Basquiat x Warhol, à quatre mains (I/II)
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Nous n'avons pas encore fait partager à nos lecteurs l'exposition de ce printemps à la Fondation Louis Vuitton. Après l'exposition "Jean-Michel Basquiat" en 2018 (voir notre billet du 2 février 2019), la Fondation poursuit son exploration de l'œuvre de l'artiste, révélant cette fois sa collaboration avec Andy Warhol.
Jean-Michel Basquiat (1960-1988) disait avoir travaillé sur « un million de toiles » avec Andy Warhol (1928-1987). La vérité est plus proche de 160, mais le chiffre reste considérable au regard des formats réalisés et de la brièveté de leur collaboration, de 1983 à 1985.
Gallerie 1 : Une amitié
À la toute fin des années 1970, alors qu'il n'a pas 20 ans, Jean-Michel Basquiat est fasciné par la figure d'Andy Warhol et la manière dont il a bouleversé les rapports entre art et culture populaire. Quant à Warhol, il se passionne pour la scène qui émerge à New York, porteuse d'une nouvelle attention à la peinture et qui se distingue par sa liberté, le croisement entre les disciplines et sa porosité avec les cultures urbaines. Il admire la réussite de ses cadets, leur énergie. Sa rencontre avec Basquiat, le 4 octobre 1982, marque le début de leur amitié et de leurs échanges, ici symbolisés par des portraits croisés : Warhol par Basquiat, Basquiat par Warhol.
Andy Warhol :
Portrait of Jean-Michel Basquiat as David, 1984, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat, 1984, acrylique et encre sérigraphique sur lin
Jean-Michel Basquiat, 1984, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat, 1984, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat :
Foto (Jean-Michel Basquiat being photographed by Andy Warhol), 1983, technique mixte sur papier
Dos Cabezas, 1982, acrylique et bâton d'huile sur toile sur châssis en bois
et un polaroïd du 4 octobre 1982 par Andy Warhol : Self-Portrait with Jean-Michel Basquiat
Jean-Michel Basquiat :
Untitled (Andy Warhol with Barbells), vers 1984, acrylique et bâton d'huile sur toile
Untitled, 1983, crayon gras sur papier
Untitled (Andy Warhol), 1984, crayon gras sur papier
Brown Spots (Portrait of Andy Warhol as a banana), 1984, acrylique et bâton d'huile sur toile
Francesco Clemente (né en 1952) :
Jean-Michel Basquiat, 1982-1987, aquarelle sur papier
Andy Warhol, 1982-1987, aquarelle sur papier
Dans la même galerie, de premières œuvres à quatre mains :
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Arm and Hammer, 1984-1985, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Arm and Hammer II, 1984-1985, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Dollar Sign, 1984-1985, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Don't Tread on Me, 1984-1985, acrylique, bâton d'huile et encre sérigraphique sur toile
Collaboration (Dollar Sign, Don't Tread on Me), 1984-1985, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur lin
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Crab, 1984-1985, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Sharp Teeth, 1984-1985, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Collaboration (Crab), 1984-1985, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur lin
Lobster, 1984-1985, acrylique, bâton d'huile et sérigraphie sur toile
Lobster (Pink), 1984-1985, acrylique, bâton d'huile et sérigraphie sur toile
Lobster (White), 1984-1985, acrylique, bâton d'huile et sérigraphie sur toile
Basquiat, Clemente, Warhol
À l'automne 1983, le galeriste suisse Bruno Bischofberger, enthousiasmé par l'idée de collaboration entre artistes, propose à Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente et Andy Warhol avec lesquels il travaille, de signer conjointement une suite de travaux. Une quinzaine d'œuvres seront réalisées selon un principe de conversation : les toiles sont transportées d'un atelier à l'autre, la manière de chacun y restant visible. L'onirisme de Clemente, les écritures, silhouettes et repentirs de Basquiat, la sérigraphie comme mode opératoire de Warhol irriguent ces toiles qui réactivent le principe du cadavre exquis surréaliste.
