Anna-Eva Bergman - Voyage vers l'intérieur (II/II)
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Poursuivons la visite de la rétrospective de l'œuvre d'Anna-Eva Bergman amorcée dans notre billet du 20 mai dernier : la section Naissance des formes, qui détermine tout le reste de sa production ultérieure, comporte encore d'autres œuvres de la fin des années 1950 :
N° 11-1960 Grande vallée, 1960, huile et feuille de métal sur toile
N° 6-1960 Pyramide, 1960, huile et feuille de métal sur toile
N° 7-1960 Grand tombeau, 1960, huile et feuille de métal sur toile
N° 13-1960 Le Tombeau de Théodoric, 1960, huile et feuille de métal sur toile
N° 14-1956 Le grand nord, 1956, tempera et feuille de métal sur toile
N° 3-1955 Forme noire, 1955, huile sur toile
N° 11-1957 Holme [Îlot], 1957, tempera et feuille de métal sur toile
N° 1954-1956 Forme orange, 1955, huile et feuille de métal sur toile
N° 55-1959 Double mur, 1959, huile et feuille de métal sur toile
N° 53-1959 Comète, 1959, huile et feuille de métal sur toile
Alphabet
En 1958, Anna-Eva Bergman présente pour la première fois, dans une série d’oeuvres sur papier à la tempera et feuilles métalliques, les bases du répertoire de formes qu’elle a développé depuis 1952 : pierre, lune, planète, arbre, montagne, tombeau, vallée, barque, miroir, etc. Elle les compilera en une liste exhaustive à la fin des années 1960 pour détailler les thèmes qui lui permettent de créer une sorte d’alphabet, développant des catégories et précisant leurs développements et leurs transformations successifs dans ses peintures et estampes. À chacune des grandes étapes de son évolution artistique, Bergman effectuera le point sur ce vocabulaire symbolique qui irrigue toute son oeuvre.
10N° 42-1958 Forme sombre sans métal, 1958, tempera sur papier
N° 71-1958 Morceau de montagne, 1958, tempera et feuille de métal sur papier
N° 105-1958 Barque, 1958, tempera et feuille de métal sur papier Rives
N° 104-1958 Proue, 1958, tempera et feuille de métal sur papier Rives
N° 40-1958 Planète éclatée, 1958, tempera et feuille de métal sur papier
N° 79-1958 Pierre, 1958, tempera et feuille de métal sur papier
N° 88-1958 Lumière boréale, 1958, tempera et feuille de métal sur papier
N° 75-1958 Tombeau, 1958, tempera et feuille de métal sur papier
Dans l’atelier
Bergman utilise la feuille de métal (or, argent, aluminium, cuivre, étain, plomb, bismuth) dès les années 1940, inspirée par les retables des églises norvégiennes du Moyen-Âge. Elle n’a de cesse de personnaliser cette technique, employant d’abord le bol d’Arménie (préparation argileuse colorée) sur lequel les feuilles sont polies avec une pierre d’agate, puis la dorure à la mixtion, vernis gras qui facilite l’adhésion du métal. À partir de 1950, elle peint principalement à la tempera. Dans les années 1960, elle opte pour une peinture vinylique, puis pour l’acrylique la décennie suivante. L’évaporation de la phase aqueuse contenue dans ces préparations requiert des gestes directs. Ces procédés sont tout sauf spontanés et exigent la maîtrise de plusieurs étapes, toutes interdépendantes et soigneusement préparées. Les fonds préparatoires sont très colorés, ainsi que les vernis et les glacis qu’elle applique sur le métal afin d’en diversifier les reflets. À partir des années 1960, elle travaille dans la matière même de l’oeuvre en arrachant les feuilles de métal pour faire apparaître des strates sous-jacentes ou en apportant du volume et de la texture à la matière picturale avec la modeling paste. Dans le domaine de l’estampe, elle maîtrise la lithographie et les traditionnelles techniques sur cuivre (eau-forte, aquatinte, vernis mou, taille douce). Elle a une prédilection pour la gravure sur bois. Elle y excelle, jouant avec les veines et les stries naturelles du matériau, sublimé par des tirages réalisés à l’or, à l’argent ou au bleu manganèse.
