Picasso : dessiner à l'infini (I/II)
Une exposition exceptionnelle vient de s'achever au Centre Pompidou : à l'occasion du cinquantenaire de la mort de Pablo Picasso (1881-1973), elle mettait en lumière la part la plus foisonnante de sa création à travers la présentation de près de mille œuvres : carnets, dessins et gravures dont la plupart sont issues de la collection du Musée Picasso-Paris.
Comme l'indique les organisateurs, « depuis les études de jeunesse jusqu’aux œuvres ultimes, le dessin est le lieu, pour Picasso, d'une invention toujours renouvelée autour des puissances du trait, allant de la ligne serpentine au dessin hachuré et aux compositions proliférantes, des nuances délicates du pastel aux noirs profonds de l’encre. Le parcours proposé, non linéaire, bousculant la stricte chronologie, permet de créer des échos entre différentes périodes et met en regard des chefs-d'œuvre reconnus et des dessins présentés pour la première fois. »
Nous proposerons nous-même au lecteur, au cours de deux billets, un parcours très libre.
Nu aux jambes croisées, Paris, 1905, crayon graphite et fusain sur toile
Buste d'homme au chapeau, 26 janvier-16 mai 1969, fusain, pastel, gouache, huile et craie sur papier
Études pour le menu des Quatre Gats. Personnages et chats, Barcelone, 1899-1900, encre sur papier
Croquis et caricatures, Barcelone, 1899-1900, encre sur papier
Croquis et caricatures, Barcelone, 1899-1900, encre sur papier
Tête d'homme aux cheveux longs et autres croquis, Barcelone, vers 1899, crayon Conté et crayon graphite sur papier
Torse d'homme nu, Paris, hiver 1906-1907, huile sur papier
L'Acrobate bleu, Paris, novembre 1929, fusain et huile sur toile
L'Acrobate, Paris, 18 janvier 1930, huile sur toile
Étude pour Figure et Portrait de Françoise, Paris, 11 juin 1946, crayon graphite sur papier
Études. Jeune fille assoupie, [Paris], 1935, crayon graphite sur papier
Danseuse et vieillard musicien, 28 janvier 1954, crayons de couleur sur papier
Portrait de Françoise, 1947, fusain sur papier
Flûtiste et dormeuse, 24 janvier 1933, pointe sèche et grattoir sur cuivre, épreuve sur papier, tirée en couleurs
Flûtiste et dormeuse (XXXVIII), Paris [février 1933], monotype sur cuivre, épreuve sur papier, tirée par l'artiste
Flûtiste et dormeuse (XLIV), Paris [février 1933], monotype sur cuivre, épreuve sur papier, tirée par l'artiste
Femme nue debout, Paris, hiver 1908-1909, fusain et crayon noir sur papier
Mère et enfants. Étude pour Femme dessinant auprès de ses enfants, Vallauris, 23 avril 1950, fusain sur papier
Jacqueline dans l'atelier, Cannes, 13 novembre 1957, gouache et encre sur une reproduction au pochoir du tableau La Femme dans l'atelier du 3 avril 1956
L'Italienne (d'après le tableau de Victor Orsel), Paris, 18-21 janvier 1953, lithographie
Portrait d'homme, Barcelone, 1899-1900, fusain et peinture à l'essence sur papier
Femme à la mèche, Barcelone, 1903, aquarelle sur papier
Au café-concert, 1902, pastel sur carton
Trois Hollandaises, Schoorl, 1905, peinture à la colle sur papier collé sur carton
Fernande à la mantille blanche, Gósol, printemps-été 1906, fusain sur papier
Étude pour Les Demoiselles d'Avignon. L'étudiant en médecine, Paris, printemps 1907, pastel et fusain sur papier
Marin roulant une cigarette, 1907, gouache sur papier
Tête de femme, Paris, été 1907, pastel sur papier
Portrait de Paul, 1922, sanguine et fusain sur papier
Figure au bord de la mer, Paris, 19 novembre 1933, pastel, encre et fusain sur papier
Buste de femme au chapeau, Paris, 27 avril 1938, encre sur papier
Tête de femme, Paris, 3 juin 1943, huile sur papier
Femme accoudée, 31 août 1950, crayon graphite et crayon de couleur sur papier
Le Visage de la Paix, Vallauris, 1951, crayon graphite sur papier
Tête d'homme, Mougins, 4 juillet 1972, crayon noir sur papier
Composition, Cannes, 26 juillet 1933, encre sur papier
L'Étreinte, Paris, automne 1900, pastel sur papier
L'Étreinte, Barcelone, printemps 1903, pastel sur papier
Dans la loge, Paris, 1900, pastel sur papier
Deux baigneuses, Paris, 24 octobre 1920, gouache, pastel, craie, sanguine et crayon Conté sur papier
Portrait d'Olga, 1921, pastel et fusain sur papier
Jeune femme au chapeau rouge, 1921, pastel sur papier
La Danse villageoise, Paris, 1922, pastel et huile sur toile
Études. Arlequins et portraits- charge de Guillaume Apollinaire et d'Henri Delormel, Paris, 24 décembre 1905, encre, grattages et incisions sur papier
Études. Écuyères au travail, Paris, 1905, encre et crayon de couleur sur papier
Famille de saltimbanques, Paris, 1905, crayon Conté, crayon graphite et crayon brun sur papier
Jeune saltimbanque agenouillée devant un saltimbanque à la couronne, Paris, 1905, encre sur papier
Étude pour Les Bateleurs avec dédicace, 1905, encre et crayon graphite sur papier
Tête de femme de profil, Paris [février 1905], pointe sèche sur cuivre, épreuve sur papier, tirée par Delâtre
La Toilette de la mère, Paris, 1905, eau-forte et grattoir sur zinc, épreuve sur papier, tirée par Delâtre
Salomé, Paris, été-automne 1905, pointe sèche sur cuivre, Ille état, épreuve sur papier, tirée par Delâtre
Le Repas frugal, Paris, septembre 1904, eau-forte et grattoir sur zinc, Ile état, épreuve sur papier, tirée par Delâtre
Tête à la pipe, 1913, fusain, craie et papiers découpés épinglés sur papier
Tête, Céret, printemps 1913, papiers d'emballage découpés, collés et épinglés sur papier, fusain et craie blanche
Feuille de musique et guitare, Paris, 1912, fusain et papiers découpés, collés ou épingles sur papier
