Henri Cartier-Bresson à la Fondation Leclerc à Landerneau (II/II)
Nous terminons dans ce billet le parcours de l'exposition consacrée au photographe Henri Cartier-Bresson dans notre billet du 24 août dernier.
La Chine communiste
À la fin de l’année 1948, le magazine Life demande à Cartier‑Bresson de se rendre en Chine pour photographier le pays, au moment où les communistes de Mao Zedong sont sur le point de ravir le pouvoir au gouvernement nationaliste dirigé par le Kuomintang de Tchang Kaï-chek. Arrivé à Pékin en décembre, le photographe parcourt le pays. À Nankin, il fixe l’image de la dernière séance du Parlement nationaliste. Sur le Yangzi, il assiste au passage du fleuve par les troupes communistes. À Pékin, il photographie un paysan venu vendre ses légumes à la ville après que le marché de son village ait fermé. Assis à une table de bois, il mange ses provisions sous l’œil résigné d’un commerçant dont le magasin n’a pas été réapprovisionné. L’image est une merveille de composition. Elle est construite sur une trame de lignes verticales et horizontales qui la recompartimentent. L’ombre d’une tonnelle vient délicatement strier l’image en diagonales. Deux visages impassibles, baignés de lumière, émergent de l’ombre. (Derniers jours du Kuomintang, Pékin, Chine, décembre 1948)
Dans la même section :
Derniers jours du Kuomintang, Pékin, Chine, décembre 1948
Défilé célébrant la prise de Shanghai par les communistes, Shanghai, Chine, 12 juin 1949
Foule attendant devant une banque pour acheter de l'or pendant les derniers jours du Kuomintang, Shanghai, Chine, 23 décembre 1948
La Cité Interdite, Pékin, Chine, décembre 1948
Près de la Cité Interdite, Pékin, Chine, décembre 1948
Derniers jours du Kuomintang, Pékin, Chine, décembre 1948
Rituel matinal dans les jardins de Taimiao (un employé de banque, un conservateur de musée et un officier de l'armée du Kuomintang), Pékin, Chine, décembre 1948
Pékin, Chine, décembre 1948
Hong-Kong, Chine, 1949
Le Paris de l'après-guerre
Dans les années 1950, entre deux reportages internationaux, Cartier-Bresson est souvent à Paris. Il photographie la vie dans la rue, les passants, les petits métiers, et la fameuse course cycliste des Six Jours du Vélodrome d'Hiver. La capitale ne semble pas être sortie du bon vivre de l'avant-guerre, elle résiste encore aux Trente Glorieuses.
Les quais de Seine, Paris, France, 1955
Rue de Crimée et escalier de la rue des Annelets, Paris, France, 1953
Cirque Fanni, porte d'Italie, Paris, France, 1953
Course cycliste « Les 6 jours de Paris »>, Vélodrome d'Hiver, Paris, France, novembre 1957 (2 clichés)
Paris, France, 1945
Bougival, France, 1956
Sous le métro aérien, boulevard de la Chapelle, Paris, France, 1951
Ouvrier des Halles, Paris, France, 1952
En Allemagne
En 70 ans de carrière, les images de Cartier‑Bresson n’ont jamais perdu leur qualité de composition. Dans cette photographie réalisée en 1962, tout est à sa place : les lignes de perspective se croisent harmonieusement, les rythmes gris de la chaussée, des façades et des murs s’accordent parfaitement, les trois personnages juchés sur une borne sont disposés selon les proportions du nombre d’or. L’image a été prise à Berlin, peu après la construction du mur qui sépare l’est de l’ouest. Elle montre, depuis la partie occidentale de la ville, trois jeunes hommes en costumes modernes qui observent ce qui se passe de l’autre côté du rideau de fer. Elle permet surtout de comprendre que, derrière l’impeccable géométrie, les images de Cartier‑Bresson possèdent toujours un fort contenu documentaire. Pour lui, la photographie est «la reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d’une part de la signification d’un fait et de l’autre d’une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait». (Mur de Berlin-Ouest, Allemagne, 1962)
Dans la même section :
Hambourg, Allemagne de l'Ouest, décembre 1952 - janvier 1953 (2 clichés)
Mur de Berlin-Ouest, Allemagne, 1962
Berlin, Allemagne, juillet 1951
Défilé de mode, Düsseldorf, Allemagne de l'Ouest, 1956
Hambourg, Allemagne de l'Ouest, décembre 1952 - janvier 1953
Le Rhin, Düsseldorf, Allemagne de l'Ouest, 1956
Le Rhin, Allemagne, 1956
La Russie du dégel
En 1954, Cartier‑Bresson est le premier reporter occidental à entrer en Union soviétique depuis le début de la guerre froide. Pour l’agence Magnum, dont Cartier‑Bresson est l’un des fondateurs, c’est un grand coup. Au moment de partir, le reportage est déjà prévendu aux plus grands journaux internationaux. Les photographies que Cartier‑Bresson réalise alors dans la capitale, mais aussi en Géorgie ou sur les bords de la Baltique, convoquent souvent le registre de la banalité. Et pour cause, c’est précisément là que se situe l’enjeu du reportage. À l’opposé des stéréotypes véhiculés en Europe et aux États-Unis par la propagande anticommuniste, il lui importe de montrer que les Russes sont comme tout le monde : ils vivent, rient et dansent ensemble.