Andy Warhol :
Francesco Clemente, 1981, acrylique, encre sérigraphique et poussière de diamant sur toile
Portrait of Francesco Clemente, 1982, acrylique sur toile
Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente, Andy Warhol :
Alba's Breakfast, 1984, technique mixte sur papier marouflé sur toile
Saxophone, 1984, technique mixte sur papier marouflé sur toile
In Bianco, 1984, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente, Andy Warhol :
Cilindrone, 1984, technique mixte sur toile
Horizontal Painting, 1984, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Origin of Cotton, 1984, huile, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente, Andy Warhol :
Casa del Popolo, 1984, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Pimple Head, 1984, technique mixte sur toile | Mixed media on canvas
Premonition, 1984, bâton d'huile, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Francesco Clemente, Andy Warhol :
Collaboration (Whales/Umbrella), 1984, technique mixte sur lin
Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente :
The Kiss, 1984, huile et collage sur toile
Number 5, 1984, huile, acrylique et collage sur toile
Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente, Andy Warhol :
Handball, 1984, technique mixte sur toile
Tre Amici, 1984, crayons de couleur sur papier marouflé sur toile et encre sérigraphique sur papier marouflé sur toile
Pole Star, 1984
Premier panneau : acrylique et collage sur métal.
Panneaux suivants : acrylique et sérigraphie sur toile
Pure, 1984
Premier panneau : acrylique et collage sur métal.
Panneaux suivants : acrylique et sérigraphie sur toile
Galerie 2 : La création d'un langage visuel
Au printemps 1984, Warhol déménage sa Factory du 860 Broadway à la 33° Rue. Le bail de l'ancien local courant encore, il bénéficie d'un espace vacant pour peindre. Le lieu devient l'atelier commun des deux artistes. L'après- midi, ils peignent ensemble presque quotidiennement. Cette fois, il ne s'agit plus de modifications ni de conversation mais bien d'un duo composant à quatre mains. Les toiles sont souvent commencées par Warhol, qui reprend à cette occasion les pinceaux qu'il avait délaissés depuis le milieu des années 1960 au profit de la sérigraphie. Aidé d'un système de projection, il prépare des fonds et des motifs qui accueilleront la peinture de Basquiat. Les échanges sont vifs et rapides. Basquiat peint parfois au sol tandis que les murs sont occupés par Warhol, qui veut maintenir le rythme.
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Fuck You, Dentures, 1984-1985, acrylique et encre sérigraphique sur toile
New Flame, 1985, acrylique, bâton d'huile et encre sérigraphique sur toile
China, 1984, acrylique et bâton d'huile sur toile
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Wax Figurine, 1984-1985, peinture polymère synthétique et encre sérigraphique sur toile
Untitled, 1984, acrylique, encre sérigraphique et bâton d'huile sur toile
Untitled (50 Dentures), 1984-1985, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Emeralds, 1984, acrylique et encre sérigraphique sur toile
1/2 Keep Frozen, 1984-1985, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Perishable, 1984, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Jean-Michel Basquiat - Andy Warhol :
Eiffel Tower, 1985, acrylique sur toile
Olympic Rings, 1985, acrylique et encre sérigraphique sur toile
Paramount, 1984, acrylique sur toile
China Paramount, 1984, acrylique, bâton d'huile et encre sérigraphique sur toile
Nous poursuivrons cette visite dans un prochain billet.
Sur les routes du comté de Vaudémont
Nous proposons au lecteur un aperçu des richesses découvertes au cours d'une promenade patrimoniale organisée le 10 juin dernier par la Société d'Émulation du département des Vosges, sous la houlette de son vice-président, notre ami Jean-Pierre Doyen.
Elle débutait dans la petite ville de Vézelise, avec son église Saint Côme et Saint Damien, construite entre 1428 et 1521, chef d'œuvre du gothique flamboyant lorrain.
Son clocher à la flèche torse si particulière, son chevet aux contreforts qui présentent une succession de larmiers.
Son grand portail de style renaissance, extrêmement ouvragé
Quelques détails des vantaux du portail
L'architecture intérieure, de la nef au chœur, présente une belle unité de style flamboyant. On aperçoit au fond un orgue, commandé en 1772 au facteur nancéien Georges Küttinger pour l'abbaye cistercienne de Beaupré, près de Lunéville et acheté en juin 1792 par le maire de Vézelise, ainsi que la tribune qui le soutient.
On trouve dans les bas-côtés des clés de voûte qui rappellent les corporations qui y avaient leurs chapelles : de haut en bas les bouchers, les bonnetiers, les cordonniers.