GB 40-1970 Terre vue de la lune, 1970, gravure sur bois sur vélin BFK de Rives
GB 64-1976 Bois III, 1976, gravure sur bois sur vélin BFK de Rives
G45-1987 Montagne, 1987, eau-forte sur zinc, tirage négatif en bleu nuit sur vélin BFK de Rives
GB 14-1957 Rocher, 1957, gravure sur bois sur vélin d'Arches
GB 20-1957 Barque sous l'eau, 1957, gravure sur bois sur vélin d'Arches
G 31-1958 Rochers, 1958, eau-forte sur zinc, et roulette sur vergé d'Auvergne filigrané Richar de Bas
G 12-1953 Quatre formes pierres, 1953, eau-forte sur cuivre et aquatinte sur vélin d'Arches
Cosmogonies, transcriptions paysagères
En 1964, Anna-Eva Bergman et Hans Hartung voyagent le long de la côte nord de la Norvège jusqu’au cap Nord et en rapportent près d’un millier de photographies. Pendant de nombreuses années, Bergman puisera son inspiration dans les esquisses et les images de ce voyage. À la même époque, elle achète un terrain en Espagne, à Carboneras. Elle y projette une maison-atelier (non réalisée) orientée en cinq parties autour d’un patio, à partir du dessin d’un pentagramme issu de ses recherches des années 1948-1949. De nombreuses œuvres portent la trace de ce tropisme Nord-Sud qui, loin de s’opposer entre ce qui serait prétendument froid et polaire d’un côté, chaud et solaire de l’autre, se confond souvent, notamment dans l’expression d’immensités désertiques. Bergman ne se contente pas de retranscriptions paysagères brutes, purement inspirées du motif naturel. Elle se passionne à la fois pour les systèmes de représentation du monde issus des mythes anciens et pour les plus récentes avancées scientifiques de son temps, notamment en matière d’archéologie et d’astronomie. Elle s’imprègne ainsi de nombreuses visions cosmogoniques, depuis les classiques de la littérature (L’Épopée de Gilgamesh, l’Ancien et le Nouveau Testament, Dante et même Howard Phillips Lovecraft…) jusqu’aux découvertes astrophysiques modernes. Dans les années 1950-1960, elle lit par exemple des ouvrages d’Einstein, s’enthousiasme pour la conquête spatiale et s’abonne à la revue Planète.
N°34-1961 Château de Sade, 1961, huile sur toile
N°7-1963, 1963, huile et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
N°18-1964 Mur, 1964, vinylique et feuille de métal sur toile
N°6-1963 Carboneras, 1963, huile et feuille de métal sur toile
N°63-1961 Grand univers aux petits carrés, 1961, huile et feuille de métal sur toile
N°12-1967 Grand Finnmark rouge, 1967, vinylique et feuille de métal sur toile
N°26-1962 Feu, 1962, huile et feuille de métal sur toile
N°67-1966 Grand océan, 1966, vinylique et feuille de métal sur toile
N°2-1964 Stèle, 1964, vinylique et feuille de métal sur toile
N°34-1965 Montagne sombre, 1965, huile et feuille de métal sur toile
N°36-1965 Falaise, 1965, vinylique et feuille de métal sur toile
N°1-1967 Fjord, 1967, vinylique et feuille de métal sur toile
N°4-1967 Montagne transparente, 1967, vinylique et feuille de métal sur toile
N°11-1968 Grand rond, 1968, vinylique et feuille de métal sur toile
N°2-1966 Finnmark Hiver (Hiver horizon du Nord), 1966, vinylique et feuille de métal sur toile
Épures, captations atmosphériques
Anna-Eva Bergman et Hans Hartung s’installent à Antibes en 1973 dans une villa qu’ils ont fait édifier au milieu d’un champ d’oliviers centenaires. Leurs ateliers respectifs reflètent leur vision de l’espace, nourrie de toutes leurs précédentes maisons-ateliers. L’oeuvre de Bergman y évolue vers l’expression de formes simples et monumentales, aux couleurs restreintes, témoignant d’un minimalisme presque solennel. Elle poursuit la révision de ses thématiques et, sensible aux aléas météorologiques de la Côte d’Azur, se lance dans l’étonnante captation atmosphérique de « pluies » et de « vagues ». Elle alterne des formats très petits – qu’elle qualifie de mini-peintures – et très grands.
