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Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

25 Février 2023 , Rédigé par japprendslechinois

Magistrale rétrospective au Musée d'Art Moderne de Paris :

Peintre mais aussi poète, écrivain, essayiste et dramaturge, Oskar Kokoschka (1886-1980) est associé aux mouvements artistiques et intellectuels de la Vienne du début du XXe siècle et à ses contemporains Gustav Klimt (1862-1918) et Egon Schiele (1890-1918). Ses premières productions constituent un choc pour le public et la critique, qui le qualifient d'« Oberwildling », le plus sauvage d'entre tous. Cependant, la richesse de son parcours personnel et artistique excède ce contexte viennois, et lui permet de traverser le XXe siècle européen et ses bouleversements sans jamais renier ses qualités premières.
Sa soif d'indépendance l'a maintenu à l'écart des mouvements d'avant-garde, ce qui explique sans doute une difficulté à l'intégrer dans les récits balisés de l'histoire de l'art. S'il est un qualificatif que Kokoschka acceptait, c'était celui d'expressionniste, dans sa volonté de traduire par la peinture ses états d'âme et ceux de son époque. « Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu'exprimer la vie », a-t-il un jour déclaré. A ce titre, l'engagement dont il a fait preuve transparaît dans chacune de ses œuvres et place l'artiste comme témoin essentiel de son temps et de ses transformations.
Ce positionnement très libre explique que la réception de l'œuvre de Kokoschka a évolué au fil des années. Artiste sulfureux à ses débuts, il devient une cible privilégiée des nazis, qui en font l'un des représentants d'un «art dégénéré » qu'ils souhaitent anéantir. Ayant lutté par ses œuvres contre le fascisme, il devient après la Seconde Guerre mondiale une figure de référence de la réconciliation européenne et participe activement à la reconstruction culturelle d'un continent dévasté.
Néanmoins, jusque dans ses dernières œuvres, réalisées au cours des années 1970, Kokoschka ne se départira jamais de son intransigeance ni de son invention créative.

Un « enfant terrible » à Vienne : 1904-1916

Enfants jouant / Spielende Kinder, 1909, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Prônant l'unité des arts, les créateurs de la Sécession et de la Wiener Werkstätte (1903-1932) inventent à Vienne des formes douces et végétales, qui prolifèrent tant en art que dans le mobilier et en architecture. L'irruption d'Oskar Kokoschka sur cette scène fait donc l'effet d'une « explosion dans un jardin », comme l'analyse l'historien Carl Emil Schorske.
Kokoschka s'affirme par la crudité de ses dessins et textes, qui annoncent le courant expressionniste. En 1908, son premier poème illustré, Les Garçons qui rêvent, dédié à Gustav Klimt en remerciement de son soutien, fait scandale lors de son exposition à la « Kunstschau » de Vienne. Celui-ci se répète un an plus tard avec la première représentation de sa pièce de théâtre Meurtrier, espoir des femmes.
Qualifié de fauve par la critique, Kokoschka se rase la tête pour ressembler à un bagnard. Il rencontre toutefois des alliés, en particulier l'architecte Adolf Loos (1870-1933), adversaire d'un art réduit à un usage purement décoratif. Kokoschka reçoit, grâce au soutien de Loos, de nombreuses commandes de portraits de personnalités de la société viennoise. Mais certains n'acceptent pas facilement le regard perçant que l'artiste pose sur eux. Combinant des exagérations maniéristes avec son propre expressionnisme, Kokoschka parvient à mettre en lumière les états intérieurs de ses modèles.

Le Joueur de transe [Ernst Reinhold] / Der Trancespieler [Ernst Reinhold], 1909, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Le Saint-Suaire de Véronique / Veronika mit dem Schweisstuch, 1909, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

August Forel, 1910, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Père Hirsch / Vater Hirsch, 1909, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Bertha Eckstein-Diener, 1910, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Paysage hongrois / Ungarische Landschaft, 1908, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Hans et Erica Tietze / Hans und Erica Tietze, 1909, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Avec la Wiener Werkstätte
La Sécession, regroupant autour de Gustav Klimt les artistes rejetant l'art académique, revendique une alliance nécessaire avec les arts appliqués. Dans ce but, la Wiener Werkstätte [« Atelier viennois »] est fondée en 1903 sur le modèle des Arts and Crafts anglais, pour associer artistes et artisans dans la création d'un art total.
Les liens de cette association avec l'École des arts appliqués de Vienne, où étudie Kokoschka à partir de 1904, sont nombreux. En octobre 1907, le jeune artiste organise une soirée théâtrale au Cabaret Fledermaus, haut lieu de rencontre de la vie artistique, démontrant son intérêt précoce pour la scène. Il obtient en outre plusieurs commandes, dont sa première œuvre graphique d'envergure, Les Garçons qui rêvent (1908), poème écrit et illustré par Kokoschka, qui raconte l'éveil des adolescents à la sexualité. Toutefois, le rapprochement de Kokoschka avec l'architecte Adolf Loos, qui porte un regard critique sur ce mouvement qu'il juge assujetti au décoratif, le conduit à s'éloigner de l'association à partir de 1909.

Autoportrait, 1906, crayon sur papier

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Jeune Fille debout entre des sarments de vigne / Stehendes Mädchen in Weinranken, affiche pour la « Kunstschau » de Vienne, 1908, lithographie sur papier

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Cartes postales réalisées pour la Wiener Werkstätte, 1907, lithographies en couleurs sur papier cartonné

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Amokläufern inspiré du roman Amok ou le Fou de Malaisie, de Stefan Zweig, 1908, aquarelle sur papier
Berger, cerf et renard / Hirt, Hirsch und Fuchs, 1907, lithographie en noir, bleu, gris clair, rouge sur papier

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Der Sturm et les cycles graphiques
Oskar Kokoschka entre en relation avec un réseau artistique et littéraire par l'intermédiaire de son ami Adolf Loos. Il rencontre notamment l'écrivain autrichien Karl Kraus (1874-1936), fondateur de la revue polémique Die Fackel, et, en 1910, l'éditeur berlinois Herwarth Walden (1878-1941), fondateur de la galerie et revue Der Sturm. Jouant un rôle fondamental dans le développement des avant-gardes en Allemagne, Walden permet à Kokoschka de quitter un temps Vienne pour Berlin afin de collaborer à cette entreprise, en illustrant les pages de sa revue.

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Herwarth Walden, du portfolio Menschenköpfe, [Berlin : Der Sturm, 1916], lithographie sur papier
Adolf Loos, du portfolio Menschenköpfe, [Berlin : Der Sturm, 1916], lithographie sur papier

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Herwarth Walden, 1910, huile sur toile
Le Gestionnaire / Der Rentmeister, 1910, huile sur toile
Carl Leo Schmidt, 1910, huile sur toile
Max Schmidt, 1914, huile sur toile
Alexis af Enehjelm, 1911, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Éléments du cycle lithographique Colomb enchaîné / Der gefesselte Kolombus, 1913, publié en 1916, lithographies sur papier :

Rencontre / Begegnung
Femme penchée sur les ombres / Weib über Schemen gebeugt
La femme triomphe de la mort / Das Weib triumphiert über den Toten
Le Visage pur / Das reine Gesicht

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Alma Mahler, 1913, crayon sur papier
Jeune Fille nue debout / Stehender Mädchenakt, 1912, fusain sur papier
Gustav entretint quelques années une relation amoureuse et conflictuelle avec Alma Mahler (1879-1964), jeune veuve du compositeur Gustav Mahler.

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Éventails pour Alma Mahler, 1912-1915, aquarelle, crayon et encre sur un dessin préliminaire au crayon, monté sur ébène.