Commémoration de la victoire face aux nazis, Léningrad, Russie, 9 mai 1973
Effigie monumentale de Lénine, Palais d'Hiver, Léningrad, Russie, 1973
Ouzbékistan, 1954
Bakou, Azerbaïdjan, 1972
Rassemblement des délégations de l'Union Soviétique pour célébrer la Journée des sports, stade Dynamo, Moscou, Russie, juillet 1954 (2 clichés)
Bateau Russia, Soukhoumi, Géorgie, 1954
Forteresse Paul et Peter sur la rivière Neva, Léningrad, Russie, 1973
Léningrad Russie, 1954
Deux jeunes femmes attendant le tram, Moscou, Russie, 1954
Cantine pour les ouvriers travaillant sur la construction de l'hôtel Metropol, Moscou, Russie, 1954
Usine Zis, Moscou, Russie, 1954
L’Amérique à nouveau
À partir du début des années 1970, Cartier‑Bresson, qui a désormais dépassé les soixante ans, photographie beaucoup moins et se consacre davantage au dessin. En 1975, il inaugure la première exposition de ses dessins à la Carlton Gallery de New York. C’est au cours de ce séjour américain qu’il réalise cette étonnante photographie dans la prison modèle de Leesburg dans le New Jersey. Jambe tendue et poing brandi à travers les barreaux de sa cellule, un détenu semble vouloir manifester sa colère au photographe. Parfaitement composée et d’une grande efficacité graphique, l’image possède une très forte puissance symbolique qui permet de comprendre pourquoi elle a été régulièrement détournée, c’est à-dire utilisée en dehors de son contexte documentaire originel. En 1999, sans qu’aucune autorisation n’ait été demandée au photographe ni même à l’agence Magnum, et en dehors de toute logique historique, un timbre albanais la reproduit, par exemple, pour la commémoration de l’Holocauste. (Prison de Leesburg, New Jersey, États-Unis, 1975)
Dans la même section :
San Antonio, États-Unis, 1947
Tuskegee, États-Unis, 1961
Tent city, près de Somerville, États-Unis, 1961
Washington D.C., États-Unis, 1957
Bureau de vote près de Indianapolis, États-Unis, 1960
Hialeah, États-Unis, 1957
Élection du Président John-Fitzgerald Kennedy, Washington D.C., États-Unis, 1961
New York, États-Unis, 1961
À Cuba
Début 1963, Cartier‑Bresson est à Cuba pour le magazine américain Life. Cela fait quatre ans que Fidel Castro est au pouvoir. Ses relations politiques avec les États-Unis se sont progressivement dégradées jusqu’à la «crise des missiles» : en octobre 1962, un avion américain révèle que les Soviétiques construisent des rampes de lancement d’ogives nucléaires sur l’île. Seule une intense négociation permet alors d’éviter que ce nouvel épisode de la guerre froide ne déclenche un troisième conflit mondial. Cartier‑Bresson arrive à La Havane immédiatement après cet événement. Comme il l’avait fait en Chine et en URSS, il essaye de saisir un peu du quotidien des Cubains. Il photographie l’omniprésence du politique: les slogans propagandistes, les effigies géantes des leaders du régime, ou les militaires en armes. Mais il montre aussi la vie dans la rue, la sensualité des Cubaines et le mouvement des corps dans la moiteur sexuée de la ville. Ses photographies seront publiées, le 15 mars 1963, en couverture et sur huit doubles-pages du magazine Life, et accompagnées, c’est suffisamment rare pour le souligner, d’un article écrit par le photographe lui-même. Life, évidemment, ne retiendra que les images les plus politiques.
Camagüey, Cuba, 1963
Cortège funéraire pour le chanteur Benny Moré, La Havane, Cuba, 1963
La Havane, Cuba, 1963 (4 clichés)
La Havane, Cuba, 1963 (3 clichés)
Président Fidel Castro, Théâtre Chaplin, La Havane, Cuba, 1963 (3 clichés)
Japon, 1965
En 1965, Cartier‑Bresson séjourne plusieurs mois au Japon. Il travaille alors pour Asahi Shimbun, l’un des plus importants quotidiens japonais et le plus engagé politiquement à gauche. Lors des funérailles shinto de l’acteur de théâtre traditionnel Ichikawa Danjuro XI, il réalise l’une de ses images les plus intenses de la période. En son centre apparaît une banderole verticale sur laquelle est inscrit le mot «funérailles» en japonais. Tout autour de celle-ci, cinq femmes semblent avoir entamé une ronde rituelle dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Dans leur costume funéraire noir, seuls leurs visages ponctuellement éclairés se détachent sur le fond sombre. De profil, de trois quarts et de face, dignes, en pleurs ou dissimulées dans un mouchoir, ces figures du deuil deviennent autant d’idéogrammes. Elles font écho à l’inscription centrale et expriment une gradation progressive de la douleur. L’enterrement de l’acteur kabuki devient ainsi une magnifique leçon d’expression dramatique. (Funérailles shinto de l'acteur de kabuki Danjuro, Tokyo, Japon 13 novembre 1965)
Dans la même section :
Deux personnes devant une affiche de cinéma, quartier de Hibiya, Tokyo, Japon, 1965
Quartier Hakodate, Hokkaido, Japon, 1965
Ferronniers, Tobata, Kitakyūshū, Japon, 1965
Manifestation contre la guerre du Vietnam et l'accord Corée-Japon, Tokyo, Japon, 1965
Japon, 1978
Japon, 1978 (3 clichés)
Gare, Fukui, Japon, 1965
Près de Noboribetsu, Hokkaido, Japon, 1965
Miyako, Japon, 1965
La machine à tête humaine
Cartier‑Bresson ne cherche pas à dénoncer ou à glorifier, ni même à expliquer le monde du travail. Ses photographies ne montrent pas les conditions d’exploitation des usines modernes, la répétitivité du travail à la chaîne ou des archétypes de travailleurs. C’est davantage la relation physique qui s’établit entre l’homme et la machine qui l’intéresse. Sous une forme visuelle renouvelée, ses images rappellent certains photomontages dadaïstes ou constructivistes des années 1920‑1930, dans lesquels l’ouvrier est présenté sous la forme d’un être hybride, mi-homme, mi-machine. Elles expriment une pensée dialectique souvent développée à l’époque, autant dans les études de sociologie du travail que dans les romans de science-fiction, selon laquelle l’homme est censé maîtriser la machine qu’il a créée, mais est, en même temps, sans cesse aliéné par elle.
