Gilles Aillaud, animal politique
Encore une exposition au Centre Pompidou qui nous permet de découvrir un artiste hors des courants, Gilles Aillaud (1928-2005).
Faute d'avoir pu être philosophe, Gilles Aillaud est devenu peintre. De sa première formation, sa peinture a hérité une nature hybride, l'équivalent de ce que la tradition chinoise nommait une peinture lettrée. Ses représentations des parcs zoologiques sont contemporaines de Surveiller et punir de Michel Foucault (1975) et de La Société du spectacle de Guy Debord (1967), en lesquels se résumaient les questions que sa génération adressait aux formes du pouvoir et à l'artificialisation du monde.
Plutôt que de peindre une philosophie, Aillaud s'applique à « peindre philosophiquement ». Laissant croire qu'il représentait des animaux, c'est notre relation à la nature qui s'impose comme seul et véritable sujet. Loin des villes et de leur « jungle » de béton, Aillaud retrouve en Afrique une nature dont les animaux dupliquent couleurs et contours jusqu'à disparaître en elle. Avec les moyens de son art, il s'efforce d'atteindre cet « effacement ». Son respect religieux du réel, son « humilité » technique donnent forme au songe d'une réconciliation, loin, au plus loin de tout projet de « maîtrise » et de « possession » du monde.
Vol d'oiseaux, 2000, huile sur toile
Oiseaux du lac Nakuru, 1990, huile sur toile
Éléphant après la pluie, 1991, huile sur toile
Girafes, 1989, huile sur toile
Rhinocéros, 1979, huile sur toile
Cage aux lions, 1967, huile sur toile
Grille et grillage, 1971, huile sur toile
Orang-outang, 1967, huile sur toile
Désert nocturne, 1976, huile sur toile
Trous dans la nuit (Chiens de prairie), 1976, huile sur toile
Mangouste nuit rouge, 1976, huile sur toile
Rhinocéros de dos, 1966, huile sur toile
Rhinocéros, 1972, huile sur toile
Éléphants et clous, 1970, huile sur toile
Intérieur et hippopotame, 1970, huile sur toile
Intérieur vert, 1964, huile sur toile
Un an après son accession à la Présidence du très politique Salon de la Jeune Peinture, Gilles Aillaud et les membres du comité du Salon décident de tourner en dérision la couleur fétiche des peintres paysagistes qui y exposent majoritairement jusqu'alors. Leur « hommage au vert » prend la forme de tableaux monochromatiques d'un format uniforme de 2 x 2 mètres.
Otarie et jet d'eau, 1971, huile sur toile
Otarie endormie, 1965, huile sur toile
Eau et crocodile, 1971, acrylique sur toile
Python et tuyau, 1970, huile sur toile
Serpent dans l'eau, 1967, huile sur toile
Nuit vivarium, serpent, crapauds, 1972, huile sur toile
Python, 1975, huile sur toile
Ibis, 1987, huile sur toile
Les Pingouins, 1972, huile sur toile
Perroquets, 1974, huile sur toile
Le Judas (mur jaune), 1969, huile sur toile
La Fosse, 1969, huile sur toile
Piscine vide, 1974, huile sur toile
Intérieur jaune et bûches, 1973, huile sur toile
Panthères, 1977, huile sur toile
L'Arbre aux singes, 1980, huile sur toile
Fourmiliers, 1967, huile sur toile
Tuyau et porcs-épics, 1976, huile sur toile
Ours noir, 1982, huile sur toile
Les deux seules toiles de l'exposition avec des figures humaines :
Réalité quotidienne des travailleurs de la mine (Fouquières-lès-Lens) n°6, 1971, huile sur toile
Cette toile est inspirée par la catastrophe minière de Fourquières-lès-Lens, lorsque le 4 février 1970 un coup de grisou tue 16 mineurs dans la fosse 6. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux collectifs et politiques des protagonistes de la Jeune Peinture, mouvement où Gilles Aillaud était actif.