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Annonciation / Verkündigung, 1911, huile sur toile
Portrait de jeune fille / Mädchenbildnis, 1913, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Paysage alpin, Mürren / Alpenlandschaft bei Mûrren, 1912, huile sur toile
Paysage des Dolomites, Tre Croci / Dolomitenlandschaft Tre Croci, 1913, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Carl Moll, 1913, huile sur toile
Le Prisonnier / Der Gefangene, 1914, huile sur toile
Princesse Mechthilde Lichnowsky / Fürstin Mechthilde Lichnowsky, 1916, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Enfin, trois croquis "de guerre" :

Front d'Isonzo, le Baka [Poilu] dans les tranchées / Isonzo-Front, Der Baka im Laufgraben, 1916, pastel, aquarelle et pierre noire sur papier
Front d'Isonzo, Tolmin / Isonzo-Front, Tolmino, 1916, pierre noire et pastel sur papier
Front d'Isonzo, l'église Selo / Isonzo-Front, Kirche Selo, 1916, pastel sur papier

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Les années de Dresde : 1916-1923

Le Pouvoir de la musique / Die Macht der Musik, 1918-1920, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Déclaré inapte au service militaire, Oskar Kokoschka séjourne à Berlin à la fin de l'année 1916, où il signe un contrat avec le galeriste Paul Cassirer (1871-1926). Traversant une phase de profonde dépression liée à la guerre, il est soigné dans un centre de convalescence à Dresde. Il se rapproche de la scène artistique de la ville, notamment théâtrale, qui l'encourage à poursuivre ses créations dramatiques. En 1919, Kokoschka obtient un poste de professeur à l'Académie des beaux-arts, qu'il occupera jusqu'en 1923.
Inquiet de l'instabilité du climat politique, des explosions révolutionnaires comme de leur sanglante répression, il s'en distancie en affirmant la nécessaire indépendance de l'art. Il proteste notamment contre l'endommagement d'une toile de Rubens lors d'affrontements à proximité des musées de Dresde. Cela lui vaut la réprobation d'artistes Dada comme George Grosz (1893-1959) et John Heartfield (1891-1968), qui publient une tribune à son encontre.
À Dresde, Kokoschka visite régulièrement les musées, qui abritent de nombreux chefs-d'œuvre de Rembrandt, Titien, Raphaël. Il recherche de nouvelles formes d'expression picturale, tentant de « résoudre le problème de l'espace, de la profondeur, avec des couleurs pures, pour percer le mystère de la planéité de la toile ». Les œuvres de cette période se distinguent par leurs couleurs intenses et lumineuses, appliquées par juxtaposition et épousant librement les formes du sujet.

 

Les Amis / Die Freunde, 1917-1918, huile sur toile

Gravement blessé sur le front, Kokoschka se rétablit dans un sanatorium de la banlieue de Dresde. Il se rapproche rapidement des cercles artistiques et intellectuels de la ville. D'abord intitulée Les Joueurs de cartes, l'œuvre témoigne de ces nouvelles amitiés: Kokoschka se représente de dos, entouré de l'actrice Käthe Richter, des poètes Walter Hasenclever et Ivar von Lücken, et du psychiatre Fritz Neuberger. Ce chef-d'œuvre marque une autre étape stylistique, où prédomine une matière picturale dense.

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Autoportrait / Selbstbildnis, 1917, huile sur toile
Nell Walden, 1916, huile sur toile
Katja, 1918-1919, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Hans Mardersteig et Carl Georg Heise, 1919, huile sur toile
Mère et enfant / Mutter und Kind, 1921, huile sur toile
Gitta Wallerstein, 1921, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Autoportrait les bras croisés / Selbstbildnis mit gekreuzten Armen, 1923, huile sur toile
Le Peintre II (Le Peintre et son modèle II)  / Der Maler II (Maler und Modell II), 1923, huile sur toile
 

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Peintre à la poupée / Maler mit Puppe, 1922, huile sur toile
Autoportrait au chevalet / Selbstbildnis an der Staffelei, 1922, huile sur toile

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)

Terminons cette période de Dresde - et ce premier billet sur l'exposition Kokoschka - avec deux très beaux paysages :

Dresde, Neustadt V / Dresden, Neustadt V, 1921, huile sur toile
Dresde, Neustadt VII / Dresden, Neustadt VII, 1922, huile sur toile

Ces deux tableaux appartiennent à la série de paysages de l'Elbe que surplombe l'atelier de Kokoschka alors qu'il réside à Dresde. De 1921 à 1923, l'artiste n'exécute pas moins de dix vues du fleuve qui rendent compte de ses recherches stylistiques: simplification des formes, profondeur et dynamisme des couleurs et annonce les œuvres réalisées les années suivantes lors de ses voyages. Alors reconnu comme portraitiste, Kokoschka se détache de cette étiquette pour s'affirmer comme maître de la peinture de paysage.
 

Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
Oskar Kokoschka - Un Fauve à Vienne (I/II)
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Walter Sickert - Peindre et transgresser

18 Février 2023 , Rédigé par japprendslechinois

Au Petit Palais, une exposition  sortant de l'ordinaire vient de se terminer.
"Walter Sickert (1860-1942) est une personnalité excentrique et mystérieuse, et un artiste singulier. Son indifférence aux conventions, ses techniques picturales sans cesse renouvelées et ses sujets énigmatiques font de lui un acteur de l'innovation artistique britannique pendant soixante ans. Il se fait remarquer en Angleterre à la fin des années 1880 avec ses tableaux de music-halls, à une époque où ces lieux ne sont pas jugés dignes d'être peints. Il fait ensuite scandale au début du XXe siècle en peignant des nus sombres et dérangeants dans de sordides chambres meublées de quartiers populaires. Son travail est alors influencé par la scène artistique française du tournant du siècle, dont il fait pleinement partie. Sickert vit un long moment en France, à Dieppe surtout, où il habite de 1899 à 1905, et à Paris, où il expose régulièrement au cours de la première décennie du XXe siècle. Il est présent au Salon des indépendants ou encore au Salon d'automne, ainsi que chez ses deux marchands parisiens, Durand-Ruel et Bernheim-Jeune. Important pivot entre la France et la Grande-Bretagne, il noue des liens artistiques ou amicaux profonds avec de nombreux artistes français, en premier lieu avec son mentor Edgar Degas (1834-1917). Après la Première Guerre mondiale, il rentre définitivement en Angleterre où il devient un artiste reconnu et influent, tandis qu'en France il sombre dans un oubli relatif. Il déstabilise à nouveau le milieu de l'art anglais durant la dernière partie de sa carrière, avec des peintures aux couleurs étranges, faites à partir d'images de presse, témoignant d'une conception novatrice du processus créatif. Il continue ainsi à se renouveler et à incarner une certaine forme de modernité en modifiant ses thématiques et sa manière de peindre."

Une personnalité énigmatique
Dans cette première section, de nombreux autoportraits exécutés tout au long de sa vie.

Autoportrait, 1882, plume et encre sur papier
Autoportrait, vers 1896, huile sur toile
Le peintre dans son atelier, 1907, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Autoportrait : le Buste de Tom Sayers, 1913, huile sur toile
Autoportrait, Lazare rompant le jeûne, vers 1927, huile sur toile
Le Serviteur d'Abraham, 1929, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Et un autoportrait de 1930 avec sa troisième femme Thérèse Lessore :
Le Front de mer à Hove (Turpe Senex Miles Turpe Senilis Amor)

Vers d'Ovide : Un vieux soldat est pitoyable, l'amour sénile aussi.