Exposition Universelle, Montréal, Canada, 1967
Banque, Manhattan, New York, États-Unis, 1960
Centre spatial John F. Kennedy, Floride, États-Unis, 1967
Usine d'ordinateurs IBM, Mayence, Allemagne, 1967
Usine Citroën, Paris, France, 1959
Studio de la BBC, Londres, Angleterre, 1967
Test de performance dans l'usine de la CGCT, Longuenesse, France, 1976
Accélérateur linéaire, Université de Stanford, États-Unis, 1967
Wuhan, Chine, 1958
Usine Sud-Aviation, Marignane, France, 1968
Erevan, Arménie, 1972
Rue Danielle Casanova, Paris, France, 1968
Mai 68
Partout où il est allé, Cartier‑Bresson a aimé photographier les foules. Pour lui, comme pour beaucoup de ceux qui se sont, à un moment ou à un autre, reconnus dans les idées du communisme, la foule incarne le pouvoir du peuple, c’est à dire l’espoir révolutionnaire. L’immersion au cœur de la foule est aussi un grand plaisir jubilatoire, lors de manifestations notamment. L’appareil rivé à l’œil, il guette les mouvements qui font bouger les lignes, modifient les perspectives et réorganisent les masses. Le moindre déplacement de banderole ou l’apparition d’un visage peut faire basculer l’image. La foule est pour lui le lieu le plus stimulant pour l’exercice de la composition. Durant les décennies d’après-guerre, très chargées en revendications sociales, il photographie régulièrement les manifestations politiques. Et même après avoir officiellement cessé son activité de reportage, à partir des années 1970, il continuera néanmoins à photographier régulièrement, pour le plaisir, les rassemblements populaires.
Dans la même section :
Comité Information Défense, Palais de la Mutualité, Paris, France, 1969
Venise, Italie, 1972
La société de consommation
À partir des années 1960, Cartier-Bresson s'intéresse à la reconfiguration du monde autour de la
consommation. Il photographie caché derrière la vitrine d'un petit commerçant, dans les supermarchés ou les foires internationales. Quoi de plus abstrait que la convoitise? Il a l'idée de la représenter à travers le regard avide des consommateurs face à la marchandise.
Paris, France, 1973
«Temple de la consommation» , Pau, France, 1969
Le Grand Magasin Foley, Houston, États-Unis, printemps 1957
Léningrad, Russie, 1954
Galeries Lafayette, Paris, France, 1968
Salon de l'auto, Paris, France, 1968
Galeries Lafayette, Paris, France, 1967
Vladimir, Russie, 1972
Beijing, Chine, juillet 1958
Exposition « Industrial Progress », Beijing, Chine, juillet 1958
Salon de l'électroménager, Grand Palais, Paris, France, 1953
Salon des Arts Ménagers, Paris, France, 1956
Aux alentours du village olympique, Kiel, Allemagne, 1972
Hôtel Americana, Miami, États-Unis, 1957
Vive la France
En France, les décennies de l’après Seconde Guerre mondiale sont marquées par une profonde mutation économique et sociale: reconstruction du pays, développement industriel, modernisation de l’appareil de production, intensification de l’exode rural, grands projets d’urbanisme, etc. Cartier‑Bresson disait volontiers que la France était alors sortie du XIXe siècle pour entrer de plain-pied dans le XXe. À la fin des années 1960, il décide de réaliser une grande enquête photographique pour rendre compte de cette transformation de la société française. En 1968 et 1969, pendant plus d’un an, il sillonne l’Hexagone en voiture et prend des milliers d’images. C’est à cette occasion, dans les halles couvertes de Simiane‑la‑Rotonde, ce village des Alpes-de-Haute-Provence perché en haut d’une colline, qu’il réalise cette photographie, chef-d’œuvre de quiétude et d’équilibre, qui témoigne d’un mode de vie communal bientôt voué à la disparition. L’ensemble des images réalisées lors de ce projet, dont celle-ci, seront réunies dans une exposition et un livre intitulés Vive la France. (Simiane-la-Rotonde, France, 1969)
Dans la même section :
Aubusson, France, 1968
Poste frontière avec la Belgique sur la route D23, près de Bailleul, France, 1969
Brie, France, 1968
Rue de Vaugirard, Paris, France, mai 1968
Paris, France, 1969
Chasse en battue, Montigny-le-Chartif, France, 1968
Salins-les-Bains, France, 1968
Sylvie Fennec et Jean-Daniel Simon, boulevard Diderot, Paris, France, 1969
Brasserie Lipp, Saint-Germain-des-Prés, Paris, France, 1969
Festival, place de l'Horloge, Avignon, France, 1969
Graffiti représentant Charles de Gaulle avec une couronne, quartier des Halles, Paris, France, 1969
Le parcours s'achève sur une section un peu particulière consacrée au portrait, genre assez opposé aux habitudes du photographe de l' "instant décisif".