Toujours perceptibles, les motifs et les paysages sont suggérés par la création d’une ambiance et par l’expression de sensations captées dans la réalité environnante, mais ils sont concentrés en de majestueux signaux : sensation du reflet de la lumière sur une étendue glacée ; vision d’un pan de montagne ou d’une proue se découpant sur la nuit polaire ; lac ou étendue d’eau miroitant à l’aube ; terre aride brûlée par le soleil ; ciel blanchi par le blizzard ou la chaleur ; horizon paraissant démultiplié dans la superposition des effets de lointains ou tranché net entre le sol et le ciel ; barque ou planète glissant dans l’espace. Comme le montre dans sa peinture la récurrence du thème funèbre de la demi-barque, symbole de danger et de mort, l’artiste apparaît consciente d’une certaine finitude : la sienne et celle du monde.
N°13-1976 Deux Nunataks, 1976, acrylique et feuille de métal sur toile
N°2-1968 Fjord, 1968, huile et feuille de métal sur toile
N°17-1968 Paysage jour et N°16-1968 Paysage nuit, 1968, vinylique et feuille de métal sur toile
N°49-1969 Paysage nordique, 1969, vinylique et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
N°55-1969 Autre terre, autre lune, 1969, vinylique et feuille de métal
Demi-terre-1974-1975, 1975, tapisserie (chaîne de coton, trame de laine et louisor argent, basse lisse)
Entre janvier 1971 et août 1972, sept tapisseries issues de trois maquettes réalisées par Bergman sont tissées dans les manufactures des Gobelins et de Beauvais, puis six autres productions seront lancées entre 1972 et 1974. Cette Demi-terre est l'un des premiers tissages de 1975 réalisés dans le cadre de cette collaboration.
N°45-1971 Crête de montagne, 1971, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°49-1973 Vague baroque, 1973, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°19-1974 Vague I, 1974, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°21-1974 Pluie, 1974, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°17-1974 Pluie, 1974, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°14-1975 Mistral, 1975, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
N°18-1974 Cap d'Antibes, 1974, acrylique et feuille de cuivre oxydé sur toile
N°41-1977 Tronc d'olivier I, 1977, acrylique et feuille de métal sur papier
N°8-1969 Grand horizon bleu, 1969, vinylique et feuille de métal sur toile
N°37-1973 Multihorizon ciel rouge, 1973, acrylique et feuille de métal sur toile
N°32-1973 Ciel noir, 1973, acrylique et feuille de métal sur toile
N°25-1981 Lac II, 1981, acrylique et feuille de métal sur toile
N°57-1978 Montagne en une ligne, 1978, acrylique sur toile
N°39-1983, 1983, acrylique sur toile
N°18-1976 Montagne rouge, 1976, acrylique et feuille de métal sur toile
N°15-1975 Rocher sauvage, 1975, acrylique et feuille de métal sur toile
N°23-1981 Entre les deux montagnes, 1981, acrylique et feuille de métal sur toile
N°21-1981 Pic de montagne II, 1981, acrylique et feuille de métal sur toile
et sans doute une des dernières œuvres d'Anna-Eva Bergman, décédée en juillet 1987 à Grasse :
N°20-1987, 1987, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
Anna-Eva Bergman - Voyage vers l'intérieur (I/II)
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Encore une grande rétrospective au Musée d'Art Moderne de Paris : Anna-Eva Bergman (1909-1987) artiste franco-norvégienne relativement peu connue du grand public, mariée deux fois (en 1929 puis en 1957 après un divorce en 1939) au peintre franco-allemand) Hans Hartung, dont nous avons présenté à nos lecteurs la rétrospective qui s'est tenue dans les mêmes lieux l'hiver 2019-2020 (nos billets du 15 février et du 25 février 2020)
Une jeunesse européenne
Anna-Eva Bergman grandit en Norvège, où elle développe très vite une grande faculté d’observation ; elle croque des saynètes avec un sens de l’humour tranchant, à la fois à l’écrit et par le dessin. Elle suit une formation artistique à Oslo qu’elle complète à Vienne en 1928. À Paris en 1929, elle rencontre Hans Hartung, jeune peintre abstrait alors inconnu. Elle l’épouse aussitôt en Allemagne et fréquente les cercles d’artistes engagés de Dresde. En 1933-1934, Bergman vit comme un « paradis » son installation sur l’île de Minorque, aux Baléares, dans une maison qu’elle fait construire avec Hartung en bord de mer.