Walter Sickert - Peindre et transgresser

En contrepoint, Sketch Portrait of Walter Sickert, 1886, huile sur toile par James McNeil Whistler 

En 1877, Sickert découvre la peinture de Whistler à l'exposition inaugurale de la Grosvenor Gallery. Il s'enthousiasme pour son œuvre, le rencontre pour la première fois en 1879, puis intègre son atelier en 1882. Le maître peint à trois reprises le portrait de son élève et assistant. Il le représente ici de manière très spontanée, avec un choix de couleurs resserré, caractéristique de sa peinture tonale. Bien que leur relation se complique dans les années 1890, Sickert reste durablement influencé par Whistler.

Walter Sickert - Peindre et transgresser

Les années d'apprentissage de Whistler à Degas
Après un passage de quelques mois à la Slade School of Fine Art, et auprès d'Otto Scholderer (1834-1902), peintre proche de son père et de l'école française, Sickert commence sa carrière en 1882 dans l'atelier de James Abbott McNeill Whistler (1834-1903). Même si ce compagnonnage auprès du peintre américain proche du symbolisme et de l'impressionnisme est de courte durée, il est essentiel pour le jeune artiste. Auprès de Whistler, Sickert travaille à la représentation de paysages, souvent urbains. Les petits panneaux peints de ces deux artistes manifestent leur proximité par le choix des sujets et par la technique, caractérisée par une peinture tonale virtuose, fondée sur une déclinaison de couleurs aux tonalités proches, et par une exécution rapide. Sickert apprend également la gravure auprès de Whistler, pour qui il imprime avant de réaliser lui-même des gravures dès le début de sa carrière.
En avril 1883, Sickert rencontre une première fois Degas, alors qu'il se rend à Paris pour apporter au Salon de la Société des artistes français Arrangement en gris et noir no1. Portrait de la mère de l'artiste de Whistler. Après ce premier contact, Sickert noue un vrai lien avec Degas durant l'été 1885. Tous deux se côtoient dans le cénacle intellectuel et artistique réuni à Dieppe autour du peintre Jacques-Émile Blanche et de la famille de l'écrivain et librettiste Ludovic Halévy (1834-1908). Ce cercle joue un rôle important dans le lancement de la carrière de Sickert qui y rencontre d'autres artistes, des collectionneurs et des marchands. Son amitié indéfectible avec Degas, dont l'influence éclipse progressivement celle de Whistler, a aussi un impact décisif sur sa peinture. Il retient de ce nouveau mentor l'emploi de couleurs plus franches, une composition plus construite et de nouveaux sujets.

La Blanchisserie, 1885, huile sur panneau
Une Boutique à Dieppe, 1885-1889, huile sur bois
La Boutique rouge (ou la Soleil d'octobre), vers 1888, huile sur panneau

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

avec en contrepoint, de Whistler :

Devanture de boutique : Dieppe, 1897-1899, plume et encre brune, pierre noire, aquarelle et gouache sur papier brun collé sur carton
Une Boutique avec balcon, 1897-1899, huile sur bois
Le Presbytère, Dieppe, 1897, huile sur bois

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

De Sickert,

Paysage maritime, vers1887, huile sur bois
La Saison des bains, Dieppe, 1885, huile sur panneau

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Music-hall: les artifices de la scène
Sickert lance véritablement sa carrière avec ses peintures de music-halls à la fin des années 1880. Il fait scandale en traitant de ce sujet subversif et inédit en Angleterre. En France, le sujet des cafés- concerts est déjà un motif récurrent de la modernité, notamment grâce à l'artiste Edgar Degas, nouveau mentor de Sickert. Le music-hall en revanche est un loisir populaire très décrié par la bonne société victorienne. Également débits de boissons et lieux liés à la prostitution, ces salles de divertissements font l'objet d'une réglementation de plus en plus répressive. Le choix d'un tel sujet révèle le goût de la provocation de Sickert, tout en se prêtant à son envie d'expérimentations plastiques. Il en explore toutes les facettes de manière obsessionnelle, concevant des compositions de plus en plus sophistiquées qui jouent des points de vue, des cadrages et des reflets. Il représente les artistes sur scène, aussi bien que la salle du music-hall, dont le public devient à son tour un spectacle à part entière. Ces œuvres controversées lui procurent une certaine notoriété, mais ne lui garantissent pour autant ni la reconnaissance du marché de l'art ni la stabilité financière.

La Directrice de théâtre, 1884, eau forte
La Fin de l'acte ou La Directrice de théâtre, vers 1885-1886, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

The Sisters Lloyds, vers 1889, huile sur toile
Little Dot Hetherington at the Bedford Music Hall, vers 1888-1889, huile sur toile
Brighton Pierrots, 1915, huile sur toile
Minnie Cunningham at the Old Bedford, 1892, huile sur toile
The Trapeze, 1920, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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L'Eldorado, vers 1906, huile sur toile
Théâtre de Montmartre, vers 1906, huile sur toile
Noctes Ambrosianae, 1906, huile sur toile
Gallery of the Old Bedford, 1894-1895, huile sur toile
The P.S. Wings in the O.P. Mirror (Les Coulisses du côté cour dans le miroir côté jardin), vers 1888-1889, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Peindre l'âme
Au cours des années 1890, Sickert développe une activité de portraitiste, cherchant à s'établir une réputation dans ce genre particulier qui l'intéresse jusqu'à la fin de sa carrière. Il dessine alors des portraits d'artistes pour les journaux et magazines, et se lance également dans la peinture de portraits de commande. L'irruption de ce nouveau genre répond à la situation financière de Sickert, qui se dégrade au même moment. Il ne parvient pas à vivre de son art, ses tableaux de music-halls ne trouvant pas leur marché. Sa condition se complique encore davantage lorsqu'il se trouve privé du soutien de sa femme, Ellen Cobden-Sickert, qui le quitte lorsqu'elle découvre ses infidélités répétées. Les commandes de portraits, a priori plus lucratives, lui apparaissent donc comme une solution. Le peintre tente alors de s'affirmer comme un grand portraitiste, capable de saisir l'âme de ses modèles, quitte à déplaire. Or la satisfaction du commanditaire n'étant jamais l'objectif de Sickert, sa stratégie commerciale est mise à mal. Son talent s'exprime davantage dans ses portraits intimes d'amis, issus des cercles artistiques et culturels anglais ou français, ou de modèles anonymes, saisis dans leur environnement.

Blackbird of Paradise, vers 1892, huile sur toile
La Giuseppina against a Map of Venice, vers 1903-1904, huile sur toile
Cicely Hey, 1923, huile sur toile
Israel Zangwill, vers 1896-1898, huile sur toile montée sur panneau
 

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Mrs Swinton, 1906, huile sur toile
Victor Lecourt, 1921-1924, huile sur toile
Jacques-Émile Blanche, vers 1910, huile sur toile
L'Américaine, 1908, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Paysages. Dieppe, Venise, Londres et Paris
À la suite de ses difficultés conjugales et économiques, et d'un essoufflement de son inspiration dans la représentation de la figure humaine, Sickert se tourne vers la peinture de paysages à la fin des années 1890. Ses séjours réguliers à Venise entre 1894 et 1904, et ceux de plus en plus longs à Dieppe et ses alentours, où il emménage de manière permanente entre 1898 et 1905, accompagnent cette transition. Lors de son installation à Dieppe, il écrit: « Je vois ma ligne. Pas de portraits. Des œuvres pittoresques. » Il espère pouvoir vendre plus facilement ces représentations pittoresques d'une station balnéaire française alors au sommet de sa gloire, et celles de la mythique cité des Doges. Il garde son attachement à la peinture de paysages lorsqu'il revient à Londres en 1905. Sickert a par ailleurs la conviction que l'environnement urbain est aussi profondément évocateur. Il éprouve une véritable passion pour l'architecture, qu'il s'agisse de monuments importants auxquels il s'attache tout particulièrement, comme Saint-Marc de Venise et Saint-Jacques de Dieppe, ou de rues ordinaires. Les tableaux de Sickert évoluent alors de petits formats relativement sombres vers des tableaux plus grands, plus clairs et colorés, sous l'influence d'abord des impressionnistes français, des fauves et des nabis, puis de la jeune garde britannique.