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Les vitraux du chœur forment un ensemble Renaissance unique, même s'ils ont subi quelques remaniements au cours des siècles.
Quelques scènes :
Sur la baie axiale n°0, un décor de putti dans le registre supérieur ; plus bas un registre avec Saint-Jean-Baptiste et la décollation de Sainte Barbe ; au registre en bas, le duc Antoine dit Le Bon, duc de Lorraine et de Bar de 1508 à 1544, et sainte Marguerite d'Antioche, sortant du dragon diabolique qui l'avait avalée.
Dans la baie n°1, un registre avec Sainte Barbe et Saint Roch, qui montre son bubon pesteux à la cuisse , un autre avec Saint Nicolas et un Christ au manteau.
En haut de la baie N°2, une nativité avec sur la droite une saynète en grisaille figurant l'appel aux bergers
Dans la baie n°3, une très belle fuite en Égypte, agrémentée d'une saynète du Miracle des Blés à gauche de la tête de Saint Joseph
Terminons avec trois registres de la baie n°6, où l'on remarquera, dans le registre le plus haut, à gauche la lactation de Saint Bernard de Clairvaux (*) et à droite l'Annonciation, et dans celui immédiatement inférieur Saint Pierre tenant une énorme clé avec le donateur Pierre Thélod et Sainte Marie-Madeleine avec la donatrice Madeleine Symier, épouse de Pierre Thélod,
(*) Saint Bernard demande à la Vierge de montrer qu'elle est mère. Celle-ci presse son sein et le filet de lait qui en sort se pose sur les lèvres du saint.
Un petit tour en ville : dans le prolongement même de l'hôtel de ville du XVIIIe siècle, de magnifiques halles en bois du XVIe siècle construites par Nicolas La Hière sous l'ordre de Charles III (ne pas confondre !) duc de Lorraine et de Bar de 1545 à 1608. L'animation du samedi matin montre qu'elles ont conservé leur fonction première.
Un chef d'œuvre de l'architecture de la Renaissance lorraine, malheureusement en mauvais état, l'hôtel que fit construire en 1546 François de Tavagny, jeune cavalcadeur milanais entré au service du duc Antoine de Lorraine après la bataille de Marignan et fait bailli du comté de Vaudémont, qu'on retrouvera plus loin dans ce billet.
Quelques détails
Quittons Vézelise avec un coup d'œil sur un hôtel du XVIIIe moins intéressant mais en bien meilleur état et qui nous rappelle la demeure de notre enfance...
et poursuivons avec quelques images des étapes suivante de ce beau circuit au pied de la Colline inspirée...
Ormes
Son église Saint-Rémi, avec son clocher-tour roman et son portail certes plus rustique que celui de Vézelise
Les saints de vantaux du portail ont été "décapités" à la Révolution, mais on a tenu à garder leur fonction décorative...
Des détails intéressants :
- Le plafond de la chapelle castrale - aujourd'hui sacristie - avec ses médaillons
- les stalles du XVIIIe siècle récupérées d'un couvent voisin
- un tableau classé de 1613, Notre-Dame des Ermites
- une vierge de piété de la deuxième moitié du XVIe siècle, peinte
- un beau Christ en croix du premier quart du XVIIe siècle, en bois peint
Forcelles Saint-Gorgon
L'église de la Conversion-de-Saint-Paul
Le chœur à deux travées, une droite voûtée d'ogives et une voûtée en cul-de-four, l'abside polygonale à cinq pans, et le clocher datent du XIIe siècle ; la nef est du XVIe siècle ; le clocher fut restauré en 1725.
La nef, même modeste, est encore un bel exemple de gothique flamboyant lorrain.
Le chœur, même avec ses couleurs un peu criardes, est d'un beau roman, notamment les chapiteaux ornés de palmettes.
Château d'Étreval
"Afin de s’y réfugier en temps de peste", François de Tavagny, dont nous avons parlé plus haut à propos de son hôtel à Vézelise, avait fait bâtir dès 1532 deux corps de logis (au Nord et à l’Ouest) dans un ouvrage plus ancien datant probablement de la fin du XVème.