Bouteille, journal et verre sur une table [1912], fusain, gouache et papiers collés sur papier
Guitare, journal, verre et bouteille, 1913, papiers imprimés découpés et encre sur papier
Étude de tête d'homme au chapeau, Paris, hiver 1912-1913, fusain, peinture à l'huile, encre, sable et papiers collés sur papier
Bouteille de vieux marc et journal, Céret, printemps-été 1913, papier peint découpé et épingle, fusains gras et sec, craie grasse et craie de couleur sur papier
Violon, hiver 1912, fusain et papiers collés sur papier
Bouteille de vin et dé, Paris, printemps 1914, huile gouache et crayon graphite sur papier brun découpé et épinglé sur papier blanc fusain et crayon Conté
Homme lisant un journal, Avignon, été 1914, aquarelle, gouache et crayon graphite sur papier
Le Peintre et son modèle, Avignon, été 1914, Huile et crayon sur toile
Homme attablé, Avignon, été 1914, crayon graphite sur papier
Portrait de Max Jacob, 1915, crayon graphite sur papier
Études pour le ballet "Parade", Paris - Rome, 1916-1917 :
Projet pour le rideau de scène, aquarelle, mine de plomb
Étude pour le rideau de scène, personnage féminin de droite, chapeau et bras du marin, gouache et crayon graphite sur papier
L'acrobate féminin, aquarelle et crayon graphite sur papier
Terminons cette première déambulation à travers les œuvres graphiques de Picasso sur une touche colorée et des techniques variées :
Femme aux pigeons, 1930, pastel sur papier kraft marouflé sur toile
Femme aux pigeons, 1966-1967, tapisserie de laine en basse lice, d'après le tableau de 1930, atelier Cauquil-Prince
Confidences, 1934, peinture à la colle et ensemble de papiers collés sur toile
Un prochain billet présentera d'autres œuvres de cette si riche exposition.
Trésors en noir et blanc du Petit Palais
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Une belle exposition vient de s'achever au Petit Palais, qui mettait à l’honneur son riche cabinet d’arts graphiques à travers une sélection de près de 200 feuilles de grands maîtres de l’estampe, art qui tient une place prépondérante dans sa collection. Elle est le reflet du goût de ses grands donateurs, les frères Auguste et Eugène Dutuit, et du conservateur Henry Lapauze, à l’origine du musée de l’Estampe moderne, créé en 1908 au sein même du Petit Palais.
La première partie de l’exposition présente une sélection des plus belles feuilles de la collection Dutuit, avec quatre principaux peintres graveurs : Dürer, Rembrandt, Callot et Goya.
Albrecht Dürer (1471-1528) :
Mélancholie, 1514, gravure sur cuivre
Rhinocéros, 1515, gravure sur bois
Némésis, dit aussi La Grande fortune, vers 1501-1502, burin
Les Armoiries à la tête de mort, 1503, burin
Le Monstre marin, dit aussi L'Enlèvement d'Anymone, 1498, burin
Le Songe du docteur, dit aussi La Tentation du paresseux, vers 1498, burin
Les Quatre femmes nues, dit aussi Les Quatre sorcières, 1497, burin
Adam et Ève, dit aussi La Chute de l'homme, 1504, burin
La Princesse de Babylone (L'Apocalypse), 1498, gravure sur bois
Saint Michel terrassant le dragon (L'Apocalypse), 1498, gravure sur bois
Saint Eustache, vers 1501, burin
Hercule à la croisée des chemins, dit aussi Les Effets de la jalousie, vers 1498-1499, burin
En parallèle,
Marcantonio Raimondi (v. 1480-v. 1530) ou Agostino Veneziano (v. 1490-1540), d'après Girolamo Genga (v. 1476-1551) : La Carcasse, dit aussi Lo Stregozzo, vers 1520-1530, eau-forte et burin
Antonio Pollaiolo (v. 1431-1432 - 1498) : Les Gladiateurs, dit aussi Combat d'hommes nus, vers 1460-1475, burin
Martin Schongauer (v. 1445-1491) : La Tentation de saint Antoine, vers 1470-1475, burin
Jacques Callot (1592-1635) :
Les Bohémiens en marche : l'arrière-garde ou le départ, 1621-1625, eau-forte
La Halte des bohémiens : les apprêts du festin, 1621-1625, eau-forte
La Foire de Gondreville, vers 1625, eau-forte
La Foire d'Impruneta, 1620, eau-forte
La Vieille au chat, (Les Gueux), vers 1622-1623, eau-forte
Le Gentilhomme au manteau bordé de fourrure tenant ses mains derrière le dos (La Noblesse), vers 1620-1623, eau-forte
Le Guerrier au chapeau orné d'une grande plume (La Noblesse), vers 1620-1623, eau-forte
Trois eaux fortes du recueil Les Grandes misères de la guerre, 1633
Le Brelan et Le Bénédicité, vers 1628, eau-forte
Rembrandt (1606-1669) :
Rembrandt appuyé, 1629, eau forte sur papier filigrané
Portrait de l'artiste en costume oriental, vers 1631, huile sur bois
La Femme devant le poêle, eau-forte, burin et pointe sèche sur papier filigrané, 3e état, 1658
La Femme devant le poêle, eau-forte, burin et pointe sèche sur papier Japon, 7e état, 1658
Le Vendeur de mort-aux-rats, 1632, eau-forte sur papier européen
La Femme à la flèche, 1661, eau-forte, burin et pointe sèche sur papier filigrané
Les Trois Arbres, 1643, eau-forte et pointe sèche sur papier filigrané
Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828) :
Série Les Caprices, 1796-1799
Petits lutins, eau-forte et lavis d'aquatinte
L'Amour et la Mort, eau-forte, lavis d'aquatinte et burin
Tous tomberont, eau-forte, aquatinte et lavis d'aquatinte
Ils s'envolèrent, eau-forte, pointe sèche et aquatinte
Série Les Disparates, 1816-1823
Disparate de cheval rapteur, eau-forte, pointe sèche, brunissoir et aquatinte sur vélin
Manière de voler, eau-forte et aquatinte sur vélin
Disparate de frayeur, eau-forte, pointe sèche et aquatinte brunie sur vélin
Disparate de niais, eau-forte et aquatinte brunie sur vélin
Trois planches de la série La Tauromachie, 1815-1816
La deuxième partie de l'exposition retrace la création du musée de l'estampe moderne.