Venise : trois huiles sur toile entre 1895 et 1897 de la façade de la basilique cathédrale Saint-Marc

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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et aussi :
Saint-Marc, 1901, huile sur toile
Sainta-Maria del Calmelo, Venise, vers 1895-1896, huile sur toile
Le Lion de Saint-Marc, vers 1895-1896, huile sur toile

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Dieppe : des huiles sur toile de diverses dimensions de l'église Saint-Jacques, entre 1899 et 1907

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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et encore :
Baigneurs, Dieppe, vers 1902, huile sur toile
Le Théâtre des Jeunes Artistes, 1890, huile sur toile
L'Hôtel Royal, Dieppe, vers 1894, huile sur toile
Les Arcades et la Darse, vers 1898, huile sur toile
Célébrations, Dieppe, 1914, huile sur toile
 

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Le Grand Duquesne, 1902, huile sur toile
La Fête foraine de nuit, vers 1902-1903, huile sur toile
Café des Arcades (ou Café Suisse), vers 1914, huile sur toile
Nuit d'Amour, vers 1920, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Paysages urbains de Londres :
Rowlandson House, Sunset, 1910-1911, huile sur toile
The Garden of Love or Laineys's Garden, vers 1927-1928, huile sur toile
Easter (Pâques), vers 1928, huile sur toile
Maple Street, London, 1916, huile sur toile
Queen's Road Station, Bayswater, 1915-1916, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
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et un seul de Paris, où il peignait plutôt des scènes de cabaret, de music-hall et des nus, Rue Notre-Dame-des-Champs, Paris, Entrée de l'atelier de Sargent, 1907, huile sur toile.

Walter Sickert - Peindre et transgresser

Le nu moderne
De 1902 à 1913, le nu domine l'œuvre de Sickert. Ce dernier commence à explorer ce genre à Dieppe, puis surtout à Venise. Ses nus prennent le contre-pied de ceux que l'on peut voir à Londres à la fin de l'époque victorienne, qui conservent le prétexte des sujets mythologiques, allégoriques ou littéraires. En France en revanche, une rupture a déjà eu lieu dès le milieu du XIXe siècle. Courbet (1819- 1877), Manet (1832-1883) ou encore Degas et Bonnard (1867-1947) ont une influence considérable sur Sickert qui se fait à son tour le pionnier du nu moderne en Angleterre. À propos de ses peintures de nus, il parle d'ailleurs de « période française ».
De retour à Londres, Sickert poursuit entre 1905 et 1913 les recherches entamées à Dieppe et à Venise. Il choisit des modèles ordinaires, systématiquement désérotisés et saisis dans des poses naturelles. Les traits de leurs visages sont fréquemment effacés, les coups de brosses visibles, et les couleurs sourdes. Les cadrages sont atypiques, voyeuristes et distordent parfois les corps. Ceux-ci sont mis en scène dans le décor intime de chambres populaires, soigneusement sélectionnées par Sickert pour leur éclairage et pour leur évocation de la misère sociale contemporaine. Mais s'il aime fréquenter et représenter les milieux populaires, et si son allusion à la prostitution recherche la transgression, sa démarche n'est ni engagée ni moralisatrice.

The Little Bed, 1902, crayon graphite et pierre noire sur papier
Fille vénitienne allongée, 1903-1904, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

La Maigre Adeline, 1906, huile sur toile
Woman Washing her Hair, 1906, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Cocotte de Soho, 1905, pastel sur carton
Woman seated at a Window, vers 1908-1909, huile sur toile
La Hollandaise, vers 1906, huile sur toile
Mornington Crescent Nude, vers 1907, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

The Iron Bedstead, vers 1906, huile sur toile
The Studio : The Painting of a Nude, vers 1906, huile sur toile
Nude Stretching: La Coiffure, 1905-1906, pastel sur papier
Le Lit de fer, 1905, pastel sur papier

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Les conversation pieces : « scènes de la vie intime »
Après avoir représenté le spectacle vivant dans les années 1880 avec les music-halls, et avant de renouer ses liens avec le théâtre dans les années 1930, Sickert fait de sa toile le lieu de représentations complexes. Les mises en scène qu'il crée dans son atelier, notamment au cours des années 1910, s'inspirent du théâtre intimiste anglais de l'époque. Leur décor sobre et réaliste laisse la place au développement de la psychologie des personnages qui y figurent. Elles ont une dimension narrative certaine, bien que celle-ci ne soit jamais explicite. Sickert s'inscrit alors dans une tradition anglaise bien établie de la scène de genre et notamment de la conversation piece : portrait de groupe saisi dans une forme d'intimité quotidienne. Là encore, il recherche l'innovation et détourne ce genre apaisé et codifié. Il représente des situations ambiguës, parfois sordides, plus souvent méditatives, soulignant simplement la complexité de l'existence et des relations humaines, notamment entre les hommes et les femmes. Virginia Woolf (1882-1941), amatrice de la peinture de Sickert, écrit ainsi au sujet d'Ennui, une de ses peintures les plus célèbres: « L'horreur de la situation tient au fait qu'il n'y a pas de crise ; de mornes minutes passent, de vieilles allumettes s'entassent avec des verres sales et des mégots de cigares. »

What shall we do about the rent?, vers 1908, pierre noire et craie blanche sue papier
The Camden Town Murder, vers 1907-1908, huile sur toile
Two Women on a Sofa - Le Tose, vers 1903-1904, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Ennui, vers 1914, huile sur toile
Flower Girl, 1911, huile sur toile
L'Armoire à glace, 1924, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Baccarat, 1920, huile sur toile
Baccarat - The Fur Cape, 1920, huile sur toile
The System, 1924-1926, huile sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Transposition: les dernières années
Sickert s'aide de procédés de transposition et de projection tout au long de carrière de peintre. Il utilise d'abord une chambre claire universelle, un dispositif optique qui l'aide à dessiner sur une feuille le sujet observé. Malgré une méfiance initiale, due à l'importance qu'il accorde au dessin préparatoire et à la mise à distance du réel, il utilise également très tôt des photographies. Il transpose celles-ci sur la toile grâce à une minutieuse mise au carreau, une technique de quadrillage qu'il utilise également pour transposer des dessins, ou plus tard des illustrations anciennes qui servent de point de départ à ses tableaux. Il s'exerce lui-même à la photographie à Venise au début du siècle, puis à Londres dans les années 1920. Il ne semble pas avoir été particulièrement doué dans ce domaine et préfère avoir recours à des photographes professionnels pour lui fournir des images. Sickert utilise aussi à plusieurs reprises une lanterne de projection pour projeter sur la toile une photographie sous la forme d'une plaque de verre. Ce procédé lui permet de peindre directement sur la toile sans avoir à reporter une image par le biais d'une mise au carreau préalable. Sickert revendique pleinement l'utilisation de la photographie à la place du dessin préparatoire à partir du milieu des années 1920. Il encourage de jeunes artistes dans cette voie en enseignant à la Royal Academy, dont il devient membre à part entière en 1934.
À partir de 1914, Sickert met au point ce qu'il appelle « the best way on earth to do a picture » (le meilleur moyen du monde de faire un tableau). Sa méthode consiste à peindre un premier camaïeu délimitant les zones claires et les zones sombres de la composition, puis à ajouter les lignes, et enfin à poser les couleurs. Il travaille alors de plus en plus à partir de photographies ou d'illustrations de presse qu'il transpose en peinture. Ce procédé de transposition se double d'un agrandissement de l'image d'origine qui se traduit aussi par de plus grands formats. Le choix de tels documents de départ lui permet de traiter d'actualités, notamment politiques, auxquelles il n'aurait pas pu avoir accès autrement, ou encore de revenir à sa passion pour le théâtre. Durant l'entre-deux-guerres, il multiplie les tableaux de théâtre, à partir d'illustrations anciennes qu'il baptise Echoes, de photographies réalisées par lui-même ou des assistants pendant des répétitions, ou encore d'images trouvées dans la presse. Son emploi assumé et revendiqué d'images préexistantes est résolument moderne et provocateur. Il remet alors en question le rôle de l'artiste. Il est par ailleurs de plus en plus aidé par des assistants et par sa troisième femme, Thérèse Lessore. Bien qu'il soit alors pleinement reconnu en tant qu'artiste, Sickert fait face à une critique violente à l'égard des tableaux réalisés selon ce procédé de transposition, avant que celui-ci ne soit banalisé par les artistes des générations suivantes, comme Andy Warhol (1928- 1987) et Gerhard Richter (né en 1932).