Devenue allemande par son mariage, Bergman connaît plusieurs démêlés avec les autorités du IIIe Reich et hait ce régime qu’elle brocardera dans une autobiographie non publiée écrite entre 1940 et 1945 : Une bagatelle suédo-norvégienne. Elle signe à cette période des articles et des dessins pour la presse et séjourne, au gré des contraintes matérielles et des occasions, à Berlin, Oslo, Paris, puis en Italie.
[Non-titré], vers 1927, encre de Chine sur papier
[Non-titré], vers 1927, aquarelle sur papier
Le Mendiant à "La Colle", France, 1931, huile sur panneau de bois contreplaqué
[Autoportrait], vers 1946, huile sur panneau de bois Isorel
Dresde, 1930, marché, 1930, mine de plomb sur papier
Les Immigrés allemands, 1932, aquarelle sur papier
Les Frères de Skat, 1932, aquarelle sur papier
Futur national-socialiste, vers 1933, encre de Chine sur papier
El generalissimo, vers 1935, mine de plomb sur papier
[Non-titré], 1931, tempera sur toile
[Non-titré], Minorque, vers 1933, huile sur toile
[Non-titré], Minorque, vers 1933, huile sur toile
St Paul Alpes Maritimes, 1930, aquarelle sur papier
[Non-titré], vers 1932, aquarelle sur papier
[Homgorøya], 1932, aquarelle sur papier
N° 33-1947 Maison - "Ensomhet", 1947, tempera sur panneau de bois Isorel
Fragments d’une île en Norvège
Anna-Eva Bergman est fascinée par les beautés géologiques de la nature. Elle porte une attention toute particulière aux pierres, aux galets, aux failles et aux entailles dans la roche, aux plissures et aux textures des minéraux. Lors des étés 1949, 1950 et 1951, elle se rend à Citadelløya, dans le sud de la Norvège. Ces séjours occasionnent un profond renouvellement de son vocabulaire artistique avec la série des Fragments d’une île en Norvège, véritable acte de naissance dans sa maturité de peintre. Il faut ajouter dans ce processus l’importance cruciale d’un voyage dans le nord du pays lors de l’été 1950, où elle fait l’expérience du soleil de minuit le long des îles Lofoten.
N°58-1949 Regn [Pluie], 1949, tempera sur panneau de bois Isorel
Komposisjion [Composition], 1951, tempera et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
N°-1951, 1951, huile et feuille de métal sur panneau de bois Isorel
N° ca-1948-50, 1950, huile et feuille de métal sur panneau de bois Isorel
N° 34-1951 Blå Drømmer [Rêves bleus], 1951, tempera à la caséine sur panneau de bois Isorel
[Non-titré], 1950, tempera et encre de Chine sur panneau de bois Isorel
[Finnmarks Impression], 1950, tempera, encre de Chine et mine de plomb sur papier
[Non-titré], 1950, tempera sur papier
[Arktisk Komposisjon], 1950, tempera et encre de Chine sur papier
N° 27-1951 Phare (conventions), 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 35b-51 Composition de la Citadelle, 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 20-1951 Citadelle noire et macabre, 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 31-1951 Noir stylistique (noir blanc ocre), 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 32-1951 Fragment d'une île en Norvège (Gris solitude (noir blanc ocre)), 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 35C-1951 Fragment Randsholmen, 1951, tempera sur panneau de bois Isorel
N° 2-1952, 1952, huile sur toile
Citadellet, août 1950, 1950, mine de plomb sur papier
[Non-titré], 1951, encre de Chine et gouache sur papier
Fragment d'une île en Norvège I, 1951, mine de plomb sur papier
Fragment d'une île en Norvège , vers 1951, tempera et encre de Chine sur papier
Naissance des formes
Anna-Eva Bergman développe dans les années 1950 une œuvre d’une singularité difficile à situer dans l’histoire de l’art traditionnelle. C’est « une peinture originale qui ne doit rien aux modes », résume le critique Michel Ragon. Ses thèmes archétypiques – pierres, univers, arbres, astres – écartent désormais toute représentation anthropomorphique et tendent à l’abstraction mais sans s’arracher complètement à toute référence. D’ailleurs, elle préfère parler de « non-figuratif » ou d’« art d’abstraire ». Bergman élabore une sorte d’alphabet visuel en mutation constante. C’est une perpétuelle « naissance des formes » dans le sens où chaque forme est susceptible d’en engendrer d’autres par variations graphiques et chromatiques d’un tableau à l’autre. L’usage de la feuille de métal est, en outre, de plus en plus courant dans sa production : doté de qualités luminescentes, le tableau invite implicitement le regardeur à être mobile, à se déplacer devant sa surface.