Les frères Dutuit ont assuré la place de l’estampe ancienne au Petit Palais dès 1902, mais pas celle de la création contemporaine. C’est Henry Lapauze (1867-1925), conservateur puis directeur du Petit Palais, qui s’en fait le champion. Le 27 juin 1908, il inaugure le « musée de l’Estampe moderne ». Ce nouvel espace est aménagé au rez-de-chaussée du Petit Palais, le long de l’avenue des Champs-Élysées, face à la galerie du Cours-la-Reine qui accueille les estampes de la collection Dutuit. Lapauze sollicite les artistes eux-mêmes, leurs familles et amis, les collectionneurs ainsi que les marchands et éditeurs d’estampes. La démarche est une réussite. Grâce à la force de conviction de Lapauze et à la bonne volonté de tous, une somme considérable d’estampes variées, d’artistes célèbres ou depuis oubliés, est réunie. Ce fonds s’enrichit d’un lot d’estampes éditées par la Ville de Paris, puis par des libéralités et des achats ultérieurs. Il constitue encore aujourd’hui le noyau des collections d’estampes modernes du Petit Palais.
Une galerie de portraits issue de la collection d'Henri Béraldi (1849-1931), historien de l'estampe et premier donateur du musée de l’Estampe moderne :
Léopold Massard (1812-1889) d'après Léon Bonnat (1833-1922) : Portrait de Victor Hugo, 1879, eau-forte sur papier Japon
Louis-Pierre Henriquel-Dupont (1797-1892) d'après Jean-Auguste- Dominique Ingres (1780-1867) : Portrait de Monsieur Bertin, 1844, burin sur papier Chine appliqué
Luigi Calamatta (1801-1869) d'après Jean-Auguste-Dominique Ingres : Portrait d'Ingres, 1839, gravure à la roulette sur papier Chine appliqué
David-Joseph Desvachez (1822-1902) d'après Jean-Auguste-Dominique Ingres : Le Graveur Calamatta, 1858, burin et eau-forte sur papier vélin
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) :
Une redoute au Moulin-Rouge, 1893, lithographie au crayon et au crachis sur papier
Répétition générale aux Folies Bergère (Émilienne d’Alençon et Mariquita),1893, lithographie au crayon, au pinceau et à l’encre, et au crachis sur papier
Nicolle à la Gaieté-Rochechouart, 1893, lithographie au crayon, au pinceau et à l'encre, et au crachis sur papier vélin
Jules Chéret (1836-1932) : Carnaval, Éventail ou abat-jour, 1889, lithographie en couleurs sur papier
Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) :
Intérieur de tramway. Dans la diligence à chevaux, 1896, lithographie au crayon sur papier Chine
Blanchisseuses. Le linge sale et le linge propre, 1896, lithographie au crayon sur papier Chine
Edgar Chahine (1874-1947) :
Matinée d'hiver boulevard Ney ou La chiffonnière, 1901, eau-forte et aquatinte sur papier Japon
Le Tombereau, 1905, eau-forte, vernis mou, pointe sèche et aquatinte sur papier Japon
Le tombereau déchargé ou Les terrassiers, 1904, eau-forte et vernis mou sur papier Japon
Les Trotteuses, 1907, eau-forte, vernis mou et aquatinte, tirée en couleurs sur papier Japon
André Devambez (1867-1944) : L'Ėmeute ou La Charge, vers 1900, lithographie en couleurs sur papier Japon
Félix Buhot (1847-1898) :
Une matinée d'hiver au quai de l'Hôtel-Dieu, 1876, eau-forte et point sèche, aquatinte sur papier vélin
L'Hiver à Paris, 1879, eau-forte, aquatinte, pointe sèche et roulette sur papier
La Taverne du Bagne. La Place des Martyrs, 1885, eau-forte, pointe sèche et aquatinte sur papier vélin
La Place Pigalle, 1878, eau-forte, aquatinte et pointe sèche sur papier
En contrepoint de ce parcours en noir et blanc, l’estampe en couleurs vient clore l’exposition, bien représentée notamment par un bel ensemble de paysages acquis grâce au soutien du marchand d’art et éditeur Georges Petit.