Sa façade Renaissance est d'une grande harmonie
Quelques détails où on retrouve les gargouilles de l'hôtel de Tavagny à Vézelise - du moins celles qui ont survécu...
Sur le côté, on aperçoit une des tours de la façade Nord, austère et à caractère défensif. Cette façade fait l'objet d'une campagne de restauration supportée par la Fondation du Patrimoine : n'hésitez pas à soutenir ce beau projet et la famille Martin qui conserve ce joyau du patrimoine lorrain depuis 1841.
Puxe
Ici encore, une église romane lorraine, remaniée à l'époque du gothique flamboyant.
Très beau portail roman, au tympan curieusement orné, avec des chapiteaux très ouvragés malgré leur état assez dégradé.
Belle nef gothique flamboyante, que les statues saint-sulpiciennes et les suspensions "modernes" peinent à enlaidir, et beau chœur roman (du moins à la base)
Les décorations romanes de la partie inférieure du chœur sont particulièrement élégantes.
Fin et point d'orgue de cette belle journée, Battigny
Son église Saint-Germain, baignée par la lumière du soleil couchant, domine le village et la plaine, avec la colline de Sion-Vaudémont en arrière-plan.
De beaux décors romans courent encore le long des murs de la nef
Mais c'est surtout les peintures murales du XVIe siècle qui retiennent l'attention. Sur la face nord de le nef, Le Dit des trois Morts et des trois Vifs (on voit surtout les vifs !)
Saint Côme et Saint Damien
Une Annonciation
Saint Nicolas et Saint Éloi
Et pour conclure ce billet, l'ensemble figurant sur la voûte du chœur :
Les quatre évangélistes dans trois des intrados :
Luc et Marc
Jean
Mathieu
et dans celui du fond, un Christ en majesté.
Manet / Degas au musée d'Orsay
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Nous n'avons pas encore rendu compte de la grande exposition de ce printemps au musée d'Orsay. Très riche, son parcours complexe est annoncé dès l'entrée :
Rapprocher Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917), c'est chercher à comprendre l'un à partir de l'autre, en examinant autant leurs ressemblances que leurs différences, voire leurs divergences. Acteurs essentiels de la « Nouvelle Peinture » des années 1860-1880, ils ont bien des points communs : sujets et options stylistiques, lieux de vie ou d'exposition, marchands et collectionneurs sur lesquels ils appuient leurs carrières. La biographie signale d'autres proximités, depuis le cercle de Berthe Morisot et l'expérience de la guerre de 1870-1871, jusqu'à la Nouvelle-Athènes, ce café de la place Pigalle, lieu de discussions et d'apaisement de tensions. Car disputes il y eut. Les choix de carrière de Manet s'opposent à la logique collective de l'impressionnisme. Degas lui-même, s'il croit à la force collective, se garde de peindre comme Claude Monet. En éclairant les contrastes entre Manet et Degas, cette exposition oblige à porter un nouveau regard sur la complicité et la durable rivalité de ces deux créateurs.
Nous en donnons un aperçu.
Deux autoportraits :
-Degas : Portrait de l'artiste, 1855, huile sur toile (vers 20 ans)
- Manet : Autoportrait à la palette, vers 1878-1879, huile sur toile (vers 45 ans)
Les familles des artistes sont évoquées au début du parcours : assez succinctement pour Degas, avec deux toiles de l'artiste représentant son grand-père banquier :
Hilaire Degas, 1857, huile sur toile
et son père lui aussi banquier, en compagnie d'un guitariste et chanteur :
Lorenzo Pagans et Auguste De Gas, 1871-1872, huile sur toile
Pour Manet, c'est un peu plus complexe : son père, haut-fonctionnaire et magistrat, et sa mère dans deux tableaux :
Portrait de M. et Mme M., 1860, huile sur toile
Portrait de Mme Manet mère, 1863, huile sur toile
et son épouse, née Suzanne Leenhoff (1830-1906), talentueuse musicienne qu'il avait rencontrée alors qu'elle enseignait le piano à ses jeunes frères.
Manet n'a épousé Suzanne Leenhoff qu'après la mort de son père en 1864. Le modèle du tableau suivant est Léon, né en 1852, présenté par convenance comme le jeune frère de Suzanne, et dont on ne sait pas exactement s'il était le fils de Manet ou de son père...