N° 5-1952 Deux formes noires, 1952, huile sur toile
N° 2-1953 Stèle avec lune, 1953, tempera et feuille de métal sur toile
N° 1-1954 Un univers, 1954, huile et feuille de métal sur toile
N° 1-1953 La Griffe, 1953, tempera sur toile
N° 5-1954 Pierre horizontale, 1954, huile et feuille de métal sur toile
N° 7-1952, 1952, huile sur panneau de bois contreplaqué
[Non-titré], vers 1952, tempera sur papier
N° XB-1956 Icare, 1956, tempera et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
N° 20-1955 Die Hochschwebende, 1955, huile et feuille de métal sur toile
N° 18-1956 Grand soleil, 1956, huile et feuille de métal sur toile
N° 1-1956 Arbre d'argent, 1956, huile et feuille de métal sur toile
N° 29-1955 Crabe d'argent, 1955, tempera à la caséine et feuille de métal sur toile
N° 4-1957 La Grande montagne, 1957, huile et feuille de métal sur toile
N° 10-1957 (Moïse ou) Grand arbre, 1957, tempera et feuille de métal sur toile
Nous poursuivrons dans un prochain billet la découverte de cette artiste à l'œuvre si originale et variée.
Vacances de printemps
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Avant de reprendre la série des expositions parisiennes, encore un billet d'images des vacances de printemps, en trois temps.
La Citadelle de Brouage
Lieu un peu irréel, au milieu des marais et dont on peine à penser qu'il était l'un des plus grands ports européens de négoce de sel au XVIe siècle, et dont les imposantes fortifications ont été voulues pour constituer une forteresse catholique face à celle, huguenotte, de La Rochelle.
Promenade sur les remparts au petit matin. En contrebas, la poudrière Saint-Luc.
Au milieu de ce qui est à présent un village, devant l'église, un rassemblement de voitures anciennes.
L'île de Bréhat
Un autre lieu un peu hors du temps, bien qu'à quelques kilomètres à peine de la côte.
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Arrivée au Port-Clos, côté à contre-jour et côté ensoleillé.
Les paysages depuis la Chapelle Saint-Michel
Les cheminements fleuris
La marée basse côté ouest...
comme côté est
Même le mauvais temps, au moment de réembarquer, a son charme.
Et pour terminer :
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La course du Tro Bro Leon
Devenue un classique international, cette course traverse tout l'ouest du département du Finistère : partant de Plouguerneau, elle va vers Le Folgouët, descend par l'intérieur jusqu'à la Pointe Sant-Mathieu et Le Conquet, remonte le long de la côte par Lampaul-Plouarzel, Lanildut, Porspoder, et passe par la villégiature de l'auteur un peu avant son arrivée à Lannilis.
Posté en haut d'une côte, avec la mer en contrebas, on peut voir la file des coureurs sur un des chemins de terre qui jalonnent la parcours (appelés ribinoù) puis l'attaque de la côte sur la route goudronnée
Germaine Richier (1902-1959) au Centre Pompidou
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Très belle rétrospective au Centre Pompidou de l'œuvre de Germaine Richier, que les organisateurs présentent ainsi :
Formée à la tradition de la statuaire en bronze d'Auguste Rodin et d'Antoine Bourdelle, Germaine Richier occupe une place incontournable dans l'histoire de la sculpture moderne. Des années 1930 à sa disparition précoce en 1959, elle crée un univers profondément original et invente de nouvelles images de l'humain, jouant des hybridations avec les mondes animal et végétal. Connue essentiellement pour ses dix dernières années, sa sculpture a parfois été réduite à l'image d'une époque troublée, à l'étrangeté surréaliste ou à l'expressionnisme informel. Cette exposition porte un regard nouveau et global sur le travail de cette artiste majeure. Son travail vibrant de la terre, son expérimentation sur les matériaux, la couleur et l'espace disent sa volonté de créer des sculptures vivantes, à même de saisir l'humain dans sa violence et sa fragilité, de révéler sa vie intérieure et les métamorphoses qui le traversent.