Parmi les echoes, Hamlet (vers 1930), The Seducer (vers 1929-1930), Variation on "Othello" (vers 1932-1933), Juliet and her Nurse (vers 1934-1935), The Thaming of the Shrew (vers 1937), huiles sur toile.

 

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Miss Gwenn Ffrangcon-Davies as Isabella of France (1932), Gwen again (1935-1936), huiles sur toile, Sir Thomas Beecham Conducting (1938), huile sur toile de jute

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

D'inspiration plus guerrière, Soldiers of King Albert the Ready (1914), The Integrity of Belgium (1914), huiles sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Rear Admiral Lumsden, C.I.E., C.V.O. (1927-1928), HM King Edward VIII (1936), huiles sur toile.

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

D'après des photos d'actualités, Miss Earharts's Arrival (1932), King George V and his Racing Mamager: A conversation Piece at Aintree (1929-1930), King George V and Queen Mary  (1935), Pimlico (vers 1937), huiles sur toile.

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Jack and Jill (vers 1937-1938), Hugh Walpole (1929), huiles sur toile

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser

Terminons ce billet avec un hommage à un des grands maîtres (et amis) de Walter Sickert : Portrait of Degas in 1885 (vers 1928, huile sur toile), réalisé - plus de dix ans après la mort de Degas - à partir d'une photographie prise en 1885, l'année même où des liens d'amitié se tissaient entre eux.

Et naturellement, des danseuses non pas de Degas mais de Sickert : High-Steppers (vers 1938-1939), huile sur toile.

Walter Sickert - Peindre et transgresser
Walter Sickert - Peindre et transgresser
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Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

11 Février 2023 , Rédigé par japprendslechinois

Une exposition un peu particulière, découverte dans une des passerelles qui joignent les deux ailes du musée d'Orsay : l'accrochage de 26 dessins typographiques. Dans cet abécédaire : à chaque lettre de l’alphabet correspond une rencontre avec un artiste des collections du musée.

Leur auteur, Mathias Augustyniak, né en 1968, est un graphiste, fondateur avec Michael Amzalag de l'agence M/M (Paris).

Comme l'indique le musée, chaque lettre entremêle des motifs et des thèmes puisés à des œuvres différentes, élues au gré des déambulations de Mathias Augustyniak. L’ABCD’Orsay nous révèle ainsi un musée d’Orsay polyphonique, inédit, où alternent artistes fameux et créateurs plus confidentiels, où se croisent œuvres emblématiques et images plus secrètes, où dialoguent peintures, sculptures, photographies ou objets, mais aussi les lignes d’Ingres et du décorateur Eugenio Quarti, les visages de Pissarro et de Toulouse-Lautrec ou encore l’univers trouble des photographies de Jeandel. C’est un alphabet subjectif et sensible que déroule cet abécédaire fabuleux, variation contemporaine et réjouissante des abécédaires imagés anciens.

 

A — Louise Abbema  (1853-1927)
Peintre, graveuse, illustratrice et sculptrice française, connue pour la réalisation de portraits de personnalités parisiennes et de scènes de genre.

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

B — Rosa Bonheur (1822-1899)
"Toute sa vie, Rosa Bonheur dessine et peint de façon compulsive les animaux­ : elle a en tête de construire un monde parallèle bien réel peuplé de tous ces êtres vivants. Elle en élève même certains dans son château de By". (voir notre billet du 17 décembre 2022)

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

C — Gustave Courbet (1819-1877)
"Tout semble presque anodin chez Gustave Courbet, le C de sa signature, une biche dans un sous-bois, un chat qui s’attaque à un crâne humain, un enfant sous une table qui dessine ou encore le pouce de Gustave qui pénètre sa palette et, pourtant, tout raconte la grandeur et la misère du monde".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

D — Edgar Degas (1834-1917)
"Edgar Degas passe de la peinture à la sculpture avec une aisance redoutable. Dans le dessin du D, s’opère cet aller-retour incessant entre études peintes des danseuses et la figure en trois dimensions, la sculpture de la danseuse".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

E — Frederick H.Evans photographe anglais (1853-1943)
"Frederick Evans photographie un chapeau autant que la femme qui le porte. Je dessine le chapeau avec l’attention qu’il mérite. J’active le rapport à la mode, absente des collections d’Orsay mais si présente dans de nombreuses œuvres du musée".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

F — Henri Fantin-Latour (1836-1904)
"Henri Fantin-Latour aime peindre les personnalités artistiques de son temps et les assembler en communautés rêvées laissant le spectateur imaginer des conversations intimes".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

G — Paul Gauguin (1848-1903)
Autoportraits, vahinés, bretonnes...

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

H — Vilhelm Hammershøi peintre danois (1864-1916)
"Vilhelm Hammershøi me trouble car j’y vois une abstraction réaliste unique pour son époque". Le dessin est inspiré par un tableau du peintre présent à Orsay, Hvile, représentant une femme assise vue de dos.

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

I — Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867)
"Pour écrire le I de Jean-Auguste-Dominique Ingres, je regarde le tableau La Source sous tous les angles. Je le découpe et le recompose. Je grossis la tête, rétrécis le corps, coupe les jambes et ne laisse que les pieds".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

J — Charles-François Jeandel photographe sulfureux et charentais (1859-1942)
Le musée d'Orsay possède 190 de ses cyanotypes, principalement des photos érotiques.

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

K — Gertrude Käsebier photographe américaine (1852-1934)
"Gertrude Käsebier entretient avec le portrait un rapport passionné. Parmi les œuvres qui dessinent le K, j’ai glissé un très beau portrait de Rodin, puis des personnages féminins qui reviennent régulièrement dans l’œuvre de la photographe américaine. Dans le bas de la lettre, j’ai fiché des paysages, des paysages habités. L’un d’eux représente un couple sous un arbre dans un panorama champêtre. Les amoureux sont minuscules mais intenses, dans une nature immense et romantique".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

L — Auguste et Louis Lumière (1862 et 1864-1954 et 1948)
"À côté de leur cinéma, les frères Lumière ont eu une intense pratique photographique dont la couleur est le centre. Ces images aux couleurs éblouissantes préfigurent le cinéma de genre. Auguste et Louis sont à la fois auteurs et acteurs de ces saynètes, ces storyboards, aux faux airs de peintures impressionnistes ou de photogrammes de films Technicolor hollywoodiens".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

M — Édouard Manet (1832-1883)

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

On y retrouve notamment deux œuvres accrochées côte à côte au musée : Olympia (1863) et Le Fifre (1866).