Arsène Chabanian (1864-1949) :
Les Pêcheuses de crevettes, entre 1900 et 1910, eau-forte en couleurs sur papier
Le Coup de filet sur la plage ou Les Pêcheurs, entre 1900 et 1910, eau forte en couleurs sur papier
Frits Thaulow (1847-1906) : Hiver en Norvège, entre 1900 et 1910, eau-forte en couleurs et rehauts d'aquarelle et de crayon graphite sur papier vélin
Louis Abel-Truchet (1857-1918) : Le Grand Canal à Venise près du Rialto, entre 1900 et 1910, eau-forte en couleurs sur papier
Henri Jourdain (1864-1931) : Le Chemin par temps de pluie ou Sous l'averse, entre 1900 et 1910, vernis mou, eau-forte et aquatinte en couleurs sur papier
Johannes Grimelund (1842-1917) : Rue de village sous la neige au soleil couchant ou La Neige en Norvège, vers 1904, eau-forte en couleurs sur papier vélin
Alphonse Lafitte (1863-1936) : Barques au soleil couchant, entre 1900 et 1910, eau-forte et aquatinte en couleurs sur papier
Eugène Dauphin (1857-1930) : Vue du port de Toulon ou Quai de Toulon (crépuscule), entre 1900 et 1910, eau-forte en couleur sur papier
À la sortie de l'exposition sont exposées quelques nouvelles acquisitions du musée, en vue de montrer le dynamisme de la politique d’acquisition du Petit Palais.
Félix Bracquemond (1833-1914) : deux planches d'essais de motifs pour le service Rousseau, 1866, eau-forte rehaussée à l'aquarelle sur papier
Parmi ces acquisitions, un bel ensemble pour terminer ce billet, lié à L'Estampe originale, publication proposant des gravures originales sous forme d'albums, initialement créée par Auguste Lepère en mai 1888 à Paris, puis reprise par André Marty en mars 1893. Elle cessa de paraître en mars 1895.
Henri Rachou (1856-1944) : Panneau décoratif, pour la deuxième livraison de L'Estampe originale, 1893, lithographie en couleurs sur papier
Paul-Elie Ranson (1861-1909) : Tigre dans les jungles, pour la première livraison de L'Estampe originale, 1893, lithographie en couleurs sur papier vélin
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) : La Lithographie, couverture pour la première livraison de L'Estampe originale, 1893, lithographie en couleurs sur papier
Gertrude Stein et Pablo Picasso - L'invention du langage
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Au musée du Luxembourg, une exposition organisée en collaboration avec le musée national Picasso-Paris dans le cadre de la Célébration Picasso 1973-2023, à l’occasion des cinquante ans de la disparition du peintre.
Gertrude Stein (1874-1946), première collectionneuse de Pablo Picasso (1881-1973), est une des grandes figures de la littérature d’avant-garde américaine du XXe siècle. Le portrait que Picasso réalise en 1906, quelques mois après leur rencontre, scelle aux yeux de la postérité leur alliance amicale et artistique autour du cubisme, entre peinture et écriture. L’histoire de leur amitié est bien connue, grâce notamment au récit de Gertrude Stein dans l’Autobiographie d’Alice Toklas (1933). L'exposition est organisée en deux parties :
1. « Paris Moment »
1.1 Portraits cubistes
America is my country and Paris is my hometown.
L’Amérique est mon pays et Paris est ma ville.
G. Stein, 1936
Andy Warhol (1928-1987) : Gertrude Stein, 1980, acrylique et sérigraphie sur toile
Henri Matisse (1869-1954) : Nature morte aux oranges, début 1912, huile sur toile
Jacques Lipchitz (1891-1973) : Gertrude Stein, 1920, bronze
Georges Braque (1882-1963) : Cinq Bananes et deux poires, printemps-été 1908, huile sur toile
Pablo Picasso : Pomme, automne-hiver 1909, plâtre
Paul Cézanne (1839-1906) : Pommes et biscuits, 1880, huile sur toile
Pablo Picasso :
Buste (étude pour Les Demoiselles d'Avignon), Paris, printemps 1907, huile sur toile
Femme aux mains jointes (étude pour Les Demoiselles d'Avignon), Paris, printemps 1907, huile sur toile
L'imposant tableau Les Demoiselles d'Avignon (1907, New York, MoMA) et ses innombrables études préparatoires forment un tournant dans l'œuvre de Picasso. Stein acquiert avec son frère un carnet d'études proche de ce travail, le carnet n° 10, ainsi que les grands tableaux qui suivent: Nu à la serviette (1907, coll. part.) et Trois femmes (1908, Saint-Pétersbourg, musée de L'Ermitage). Elle reprend alors la rédaction de The Making of Americans, son roman majeur qui dépeint l'histoire de deux familles sur quatre générations. Tous deux inventent un nouveau langage : les éléments de la composition sont traités de manière épurée et uniforme par une stylisation géométrique des figures selon un système de courbes et de hachures, pour le peintre, et d'une narration non linéaire fondée sur la répétition, pour la poète.
Pablo Picasso :
Trois Figures sous un arbre, Paris, hiver 1907-1908, huile sur toile
Tête d'homme, Paris, printemps 1909, gouache sur bois
Tête d'homme, Paris, automne 1908, gouache sur bois
Georges Braque : Paysage de Carrières-Saint-Denis, octobre 1909, huile sur toile
Pablo Picasso :
Tête de femme (Fernande), Paris, automne 1909, bronze, épreuve pour le marchand Ambroise Vollard
Paysage aux deux figures, Paris, automne 1908, huile sur toile
Braque et Picasso, dès 1908, construisent leur œuvre cubiste à travers un dialogue étroit, une « cordée ». Durant l'été 1908, alors que le premier séjourne à l'Estaque, le second réalise une série de paysages de La Rue-des-Bois dans l'Oise. Le Paysage aux deux figures est acquis par Léo et Gertrude Stein à l'automne 1908 avec trois autres paysages, reconstituant ainsi au sein de leur collection des séries cohérentes. Dans ce tableau, s'engage la transformation cubiste de l'espace pictural en volumes géométriques, imbriqués les uns dans les autres. Stein se confronte elle aussi au genre du paysage ; dans Tender Buttons, elle consacre la troisième partie de son recueil aux « Rooms » (« espaces »).