Points d’interrogation
En 1944, les éditions Braun demandent à Cartier‑Bresson de réaliser des portraits de peintres pour de petites monographies en préparation. C’est à cette occasion qu’il photographie les grands peintres et écrivains français : Bonnard, Braque, Matisse, mais aussi Éluard, Valéry, Camus, ou Sartre. Il opère à peu près toujours de la même manière. Il se familiarise tout d’abord avec l’œuvre de son sujet, puis demande à le photographier dans son intimité. Au moment d’opérer, il se fait discret, tente de se faire oublier, puis photographie à l’économie: jamais plus d’une pellicule par portrait.
Chez Irène et Frédéric Joliot-Curie, le couple de physiciens à l’origine de la découverte de la radioactivité artificielle, il n’a pas fini d’ouvrir la porte qu’il a déjà trouvé ce qu’il cherchait. Ils sont là comme deux statues pétrifiées attendant le photographe comme le Jugement dernier. «Avec les Joliot, explique-t-il quelques années plus tard, il y avait un panneau sur la porte “Ouvrez sans sonner”. J’ai ouvert la porte et voilà ce que j’ai vu. J’ai tiré avant de les saluer. » (Irène et Frédéric Joliot-Curie, France, 1944)
Simone De Beauvoir, Saint-Germain-des-Prés, Paris, France, 1947
Jean-Paul Sartre et Jean Pouillon sur le pont des Arts, Paris, France, 1946
Henri Matisse à son domicile, Vence, France, 1944
Martine Franck, Venise, Italie, 1972
Susan Sontag, Paris, France, 1972
Marie-Claude Vaillant-Couturier, France, 1945
Truman Capote, La Nouvelle-Orléans, États-Unis, 1946
Alberto Giacometti, Galerie Maeght, Paris, France, 1961
Alberto Giacometti, rue d'Alésia, Paris, France, 1961
Ezra Pound, Venise, Italie, 1971
et pour finir une photo qui ne soit pas d'Henri Cartier-Bresson : le photographe en train de dessiner son autoportrait devant un miroir, cliché réalisé à Paris en 1992 par Martine Franck (1938-2012), photographe belge qui fut l'épouse d'Henri Cartier-Bresson de 1970 à sa mort en 2004.
Henri Cartier-Bresson à la Fondation Leclerc à Landerneau (I/II)
Cette année, le Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la culture consacre son exposition estivale au photographe Henri Cartier-Bresson (1908-2004), en liaison avec la fondation Cartier-Bresson dont le directeur Clément Chéroux est le commissaire de l'exposition. Nous proposons au lecteur d'ensuivre au cours de deux billets le parcours d'un vingtaine de sections, avec à chaque étape quelques-unes des plus de 300 clichés, célèbres ou peu connus qui y sont présentés.
Le sel du surréalisme
Durant l’été 1932, Cartier‑Bresson voyage en Italie. À Milan, Florence, Sienne, Trieste ou Venise, il réalise quelques-unes des images les plus enchantées de ses débuts. Parfaitement construite selon un motif en croix horizontal alternant avec subtilité les noirs et les blancs, l’image témoigne de la qualité de composition à laquelle Cartier‑Bresson est arrivé en quelques années de pratique seulement. Elle montre aussi la trace profonde que la fréquentation des surréalistes a laissée sur sa façon de regarder le monde. L’alignement des portes dont certaines sont entrouvertes et d’autres fermées, le personnage à moitié nu couché dans l’herbe, l’énigmatique cheminée surmontée d’une sphère armillaire, tout dans cette image rappelle l’atmosphère angoissante des tableaux de Giorgio De Chirico, que Cartier‑Bresson avait découverts à la fin des années 1920 dans une galerie parisienne. Le petit filet de fumée qui surplombe le personnage au premier plan, telle une âme s’échappant du corps, renforce encore le caractère d’inquiétante étrangeté de cette image. (Trieste, Italie, 1933)
Dans cette section :
Bruxelles, Belgique, 1932
Natcho Aguirre, Santa Clara, Mexique, 1934
L’obsession géométrique
