, construit rue Montmartre en 1767 par Charles-Nicolas Ledoux et détruit en 1870.

Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

Les panneaux décoratifs du salon de l'appartement, situé sur l’île de la Cité, de Gilles Demarteau, l’un des graveurs attitrés de François Boucher. François Boucher (1703-1770) et atelier, entre 1765 et 1770, huile sur toile et sur bois.

Renaissance du musée Carnavalet

Encore quelques détails de boiseries du XVIIIe, dont regorge le musée

Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

Autre reconstitution monumentale, l'escalier de l'hôtel de Luynes, qui était situé 33 rue Saint-Dominique et a été détruit en 1899 après avoir été sérieusement écorné par les travaux haussmanniens. Les murs sont ornés de peintures en trompe-l'œil réalisées par Paolo Antonio Brunetti en 1748.

Renaissance du musée Carnavalet

Parmi les reconstitutions plus récentes, la magnifique salle de bal art déco de l'hôtel de Wendel, 28 avenue de New-York, 16e arrt. Elle est due à l'artiste catalan José Maria Sert y Badia (1874-1945) et a été réalisée en 1925.

Elle représente le voyage de la reine de Saba avec son cortège (éléphants, dames d’atour, tireurs de cartes, philosophes, musiciens et jongleurs, fou, astrologue…) et sa rencontre avec le roi Salomon.

 

Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

Un salon reconstitué du Café de Paris, 41 avenue de l'Opéra, 1899, par l'architecte et décorateur Henri Sauvage (1873-1932). Le mobilier est réalisé par  Louis Majorelle.

Renaissance du musée Carnavalet

Ma reconstitution préférée, qui j'avais déjà évoquée par des photographies d'époque dans le billet du 20 octobre 2018 consacré à Alphonse Mucha, est celle de la boutique du bijoutier Fouquet.

La collaboration entre le bijoutier Georges Fouquet (1862-1957) et l'artiste Alfons Maria Mucha (1860-1939) est révélée avec éclat lors de l'Exposition universelle de 1900, à Paris. Le vif succès que remportent les bijoux dessinés par Mucha incite Fouquet à l'inviter, l'année suivante, à concevoir le décor de son magasin, 6, rue Royale. Mucha crée une boutique moderne, à la manière d'une oeuvre d'art totale, dessinant à la fois la devanture et tous les détails de l'intérieur, de la mosaïque aux luminaires, des poignées de portes au mobilier. Si la figure féminine, chère à l'artiste, domine le décor en devanture, l'aménagement intérieur est essentiellement d'inspiration naturaliste. La puissance onirique, presque féerique, du décor suscite étonnement et admiration.
Le décor de la boutique sera démonté en 1923, et Fouquet fera don de la plupart des éléments au musée Carnavalet.

Renaissance du musée Carnavalet
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Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet
Renaissance du musée Carnavalet

De nombreuses salles de la Révolution au Second Empire, avec ce bureau sur lequel Louis-Philippe, dernier Roi des Français, signa son abdication.

Renaissance du musée Carnavalet

Des projets d'affiches réalisés pendant la Première guerre mondiale par des enfants des écoles de la Ville de Paris, pour soutenir nos "Poilus".

Renaissance du musée Carnavalet
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Renaissance du musée Carnavalet

Des objets d'art commémorant la libération de Paris en 1944

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Des affiches :

30e Salon des humoristes, Suzanne Mousson, 1937
Exposition Universelle de 1937, Georges Lepape

Renaissance du musée Carnavalet
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Des tableaux qui évoquent la "vie parisienne", où on retrouve Romaine Brooks (cf. notre billet du 30 avril 2022) avec un Portait d'Élisabeth de Gramont, duchesse de Clermont-Tonnerre, 1932, huile sur toile

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ou ce Portrait de Juliette Gréco (26ème gala de l'Union des artistes, 5 mars 1956) par Robert Humblot (1907-1962), 1956, huile sur toile

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ou encore Intérieur d'un café de Léonard Foujita (1886-1968), 1958, huile sur toile

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Terminons avec ces quelques affiches de mai 1968 de l'école des Beaux-Arts, même si elles sont moins nombreuses et variées que celles de la collection de l'auteur... 