La Bataille du riz, 1968, huile sur toile
Dans la suite des événements de Mai 1968, pour manifester son opposition à l'« impérialisme américain », le 19e Salon de la Jeune peinture consacre une « salle rouge » à « la lutte victorieuse du peuple vietnamien ». Gilles Aillaud y présente la Bataille du riz, directement inspiré d'une photographie de la propagande vietnamienne. Il donne à son tableau un titre inspiré d'une citation de Pham Van Dong, Premier ministre de la République démocratique du Vietnam : « Il faut se battre pour préserver la production et il faut produire pour assurer la victoire au combat».
En prélude à un des grands ouvrages de Gilles Aillaud, L'encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux, une photo de l'auteur à dix ans, et des cahiers de la même époque où sa vocation s'affichait déjà...
En conclusion de ce billet :
L'ENCYCLOPEDIE DE TOUS LES ANIMAUX
Y COMPRIS LES MINERAUX
1988-2000
En 1988, Gilles Aillaud et l'éditeur Franck Bordas initient un vaste projet d'encyclopédie des animaux, clin d'œil au Comte de Buffon, intendant du Jardin du roi devenu Jardin des plantes où le jeune Aillaud a dessiné ses premiers animaux, et auteur, entre 1749 et 1789, d'une Histoire naturelle, générale et particulière en 36 volumes. Pour le second volume, réalisé au Kenya, Bordas crée pour Gilles Aillaud un véritable atelier de campagne, installant au cœur de la savane ses pierres lithographiques. Chaque jour, le peintre conçoit une image consacrée à un animal. L'écrivain Jean-Christophe Bailly qui les accompagne compose sur sa machine à écrire un texte pour chacune des lithographies. Deux autres recueils seront publiés en 1990 et 2000.
Jardin des serres d'Auteuil
Pour la trêve des confiseurs, entre deux expositions, un billet surtout photographique pour évoquer un jardin qui même en hiver offre au visiteur de belles scènes colorées et un dépaysement certain.
Comme l'indique le site de la ville de Paris, le jardin des Serres-d'Auteuil propose aux visiteurs un voyage insolite à travers l'espace et le temps. Il réunit tout à la fois l'élégance d'un jardin régulier, le charme d'une architecture de la fin du XIXe siècle, l'exotisme des plantes tropicales originaires de pays lointains et la richesse végétale d'un jardin botanique. Il fait partie, avec le parc de Bagatelle , le Parc Floral et l'Arboretum, du Jardin Botanique de Paris.
En entrant du côté de l'Orangerie, à proximité du stade Rolland-Garros,
on arrive aux serres "historiques", et notamment à la grande serre, la plus spectaculaire.
À l'intérieur, de vastes espaces de promenade (au chaud!)...
On y trouve une pièce d'eau très animée...
et une volière non moins peuplée.
Au hasard de la promenade...
Les autres serres historiques...
sont constituées de couloirs sur lesquels donnent des "chapelles" :
Au hasard des chapelles...
Les serres historiques sont réparties autour d'un jardin à la française...
Au hasard des jardins...
Le jardin a aussi permis au stade Roland-Garros de s'agrandir avec un court semi-enterré de 5000 places, le Simonne-Mathieu :
Le court est entouré sur ses quatre côtés de serres "modernes", moins pittoresques que les serres historiques, mais qui présentent d'aussi belles plantes, sur lesquelles nous terminerons ce billet.
Louis Janmot : Le Poème de l'âme
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Exposition un peu atypique au musée d'Orsay, consacrée à l'oeuvre d'un artiste sans doute inconnu de bien de nos lecteurs - et de l'auteur!
Commencé à Rome en 1835 et poursuivi jusqu’en 1881, Le Poème de l’âme est le grand œuvre de l’artiste lyonnais Louis Janmot (1814-1892), à la fois pictural et littéraire. Il illustre en 34 compositions accompagnées d’un long poème le parcours initiatique d’une âme sur la Terre. Formé de deux cycles respectivement composés de 18 peintures et de 16 grands dessins, il fut qualifié par Henri Focillon, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon de 1913 à 1924, « d’ensemble le plus remarquable, le plus cohérent et le plus étrange du spiritualisme romantique ».