Avant de devenir photographe, Cartier‑Bresson voulait être peintre. Entre 1926 et 1928, il étudie dans l’atelier du peintre cubiste André Lhote, un passionné de géométrie qui place au‑dessus de tout le principe du nombre d’or. De cet enseignement, Cartier‑Bresson conservera surtout une grande habileté à composer ses images. La photographie des deux hommes prise à Marseille en 1932 en témoigne. La disposition des deux corps recompose un triangle qui part des coins inférieurs du cadre pour se terminer en un point situé au premier tiers du bord supérieur de l’image. Cette composition n’a rien de gratuit. Elle sert à mieux mettre en évidence une opposition entre deux personnes que tout semble séparer. Le corps abandonné du dormeur passablement débraillé et coiffé d’une casquette au premier plan contraste ainsi mieux avec le maintien plus strict de l’homme éveillé, en costume et chapeau, à l’arrière plan. L’un est noir, l’autre blanc. Le premier pourrait bien être un ouvrier ou un docker, le second un bourgeois. Par cette construction pyramidale, Cartier‑Bresson propose une représentation symbolique des rapports de classe. (Marseille, France, 1932)
Dans cette section :
Leonor Fini, Italie, 1933
Salerne, Italie, 1933
Florence, Italie, 1933
Piazza della Signoria, Florence, Italie, 1933
Canal Saint-Denis, Saint-Denis, France, 1932
Prizren, Kosovo, 1965
Allée du Prado, Marseille, France, 1932
Instants décisifs
S’il est une photographie qui, dans l’œuvre de Cartier‑Bresson, illustre parfaitement la notion d’instant décisif, c’est bien celle réalisée derrière la gare Saint-Lazare, à Paris, en 1932. Si l’image avait été prise un instant avant, le personnage principal n’aurait pas répété, par la position de son corps, la silhouette en extension qui apparaît sur une affiche en arrière-plan. Si elle avait été prise une seconde plus tard, le talon du sauteur serait venu brouiller son reflet dans l’eau et l’effet de dédoublement sur lequel repose toute l’image. La notion d’instant décisif s’inscrit dans une tradition de la pensée sur l’art marquée par la fameuse analyse du Laocoon du philosophe allemand G.E. Lessing, selon laquelle le génie de l’artiste consiste à percevoir, puis à retranscrire, l’acmé d’une situation. L’introduction de cette philosophie dans le domaine de la photographie indique que cette dernière a désormais gagné sa légitimité artistique. (Derrière la gare Saint-Lazare, Paris, France, 1932)
Dans cette section :
Île de Sifnos, Grèce, 1961
Torcello, Italie, 1953
Athènes, Grèce, 1953
Hyères, France, 1932
Palerme, Italie, 1971
Lac Sevan, Arménie, 1972
L’Espagne vivante
Lors de son voyage en Espagne, en 1933, Cartier‑Bresson photographie beaucoup les enfants qui jouent dans les rues. À Séville, il fixe l’image d’un groupe d’enfants qui s’amuse dans les ruines d’une maison éventrée. La photographie, qui sera publiée quelques années plus tard dans L’Amour fou d’André Breton, est parfaitement représentative de sa façon de composer à l’époque. Il repère tout d’abord un fond dont la valeur plastique lui semble intéressante en soi. C’est souvent un mur parallèle au plan de l’image, ou un espace perspectif aux lignes graphiques marquées. Puis il attend que des personnages viennent trouver leur place dans cet agencement de formes en ce qu’il appelle lui-même une «coalition simultanée». Son mode de composition est comme un petit théâtre avec un décor et des acteurs. Une part de ce qui fait la qualité géométrique de ses images est parfaitement maîtrisée, l’autre, sans doute la plus importante, est le produit du hasard. (Séville, Espagne, 1933)
Dans cette section :
Barrio Chino, Barcelone, Espagne, 1933
Espagne, 1933
Madrid, Espagne, 1933
Espagne, 1932
Alicante, Espagne, 1933
Fou du Mexique
Au printemps 1934, Cartier‑Bresson embarque pour le Mexique. Il accompagne en tant que photographe une expédition parrainée parle musée d’Ethnographie du Trocadéro qui a pour objectif d’étudier l’impact de la construction d’une route panaméricaine sur les populations autochtones. Bien que la mission ait été annulée peu après son arrivée dans le pays, il décide de rester sur place. Il s’installe dans un quartier populaire de Mexico, où il vivra chichement pendant près d’un an en photographiant pour les journaux locaux et pour lui.