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

N — Nadar (Félix Tournachon appelé) 1820-1910
"Dans le N de Nadar, je montre la série des Pierrots. Ces images sont au départ initiées par Félix Tournachon, dit Nadar, comme images de promotion du studio Nadar. En 1854, c’est Adrien, le frère de Nadar, qui photographie l’Album des figures d'expression du mime Charles Deburau ». Plus tard, les deux frères seront pris dans une procédure judiciaire où chacun revendique le pseudonyme et veut armer sa personnalité artistique et commerciale. L’autre partie du N, c’est le portrait de Baudelaire, un peu flou".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

O — Roderic O’Connor peintre et graveur irlandais (1860-1940)
"Garçon de profil, Roderic O’Conor, 1893, est une exploration vorace et incarnée de la matière picturale". 

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

P — Camille Pissarro (1830-1903)
"Dans le dessin du P, je retranscris graphiquement le vibrato pictural du monde que Camille Pissarro observe, décortique et peint à la lumière du jour. Si je m’approche et regarde Camille Pissarro dans le détail, je vois qu’il peint avec la même délicatesse un être humain qui lave le sol, un autre qui pousse une brouette, encore un autre qui garde des vaches ou un dernier qui, assis dans l’herbe, compte des moutons".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

Q — Eugenio Quarti ébéniste italien (1867-1929)
"Le Q est la seule lettre vide de toute représentation humaine et à être dessinée à partir de l’observation d’un seul objet. Il m’a paru important d’intégrer à cet abécédaire un regard privilégié sur le design d’objet".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

R — Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)
"Chez Auguste Renoir, tout est à voir, même ce qui ne devrait pas être vu. Tout est à fleur de chair sous la peau, là où déjà circulent, le sang, les larmes et les humeurs aqueuses et vitreuses. (...). En dessinant le R, je veux lever en douceur le voile sur l’obscénité du monde qu’Auguste Renoir dévoile avec retenue et poésie dans son œuvre. (...). Les images sont très charnelles, jamais érotiques, presque pornographiques et légèrement pourrissantes".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

S — Georges Seurat (1859-1891)

"Georges-Pierre Seurat est déjà un artiste du XXe siècle. Pour dessiner le S, je me fixe sur Le Cirque uniquement, une peinture comme une grande fenêtre, de 1,86 mètre de haut et 1,52 mètre de large, par laquelle, un an après l’avoir achevée, Georges-Pierre Seurat, en 1891, à l’âge 31 ans, s’échappe du monde des vivants pour traverser le XXe siècle jusqu’à aujourd’hui". 

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

T — Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901)
"Henri de Toulouse-Lautrec aurait pu être écrivain, photographe ou cinéaste. Mais aucune pratique artistique n’a la capacité d’absorber l’intensité de la vie qu’il s’invente. Le dessin s’impose alors à lui comme le seul moyen d’écrire son œuvre partout et à toutes les échelles. Autant pour les autres lettres, il s’agit de rendre compte avec le dessin d’une texture picturale ou photographique, ici, je dessine à dessein le dessin".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

U — Benjamin Ulmann peintre français (1829-1884)
Mathias Augustyniak reproduit dans son dessin les personnages d'Adam, Ève et Abel du tableau de Benjamin Ulmann Adam et Ève trouvant le corps d’Abel (1858)

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

V — Vincent Van Gogh (1853-1890)
"Le principe de l’architecture du V est de mêler références à la construction et à la déconstruction de l’œuvre de Van Gogh, comme du personnage de fiction qu’il devient dès après son suicide en 1890. La base du V est formée de la partie basse du visage du Portrait de l’artiste peint en 1889­: la figure est violemment coupée en deux. C’est le point de bifurcation. Sur chaque branche ainsi créée viennent s’empiler sans ménagement des morceaux de son œuvre et de sa vie".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

W — James Abbot Mc Neil Whistler peintre américain (1834-1903)

"Le portrait de la mère de l’artiste est le centre de la composition du dessin du W. La mère n’est pas en face de son fils. Il l’a placée parfaitement de profil, assise sur une chaise, les pieds sur un repose pied, contre un mur gris un tout petit peu vert, traversé dans la partie basse par une large bande noire un tout petit peu brune". (voir notre billet du 12 mars 1922)

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

X — X inconnu
"La lettre X est l’exception qui confirme la règle. Elle est la manifestation de la fragilité de cette recherche alphabétique dessinée à l’intérieur de la collection du Musée d’Orsay, car il est impossible d’y trouver un auteur commençant par X. Ce sera donc l’œuvre d’un inconnu : son intérêt est de représenter une salle du Musée du Luxembourg à Paris, l’ancêtre du musée d’Orsay, à la fin du XIXe siècle".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

Y — Ovide Yencesse médailleur et sculpteur français (1869-1849)
"Ovide Yencesse est un médailleur. Les médailles au XIXe siècle sont des supports d’images extrêmement puissants".

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak

Z — Émile Zola (1840-1902)
"C’est pour moi merveilleux et donc intimidant de pouvoir intégrer un écrivain d’une très grande importance dans ce Musée d’Orsay réduit à 26 lettres de l’Alphabet. Un musée d’art idéal doit faire la démonstration que l’art existe quel que soit le format utilisé par l’artiste. L’intérêt du dessin du Z réside aussi dans la complexité du rapport de l’écrivain au Musée. En effet, ce n’est pas par ses manuscrits qu’il existe dans les collections, mais par sa pratique photographique". 

Les 1001 desseins de l’ABCD’Orsay - 26 dessins de Mathias Augustyniak
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Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

4 Février 2023 , Rédigé par japprendslechinois

Nous avons rendu compte dans notre billet du 10 décembre dernier de la rétrospective Joan Michell organisée par la Fondation Louis Vuitton avec le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) et le Baltimore Museum of Art (BMA), et présentée au niveau -1 du bâtiment de la FLV. Dans tout le reste du bâtiment, une autre exposition, organisée dans le cadre d'un partenariat scientifique avec le Musée Marmottan Monet (Académie des Beaux-Arts) met en regard dans un dialogue saisissant les œuvres de Joan Mitchell (1925-1992) et les œuvres tardives de Claude Monet (1840-1926).

Galerie 4 :  REFLETS ET TRANSPARENCES, « L'HEURE DES BLEUS »
 

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Les reflets constituent une thématique essentielle chez Monet. En témoignent ici les peintures inspirées par le bassin qu'il crée dans son jardin depuis Nymphéas avec reflets de hautes herbes (1897) jusqu'à Saule pleureur et bassin aux nymphéas (1916-1919) et Agapanthes (1916-1919), études pour les Grandes Décorations (1914-1926). À travers de nouveaux formats et d'innombrables variations où fusionnent les mondes aquatiques, célestes et végétaux, Monet confine ici à une forme d'abstraction. « L'azur aérien captif de l'azur liquide » (Paul Claudel).
Élément récurrent dans la peinture de Mitchell, l'eau, par le jeu de ses mémoires croisées, est celle du lac Michigan de son enfance, comme de la Hudson et de la East River de sa maturité à New York et celle de la Seine à Vétheuil. En 1948, elle partage sa fascination avec Barney Rosset : « Je découvre que l'on peut même trouver une raison de vivre dans les profondeurs, les reflets dans l'eau ». On les retrouve ainsi dans Sans titre (1955) et Quatuor II for Betsy Jolas (1976), celui-ci inspiré par la musique de cette compositrice et par le paysage que Mitchell voit depuis sa terrasse de Vétheuil à l'« heure des bleus », entre la nuit et le jour.