Nous nous contenterons de son aspect graphique : tout au long de l'exposition, les alexandrins du poème, diffusés en sourdine par des enceintes, rythment la visite. Dans des cabinets attenant aux salles présentant les 34 compositions, des œuvres de Janmot et d'autres artistes en proposent un contexte.
Quelques éléments de contexte au début de l'exposition :
Louis Janmot :
La Famille de l'artiste, 1868, crayon graphite et rehauts de craie blanche sur papier
Autoportrait, 1832, huile sur toile
Eugène Delacroix (1798-1863) :
Faust cherchant à séduire Marguerite
L'Ombre de Marguerite apparaissant à Faust
1827, lithographies sur vélin
Paul Chenavard (1807-1895) : La Philosophie chrétienne, étude d'ensemble pour Divina Tragedia, vers 1865-1869, plume, encre brune et noire, lavis brun et peinture sur carton
Premier cycle
Les vingt années d’élaboration du premier cycle du Poème de l’âme auraient pu donner lieu à un ensemble stylistiquement très disparate. Il se dégage pourtant de cette série de dix-huit tableaux une grande cohérence visuelle. Les fonds évoquent des décors de théâtre devant lesquels les personnages se déplacent latéralement, comme sur une scène, renforçant de la sorte l’impression de continuité. Le peintre-poète raconte ainsi le parcours initiatique d’une âme, sous les traits d’un jeune garçon vêtu de rose que l’on voit grandir et évoluer de tableau en tableau. Sa quête existentielle passe par la rencontre avec son âme sœur – une jeune fille vêtue de blanc – qui, comme lui, aspire au ciel, à la pureté et à l’harmonie. On suit les étapes et les vicissitudes de leur parcours : naissance, petite enfance, éducation, amours naissantes et rêve d’idéal. L’apparente quiétude de cette première série, en contraste avec la seconde, est souvent contredite par des détails nichés dans les œuvres ainsi que par les poèmes en vers qui soulignent à chaque étape le caractère tragique du destin de l’âme.
I. Génération divine, vers 1844-1845, huile sur toile
II. Le Passage des âmes, vers 1838-1845, huile sur toile
III. L'Ange et la mère, vers 1836-1847, huile sur toile
IV. Le Printemps, vers 1850, huile sur toile
En contexte :
Maurice Denis (1870-1943) : L'Histoire de Psyché : enlèvement de Psyché, esquisse pour la décoration du salon de musique d'Ivan Morozov à Moscou, 1909, huile sur toile
Benjamin Spence (1822-1866) : Le Murmure de l'ange, vers 1857, marbre
Louis Janmot : Le Père Lacordaire, 1846, huile sur toile
William Blake (1757-1827) : Le Cercle des luxurieux, illustration pour la Divine Comédie de Dante, 1827, eau-forte et burin
V. Souvenir du ciel, vers 1835-1847, huile sur toile
VI. Le Toit paternel, vers 1848-1849, huile et tracé au crayon graphite sur toile
VII. Le Mauvais Sentier, 1850, huile et tracé au crayon graphite sur toile
VIII. Cauchemar, vers 1849-1850, huile et tracé au crayon graphite sur toile
IX. Le Grain de blé, 1851, huile sur toile
X. Première communion, 1850, huile et tracé au crayon graphite sur toile
XI. Virginitas, vers 1849-1852, huile sur toile
XII. L'Échelle d'or, 1850-1851, huile et tracé au crayon graphite sur toile
XIII. Rayons de soleil, vers 1854, huile sur toile
En contexte :
Alexandre Séon (1855-1917) : Le Récit, vers 1912, huile sur toile
Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) : La Vierge adorant l'hostie, 1854, huile sur toile
Louis Janmot : La Sainte Famille, 1844-1867, huile sur bois et La Ronde, première version pour Rayons de soleil, vers 1844, huile sur toile
Edward Burne-Jones (1833-1898) :
L'Archange Chamuel, étude pour le décor de l'église San Paolo dentro le Mura à Rome, vers 1883-1884, plume et encre noire sur tracé au crayon graphite, aquarelle, gouache, pastel et rehauts d'or au pinceau sur carton