À ses débuts dans les années 1920-1930, les portraits constituent la part majeure de l'œuvre de Germaine Richier et lui assurent ses premiers succès. Travaillant d'après modèle vivant, Richier ne cessera de revenir au portrait tout au long de sa vie, comme un pianiste « fait ses gammes ». L'exercice du nu et du buste lui permet de saisir l'intensité de l'humain par le modelage expressif de la terre. Son exil en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale constitue à la fois une rupture et un catalyseur pour son œuvre, qui délaisse le réalisme au profit d'un expressionnisme exacerbé. La noirceur de l'époque s'imprime sur les corps déformés, écorchés. Son geste traduit sa volonté de régénérer la figure humaine.
« Mes statues ne sont pas inachevées. [...] Je les ai creusées, déchirées pour qu'elles soient variées de tous les côtés, et qu'elles aient un aspect changeant et vivant. »
Loretto I, 1934, bronze patiné foncé
Méditerranée, 1937, bronze patiné foncé
Le Faune, 1916, terre crue, peinte en doré
Juin 40, 1940, bronze patiné foncé
Sava Alexandra, 1944, bronze patiné brun
Nu ou La Grosse, 1939/1942, bronze patiné foncé
Torse II [Torse de femme, Muhletahler] , 1941, bronze patiné foncé
Toute une collection de bustes, des années 1930 jusqu'aux années 1950
Charles Hug, 1933, plâtre original
Rémi Coutin enfant, 1927-1928, plâtre original patiné
La Régodias [Renée Régodias], 1938, bronze patiné brun
Buste n° 26, 1937-1938, bronze patiné foncé
Fernand Fleuret, 1935-1937, plâtre original
La Chinoise, 1939, bronze patiné foncé
Le Prestidigitateur, 1945, plâtre original
Buste de Nardone, 1947, plâtre original
Françoise Cachin, 1950, plâtre original
Dominique Aury, 1955-1956, bronze patiné foncé
Marguerite Lamy, 1955-1956, bronze patiné foncé
L'Escrimeuse (sans masque), 1943, bronze patiné foncé
L'Escrimeuse avec masque, 1945, bronze patiné foncé
Deux des statues les plus célèbres de Germaine Richer :
L'Orage, 1947-1948, bronze patiné foncé
L'Ouragane, 1948-1949, bronze patiné foncé
et en arrière-plan :
Le Tombeau de l'Orage et L'Ombre de l'Ouragane
taillés en 1956 en pierre des Soignies (Flandres belges) par Eugène Dodeigne à la demande de Germaine Richier pour sa rétrospective.
La Vierge folle, 1946, bronze patiné foncé sur socle en calcaire gris
Sans titre [L'Ouragane], vers 1948-1949, crayon sur papier
L'Ouragane, 1955, eau-forte et aquatinte sur papier
Nature et hybridation
Pour Germaine Richier, fascinée dès l'enfance par les insectes de la campagne méditerranéenne, la régénération de la figure humaine passe par son hybridation avec les formes de la nature. Son atelier se peuple d'êtres composites: sauterelle, mante, chauve-souris et autres animaux méprisés. Ces êtres hybrides semblent toujours prêts à bondir ou à s'envoler.
La Sauterelle, petite, 1944, bronze patiné foncé
La Sauterelle, moyenne, 1945, bronze patiné foncé
La Sauterelle, grande, 1955-1956, bronze patiné foncé
La Sauterelle, petite est le premier être hybride créé par Germaine Richier, qui l'agrandira à deux reprises jusqu'à dépasser la taille humaine. Ses bras levés, doigts écartés, forment un geste à la fois de menace et de défense. Le corps de cette femme-sauterelle est creusé d'anfractuosités, un étrange sourire lui lacère le visage, mais dans la paume de La Sauterelle, grande est gravé un petit cœur, comme un talisman caché par l'artiste.
Le Crapaud, 1940, bronze patiné brun
À première vue, cette figure féminine accroupie n'est pas sans rappeler les petites sculptures d'Aristide Maillol, comme La Femme au crabe (1930). Seul son titre suggère une analogie avec un crapaud, animal méprisé s'il en est. Sa taille réduite et sa posture inconfortable, tendue vers l'avant, évoquent celles de l'amphibien, prêt à bondir. S'affirme ici la première trace d'hybridation humain-animal qui caractérise son œuvre après la guerre.