Dans cette section :
Juchitán, Mexique, 1934
Mexique, 1934 (2 clichés)
Mexico, Mexique, 1934 (3 clichés)
Oaxaca, Mexique, 1934
Le cœur à gauche
Prise à Trafalgar Square, le 12 mai 1937, le jour du couronnement de George VI, cette photographie témoigne du très grand sens de l’observation autant que de l’humour de Cartier‑Bresson. Elle montre un homme qui a très certainement attendu la nuit entière pour conserver sa place au premier rang, mais qui, de fatigue, a fini par s’endormir au milieu des journaux au moment du passage du cortège. Alors qu’il est spécialement envoyé à Londres par son journal pour couvrir les cérémonies du couronnement, Cartier‑Bresson fait le choix de ne jamais photographier le roi. Sur les deux cents et quelques photographies qu’il rapporte, seule une image montre le passage du carrosse, mais de loin. Il préfère bien davantage célébrer le peuple qui regarde, mi-fasciné, mi-amusé, le spectacle de la royauté. Entre le peuple et le roi, Cartier‑Bresson, qui travaille alors pour la presse communiste, a, sans hésitation, fait son choix. (Couronnement du roi George VI, Trafalgar Square, Londres, 12 mai 1937)
Dans cette section :
La Villette, Paris, France,1929
Martigues, France, 1932
Couronnement du roi George VI, Londres, Angleterre,12 mai 1937 (2 clichés)
En marge du couronnement du roi George VI, Londres, 1937
Chez Gégène, Joinville-le-Pont, France, 1938
Dimanche sur les bords de Seine, près de Juvisy-sur-Orge, France, 1938
L’expérience de la guerre
Pendant la Seconde Guerre mondiale, après avoir été pendant quelques mois photographe dans l’armée française, Cartier‑Bresson est fait prisonnier en juin 1940. Il passe trois ans dans un stalag allemand avant de s’évader en 1943 et de rejoindre la Résistance. C’est celle-ci qui, fin 1944, lui demande de réaliser un film sur un sujet qu’il connaît d’expérience et qui constituera l’un des grands problèmes logistiques de l’immédiate après-guerre: le retour des prisonniers. En mai‑juin 1945, il est en Allemagne, accompagné de deux cameramen américains de l’Office of War Information, pour réaliser un film qui sortira fin 1945 sous le titre Le Retour. Tandis que ses opérateurs filment, il continue de son côté à photographier. C’est ainsi qu’à Dessau, il fixe une scène qui existe aussi dans le film avec un léger décalage de point de vue. Elle montre une scène d’interrogatoire d’une grande intensité dans laquelle une ancienne prisonnière reconnaît celle qui l’avait autrefois dénoncée et la frappe. (Dans un camp de personnes déplacées, une indicatrice est reconnue par celle qu'elle avait dénoncée, Dessau, Allemagne, mai-juin 1945)
Dans cette section :
Libération, rue Saint-Honoré, Paris, France, 26 août 1944
Prisonniers allemands détenus par un soldat allié, Libération, Paris, France, 22-25 août 1944
Officiers allemands détenus dans une Kommandantur, près de l'Opéra Garnier, Paris, France, 25 août 1944
Oradour-sur-Glane, France, 1944
Arrestation d'un conférencier du Parti national-socialiste, Strasbourg, France, 1944
Appartement avenue Foch anciennement occupé par la Gestapo, libération de Paris, France, 22-25 août 1944
Dessau, Allemagne, mai-juin 1945
Un enfant dans un camp de transit entre les zones américaine et soviétique, Dessau, Allemagne, mai-juin 1945
Personnes déplacées libérées par l'armée soviétique, transportant le portrait de Staline, Dessau, Allemagne, mai-juin 1945
Manifestation pour la paix, Paris, France, 1944
Le voyage américain
Entre avril et juillet 1947, Cartier‑Bresson est aux États‑Unis, sur la route. De New York à Boston, en passant par Memphis, Baton Rouge, Los Angeles, Big Sur et Detroit, il parcourt plus de 16000 miles en voiture. Il est accompagné de l’écrivain américain John Malcolm Brinnin. L’enjeu de cette «transcontinental adventure into serendipity» est d’élaborer un ouvrage en commun, associant texte et images, sur le modèle du Let Us Now Praise Famous Men que Walker Evans et James Agee avaient publié six ans plus tôt. Mais le projet n’aboutira malheureusement pas. Au cours de ce voyage, Cartier‑Bresson réalise cependant quelques-unes de ses meilleures images de l’après-guerre, comme celle de cette vieille femme, prise le 4 juillet 1947, le jour de la fête nationale, dans les rues de Cape Cod. Ayant cassé la hampe de son drapeau, elle se l’était attaché autour du cou et, selon le témoignage de Brinnin, parlait toute seule, à haute voix, en pointant du doigt une personne invisible. (Une vieille femme ayant cassé la hampe de son drapeau le porte en écharpe, Jour de l'Indépendance, Cape Cod, États-Unis, 4 juillet 1947)
Dans cette section :
Marché aux poissons, Fulton Street, Manhattan, New York, États-Unis, 1946
Manifestation, Manhattan, New York, États-Unis, 1946
Bâtiment du tribunal civil, Manhattan, New York, États-Unis, 1947
New York, États-Unis, 1935
Knoxville, États-Unis, 1947
Coney Island, Brooklyn, New York, États-Unis, 1946
Boston, États-Unis, 1947
Taos, Nouveau-Mexique, États-Unis, 1947
Los Angeles, États-Unis, 1947
Natchez, États-Unis, 2 mai 1947
La Nouvelle-Orléans, États-Unis, 1946 (2 clichés)
Nous terminerons cette première partie de parcours avec la section :
Partition de l’Inde
En décembre 1947, Cartier‑Bresson arrive à Karachi, quelques mois seulement après que le pays a accédé à l’indépendance et s’est séparé en deux entités distinctes, l’Inde et le Pakistan. Parmi les différents contrecoups de la partition, l’un des plus traumatisants est l’assassinat de Gandhi par un fondamentaliste hindou le 30 janvier 1948. Cartier‑Bresson avait eu une audience auprès du Mahatma le jour même, quelques heures avant sa mort. Dans les jours qui suivent, il photographie les différentes phases des funérailles, depuis la crémation jusqu’à la dispersion des cendres dans le Gange. Ses images seront publiées par Life deux semaines plus tard et feront le tour du monde.