Princesse Sabra, 1865, huile sur toile
Joseph Fabisch (1812-1886) : Beatrix, 1854, marbre
XIV. Sur la montagne, vers 1851-1852, huile sur toile
XV. Un Soir, vers 1851-1852, huile sur toile
XVI. Le Vol de l'âme, vers 1852, huile sur toile
XVII. L'Idéal, vers 1850-1853, huile sur toile
XVIII. Réalité, vers 1851, huile sur toile
Second cycle
Pour le second cycle du Poème de l’âme, Janmot abandonne la peinture pour le dessin. Le fusain est associé à des rehauts colorés, sur des feuilles de dimensions similaires à celles des tableaux. L’atmosphère est plus sombre, ce qui est renforcé par le médium. Marqué par la perte de la femme qu’il aimait, le jeune homme affronte le désespoir. Il cherche une issue dans les plaisirs, cède à la tentation et au doute mais ne trouve que la souffrance. Une fin heureuse, mais ambiguë, marque l’aboutissement de ce parcours initiatique: il retrouve au ciel sa bien-aimée. Le ton pessimiste fait écho aux épreuves que Janmot rencontre lui-même dans sa vie personnelle. La tonalité est également plus politique, en phase avec l’évolution conservatrice des milieux catholiques des années 1860-1870.
I. Solitude, 1861, fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige
II. L'Infini, 1861, fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige
III. Rêve de feu, 1861, fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige
IV. Amour, vers 1856-1861, fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige
V. Adieu, 1861, fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige
VI. Le Doute, 1861, fusain sur papier beige
VII. L'Esprit du mal, vers 1859-1861, fusain sur papier beige
VIII. L'Orgie, 1861, fusain, pierre noire, crayon graphite, rehauts de craie blanche et estompe sur papier beige
En contexte :
Joseph Guichard (1806-1880) : La Mauvaise Pensée, 1832, huile sur toile
Salvador Dali (1904-1989) : L'Ange de la mélancolie, illustration pour Aurélia de Gérard de Nerval, 1972, pointe sèche et eau-forte en couleurs
Odilon Redon (1840-1916) : Les Yeux clos, 1890, huile sur toile marouflée sur carton
Georges de Feure (1868-1943) : L'Abîme, 1893-1894, huile sur bois
Florentin Servan (1811-1879) : Madeleine au désert, 1852, huile sur toile
Paul Flandrin (1811-1902) : Pins maritimes à la villa Pamphilj, vers 1837, huile sur papier marouflé sur toile
Louis Janmot : Le Supplice de Mézence, 1865, huile sur toile
IX. Sans Dieu, vers 1866-1867, fusain et rehauts de gouache blanche et rose sur papier
X. Le Fantôme, 1867, fusain, lavis noir, rehauts de craie blanche et estompe sur papier bleu
XI. Chute fatale, vers 1871-1872, fusain, pierre noire, estompe, rehauts de craie blanche et de pastel sec et lavis noir sur papier bleu
XII. Le Supplice de Mézence, vers 1865-1877, fusain, rehauts de craie blanche, pastel et lavis noir sur papier bleu
Terminons ce billet avec les quatre derniers tableaux de cette seconde série :
XIII. Les Générations du mal, vers 1877-1879, fusain, pierre noire, estompe,
rehauts de craie blanche et pastel sec sur papier rose
XIV. Intercession maternelle, vers 1878-1879, fusain, pierre noire, lavis noir, rehauts de craie blanche et pastel sec sur papier rose
XV. La Délivrance ou Vision de l'avenir, 1872, fusain, pierre noire, rehauts
de craie blanche et pastel sur papier bleu avec mise au carreau
XVI. Sursum corda!, 1879, fusain, pierre noire, craie blanche et pastel sur papier rose
Azzedine Alaïa, couturier collectionneur
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Dix ans après la grande rétrospective consacrée au couturier au Palais Galliera, Azzedine Alaïa (1935-2017) est de nouveau mis en lumière à travers une exposition qui présente, pour la première fois, sa collection patrimoniale exceptionnelle qu’il a réunie au fil du temps.