1.2 Portraits de choses
Juan Gris (1887-1927) :
Nature morte au livre, décembre 1913, huile sur toile
La Bouteille d'anis, 1914, huile, collage et crayon graphite sur toile
Verres, journal et bouteille de vin, 1913, collage, crayon de couleur, gouache et fusain sur papier collé sur carton
Gertrude Stein découvre en 1914 la peinture de Juan Gris à la galerie Kahnweiler. Peintre espagnol, cubiste, il lui semble incarner la relève alors que les œuvres très cotées de Picasso lui sont désormais inaccessibles. Elle acquiert ainsi plusieurs tableaux et l'artiste illustre un de ses ouvrages, A Book Concluding with As a Wife Has a Cow: A Love Story (1926). Dans le Word Portrait qu'elle lui consacre en 1924, « Pictures of Juan Gris », elle souligne ses qualités d'équilibre, de clarté, de perfection picturale et lui rend un ultime hommage avec « The Life and Death of Juan Gris », au moment de sa disparition prématurée en 1927.
Pablo Picasso :
Homme à la moustache, Paris, printemps 1914, huile et textile imprimé collé sur toile
Verre, journal et dé, Avignon, été 1914, tableau-relief : éléments de bois et
de fer-blanc découpé peints, fil de fer, sur fond de bois peint à l'huile
Verre et paquet de tabac, Paris, printemps 1914, huile et perles collées sur bois
Verre et paquet de tabac, Avignon, été 1914, huile et sable sur bois
Verre, journal et dé, Avignon, été 1914, tableau-relief: éléments de bois peints et sable sur fond de bois peint à l'huile
Pablo Picasso :
Verre et paquet de tabac, Paris, 1921, tôle découpée, pliée, peinte et fil de fer
Violon et bouteille sur une table, Paris, automne 1915, éléments de bois de sapin, ficelle, clous, avec peinture et traits au fusain
Verre et dé, Paris, printemps 1914, construction : éléments de bois de pin peints
Guitare, Paris, décembre 1912, carton découpé, papier collé, toile, ficelle et crayon
Guitare, Paris, décembre 1912, carton découpé, papier collé, toile, ficelle, huile et crayon
« Picasso faisait pour se divertir des tableaux avec du zinc, du fer blanc, du papier collé. De tout ce qu'il a fait en papier, il ne reste qu'un exemplaire qu'il me donna un jour [L'Homme au livre, 1913]. Je l'ai fait encadrer dans une boîte. » Gertrude Stein évoque, en 1938, soit plus de 25 ans après, ces fragiles sculptures qu'elle découvre et observe avant-guerre dans les ateliers de Picasso, boulevard de Clichy et boulevard Raspail. Les rares exemplaires subsistant sont conservés au musée national Picasso, comme les deux exceptionnelles Guitares de 1912, présentées dans cette exposition. Picasso convoque le réel par le jeu, dans ces assemblages, petits bricolages délicats. Il fait écho à l'univers domestique déplié par Stein dans Tender Buttons, où défilent « côtelette, guitare, parapluie, pomme de terre... », selon une même esthétique du collage, sans hiérarchie ni centre.
Georges Braque : Compotier, bouteille et verre, Sorgues, août-septembre 1912, huile et sable sur toile
Pablo Picasso :
Grenade, verre et pipe, Paris, 1911, huile sur toile collée sur carton
Verre, pommes, livres, Paris, printemps 1911, huile sur toile
Journal, porte-allumettes, pipe et verre, Paris, 1911, huile sur toile
Pablo Picasso :
Guitare, Paris, printemps 1926, tableau-relief : cordes, papier journal, serpillière et clous sur toile peinte
Guitare, Paris, printemps 1926, tableau-relief : toile, bois, corde, clous et pitons sur panneau peint
Le tableau-relief Guitare est réalisé par Picasso à partir d'objets de rebut, une serpillière, une corde, des clous, du papier journal... Il renoue avec le thème cubiste de la guitare dans un assemblage rendu subversif par la pauvreté et la trivialité des matériaux, par la brutalité de l'épure, qui évoquent certaines œuvres dada. L'oeuvre est reproduite dans la revue La Révolution surréaliste d'André Breton. C'est toutefois la simplicité fruste et radicale de l'œuvre, génial précèdent de l'esthétique « néo-dada » d'un Rauschenberg, qui forme le trait d'union avec l'écriture de Gertrude Stein, propre à marquer la création du jeune compositeur américain John Cage.
Pablo Picasso : Homme à la cheminée, Paris, 1916, huile sur toile
Dans cette œuvre de transition, Picasso transpose en peinture le procédé du papier collé par une alternance d'aplats unis et ornés, pointillistes, et par une complexité de découpes qui créent l'illusion d'un relief cubiste. Stein avait dans sa collection deux natures mortes qui annoncent ce style et surtout deux portraits en pied qu'elle appréciait beaucoup : Homme à la guitare (1913, coll. part.) et Femme à la guitare (1913-14, New York, MOMA) qui semblent préfigurer, comme cette peinture, les costumes des managers français et américains, dessinés par Picasso pour le ballet Parade en 1917, véritables incarnations cubistes de la modernité. Stein mettra son écriture au service du théâtre et de l'opéra quelques années plus tard, alors qu'elle écrit de nombreux romans et pièces chorales, où se mêlent saints, personnages réels et imaginaires dans une forme litanique, presque musicale.
2. « American Moment »
La radicalité poétique de Gertrude Stein, qui s’est élaborée à travers un dialogue avec la peinture et surtout avec Picasso, est la pierre angulaire des premières avant-gardes de la culture américaine sur laquelle se fondent les mouvements expérimentaux performatifs et musicaux des années 1950 et 1960, autour de John Cage et de Merce Cunningham, du Living Theater, de Fluxus, du Pop Art, de l’art minimal.
Jusqu’à aujourd’hui, Gertrude Stein, qui a ouvertement affirmé son homosexualité, fait figure d’icône et irrigue des relectures conceptuelles et queer très actuelles, depuis Warhol jusqu’à Felix Gonzalez-Torres, Ellen Gallagher ou Glenn Ligon.