La Mante, grande,1946, bronze patiné foncé
La Forêt, 1946, bronze patiné sur base en pierre
La Feuille, 1948, bronze patiné foncé
Le Grain, 1955, bronze patiné foncé
La Chauve-souris, 1946, bronze naturel nettoyé
Richier introduit ici pour la première fois de la filasse au sein du plâtre qui recouvre l'armature de fer, renforçant ainsi l'aspect déchiqueté et accidenté de la surface. Cette technique expérimentale constitue un vrai défi technique pour son fondeur, Lucien Thinot. La fonte en bronze naturel nettoyé, non patiné, confère à cet homme chauve-souris une animation baroque et une sacralité inédite.
La Mandoline [La Cigale], 1954-1955, bronze naturel nettoyé
Le Berger des Landes, 1951, bronze patiné foncé
Lors d'une balade à Varengeville, Richier ramasse un bloc de brique et de ciment poli par la mer, dans lequel elle creuse deux trous ronds. Cette tête hallucinée surmonte un corps éventré aux jambes filiformes montées sur des échasses, comme celles des bergers landais. Promenant son regard d'outre-tombe, la créature évoque la tradition antique du berger psychopompe guidant les âmes vers le monde souterrain.
Le Cheval à six têtes, grand, 1954-1956, bronze naturel nettoyé
Le Cheval à six têtes évoque autant les cavaliers de l'Apocalypse que l'atmosphère des férias et des courses de chevaux qui ont imprégné l'enfance de Richier. Cette pièce rappelle aussi son intérêt pour l'expression du mouvement : l'agitation de l'animal se voit démultipliée par la juxtaposition des têtes, traduisant par ses positions successives la tension de la cavalcade et la secousse des hennissements.
La Tauromachie, 1953, bronze naturel nettoyé
La Tauromachie demeure l'une des œuvres de Richier les plus énigmatiques. Un personnage s'avance, solennel, corps ovoïde éventré sur des jambes grêles. Il tient la pique qui a triomphé du taureau dont le crâne repose au sol. À la place de sa tête un trident des gardians de Camargue le pare de petites cornes. C'est moins le combat qui intéresse Richier que la parenté entre l'homme et la bête, unis par la brillance du bronze.
La Montagne, 1955-1956, bronze naturel nettoyé
L'Eau, 1953-1954, bronze patiné foncé
La Spirale, 1957, bronze
La Vrille, 1956, bronze naturel nettoyé
Mythe et sacré
L'art de Richier est empreint d'un sentiment panthéiste du monde et d'un imaginaire pétri de mythes archaïques. Ses créatures hybrides (ogre, cheval à six têtes et autres monstres fabuleux) renvoient aux récits des origines, aux contes et légendes. La sculptrice a été associée malgré elle à la « querelle de l'art sacré », violente polémique suscité par le Christ qu'elle crée en 1950 pour l'église du plateau d'Assy (Haute-Savoie). Jugé blasphématoire par certains groupes traditionnalistes et banni malgré les protestations, cet humble Christ en croix ne retrouvera sa place qu'en 1969.
Christ d'Assy, 1950, bronze naturel nettoyé
L'Homme de la nuit, grand, 1954, bronze patiné foncé
Le Pentacle, 1954, bronze patiné foncé
L'Ogre, 1949, bronze patiné foncé
L'Hydre, 1954, bronze patiné foncé
Le Griffu, 1952, bronze patiné foncé
D'abord intitulé Le Diable, puis renommé d'après la serre d'aigle fichée dans son coude droit, Le Griffu s'inspire des croyances populaires de la tarasque, animal fantastique issu du folklore provençal. L'ouverture à l'espace du spectateur, induit par les réseaux de fils entrelacés, est exacerbée par l'artiste qui expose la sculpture suspendue au plafond en 1954 à Bále.
L'Araignée II, moyenne, 1956, bronze patiné foncé
Don Quichotte, 1950-1951, bronze patiné foncé
Diabolo, 1950, bronze patiné foncé
Trio I ou La Place, 1954, bronze patiné foncé
À l'instar de La Place d'Alberto Giacometti (1948), Richier organise une étrange rencontre sur un plateau. Elle met en relation trois formes incertaines, issues d'expérimentations sur des objets : un piolet enchâssé dans un creuset de fonderie, une herminette, un chenet de cheminée. S'affirme ici une recherche nouvelle sur l'espace et la mise en relation des formes entre elles.