Jawaharlal Nehru annonçant la mort de Gandhi, Birla House, New Delhi, Inde, 30 janvier 1948
Funérailles de Gandhi, New Delhi, Inde, 31 janvier 1948
La Première Flamme, Funérailles de Gandhi, New-Dehli, Inde, 31 janvier 1948
Dans la même section :
Ahmedabad, Inde, 1966
Réfugiés faisant de l'exercice, camp de Kurukshetra, Inde, décembre 1947
Baroda, Inde, 10 janvier 1948
Srinagar, Inde, 1948
Deux clichés sans rapport avec la partition de l'Inde figurent dans cette partie de l'exposition.
En 1949, Cartier‑Bresson est à Bali pour photographier les danses traditionnelles. Il est accompagné de sa femme, Carolina Jeanne de Souza-Ijke, une danseuse traditionnelle indonésienne de très haut niveau qui, sous le nom de Ratna Mohini, se produit sur les scènes de New York, Londres ou Paris. Quelques années plus tard, en 1954, Cartier‑Bresson publie aux éditions Robert Delpire Danses à Bali, le recueil des photographies réalisées à cette occasion. Le livre est introduit par un essai d’Antonin Artaud, dans lequel l’écrivain compare les danseurs balinais à des «hiéroglyphes animés […] qui vivent et se meuvent». Cette idée est au cœur des photographies prises par Cartier‑Bresson à Bali, mais aussi de beaucoup d’autres images de cette époque. Il a compris que la chorégraphie était une écriture. Pour lui, le corps est un signe que le mouvement transforme en langage. C’est cette forme d’expression qu’il cherche à fixer dans ses photographies.
Danse Alloeng Kotjok dans un temple, village de Sayan, Bali, Indonésie, 1949
Danse Barong, village de Batubulan, Bali, Indonésie, 1949
Nous terminerons le parcours de cette très riche exposition dans un prochain billet.
Patrimoine religieux breton
Comme souvent à la même époque de l'année, nous proposons au lecteur un aperçu du riche patrimoine religieux du Léon.
Première étape : Bodilis
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L'église Notre-Dame de Bodilis a été construite entre 1564 et 1570, et a fait l'objet de nombreux agrandissements et embellissements au XVIe et XVIIe siècle.
Le porche méridional, placé au droit de la deuxième travée de la nef et dont la construction eut lieu entre 1585 et 1601, est d'une très grande richesse, avec ses statues en pierre de Kersanton, roche magmatique filonienne de composition proche du granite, typique des sculptures bretonnes, plus facile à travailler mais qui durcit et résiste à l'érosion en vieillissant.
Les rangées d'apôtres des parois intérieures sont particulièrement expressives, surmontant des frises également très travaillées.
À l'extérieur du porche, une très belle statue de l'annonciation.
Le porche initial de l'église était sous le clocher, donnant à ce dernier une belle allure élancée.
L'intérieur est richement décoré, avec ses bas-côtés aussi larges et hauts que la nef.
Tous les entraits, toutes les sablières, et même les blochets sont finement sculptés.
Un baptistère Renaissance en pierre de Kersauton
Une belle chaire en bois sculpté du 17e siècle
Le grand retable de la Sainte-Famille (1674) et celui du Rosaire (1669) de Maurice Leroux
Quittons Notre-Dame de Bodilis sur quelques vues extérieures
Après cette église remarquable, quelques autres monuments :
Saint-Vougay, avec son beau clocher léonard du XVIIe posé comme un campanile sur le côté d'un édifice très simple.
Un enclos paroissial restauré pratiquement à neuf, Berven en Plouzévédé, ensemble bâti en 7 ans à partir de 1573 avec l'apport des sculpteurs qui travaillaient au château voisin de Kerjean. L'édifice était malheureusement fermé.
Son portail triomphal dans le goût nouveau de la « seconde Renaissance » française, copié un peu plus tard à Sizun
Quelques détails architecturaux.
Quelques images du site de Ploudiry, encore en travaux mais où on peut toujours admirer l'ossuaire :
et quelques détails du porche en cours de restauration.
Terminons ce billet sur une image de la modeste petite église Saint-Pierre de Tréflévénez dans la lumière du soir.
Fêtes maritimes de Brest - édition 2024
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Les fêtes maritimes de Brest ont lieu tous les quatre ans depuis 1992. Ces grands rassemblements de bateaux traditionnels venant du monde entier ont succédé à ceux organisés depuis 1986 à Douarnenez, le succès croissant de ces manifestations ayant rendu ce dernier port trop petit pour les accueillir.
Les précédentes fêtes maritimes de Brest remontaient à 2016, celles prévues en 2020 ayant été annulées pour cause de pandémie. Il n'était donc pas question de manquer l'édition 2024 : nous nous y sommes rendus dès le premier jour, 12 juillet : choix peu judicieux compte tenu de la météo exécrable...
Entrés sur la rive droite de l'Elorn, nous gagnons la rive droite où est située l'essentiel de la manifestation en passant sur un pont flottant parallèle au pont levant de Recouvrance, d'où nous avons une vue sur les deus rives.
Quelques voiliers le long du quai, dont des noms bien connus...
À l'extrémité Est de ce premier quai, le bel ensemble formé par les deux voiliers-écoles de la Marine nationale, l'Étoile et La Belle Poule.
La Belle Poule et l'Étoile ont été construites en 1932 par le Chantier Naval de Normandie à Fécamp. Toutes deux identiques, elles reproduisent les caractéristiques des goélettes du type « Paimpolaise » qui, jusqu'en 1935 menaient la pêche à la morue en Atlantique nord. Seuls les aménagements intérieurs ont été modifiés pour l'hébergement de l'équipage, des élèves en instruction et pour l'installation du compartiment machine.