Couverture de Time Magazine, 11 septembre 1933
Carl Van Vechten (1880-1964) : Gertrude Stein, 1934, épreuve gélatino-argentique
Cecil Beaton (1904-1980) :
Gertrude Stein au premier plan, Alice B. Toklas en costume de tweed à l'arrière-plan, vers 1937, épreuve gélatino-argentique
Gertrude Stein, portant un manteau, au premier plan et sans manteau, en surimpression à l'arrière-plan, vers 1937, épreuve gélatino-argentique
Gertrude Stein et Alice B. Toklas se faisant face, tirage triple exposition réalisé par Cecil Beaton en superposant des négatifs, vers 1937, épreuve gélatino-argentique
2.1 Grammaire
À la suite des expérimentations initiées au Black Mountain College par le couple Cage-Cunningham, Stein s'impose comme modèle de référence de l'avant- garde américaine du théâtre, de la musique et de la danse, celle de l'anti-art et de la contre-culture du New York des années 1950-1960. Dans un contexte d'effervescence artistique, sociale et politique contestataire émerge une constellation de lieux, resserré autour de Greenwich Village - notablement le Living Theatre, le Judson Poets' Theater et le Judson Dance Theater, foyer de la danse postmoderne - et de mouvements tels que Fluxus et le Pop Art. Ses écrits sont diffusés par le biais de performances théâtrales ou musicales (Geography and Plays, 1922).
2.1 Géographie et jeux
À partir de la fin des années 1950, les artistes de l'avant-garde new-yorkaise, ceux qui gravitent à Greenwich Village, autour de Cage-Cunningham et de la Judson Memorial Church, cherchent à remettre l'art au cœur de la vie et de la société en s'interrogeant sur la capacité du langage visuel à saisir le réel. Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Ray Johnson, parmi d'autres, prônent une esthétique du collage, parfois qualifiée de néo-dada : une hybridation de techniques de création et de matériaux non artistiques – objets du quotidien et images de la culture populaire - selon une approche non hiérarchisante, ludique et, bien souvent, ironique de la société de consommation et de spectacle américaine. Cette conception de l'art où s'affirme la réalité matérielle, en opposition à l'expressionnisme abstrait, prend ses sources tant dans les collages et assemblages cubistes de Picasso, les ready-mades de Marcel Duchamp et les inventions dadaïstes que dans les écrits de Stein.
Nam June Paik (1932-2006) : Gertrude Stein, 1990, installation de moniteurs de télévision anciens, techniques mixtes, deux canaux vidéo
Ancien collaborateur du Judson et membre de la nébuleuse Fluxus, Nam June Paik a réalisé la série « Robots », des sculptures vidéo à l'allure anthropomorphe, pour honorer ses héros et héroïnes, dont Gertrude Stein. Reconnaissable à sa longue jupe caractéristique, la poète est représentée par un empilement de moniteurs avec des bras en forme de corne de phonographe Victrola et des seins-disques, clin d'œil à la dimension performative et sonore de ses écrits.
Robert Rauschenberg (1925-2008) :
Front Roll, 1964, technique mixte et collage sur papier cartonné
Centennial Certificate MMA, 1969, lithographie couleur
Étudiant au Black Mountain College, principal collaborateur de Cage-Cunningham et du Judson, Rauschenberg place également parmi les inspirations majeures de son œuvre plastique protéiforme néo-dada, ses « Combine Paintings », la poésie de Stein.
Jasper Johns (né en 1930) :
Flags, 1968, lithographie
Targets, 1967-1968, lithographie
Untitled, 1984, lithographie
Compagnon de Rauschenberg dans les années 1950, Jasper Johns, intégré au cercle Cage-Cunningham, développe une approche conceptuelle de l'œuvre d'art, interrogeant sa nature et son fonctionnement.
2.3 Cercles et mots
Les formes et procédés institués par l'écriture épurée, répétitive, sérielle et circulaire de Stein (A Circular Play, 1920, The World is Round, 1939 ou son ex-libris) trouvent de nombreuses affinités avec les œuvres minimalistes de Carl Andre, de Sol LeWitt ou de Bruce Nauman, dans lesquelles l'effet de présence réelle recherché tente ainsi de faire acte de résistance à la marchandisation de l'œuvre.
Marcel Duchamp (1887-1968) : Fac-similés des Rotoreliefs nos 1, 3, 6, 8, 10, 12 (1-Corolles, 3-Lanterne chinoise, 6-Escargot, 8-Cerceaux, 10-Cage, 12-Spirale blanche), 2010 (série originale de 1935), papier collé sur Plexiglas
Bruce Nauman (né en 1941) :
Good Boy, Bad Boy, 1985-1986, installation vidéo : deux moniteurs, deux bandes vidéo NTSC, couleur, son (anglais), 60'52'', deux socles
Study for Pleasure, Pain, Life, Death, Love, Hate, 1983, marqueur et encre sur papier
Carl André (né en 1935) : Silver Ribbon, 2002, feuille d'argent
James Lee Byars (1932-1997) :
Is, 1989, marbre doré
The Halo, 1985, cuivre plaqué or
L'artiste conceptuel James Lee Byars affirmait avec esprit que seuls comptent « Stein, Einstein et Wittgenstein ».