Azzedine Alaïa était un grand virtuose de la coupe. Sa technicité lui venait de la profonde admiration qu’il avait pour les couturiers du passé et d’une longue pratique acquise auprès de ses clientes qu’il a habilement servies.
Alaïa était aussi un remarquable collectionneur. Il débute sa collection en 1968, à la fermeture de la maison Balenciaga dont il récupère de précieuses pièces. Captivé par l’étude des créations haute couture du maître espagnol, il développe, dès lors, une passion pour l’histoire de sa propre discipline.
Alaïa a réuni plus de 20 000 pièces témoins de l’art de ses prédécesseurs, depuis la naissance de la haute couture à la fin du XIXe siècle jusqu’à certains de ses contemporains. Il est ainsi le plus grand collectionneur de pièces de couturiers parmi les plus prestigieux : Worth, Jeanne Lanvin, Jean Patou, Cristóbal Balenciaga, Madame Grès, Paul Poiret, Gabrielle Chanel, Madeleine Vionnet, Elsa Schiaparelli, ou encore Christian Dior... Réunissant près de 140 pièces parmi les plus exceptionnelles, le parcours de l’exposition retrace l’histoire de cette inestimable collection qu’Alaïa a constituée dans le plus grand secret et qui n’a jamais été dévoilée de son vivant, en France comme à l’international.
Cristóbal Balenciaga (1895-1972) : robes de la fin des années 1940 au début des années 1960
Charles James (1906-1978) : robes de 1947
Adrian Adolph Greenberg, dit Adrian (1903-1959) surtout connu comme costumier de cinéma : À la recherche du glamour hollywoodien
Marie-Louise Jeanne Carmen de Tommaso, dite Carven (1909-2015)
MAD CARPENTIER, maison fondée en 1940 par Madeleine Maltézos et Adèle Carpentier et qui ferma en 1957
Claire McCardell (1905–1958 ), créatrice américaine active entre 1940 et 1958
Les modèles, œuvres des créatrices Carven, Mad Carpentier et McCardell, sont exposés ici pour leur communauté d'esprit pratique et d'époque, sous le titre Mademoiselle de Paris
MADAME GRÈS
Connue pour ses créations sous le nom d'Alix en 1934, Germaine Émilie Krebs, dite Grès (1903-1993), fonda en 1942 la maison Grès, anagramme du prénom de son mari Serge. Des années 1930 aux débuts des années 1980, Madame Grès édifia une œuvre intemporelle, faite de robes drapées à l'antique, de plissés savants et de volumes découpés et aériens.
MADELEINE VIONNET
La technique à l'œuvre
Dans les années 1980, Azzedine Alaïa fit beaucoup pour la reconnaissance et l'appréciation de Madeleine Vionnet (1876-1975), couturière des années 1920 et 1930, dont seuls se souvenaient quelques historiens.
GABRIELLE CHANEL
L'épure en élégance
Mademoiselle Chanel (1883-1971) a inversé le cours solennel de l'histoire de la mode à deux reprises. En 1926, sa petite robe noire est un manifeste radical qui renvoie les couturiers ampoulés au rang des souvenirs. En 1954, son tailleur en tweed oriente la mode vers un futur définitif. Alaïa reconnaissait en Chanel une visionnaire géniale, une précurseure sans équivalent qui sut édifier un style au-delà des modes.
ELSA SCHIAPARELLI
L'art de l'ornement
Dans les années 1930, Elsa Schiaparelli (1890-1973) fut considérée comme la plus surréaliste de toutes les couturières. Son goût de la provocation et de l'insolite la conduisit à faire d'une chaussure un chapeau (1937) et à collaborer avec Salvador Dalí à la création de motifs imprimés inédits.