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Gaudi au musée d'Orsay

4 Juin 2022 , Rédigé par japprendslechinois

Le musée d'Orsay consacre actuellement son grand espace d'exposition à Gaudí : "Artiste emblématique de Barcelone, Antoni Gaudí (1852-1926) est toujours l’un des architectes les plus célèbres au monde. Pour populaire qu’il soit, il n’en reste pas moins un artiste déroutant, échappant aux classifications habituelles de l’histoire de l’architecture et des arts décoratifs. S’il appartient historiquement au courant du modernisme catalan et à la vaste nébuleuse de l’Art nouveau européen, il se distingue par une œuvre proprement originale et personnelle. Il ne fit l’objet d’aucune exposition monographique en France, sinon de manière modeste lors du Salon national des Beaux-Arts en 1910. Son œuvre fut présentée par des photographies à plusieurs reprises dans des expositions consacrées à la naissance de l’art moderne, notamment dans l’exposition « Pionniers du XXe siècle », organisée en 1971 par le musée des arts décoratifs, qui présentait Gaudí auprès de Guimard, Horta et Van de Velde. Grâce au musée national d’art catalan de Barcelone (MNAC), cette plongée dans l’œuvre si singulière de Gaudí a été rendue possible. De l’intimité de sa démarche créatrice à ses réalisations les plus iconiques, son univers se dévoile peu à peu et révèle toute sa richesse."

Au seuil de l'oeuvre

Le visiteur est accueilli par un vestibule tout en boiseries, ici remonté pour la première fois, qui conduisait le visiteur au sein de l’un des appartements de la Casa Milà (1905-1910).  Il est dû à Gaudí et Josep Maria Jujol (1879-1949).

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Au seuil de l'œuvre 

Cette section est consacrée aux ateliers de Gaudí, avec ces moulages sur nature avec armature en fer et ce dispositif à miroirs destiné à faire des photographies utilisées ensuite pour des sculptures...

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

des photographies d'époque de son atelier...

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

des projets du jeune Gaudí à l'école d'architecture (1876)

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Gaudí et Güell

Eusebi Güell i Bacigalupi (1846-1918), industriel du textile, bourgeois-aristocrate, littéraire et mélomane, joue un grand rôle dans les débuts de Gaudí.

Fernández de Villasante Julio Moisés (1888-1968) : Portrait d'Eusebi Güell, 1913, huile sur toile

Gaudi au musée d'Orsay

Il lui confie la réalisatio du Palais Güell (1885-1889). Bâti en plein quartier médiéval de Barcelone, le palais s’annonce comme un palais de la Renaissance italienne, discret voire austère en façade, vaste et riche à l’intérieur. 

Photo de l'entrée du palais Güell prise par l'auteur en 2004.

Gaudi au musée d'Orsay

Dans l'exposition, des éléments de mobilier du palais Güell, dans la veine de l’Art nouveau naissant, mais dont l’inspiration générale emprunte toutefois encore à l’art gothique et à l’art mudéjar, comme dans la Casa Vicens. 

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Le Park Güell, 1900-1914

Ce lieu emblématique témoigne de l’engagement sociétal de Güell dans la cité. Conseiller municipal puis député, Güell avait le souci de créer des aménagements « collectifs ». Il se lance ici dans la transformation d’un parc naturel désertique (la « Montagne pelée »), aux limites de la ville, pour y créer une villa-jardin. Elle est destinée aux propriétaires aisés aspirant à un lieu de vie dans la nature, à la manière anglaise, relié par des chemins arborés à des espaces communs dédiés à la culture (théâtre) et à la beauté visuelle (point de vue sur la ville). Sur soixante parcelles envisagées, seule deux furent achetées. Cet échec commercial n’empêcha pas une réalisation ambitieuse, à dimension symbolique. 

Des photographies du furent présentées à l'exposition universelle de Paris en 1910. En regard, nous proposons des photographies en couleurs prises par l'auteur en 2004.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Les hôtels urbains

La Casa Vicens

Plusieurs familles de Barcelone confièrent la réalisation de leur demeure à Gaudí qui créa le cadre de vie de ces familles bourgeoises prospères dans un nouveau quartier, l’Esanche. Ces maisons portent encore aujourd’hui le nom de leur commanditaire. La casa Vicens est la première, conçue par Gaudí, pour Manuel Vicens i Montaner qui lui demande d’imaginer la maison de campagne familiale sur un terrain dont il vient d’hériter dans le village de Gràcia. Gaudí conçoit le projet entre 1878 et 1880 mais il ne sera mis à exécution qu’entre 1883 et 1889.