Édouard Manet :
Tête de femme (Suzanne Leenhoff) de profil à droite, vers 1859-1861, sanguine, traces de craie noire sur papier
Madame Manet au piano, vers 1868-1869, huile sur toile
Les Bulles de savon, 1867, huile sur toile
La plus belle partie de l'exposition, à notre sens, présente en regard de célèbres tableaux des deux artistes, qu'on prend plaisir à voir - et surtout à revoir - dans ce contexte. Au centre de cette section, d'Édouard Manet :
Olympia, 1863-65, huile sur toile
Olympia peut se lire comme l'apothéose insolente d'une prostituée, qui prend la pose des nudités de la Renaissance. Lors du Salon de 1865, à peu d'exceptions, un cri d'horreur accueille le tableau et son double crime : il aborde le monde du sexe tarifé ; aucun artifice de représentation, aucune fable ne vient masquer la crudité érotique. Aux innombrables Vénus du Salon, protégées par leurs corps asexués, Manet substitue l'apparition d'une « invisible » au corps sacrilège et au regard souverain.
Edgar Degas :
Sémiramis construisant Babylone, 1861, huile sur toile
Scène de guerre au moyen âge [dit à tort Les Malheurs de la ville d'Orléans], vers 1865, peinture à l'huile et à l'essence sur papier marouflé sur toile
Portrait de Mlle Eugénie Fiocre ; à propos du ballet « La Source », 1867-1868, huile sur toile
Édouard Manet :
Le Christ aux anges, 1864, huile sur toile
La Pêche, vers 1862-1863, huile sur toile
Le Chanteur espagnol [dit aussi Espagnol jouant de la guitare], 1860, huile sur toile
Edgar Degas :
Portrait de famille [dit aussi La Famille Bellelli], 1858-1869, huile sur toile
Mme Lisle et Mme Loubens, 1866-1870, huile sur toile
Lola de Valence, 1862, huile sur toile
Édouard Manet :
La Femme au perroquet, 1866, huile sur toile
La Lecture, vers 1866 (sans doute repris vers 1873), huile sur toile
Edgar Degas :
Femme sur une terrasse [dit aussi Femme aux Ibis], 1857-1858, retravaillé par l'artiste ensuite (vers 1866-1868 ?), huile sur toile
Femme accoudée près d'un vase de fleurs (Madame Paul Valpinçon ?), 1865, huile sur toile
Édouard Manet :
Portrait de Zacharie Astruc, 1866, huile sur toile
Portrait de M. Émile Zola, 1868, huile sur toile
Edgar Degas :
Edmond et Thérèse Morbilli, vers 1865, huile sur toile
L'Amateur d'estampes, 1866, huile sur toile
Portrait du peintre James Tissot, vers 1867-1868, huile sur toile
Une section est intitulée Le cercle Morisot
Le salon que les parents de Berthe Morisot ouvrent aux artistes, musiciens et écrivains, sous le Second Empire, est un foyer de modernité. Femmes et hommes y parlent d'art ou de politique sur un pied d'égalité. Les divergences esthétiques s'effacent devant le plaisir d'en discuter. Berthe et sa sœur Edma, formées à la peinture et dotées d'un atelier familial, débutent au Salon en 1864. Mais c'est la fréquentation de Fantin-Latour, puis de Manet et Degas, qui pousse la première à sauter le pas et à entamer une véritable carrière, fût-elle contrainte par les règles sociales du temps.
Edgar Degas :
Eugène Manet, 1874, huile sur toile
Madame Yves Gobillard, née Morisot, 1869, huile sur toile
Édouard Manet :
Le Repos, vers 1871, huile sur toile
Portrait de Berthe Morisot étendue, 1873, huile sur toile
Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872, huile sur toile
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Aux courses.