PAUL POIRET
Un couturier en affection
Paul Poiret (1879-1944) occupe une place de choix dans les collections rassemblées par Alaïa. Ses créations des années 1910, qui libèrent les femmes du corset et s'inspirent de la mode Empire, celles des années 1920, où résonne l'exotisme à la mode, côtoient des vêtements d'enfant et des pièces textiles.
BUSVINE, JACQUES GRIFFE, BRUYÈRE, CHARLES JAMES
Manteaux, un sujet d'étude permanent
Azzedine Alaïa était célèbre pour la qualité de ses manteaux et tailleurs. Toute sa vie durant, il collecta non seulement les robes du soir qui le fascinaient, mais aussi les manteaux de jour qui pouvaient l'instruire sur les variations d'un thème vestimentaire. Les tenues d'amazone comme celle de la maison Busvine (1881-1951), les manteaux architecturés de Charles James (1906-1978), Marie-Louise Bruyère (1884-1959) ou Jacques Griffe (1909-1996) nourrissaient cette passion pour les ensembles de jour.
CHARLES FREDERICK WORTH, JOHN REDFERN, JACQUES DOUCET
Aux origines de la haute couture
Si Alaia collectionnait notablement les créations de mode du XXe siècle, il fut aussi attentif aux pères fondateurs de la haute couture. Soucieux que sa collection patrimoniale reflète au plus près les évolutions des modes, il eut à cœur de préserver les griffes anciennes incontournables :
Charles Frederick Worth (1825-1895), qui avait inventé à la fin du XIXe siècle le système de la mode avec le principe des défilés, le renouvellement des collections saisonnières et le statut même du couturier, créateur inspiré
John Redfern (1853-1929), dont les tailleurs de plein air et de sport ont inventé une silhouette
Jacques Doucet (1853-1929), qui forma Paul Poiret (1898-1901) et eut Madeleine Vionnet parmi ses assistantes.
JENNY, BOUÉ Sœurs, Jeanne PAQUIN
Jeanne Sacerdote, dite Jenny (1872-1962), formée chez Paquin, inaugure sa maison en 1909
Sylvie Montégut (1872- 1953) et la baronne Jeanne d’Étreillis (1876- 1957), connues comme les sœurs Boué, créent leur maison de couture en 1899. La maison, qui fermera en 1935, est appréciée pour l’emploi des dentelles, des rubans de couleur, des broderies et des passementeries qu’elles parsèment sur les tissus or ou argent
Jeanne Paquin (1869-1936) créé sa maison de mode en 1891 rue de la Paix, à Paris. Elle surprend par ses intuitions commerciales hors du commun, multipliant les succursales dans le monde.
MYRBOR, Mariano FORTUNY, CALLOTS sœurs, André LENIEF
Maison de mode, de tapis et de décoration fondée en 1922 par Marie Cuttoli (1879-1973), Myrbor est à l’origine de la création de robes rares et recherchées dont certaines furent imaginées par Natalia Goncharova.
Au début des années 1910, Mariano Fortuny (1871-1949) séduit une clientèle nouvelle et raffinée.
Les quatre sœurs Callot – Marie Gerber (1857- 1927), Marthe Bertrand, Regina Tennyson-Chantrell et Joséphine Crimont – avaient le goût pour la dentelle, la passementerie et les tissus anciens. Madeleine Vionnet avait travaillé au sein de la maison Callot (1895-1954) en qualité de première.
Les créations de Lenief (1890- ?) attestent d’un grand raffinement et d’un sens de la dramaturgie. Son style se situe à la suite de Paul Poiret, chez qui il fut modéliste deux années.