Joseph Kosuth (né en 1945) :
Self-defined in five colors, 1966, néons
Quoted Clocks #14, #12, #11, #10, #9, #8, #7, #13, #6, #5, #3, #1, #16, #15 (A.R.), 2022, horloges et vinyle
Gary Hill (né en 1951) :
She/He (Engender Project), 2022, sérigraphie couleur
ELLE/IL (ELLE-IL), ELLE/IL (AND), ELLE/IL (IL-ELLE), ELLE/IL (OR), ELLE/IL (XOR) (Engender Project), 2022, polyptyque de cinq pièces uniques, aquarelle sur papier
THEY-HE, XOR, AND, HE-THEY, OR (Engender Project), 2022, plastique PVC
Et en conclusion de cette exposition très originale, où la figure de Picasso est très anecdotique par rapport à celle de Stein, la dernière section :
2.4 Conceptuelle excentrique
Les questions autour de la représentation, et par extension de la représentativité, fondent autant les recherches de Stein et Picasso que les démarches conceptuelles et post-conceptuelles qui se développent depuis les années 1970- 1980. Jouissant d'une aura incontestable depuis son portrait peint par Picasso, Stein est devenue une véritable icône pop américaine et juive, immortalisée par Andy Warhol et érigée en héroïne féministe, homosexuelle et queer. Si son influence peut se faire parfois plus diffuse, parfaitement assimilée dans les sources de l'art contemporain par le prisme de John Cage (Gary Hill), nombre d'artistes continuent de se confronter à son œuvre et à sa figure. Qu'ils s'emparent directement et plastiquement de ses écrits (Glenn Ligon, Roni Horn) ou revendiquent clairement la filiation (Hanne Darboven, Felix Gonzalez-Torres, Deborah Kass, Ellen Gallagher), tous attestent de l'actualité de son œuvre et de sa place tutélaire dans l'art américain.
Glenn Ligon (né en 1960)
Warm Broad Glow II, 2011, néon, peinture et aluminium thermolaqué
Study for Negro Sunshine #139, #140, #141, #142, #143, #144, #145, #146, #147, #148, 2023, bâton de peinture à l'huile, poussière de charbon et gesso sur papier
Dans la nouvelle « Melanctha » de Three Lives (1909), Gertrude Stein utilise une expression stéréotypée raciste « negro sunshine » (« soleil nègre ») pour décrire le sourire des Africains-Américains et, à force de répétitions et de variations, dévie du préjugé raciste en ajoutant de la complexité à son personnage, contredisant ainsi tout projet essentialiste de catégorisation.
Andy Warhol :
Ten Portraits of Jews of the Twentieth Century, 1980, sérigraphie couleur
Acteur incontournable de la contre-culture new-yorkaise depuis les années 1950, Andy Warhol a notamment collaboré avec Cunningham et exposé à la Judson Gallery, où Gertrude Stein est érigée en modèle de l'avant-garde américaine. En 1980, il réalise le portrait peint de Gertrude Stein. À la manière du visage-masque composé par Picasso et en affirmant la dualité de genre du modèle, Warhol transforme Stein en une figure pop, à la fois icône américaine et icône queer. Puis, il l'intègre à son polyptyque Ten Portraits of Jews of the Twentieth Century aux côtés de celles et ceux qu'il surnomme les Jewish Geniuses (« génies juifs »). Warhol confère une nouvelle dimension à la postérité de Stein, une identité juive, représentée et valorisée à travers un panthéon intellectuel et artistique du XXe siècle.
Deborah Kass (née en 1952) : Let Us Now Praise Famous Women #2, vers 1944-1945, sérigraphie et acrylique sur toile
Hanne Darboven (née en 1935) : Quartet >88<, ensemble de six tirages offset avec photographies montées et livre dans un coffret portfolio en lin rouge
Et pour finir,
Felix Gonzalez-Torres (1957-1996) : Untitled (Alice B. Toklas' and Gertrude Stein's Grave, Paris), vers 1992, C-print contrecollé sur carton
La photographie saisit, dans un cadrage resserré, les fleurs sur la pierre tombale de Gertrude Stein et de sa compagne, Alice Toklas, au cimetière du Père-Lachaise. Ainsi uni dans la mort, leur couple devient un symbole politique de la lutte pour les droits des personnes homosexuelles, source d'un renouveau de vie, comme le suggère la végétation croissante.
Peter Doig : Reflets du siècle
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Une petite mais intéressante exposition au musée d'Orsay : figure de proue du renouveau de la peinture figurative, Peter Doig, né à Edimbourg en 1959, a été invité à présenter dans l'une des salles à coupole du musée, une sélection de grandes toiles réalisées au cours des vingt dernières années que l'artiste a passées sur l’île de Trinidad dans les Caraïbes.
Dans un espace adjacent, Peter Doig a conçu un accrochage à partir de l’ensemble des œuvres du musée qu'il considère les plus emblématiques et propres à en donner un résumé de la collection. Selon les organisateurs : "Faisant fi des normes de lectures chronologiques et catégorisations habituelles, cette sélection, que seul un artiste de son envergure pouvait imaginer, transforme le regard du spectateur sur les collections pour revenir à l’essence-même de notre rapport émotionnel aux œuvres".
La grande salle des oeuvres de Peter Doig :
Bather (Night Wave), 2019, huile sur toile
Music Shop, 2023, huile sur toile
Two Trees, 2017, huile sur toile
Soca Boat, 2023, huile sur toile
Paragon, 2006, huile sur toile
100 Years Ago, 2000, huile sur toile
Untitled (Ping-Pong), 2006-2008, huile sur toile
Night Studio (Studio Film and Racquet Club), 2015, huile sur toile
Night Bathers, 2019, huile sur toile
Spearfishing, 2013, huile sur toile
Bather, 2023, huile sur toile
Dans les deux salles adjacentes est présentée la sélection d'œuvres du Musée d'Orsay effectuée par Peter Doig. Nous les décrivons ci-dessous avec les commentaires de l'artiste.