L'essor des courses hippiques venues d'Angleterre rejoint les aspirations de la modernité parisienne des années 1860 : éclat social, intérêt d'argent, compétition sportive, expérience de la vitesse. Toute une imagerie de presse répète les mêmes scènes et effets - galop volant et foule en émoi. Plus que la cavalcade, Degas dépeint le moment qui précède le départ, la danse des montures, le frisson lumineux sur leur robe, souligne le délié des pattes. Manet, lui, n'est que galop, explosion visuelle, temps accéléré. [ci - contre Edgar Degas : Édouard Manet aux courses, vers 1868, mine graphite et fusain sur papier]
En regard l'un de l'autre :
Degas : Scène de steeple-chase [dit aussi Aux courses, le jockey blessé], 1866 (retravaillé en 1880-1881 et 1897), huile sur toile
Manet : L'Homme mort [dit aussi Le Torero mort], 1864, huile sur toile
Édouard Manet :
Courses à Longchamp, 1866, huile sur toile
Les Courses au bois de Boulogne, 1872, huile sur toile
Edgar Degas :
Aux courses (Jockeys amateurs (près d'une voiture), 1876-1887, huile sur toile
Le Faux Départ, 1869-1872, huile sur bois
Chevaux de course, devant les tribunes, 1866-1868, huile sur papier marouflé sur toile
Dans la section D'une guerre à l'autre, quelques œuvres de Manet évoquent la période de la guerre de 1870 et de la Commune :
La Barricade, 1871, pointe d'argent, encre noire, aquarelle, gouache sur papier
La Barricade, 1871, lithographie sur chine collé, tirage de 1884
Guerre civile, 1871-1973, lithographie sur chine collé
La Queue devant la boucherie, vers 1870-1871, eau-forte, 1er état
Deux toiles où Manet évoque un épisode de la guerre de Sécession survenu au large de Cherbourg :
Le combat du "Kerseage" et de l'"Alabama", 1964, huile sur toile
Le "Kerseage" à Boulogne, 1964, huile sur toile
Quelques tableaux de Degas évoquent son séjour à la Nouvelle-Orléans, où il avait de la famille dans l'industrie.
Portraits dans un bureau (Nouvelle-Orléans) [dit aussi Un bureau de coton à La Nouvelle-Orléans], 1873, huile sur toile
Cour d'une maison (Nouvelle-Orléans, esquisse), 1873, huile sur toile
Impressionnismes
L'histoire de l'impressionnisme est riche d'un amusant chassé-croisé: Manet s'est tenu à distance du mouvement dissident, alors même que sa peinture semble évoluer vers plus de clarté et de vivacité. Inversement, Degas prend la tête du groupe sans conformer sa peinture à l'esthétique de Claude Monet et Auguste Renoir. Pour autant, Degas et Manet n'ignorent pas la poussée d'un «paysagisme de plein air » reposant sur l'unité du motif et la mobilité de la perception. Marines et scènes de plage les retiennent autour de 1870.
« Rendre son impression » apparaît comme une nécessité à Manet, mais comme Degas, il forge un impressionnisme à part.
Les toiles de cette section sont pour la plupart de Manet :
Enfants aux Tuileries, vers 1861-1862, huile sur toile
La Famille Monet au jardin, 1874, huile sur toile
En bateau, 1874, huile sur toile
Bateaux en mer. Soleil couchant, vers 1868, huile sur toile
Sur la plage de Boulogne, 1868, huile sur toile
Edgar Degas :
Bains de mer. Petite fille peignée par sa bonne, 1869-1870, huile sur toile
Au bord de la mer, 1869, pastel sur papier
Réseaux croisés
Peintre savant et lettré, Manet a fréquenté Charles Baudelaire, Émile Zola et Stéphane Mallarmé, et les a portraiturés. Plus il prétend à l'indépendance vis-à-vis des institutions, plus il doit se lier avec les intermédiaires du marché de l'art et de la presse pour obtenir une médiation publicitaire. N'entend-il pas exposer au Salon jusqu'à sa mort, sous tous les régimes et tous les jurys?
Degas fait moins étalage de ses goûts et de ses relations littéraires avant les années 1870. Pour les remercier de leur soutien, il livre des portraits mordants d'Edmond Duranty ou de Diego Martelli, critiques d'art.