Jeanne LANVIN
Un exemple d'élégance
Depuis 1885, Jeanne Lanvin (1867-1946) a développé un style de création intemporel où les lignes sobres privilégient la retenue à l’exubérance. Le travail de surpiqûre et de broderie qui caractérise certains de ses modèles se devine sans s’imposer. Les tissus raffinés, les couleurs modérées favorisent l’épanouissement des formes simples. Jeanne Lanvin brille dans les années 1910 et 1920, qu’elle gratifie de l’invention de la « robe de style », dont les jupes amples jusqu’à l’excès, réminiscence des paniers du XVIIIe siècle, sont une alternative aux robes tout en verticalité de l’époque. Dans les années 1930, elle surpasse ses contemporains par des robes longues du soir, noires et ivoire, aux coupes majestueuses. Grand admirateur, Alaïa possède plusieurs centaines de modèles de Jeanne Lanvin.
Jean PATOU
Un couturier visionnaire
Jean Patou (1887-1936) s’installe rue Saint-Florentin, à Paris, en 1914
et séduit d’emblée par une mode aussi sophistiquée le soir qu’elle est
pragmatique le jour. Des Années folles aux années 1930,
ses robes courtes ou longues du soir sont l’expression ultime de la mode
française ; il brille sur les cours en habillant la joueuse de tennis Suzanne Lenglen.
JACQUES FATH, CHRISTIAN DIOR
Les maîtres des années 1950
On oppose souvent Christian Dior et Jacques Fath, mais leur style partage une communauté d'esprit.
L'influence de Jacques Fath (1912-1954) sur l'histoire de la haute couture après-guerre est déterminante. Depuis la création de sa maison de mode en 1936, ses idées devancent souvent de plusieurs saisons celles de ses contemporains.
En moins de dix années, entre la création de sa maison en 1947 et son décès soudain en 1957, Christian Dior (1905-1957) bouleverse l'histoire de la mode. Ses collections, depuis la révolution New Look, impriment à la silhouette de la femme des formes nouvelles : tailles étranglées, jupes épanouies, hanches développées et épaules marquées.
Pour ne pas lasser le lecteur, mais ne pas le priver de belles photos, pêle-mêle : Jacques Griffe (1909-1996), Pierre Balmain (1914-1982), Jean Dessès (1904-1970), Hubert de Givenchy (1927-2018), Yves Saint Laurent (1936-2008), André Courrèges (1923-2016), Pierre Cardin (1922-2020), Rudi Gernreich (1922-1985), Nina Ricci, née Maria Nielli (1883-1970), Edward Molyneux (1891-1974), et d'autres.
L'exposition se termine par des œuvres des créateurs contemporains d'Azzedine Alaïa.
Thierry Mugler (1945-2022), pour qui il avait réalisé une série de smokings applaudie en 1979 et qui l’avait encouragé à ses débuts, est particulièrement illustré dans la collection. Jean-Paul Gaultier (1952) l’est autant par des modèles iconoclastes et rares, de prêt-à-porter ou de haute couture. John Galliano (1960) et Vivienne Westwood (1941-2022), dont il avait accueilli les défilés chez lui, rue de la Verrerie, sont également richement représentés. Ce fonds contemporain se distingue aussi par les modèles de Nicolas Ghesquière (1971), avec qui il partageait une réciprocité de création et une amitié sincère.
Les créateurs japonais sont sans doute les plus représentés dans sa collection : il n’était pas rare de voir Azzedine Alaïa au premier rang de leurs défilés : Issey Miyake (1938-2022), Yohji Yamamoto (1943), Rei Kawakubo (1942) chez Comme des Garçons, Junya Watanabe (1961).
Une journée à Munich
Continuons l'alternance entre expositions parisiennes et tourisme avec un dernier billet sur les vacances de Toussaint. Faute d'avoir le temps d'aller jusqu'à Vienne, nous nous sommes plus modestement arrêtés à Munich : à défaut de capitale impériale, celle de l'État libre de Bavière (Freistaat Bayern), fédéré au sein du Reich puis de la République fédérale d'Allemagne depuis l'abdication de son dernier roi, Louis III, le 13 novembre 1918.
Commençons avec quelques images de la ville, comme les tours de la Frauenkirche, la cathédrale Notre-Dame construite de 1468 à 1525, aux tours jumelles de 99 m de haut. Ses tours caractéristiques de nuit, et de jour depuis l'ancien jardin botanique.