L'auteur ne propose pas de photo de l'extérieur, la très belle rénovation ayant été effectuée postérieurement à son séjour à Barcelone ; l'exposition propose des éléments de décoration : la grille de l'atelier, conçue par Gaudi et réalisée par l'atelier de serrurerie Joan Oños. 

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

une jardinière et un support (fer forgé et faïence) et un moulage en terre cuite de feuille de palmier pour la grille

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

et des carreaux de céramique pour la facade de la villa.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

La Casa Calvet

En 1898, Gaudí commence la construction de la casa Calvet rue Casp. Il s’agit d’un immeuble d’habitation qui abrite également une boutique en rez-de-chaussée et des bureaux. Bien que cet immeuble doive s’intégrer dans un quartier déjà construit, Gaudí livre une œuvre très personnelle, faite de références à l’architecture baroque, de sculpture symbolique et de fantaisie.

Deux photos de l'édifice, dans l'exposition :

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

et du mobilier pour la Casa Calvet.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

La Casa Batlló

Josep Batlló contacte Gaudí en 1904 pour réaménager un immeuble de 1877 situé sur le Passeig de Gràcia. Gaudí choisit de ne pas détruire cet ancien immeuble mais d’en transformer profondément l’esthétique et les fonctionnalités. La façade sur rue frappe par sa polychromie et l’audace des formes courbes et organiques, en particulier les piliers évoquant des os qui ouvrent la large baie du salon sur la ville. À l’arrière, la terrasse répond à la façade colorée comme un jardin urbain. Pour l’intérieur, Gaudí réalise la synthèse de ses conceptions esthétiques et pratiques en soignant la circulation de l’air et de la lumière. Il utilise en partie haute l’arc caténaire, issu de ses recherches sur le voûtement. Les portes et boiseries proposent un univers onirique, d’inspiration marine, effet accentué par l’emploi de verres colorés. Le patio central, qui abrite l’axe de circulation vertical, est orné d’un dégradé de céramiques allant du blanc nacré en partie basse au bleu profond en partie haute afin de conduire la luminosité vers les étages bas.  Le mobilier en bois de chêne fait écho aux courbes du bâtiment tout en étant ergonomique pour ses utilisateurs. Par son caractère synthétique, la casa Batlló reste l’un des édifices les plus représentatifs de l’œuvre de Gaudí.

Des photos de la façade prises par l'auteur en 2004 :

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Dans l'exposition, portes et causeuse pour la Casa Batlló.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

La Casa Milà

Amis de Josep Batlló, l’entrepreneur Père Milà i Camps et son épouse Roser Segimon i Artells furent probablement séduits par la casa Batlló alors en travaux. Ils demandèrent à Gaudí de concevoir un important immeuble à quelques centaines de mètres, sur le Passeig de Gràcia. Entre 1906 et 1910, Gaudí dirigea donc cette construction destinée à accueillir des boutiques au rez-de-chaussée, le logement des propriétaires à l’étage principal et des appartements à louer dans les étages supérieurs. La structure témoigne des recherches de Gaudí qui utilise le béton pour les fondations, puis la pierre et le métal, complétés par la brique et la tuile traditionnelles. Le voûtement des combles, entièrement en arcs caténaires, leur donne une forme singulière. La façade, à l’angle de deux voies, est étonnamment monochrome, animée par des baies et des garde-corps aux formes ondulantes. Elle valut à la demeure son surnom de « Pedrera » (« carrière »). Le toit est orné d’édicules couronnant les cages d’escalier et les voies d’aération, aux formes graphiques étonnantes. Avec cet édifice hors normes, Gaudí se heurta non seulement aux autorités de la municipalité mais aussi à ses commanditaires dont il épuisa la patience.