Édouard Manet :
L'Artiste (Portrait de Marcellin Desboutin), 1875, huile sur toile
George Moore au café, 1878 ou 1879, huile sur toile
Portrait de Stéphane Mallarmé, 1876, huile sur toile
Edgar Degas :
Portrait de M. Diego Martelli, 1879, huile sur toile
Marcellin Desboutin et Ludovic Lepic, 1876-1877, huile sur toile
Mary Cassatt au musée du Louvre, 1885, pastel sur eau-forte, aquatinte, pointe sèche et crayon
Edmond Duranty (1834-1917), 1879, crayon Conté rehaussé de craie blanche sur papier
Parisiennes
Manet et Degas sont très attachés à Paris. À travers des figures de Parisiennes se noue un dialogue étroit entre les deux artistes, dont les sujets et l'approche font écho aux romans naturalistes des frères Goncourt ou de Zola. Dans la « Nouvelle Peinture » de Manet et Degas, la représentation des femmes de différentes catégories sociales, évoquant la vie moderne, joue un rôle déterminant. Autour de sujets semblables, ils cherchent à insuffler à leurs œuvres, posées et exécutées en atelier, la spontanéité de scènes prises sur le vif.
Edgar Degas :
Blanchisseuse (silhouette), 1873, huile sur toile
Repasseuses, 1884-1886, huile sur toile
La Chanteuse du café-concert [dit aussi Au café des Ambassadeurs], 1885, pastel sur gravure à l'eau-forte
Femmes devant un café, le soir, 1877, pastel sur monotype
Madame Jeantaud devant un miroir, vers 1875, huile sur toile
Deux autres œuvres de Degas, pour lesquelles on trouvera ensuite deux Manet assez similaires...
Dans un café [dit aussi L'Absinthe], 1875-1876, huile sur toile
Chez la modiste, 1879-1886, huile sur toile
Édouard Manet :
La Prune, vers 1877, huile sur toile
Chez la modiste, 1881, huile sur toile
La Serveuse de bocks, 1878-1879, huile sur toile
Pour l'anecdote, les commissaires américains de l'exposition, qui sera présentée au MOMA à New-York à partir de septembre 2023, ont choisi pour leur affiche non pas Femme aux ibis et Portrait de Berthe Morizot étendue comme leurs collègues français, mais L'Absinthe et La Prune...
Masculin-féminin
Les relations avec les femmes distinguent Manet et Degas. Décrit comme un séducteur, Manet n'est jamais aussi à l'aise qu'en compagnie féminine. À l'inverse, la vie de Degas « fut toujours mystérieuse au point de vue sentimental ». Ces différences de tempérament se retrouvent en partie dans leurs œuvres : tandis que Manet dépeint des femmes dont la pose et le regard traduisent l'assurance, les relations entre hommes et femmes semblent chez Degas presque toujours troublées ou déséquilibrées.
Édouard Manet :
La Leçon de musique, 1870, huile sur toile
Nana, 1877, hulle sur toile
Edgar Degas :
Violoniste et jeune femme (Raoul Madier de Montjau et sa femme, la cantatrice Émilie Fursch-Madier), vers 1871, huile et crayon sur toile
Bouderie, vers 1870, huile sur toile
Intérieur [dit aussi Le Viol], 1868-1869, huile sur toile
Terminons avec la section Du nu
Depuis la Renaissance et la réappropriation de l'héritage gréco-romain, le nu jouissait d'un rôle central dans l'apprentissage des arts du dessin. La théorie dite « classique » fait du corps idéalisé, plus ou moins sensuel, le canon de son esthétique et de son enseignement. Contester ce principe revenait à renverser tout un ordre de valeurs. Romantiques, comme Delacroix, et réalistes, comme Courbet, s'y emploient au début du XIXe siècle, avant que la photographie et la Nouvelle Peinture ne dissolvent les canons de beauté. D'Olympia aux « baigneuses en chambre » de Degas, la nudité féminine affiche une vérité aussi engageante que dérangeante.
Édouard Manet :
Femme dans un tub, 1878, pastel sur toile
Étude de nu assis (La Toilette ou Après le bain), 1858-1860, craie rouge sur papier
Étude de femme nue étendue, tournée vers la droite, vers 1862-1863, sanguine sur papier
Femme en costume oriental étendue sur un lit, vers 1862-1868, aquarelle et encre de Chine avec rehauts de gouache sur papier
Edgar Degas :
Femme nue debout, bras levé (étude pour Scène de guerre au Moyen Âge), 1864-1865, crayon noir et estompe sur papier
Admiration, vers 1877-1880, monotype rehaussé de pastel
Femme nue accroupie, de dos, vers 1876, pastel sur monotype
Le Tub, 1886, pastel sur carton
Images du Val de Loire
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Entre deux expositions, quelques images d'un long week-end dans le Val-de-Loire, en commençant par Beaugency et son pont aux 23 arches, long de 460 mètres, dont les éléments les plus anciens remontent au XIVe siècle.