Au hasard des rues en ce jour ensoleillé de Toussaint, autour de l'imposant palais de justice
Le Propylée, porte monumentale située au fond de la Königsplatz, inaugurée en 1862, commémorant l'élection du prince Othon de Bavière au trône de Grèce en 1832.
Autre porte d'un autre style et d'une autre époque, Sendlinger Tor, construite entre 1285 et 1347
La place de l'Odéon, avec la Theatinerkirche et la Feldherrnhalle qui rappelle la Loggia dei Lanzi de la place de la Seigneurie à Florence...
Au milieu du Hofgarten, jardin du palais de la Résidence des rois de Bavière, le temple de Diane et ses fontaines de rocaille
La chancellerie, siège du gouvernement de l'État bavarois, longé par un petit canal
canal qui débouche sur le Jardin anglais, oasis de verdure de 375 hectares au coeur de la cité.
À l'ouest de la ville, à l'extrémité d'un très long canal, le château de Nymphenburg, résidence d’été des princes-électeurs puis rois de Bavière de la maison de Wittelsbach. Construit à partir de 1664 à l’écart de la ville de l’époque, le palais, avec son parc de 180 hectares et une largeur totale de 632 mètres dépasse en taille le château de Versailles, dont la construction était contemporaine.
Le bâtiment central, côté ville et côté jardin (cherchez la différence...)
L'escalier côté jardin et ses lanternes monumentales
L'empaquetage hivernal de toutes les statues du parc lui retire un peu de sa majesté
mais le charme de la promenade est indéniable
Le parc est parsemé de folies, comme le Pagodenburg, pavillon de thé construit entre 1716 et 1719.
Terminons ce patchwork d'images de Munich avec un aperçu d'une des gloires de la ville, l’Alte Pinakothek (Ancienne Pinacothèque) dont les galeries sont essentiellement consacrées à l'art européen du XIIIe au XVIIIe siècle. L’Alte Pinakothek forme avec la Neue Pinakothek (XVIIIe – XIXe siècles) et la Pinakothek der Moderne (XXe siècle) un gigantesque complexe muséographique.
Commençons naturellement avec des maîtres allemands : Albrecht Dürer (1471-1528)
Hans Baldung-Grien (1484/85-1545)
Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553)
Hans Wertinger (1466-1533)
Albrecht Althofer (1482/85-1538)
Mathias Grünewald (1475/80-1528)
et le maître de la vie de Marie (actif vers 1460-1460)
Les maîtres italiens sont également très bien représentés : Raphaël, Léonard de Vinci, Boticelli, Le Tintoret
Deux tableaux de Fra Filippo Lippi, un de Fra Bartolommeo
Des flamands, avec Rogier van der Weyden, Pieter Brueghel l'Ancien, Jan Brueghel l'Ancien, Hendrik Goltzius, Jacob Jordaens,
Terminons cet aperçu des collections de l'Alte Pinakothek avec un Poussin, un Murillo, deux Canaletto et un Guardi
La Neue Pinakothek étant fermée pour rénovation, la pinacothèque ancienne abrite aussi en ce moment des œuvres plus récentes. Nous terminerons ce billet avec quelques-uns de ces tableaux.
Des peintres allemands :
Friedrich Overbeck (1789-1869) : Italia et Germania, 1828
Carl Schuch (1846-1903) : Nature morte avec pommes, verre de vin et pot d'étain, vers 1876
Max Liebermann (1847-1935) : Jardin de bière à Munich, 1884, et Femme avec chèvres dans les dunes, 1890
Max Slevogt (1868-1932) : Feierstunde, 1900
Au passage, plus international :
Thomas Lawrence, Francisco de Goya, Gustav Klimt, Ferdinand Hodler, Édouard Manet
Trois Cézanne,
Deux Gauguin,
Des Van Gogh
et pour conclure en faisant la transition avec notre dernier billet du 25 novembre, un tableau qui aurait pu figurer dans l'exposition d'Orsay : Plaine près d'Auvers, 1890.