Dans la première salle, de Mitchell, Champs, 1990, huile sur toile
Construit en miroir, ce diptyque retranscrit le paysage qui inspire Mitchell depuis sa terrasse à Vétheuil. Les touches horizontales superposées de bleu, de violet et de vert sont entourées de bords blancs, donnant une force lumineuse à l'ensemble de la composition.

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Les Agapanthes, 1916-1919, huile sur toile
Nymphéas, harmonie en bleu, 1914-1917, huile sur toile
Ces deux grandes études exécutées par Monet, probablement en plein air, permettent de reconstruire le processus de création du triptyque de L'Agapanthe (1915-1926) présenté dans l'exposition. Elles s'inspirent de la flore du jardin de Giverny, les nymphéas du bassin et les agapanthes poussant à la lisière de l'eau. Le cadrage en gros plan dans un grand format carré (Nymphéas, harmonie en bleu, 1914-1917) est inédit chez Monet et préfigure la vision panoramique, sans repère spatial, des Grandes Décorations.
Nymphéas avec reflets de hautes herbes, 1897, huile sur toile
Le Bassin aux nymphéas, 1917-1919, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Dans la salle suivante, un très bel effet est réalisé avec l'accrochage, au fond, de Quatuor II for Betsy Jolas, 1976, huile sur toile
Œuvre clé, ce quadriptyque est dédié à la compositrice Betsy Jolas (1926-), dont il évoque le deuxième quatuor. Joan Mitchell admire le talent et le lyrisme de son répertoire, à une époque où toutes deux sont reconnues publiquement. La genèse de cette composition vient d'un dessin d'arbre, en partie transposé par les touches verticales vertes du panneau central. La lumière des bords de Seine apparaît à travers le « violet de Monet » que Mitchell percevait le matin et qui anime la composition. Les quatre panneaux offrent une vue panoramique de sa fenêtre à Vétheuil et traduisent un sentiment d'espace immersif. Œuvre majeure de son exposition parisienne à la galerie Jean Fournier en 1976, cette composition est modifiée pendant un an, l'artiste s'attachant particulièrement à l'ordre des toiles.

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Deux toiles de Monet sur les panneaux au milieu de la salle l'encadrent en avant-plan :

Saule pleureur et Bassin aux nymphéas, 1916-1919, huile sur toile
Cette toile appartient à un ensemble d'études pour les Grandes Décorations (1914-1926) et témoigne d'un changement radical d'échelle. Monet choisit de peindre le saule qui se trouve à l'est du bassin. Le tronc représenté par une gamme de marron, rouge, violet et vert, domine la composition tandis que les branches se reflètent dans le bassin adjacent. Un parterre de verdure aux traits verticaux accentue le mouvement ascendant de l'œuvre. Ces études n'étaient pas destinées à la vente. Monet souhaitait en garder le secret avant l'inauguration des Grandes Décorations.
Nymphéas
, 1916-1919, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Dans la même salle, de Mitchell :

Cercando un ago, 1959, huile sur toile
Sans titre, 1965, huile sur toile
 

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

et de Monet :

Nymphéas, reflets de saules, 1916-1919, huile sur toile
Nymphéas, 1916-1919, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Galerie 5 : SENSATION ET FEELING

À partir du jardin que Monet crée comme motif et du paysage élu par Mitchell à Vétheuil, les deux artistes cherchent à fixer une « sensation » ou un « feeling », soit le souvenir de l'émotion provoquée au contact de la nature et transformée par la mémoire. C'est dans leur quête incessante autour de la couleur que les correspondances entre les deux artistes sont les plus fortes.
Un jardin pour Audrey (1975) dans un format monumental, un vocabulaire clairement abstrait et une gamme chromatique où dominent les verts, jaunes et orange sur fond blanc, fait écho aux Hémérocalles (1914-1917) et aux Coins du bassin (1917- 1919) de Monet.

Un jardin pour Audrey, 1975, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Les Hémérocalles, 1914-1917, huile sur toile
Coin de l'étang à Giverny, 1917, huile sur toile
Coin du bassin aux nymphéas, 1918- 1919, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

Beauvais (1986), réalisé à l'occasion de la visite de l'artiste à l'exposition des Matisse venus de Russie, rejoint la liberté de touche des Iris Jaunes de Monet (1914-1917). La gamme des bleus, verts et mauves des Nymphéas avec rameaux de saule (1916-1919) et de Row Row (1982) dialogue avec celle des Nymphéas (1916-1919), dont la sérialité conduit progressivement à l'effacement du motif au service d'une planéité à la limite de l'abstraction.

Beauvais, 1986, huile sur toile

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Iris Jaunes, 1914-1917, huile sur toile

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Row Row, 1982, huile sur toile

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Nymphéas avec rameaux de saule, 1916-1919, huile sur toile
Nymphéas, 1914-1916, huile sur toile
Nymphéas et agapanthes, 1914-1917, huile sur toile
Nymphéas bleus, 1916-1919, huile sur toile
Nymphéas, 1914-1917, huile sur toile
Nymphéas, reflets de saule, 1916-1919, huile sur toile

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
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Contrastant avec une composante de mauves et de violets, les jaunes dominent dans Two Pianos (1980), dont la dynamique des touches renvoie à une composition musicale éponyme de Gisèle Barreau. Dans une gamme comparable de rouge et de jaune, La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses (1922-1924) de Monet atteste de la liberté expressive de la couleur et du geste. Une même dissolution du sujet est notable dans une série de tableaux de chevalet: Le Pont japonais (1918-1924) et Le Jardin à Giverny (1922-1926).

Two Pianos, 1980, huile sur toile

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Le Pont japonais, 1918-1924, huile sur toile
Le Jardin à Giverny, 1922-1926, huile sur toile
Le Bassin aux nymphéas, 1918-1919, huile sur toile
Variante inattendue du bassin aux nymphéas, cette œuvre traduit l'audace de Monet dans sa dernière période, tant au niveau de la couleur que de la touche picturale. La composition, rythmée essentiellement par des touches de différents rouges, ne fait état d'aucun repère spatial et se rapproche d'un monochrome abstrait. L'intensité et le décalage chromatique de la dominante, ponctuée de verts et d'orange, traduisent l'intériorisation du paysage auquel Monet parvient à la fin de sa vie.

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
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La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses, trois huiles sur toile entre 1922 et 1924

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Galerie 6 : PRÉSENCE DE LA POÉSIE

La poésie accompagne en permanence Joan Mitchell. Fille de la poète Marion Strobel, elle est proche d'écrivains et de poètes américains : James Schuyler, Frank O'Hara, John Ashbery... et, en France, de Samuel Beckett et Jacques Dupin. Sans titre, peint vers 1970, faisait partie de la collection de ce dernier, dont quatre poèmes ont inspiré les compositions au pastel réalisées par Joan Mitchell aux alentours de 1975 et présentées dans cette salle.
Claude Monet côtoie les écrivains de son temps, comme Zola, Maupassant, Mallarmé et Valéry. Les poètes sont d'ailleurs parmi les premiers, et longtemps les seuls, à célébrer l'œuvre tardive de Monet, à laquelle appartient Iris (1924-1925).
Mon Paysage (1967), à travers la synthèse et l'économie de son titre, résume à lui seul l'engagement fondamental de Mitchell: « Je peins à partir de paysages mémorisés que j'emporte avec moi - et de sensations mémorisées... »

Sans titre, 1970, huile sur toile

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Iris, 1924-1925, huile sur toile

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Quelques-uns de pastels de Joan Mitchell destinés à illustrer des poèmes de Jacques Dupin (1927-2012)

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Mon Paysage, 1967, huile sur toile

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Nymphéas, étude, 1907, huile sur toile
River II, 1986, huile sur toile
River II (1986) de Mitchell et Nymphéas, étude (1907) de Monet soulignent l'importance du blanc et du vide chez les deux artistes. L'esquisse de Monet laisse en réserve les bords de l'étang où le ciel et la végétation environnante se reflètent. On retrouve cette liberté rythmée dans River II, dont le mouvement du fleuve est évoqué par des touches ondulantes ponctuant un espace aquatique où prédomine le blanc, ces deux œuvres introduisant la Galerie 7.
 