Nous proposons au lecteur un ensemble de photos de la Casa Milà prises par l'auteur en 2004 : façade et détails, le toit, dédale de cheminées et de conduits d'aération, la cour intérieure et les escaliers.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Dans l'exposition, une balustrade (fer forgé et riveté, vers 1910), une grile pour les baies du rez-de-chaussée (fer forgé, vers 1910), des parois modulables (chêne, verre cathédrale, 1909)

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

La dernière partie de l'exposition est consacrée à l'art religieux, avec par ex exemple ci-dessous du mobilier et des vitraux pour la cathédrale de Palma de Majorque.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay

Mais évidemment le grand-œuvre religieux de Gaudí est la Sagrada Família

Le projet d’une église dédiée à la Sainte Famille est lancé par l’association des Dévôts de Saint-Joseph sous l’égide de Josep Maria Bocabella, éditeur, catholique engagé. Ce dernier acquiert en 1881 un terrain excentré et fait appel à l’architecte diocésain Paula del Villar qui conçoit un projet néo-gothique. En 1883, la crypte terminée, Villar se dessaisit du chantier qu’il propose à Martorell, lequel le confie à Gaudí. Le jeune architecte va pouvoir réaliser son vœu de grande œuvre religieuse. Il se consacre exclusivement à ce chantier à partir de 1910 et habite sur place définitivement à partir de 1918. Conscient que l’œuvre ne sera pas achevée de son vivant, Gaudí décide de construire une façade en entier, celle de la Nativité. Dans son atelier, et sur le chantier, collaborateurs et artisans fourmillent autour des maquettes, moulages et réalisations in-situ. L’œuvre de Gaudí est autant plastique qu’architecturale, populaire qu’érudite. Son souhait étant d’introduire la théologie chrétienne dans la vie quotidienne des catalans, il s’inspire des passants, de leurs animaux et de la nature environnante, en y intégrant de la couleur. En termes constructifs, il élabore un temple aux multiples tours et aux murs sans arcs-boutants, grâce à une forêt de piliers, à l’image des arbres et de leur branchage.

Joaquim Mir (1873-1940) : La Catedral des Pobres (La cathédrale des pauvres), vers 1898, huile sur toile

Gaudi au musée d'Orsay

Dans l'exposition, quelques maquettes de baies pour la nef centrale - "7me version (vers 1918, plâtre)

Gaudi au musée d'Orsay

Mais nous préférons un ensemble de photos prises par l'auteur en 2004 : l'église était encore un vaste chantier mais nous avons eu la chance de pouvoir l'explorer et monter au sommet de l'édifice.

Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
Gaudi au musée d'Orsay
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Épilogue

L’œuvre de Gaudí fut construite sur le paradoxe : ombre et lumière, raffinement et austérité, orgueil et humilité. Sa fin fut accidentelle et tragique : renversé par un tramway le 7 juin 1926, il mourut trois jours plus tard, suscitant une grande émotion à Barcelone. Sa postérité est complexe, entre ferveur populaire pour le personnage et désintérêt précoce pour son œuvre. Redécouvert par les surréalistes, il est surtout remis à l’honneur par son compatriote Salvador Dalí (1904-1989) qui, des années 1930 aux années 1960, favorise la reconnaissance de Gaudí comme l’un des pionniers de la modernité. De Paris à New-York, les avant-gardes du XXe siècle finirent par regarder son œuvre comme un jalon de l’architecture moderne. Ironie du sort, cette reconnaissance s’est accompagnée d’un certain accaparement de Gaudí par ceux-là mêmes qui, après l’avoir ignoré, passèrent son œuvre au crible d’une histoire dans laquelle il n’avait jamais cherché à s’inscrire. Aujourd’hui, accepter la complexité de cette œuvre dans son entièreté revient à assumer sa mystérieuse autonomie qui résiste et tisse continuellement des liens entre deux siècles.

À la sortie de l'exposition, Antoni Tàpies (1923-2012) : Tríptic, 1948, huile sur toile

Avec cette oeuvre, le jeune Tàpies, qui prend alors sa place dans l'avant-garde picturale barcelonaise, salue la figure tutélaire de Gaudí de manière à la fois monumentale et ironique, On retrouve dans ce triptyque-retable des allusions mêlées à Barcelone et à Gaudí : les collines dont celle de Montjuïc, la silhouette de la Sagrada Família, et une colonne ionique rappelant l'influence grecque méditerranéenne. Sur le panneau de droite, la figure de Gaudí, couronné et décoré, continue de montrer du doigt le chemin, à la manière des Christ romans.

Gaudi au musée d'Orsay
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