Son donjon, dit Tour César, emmotté à l'origine et ceint d'une chemise, édifié par Lancelin 1er, seigneur de Beaugency, entre 1015 et 1030 avec 3 niveaux...
et l'église Notre-Dame, ancienne abbatiale construite au XIIe siècle et restaurée en 1642, avec son chevet roman et sa belle gloire presque dissimulée au fond d'un des bas-côtés.
Le bourg de Montlivault, avec son église Saint-Pierre du XIIe siècle, avec un clocher du XVe autrefois fortifié...
et son château construit vers 1610 par Jacques Lemaire , trésorier des menus plaisirs du roi Henri IV. Un petit pont surplombe la rue pour rejoindre la partie sud du parc.
Sur la rive opposée du fleuve, le château de Ménard, construit au XVIIe siècle, remanié au XVIIIe notamment lorsqu'il a appartenu à Mme de Pompadour qui y a fait intervenir l'architecte Gabriel. Jacques-Germain Soufflot y est aussi intervenu, lorsque le château est passé entre les mains du frère de la marquise de Pompadour. Ce domaine très beau, mais aussi véritable gouffre financier, a souvent changé de mains depuis, la dernière fois en 2022.
En nous éloignant un peu des bords de Loire sur la rive gauche, un regard sur le château de Fougères-sur-Bièvre, au coeur du bourg, demeure seigneuriale de la fin de l'époque gothique très peu remaniée. De la première construction en date du XIe siècle, ne reste que le donjon. Il fut reconstruit de 1475 à 1483 et constitue un bel ensemble.
La courtine d'entrée est une imposante porte fortifiée prise entre deux tours rondes.
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En s'éloignant encore un peu plus du fleuve, cette fois sur le rive droite, poussons jusqu'à Sargé-sur-Braye, au coeur du pays du Roussard.
Le grès roussard est un grès grossier à ciment ferrugineux issu de la cimentation des Sables du Maine après le retrait de la mer à la fin du Crétacé. Sa couleur caractéristique marque les bâtiments de cette petite zone située autour de Mondoubleau (Loir-et-Cher) et leur donne une touche particulière.
Sargé-sur-Braye comporte deux belles églises : l'église Saint-Cyr (XIIe-XVIe siècle) avec un cadran solaire sur la façade un campanile au curieux jaquemard, et des contreforts en grès roussard.
Mais c'est surtout la petite église Saint-Martin qui va retenir notre attention : le village était divisé en deux paroisses bien distinctes, du moins jusqu'à la Révolution française : Saint-Cyr, sur la rive gauche s'étendait sur le bourg lui même. Saint-Martin, dont l'église est pourtant bâtie coté bourg, administrait la campagne.
De son origine carolingienne, Saint-Martin n'a conservé qu'un reste de mur au nord-est et la moitié d'une étroite fenêtre. L'édifice roman du Xle siècle a lui-même été remanié et agrandi au Xlle. La façade s'orne d'une grande et belle fenêtre percée au XVe siècle et d'un charmant caquetoire plus récent.
L'intérieur du sanctuaire, d'architecture très simple, abrite des fresques de la fin du XIVe siècle, début du XVe. S'y tient une intéressante exposition sur le "Pays du Roussard".
La nef est couverte d'un lambris à entraits et poinçons apparents et sculptés qui a conservé sa décoration peinte d'arabesques
Peint sur la voûte du chœur, un Christ en majesté, et un calendrier naïf remarquable, évoquant "les travaux et les jours" de cette époque.
Janvier à Juin
Juillet à Décembre
Quelques autre images du Pays du Roussard :
- les contreforts de l'église Saint-Germain de Rahay
- la façade de l'église Saint-Médard de Saint-Marc du Cor
- le château de Baillou, avec les chaînages et les encadrements en roussard de son aile droite
et toujours à Baillou, l'église Saint-Jean-Baptiste
et son beau portail Renaissance
Terminons en revenant sur les rives de la Loire, à Amboise, où le château royal semble veiller sur le fleuve.