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
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Galerie 7 : « UNE ONDE SANS HORIZON ET SANS RIVAGE » (MONET)

Le blanc en apprêt ou en rajouts s'associe à une gamme de vert, bleu, jaune et mauve, éclairant les compositions dans l'ouverture et l'extension de l'espace. Monet retranscrit la fluidité de l'eau par des touches courtes proches d'une écriture calligraphique que l'on retrouve avec une autre intensité dans la gestualité expressive du diptyque de Mitchell.

Joan Mitchell : Rivière, 1989, huile sur toile
Claude Monet : Nymphéas, 1917-1919, huile sur toile

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Galerie 9 : 

Cette galerie présente de grands polyptyques des deux artistes.

MITCHELL, EDRITA FRIED

Le quadriptyque Edrita Fried (1981) aux couleurs éclatantes d'orange intense et de jaune feu - ponctuées de bleu- violet et renforcées par la luminosité créée par les blancs de l'apprêt et des réserves - évoque la présence toujours vive de l'amie psychanalyste de Mitchell récemment décédée. L'œuvre se lit dans un mouvement crescendo de gauche à droite et fait écho par sa palette à Van Gogh, un artiste toujours très présent pour Mitchell. Celle-ci évoque la tristesse que peuvent susciter certaines couleurs vives : « pour moi, jaune ce n'est pas forcément joyeux ». Ce polyptyque monumental introduit le cycle de La Grande Vallée (1983-1984).

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Le bleu céruléen du ciel et de l'eau, le jaune des champs de colza et des tournesols, sont traduits à travers des gestes aussi puissants qu'aériens dans Bracket (1989).

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MONET, LE TRIPTYQUE DE L'AGAPANTHE

Le triptyque de L'Agapanthe (1915-1926) est un des principaux éléments du cycle des Grandes Décorations. Monet y travailla incessamment durant plus de dix ans dans une démarche continuellement documentée qui montre l'évolution de sa pratique. Le titre fait référence à l'agapanthe présente dans les premières compositions dans la partie inférieure gauche du premier panneau. Présentée au rez-de-chaussée en galerie 4, l'étude des Agapanthes en témoigne (1916-1919).
Le sujet est le bassin aux nymphéas, les mouvements de l'eau, sa profondeur et le jeu des reflets : ceux du ciel, des nuages et des différentes plantes aquatiques. La palette est à dominante bleue et verte avec des variantes subtiles de mauves, de violets, de roses orangés, ponctuées par des touches carmin, turquoises et jaunes. L'éclat de la composition originale disparaît progressivement sous de multiples couches de peinture. Le motif réapparaît ici ou là avec une nouvelle fraîcheur à travers des frottis appliqués en surface, tel un léger voile de brume. Celui-ci, ainsi que l'absence de repère spatial confèrent à la composition une grande unité et une planéité totalement immersive à la frontière de l'abstraction.
Prévu pour être accroché à l'hôtel Biron avec les Glycines (1919-1920), présentées ici, le triptyque constituait une des quatre séries préférées de Monet. Pour des raisons inconnues, il n'a pas été intégré dans l'installation de l'Orangerie en 1927. Il est exposé pour la première fois, tout au moins en partie, en 1956 à Paris, à la galerie Katia Granoff, puis à New York à la galerie Knoedler. Ses panneaux ayant été respectivement acquis, entre 1956 et 1960, par le Saint Louis Art Museum, le Nelson-Atkins Museum et le Cleveland Art Museum, l'œuvre joua un rôle majeur dans la redécouverte du dernier Monet.
 

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Glycines, 1919-1920, huile sur toile
Glycines, 1919-1920, huile sur toile
Avant 1905, Monet ajoute à son pont japonais un treillis en métal sur lequel poussent des glycines, qui deviennent un motif essentiel pour le peintre pendant cette dernière période. Guirlandes de fleurs aux motifs décoratifs, les Glycines sont pensées en panneaux horizontaux d'un mètre sur trois et destinées à couronner les Grandes Décorations (1914-1926).
Conçues comme des frises, elles ne font apparaître aucun élément architectural. Le ciel est évoqué par les bleus et les violets dans une composition sans repère spatial, soulignant la dimension atmosphérique et immersive de ces œuvres.

Monet - Mitchell à la Fondation Louis Vuitton
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Galerie 11 : LE PAYSAGE AU PLUS PRÈS

Les variations sur le thème du tilleul évoquent celui qui se trouvait à l'entrée du jardin de Mitchell à Vétheuil et qu'elle réinterprète le plus souvent dans sa période automnale. La toile se construit autour d'un axe central, dans un cadrage vertical, suggérant un plan rapproché du tronc et des branchages. L'essentiel du tableau est traversé de lignes blanches, bleues et noires.
De la même façon, le saule fait l'objet de nombreuses variations dans la période tardive de Monet. Il aborde ce motif avec une grande liberté de touche et de cadrage entre 1920 et 1922.
Trois toiles Tilleul, 1978, de Joan Mitchell

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Deux toiles Saule Pleureur, 1920-1922, de Claude Monet

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Galerie 10 : LA GRANDE VALLÉE

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Peint entre 1983 et 1984, le cycle de La Grande Vallée se compose de vingt et un tableaux - dont cinq diptyques et un triptyque - qui se distinguent par la densité et l'effet all-over de la surface picturale. La rareté des blancs et l'absence de perspective y sont uniques. On retrouve la gamme chromatique caractéristique de l'artiste: le bleu cobalt et le jaune du colza dominent à côté d'une multiplicité de verts, roses et violets. Des touches noires se concentrent dans la partie basse des toiles, les marques cramoisies dynamisent les compositions.
Le titre fait référence au souvenir d'un lieu d'enfance d'une amie de Mitchell, Gisèle Barreau. Celle-ci lui décrit le paysage où elle se rendait avec un cousin qui, peu avant sa disparition, lui avait exprimé son désir d'y retourner. C'est à la même époque que Mitchell perd sa sœur très aimée. Dans la souffrance partagée de ces deuils, l'artiste peint une vision rêvée de cette vallée : « La peinture c'est l'inverse de la mort, elle permet de survivre, elle permet aussi de vivre ». Les titres de cinq tableaux font référence à des amis proches et à son berger allemand, Iva.
Présenté en deux temps par son galeriste, Jean Fournier, en 1984, cet ensemble n'a jamais été montré dans sa totalité. Ici, la reconstitution exceptionnelle de dix peintures est, à ce jour, la plus importante depuis sa première présentation.

La Grande Vallée XIV (For a Little While), 1983

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La grande vallée V1983 - 1984
La Grande Vallée XVI, Pour Iva, 1983

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La Grande Vallée VI, 1983
La Grande Vallée XVII, Carl, 1984
La Grande Vallée, 1983
La Grande Vallée IX, 1983-1984

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La Grande Vallée XX (Jean), 1983
La Grande Vallée IV, 1983
La Grande Vallée, Passage, 1984

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