Le Sablier III, 1953, bronze à patine foncé
Le Diabolo, 1950, bronze patiné foncé
L'Araignée I, 1946, bronze patiné foncé
La Fourmi, 1953, bronze patiné foncé
Un éclairage sur le travail de Richier :
Brassaï (1899-1984) : Germaine Richier à sa presse, vers 1950, épreuve gélatino-argentique
Cheval à six têtes, petit, 1955 ou 1956, plâtre et filasse
La Régodias, 1938-1939, plâtre de travail avec triangulation
Un ensemble de "petits formats" :
Femme-sein, 1955, bronze patiné foncé
Chauve-souris, 1955, bronze patiné foncé
L'Os, 1956, bronze patiné foncé mobile sur socle et L'Os, petit, 1956, bronze naturel nettoyé
Seiche, 1954, bronze naturel nettoyé
Seiche sur équerre de bronze, 1955, bronze naturel nettoyé
La Porte de bronze, 1955, bronze naturel nettoyé
La Croix avec verres de couleurs, 1953, plomb et verres colorés jaune et bleu
La Ville, 1952, œuvre en collaboration avec Maria Helena Viera da Silva, plomb et huile sur plomb
«Germaine me fit asseoir devant sa statue et elle partit. (...) Durant une semaine, je suivais plan par plan sa sculpture et je cherchais à faire une peinture avec ce qui se trouvait devant mes yeux. » C'est ainsi que Vieira da Silva raconte l'invitation faite par son amie de peindre l'écran qui sert de fond à La Ville. Elle éclaire le dialogue entre l'œuvre de Richier et l'abstraction lyrique, alors dominante à Paris.
L'Échelle, 1956, œuvre en collaboration avec Zao Wou-Ki, plomb et huile sur plomb
Après Maria Helena Vieira da Silva, c'est au peintre chinois Zao Wou-Ki que Richier fait appel pour peindre le fond et le socle, de L'Échelle. Cette petite sculpture en plomb aux formes végétales se déploie sur une structure en équerre. Le paysage abstrait, ponctué de signes calligraphiques, peint par Zao Wou-Ki enveloppe entièrement la sculpture dans un halo rouge lumineux.
Plomb avec verres de couleurs n° 63, 1953-1959, plomb et verres colorés monté sur ardoise
L'Échiquier, grand, 1959, plâtre original peint
Pièce unique, en 5 éléments
Le roi: 209 × 51 x 32,5 cm
La reine: 228,5 x 44,5 x 33,5 cm
Le cavalier: 169,5 x 37,5 x 41,5 cm
La tour: 200 x 40,5 x 29,5 cm
Le fou: 175,5 x 62 x 33,5 cm
Dernière œuvre majeure de l'artiste, L'Échiquier, grand constitue une formidable synthèse de sa création. S'y manifestent le procédé de l'agrandissement (à partir de la petite version créée en 1955), la thématique du jeu, le surgissement du fantastique, l'hybridation de l'humain avec le monde animal et végétal, l'intégration d'objets, l'animation de la sculpture par la couleur, la libre disposition suggérant la possible mobilité des pièces. Perchés sur de grands socles à hauteur de regard, les cinq pièces traditionnelles du jeu d'échecs sont métamorphosées: le roi à la tête d'arête tient un compas de sculpteur, la reine lève des bras-branches, le fou est doté de cornes et d'une petite queue, le cavalier d'un visage d'hippocampe, et la tour est posée sur un trépied.
La Parade peinte, 1959, bronze peint
Le Chardon peint sur équerre ardoise, 1959, bronze peint, équerre d'ardoise
L'Araignée II, petite, sur pierre émaillée, 1956, bronze émaillé
Le Couple peint, 1959, bronze peint
Les derniers mois de sa vie, trop faible pour modeler, Richier se consacre à la peinture. Pour Le Couple peint, fondu trois ans plus tôt, elle procède par touches de couleurs vives, blanc, bleu, jaune et violet. La peinture éclaire les personnages, souligne et dynamise leurs formes, apportant joie et vitalité à ce couple uni, les mains jointes dans un geste de tendresse.
En sortant de l'exposition, sur la terrasse du Centre Pompidou :
Le Coureur, 1955, bronze patiné foncé