Jean-Léon Gérôme (1824 - 1904) : Jeunes Grecs faisant battre des coqs, 1846, huile sur toile
« Le tableau de Gérôme dégage une impression de cinéma d’anticipation, et m’évoque l'atmosphère de la photographie de mode, en particulier dans la représentation des jeunes gens presque nus. Ce qui m'a captivé, c'est le contraste frappant entre l'image figée des coqs - leurs becs, leurs griffes, leurs yeux perçants et leurs plumes - et la peau radieuse des beaux protagonistes. Ils les regardent d'un air amusé, quelques instants avant l'inévitable éruption de violence et l'effusion de sang. »
Gustave Courbet (1819 - 1877) : Chasseurs dans la neige, vers 1864, huile sur toile
Paul Gauguin (1848 - 1903) : Le Cheval blanc, 1898, huile sur toile
« J'aime la quiétude qui émane de ce paysage sous la neige de Courbet. Il capture la sensation tangible du froid et les sons distincts qui y sont associés. Malgré leur statut de chasseurs, leur langage corporel rappelle celui des skieurs, donnant une touche contemporaine à la scène. Les vêtements d’époque que choisit de peindre Courbet ajoutent à l'authenticité de la scène. J'aime la façon dont cette scène ordinaire s’anime, sans être trop bruyante. Le tableau de Gauguin, réalisé 34 ans après celui de Courbet, exprime une forme personnelle de poésie. Il est possible que Gauguin se soit laissé envoûter par le paysage tropical et qu'il ait peint sa scène comme s'il était perdu dans une rêverie. Je suis fasciné par la possibilité d’exposer ces deux œuvres côte à côte dans l’idée d’explorer plutôt leurs affinités que leurs distinctions. »
Henri Rousseau, dit Le Douanier (1844 - 1910) : La Guerre, vers 1894, huile sur toile
« Rousseau était un artiste en avance sur son temps, utilisant des techniques d'une remarquable modernité. Son processus créatif repose sur le collage et l'assemblage d'albums contenant diverses illustrations, gravures et photographies, qui alimentent son imagination.
Dans son tableau "La Guerre", il présente une scène austère décrivant le chaos, la mort et la dévastation. Un enfant guerrier aux traits expressionnistes est perché au sommet d'une créature difforme, semblable à un cheval d'un autre monde, créant ainsi une image troublante. Cette œuvre a marqué ma propre peinture, "Two Trees", m'incitant à réfléchir à la manière dont les paysages témoignent de la capacité des Hommes à se montrer cruels les uns envers les autres. La puissante déclaration anti-guerre de Rousseau, présentée presque comme une affiche, reste pertinente et obsédante aujourd'hui, nous faisant réfléchir à l'impact durable des conflits.»
Camille Pissarro (1830 - 1903) : Portrait de l'artiste, 1873, huile sur toile
Auguste Renoir (1841 - 1919) : Jeune femme à la voilette, vers 1875, huile sur toile
Georges Seurat (1859 - 1891) : Le Petit Paysan en bleu, vers 1882, huile sur toile
Edouard Manet (1832 - 1883) : Berthe Morisot à l'éventail, 1872, huile sur toile
Edouard Vuillard (1868 - 1940) : Félix Vallotton, vers 1900, huile sur carton, contrecollé sur panneau parqueté
« Les correspondances entre ces peintures m’intéressent tout autant que leurs différences. Elles rendent toutes compte d’une utilisation très singulière de la peinture - abondante et fluide, douce et vaporeuse, étudiée et directe, voilée et mystérieuse, plâtrée et rayée. Chaque peinture nous plonge dans sa propre matérialité, et dans les mystères du sujet peint. Finalement nous n’apprenons pas grand-chose à propos d’eux, et c’est peut-être là que réside l’intérêt de ces portraits : ils sont tout simplement fascinants, et les différences dans leurs processus de création ne compromettent en rien le dialogue qui s’engage entre eux. Chaque portrait présente des jeux de dissimulation, à l'exception de celui de Pissarro, dont le regard perspicace assure la cohésion de l'ensemble. »
Honoré Daumier (1808 - 1879) : Crispin et Scapin, vers 1864, huile sur toile
Claude Monet (1840 - 1926) : Camille sur son lit de mort, 1879, huile sur toile
« Avec ces deux œuvres, j'ai voulu créer un dialogue, non seulement entre les sujets - les acteurs bavards et la belle jeune femme sur son lit de mort - mais aussi entre la façon concrète dont les artistes ont utilisé la peinture pour décrire deux sentiments différents : la vie animée, pleine d’échanges vifs et de nuances suggestives, et la vision poignante d'un peintre cherchant désespérément à capturer les derniers souvenirs de sa femme. Les deux tableaux rendent manifeste une maîtrise virtuose sans amoindrir la profonde intimité inhérente aux deux compositions. »
Paul Cézanne (1839-1906) : Le Christ aux limbes, vers 1867, fresque transposée sur toile, copie d'après Sebastiano del Piombo
« Je suis fasciné par cette période dans l’œuvre de Cézanne parce qu'il jette un regard en arrière tout en progressant à une vitesse vertigineuse. Au passé, il emprunte des sujets et s’inspire d’artistes qu'il admire ; vers l’avenir, il se tourne à mesure que sa technique se perfectionne, à un rythme si rapide qu’il semble en perdre la mesure - et le résultat en est formidable. Dans ce tableau fascinant, il saisit ce qui est nécessaire et esquisse ce qui doit être implicite. Le tableau est si vivant qu'il envahit presque la pièce qu'il occupe. »
et pour finir,
Edgar Degas, (1834-1917) : Ensemble de sculptures de danseuses et de femmes nues, entre 1921 et 1931, statuettes en bronze patiné
« J'ai voulu présenter ces sculptures de Degas de la même manière qu'elles me sont apparues lorsque je les ai vues pour la première fois dans les réserves du musée. Elles sont comme des esquisses sur une page, un ensemble d'idées qui ont pris forme grâce aux yeux, à l'esprit et aux mains de l'artiste. Ces silhouettes, façonnées à l'origine dans la cire, n'ont jamais été destinées à être exposées, ni achevées comme des œuvres. Elles ont été créées pour servir de support aux peintures de l'artiste. Transformées en bronze après la mort de l’artiste, elles gardent une telle spontanéité et une telle énergie vitale qu’elles pourraient se trouver encore dans l'atelier de Degas. »