On notera sur la dernière photo que ces bâtiments arborent le pavillon de beaupré de la France libre, frappé d'une croix de Lorraine en son centre : elles étaient déjà les navires-écoles des Forces navales françaises libres.
Le premier navire que nous visiterons est le Gulden Leeuw, goélette à hunier à trois-mâts construite en 1937 pour le ministère danois de l'agriculture et de la pêche, naviguant à présent sous pavillon des Pays-Bas comme bateau de croisière. Longueur : 70 m (coque 51,7 m). Arrimé sur le pont arrière, on remarque son ancienne figure de proue, figurant une tête de lion (Gulden Leeuw signifiant Lion d'Or).
Depuis la bisquine La Granvillaise, amarrée bord à bord avec le Gulden Leeuw, où trois jeunes visiteuses transies posent pour leur grand-père, une belle vue sur la goélette à quatre mats portugaise Santa Maria Manuela.
Depuis le Gulden Leeuw, nous pouvons assister à la parade des voiliers dans la rade, certes un peu contrariée par la pluie persistante.
Artémis, trois-mâts barque néerlandais de 59 m de long, à coque acier, construit en 1926.
Abel Tasman, goélette à hunier de 40,5 m construite en 1913 dans les chantiers Patje à Waterhuizen (Hollande)
Le Celtic. Goélette aurique en bois moulé, Celtic est une construction amateur achevée en 1995, inspirée par les goélettes corsaires américaines. De dimension plus modeste que ces dernières, la forme de coque et son gréement ont cependant les formes typiques des voiliers américains.
La Cancalaise, réplique de bisquine construite en 1987 à Cancale. D'une longueur hors tout de 30 m pour une coque de 18,10 m, elle est gréée en lougre de pêche à trois-mâts avec voiles au tiers. C'est le bateau de pêche le plus voilé de France.
Sur le point de sortir du port, le Morgenster, brick (deux-mâts) hollandais de 48 m (longueur de coque 33,33 m), coque et pont acier, qui a rejoint les courses de grands voiliers après sa restauration en 2008. Avant sa remise en chantier, il a eu une longue carrière, depuis 1919, comme bateau de pêche en Mer du Nord.
Le Zephyr, goélette à grand-voile bermudienne à coque et pont en acier. Longueur : 35 m (coque : 29 m) Port d'attache : Harlingen (Pays-Bas). Il a été construit en 1931 au chantier Van Diepen de Waterhuizen aux Pays-Bas.
La Recouvrance, réplique d'un aviso du début du XIXe siècle grée en goélette à hunier. La longueur hors-tout de La Recouvrance est de 42 mètres, sa longueur de coque de 25 mètres, son maître-bau de 6,40 mètres, son tirant d'eau de 3,20 mètres, sa surface de voilure (neuf voiles) de 430 m2. Réplique des goélettes de type « Iris », un modèle dessiné par l'architecte naval Hubert en 1817, ambassadeur et propriété de la ville de Brest, elle a été lancée en 1991 après sa construction au chantier du Guip dans cette ville.
et d'autres beaux bateaux, petits et grands...
Le deuxième bateau visité est le Santa Maria Manuela, goélette à quatre-mâts (longueur 67,4 m dont 55,7 m pour la coque) qui sert de navire-école à l’État du Portugal. Avec le Creoula, il est un des survivants de la flotte morutière portugaise. Construit en 1937 à Lisbonne, il est lancé comme navire de pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve au Canada. Il est utilisé jusqu'en 1963 puis subit une rénovation en vue de l'adapter aux innovations technologiques de la pêche à la morue, il continue à naviguer. Considéré comme obsolète en 1993, il est voué à la destruction. Sa coque est préservée et rachetée en 1994 par un groupe d'institutions publiques pour rétablir l'ancien métier de pêche à la morue. En 2007, ne pouvant atteindre leur objectif, la fondation revend la coque à une société qui la restaure dans un chantier portugais, puis une seconde phase est entreprise pour tous les autres équipements dans un chantier de Galice. En mai 2010 il revient au port d’Aveiro.
Quelques détails des équipements, notamment le poste de commandement moderne et, derrière lui, ses prédécesseurs "antiques".
Après ces deux grands voiliers - et la bisquine - les jeunes visiteuses ont tenu à braver les éléments et à affronter une longue file d'attente pour visiter "un bateau militaire" : le BASM (Bâtiment de soutien et d'assistance métropolitain) Garonne, de classe Loire.
[Longueur : 70,3 m, maître-bau : 15,8 m, tirant d'eau : 5 m, déplacement : 2960 tonnes, port en lourd : environ 1000 tonnes, propulsion : 2 moteurs diesel de 2650 kW, vitesse : 14 nœuds]
On remarquera le boudin déroulant utilisé pour contenir les pollutions marines, un des canots de secours et d'assistance, le pont arrière avec le pont de Recouvrance en arrière-plan, les puissants canons à eau à l'avant du bâtiment et le poste de commandement ultra-moderne.
Pour conclure en musique et avec entrain malgré le temps maussade, le bagad des anciens de Lann-Bihoué :
Sports en Seine - histoire de champions d'hier et de demain
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Une exposition photographique en plein air au Parc de Sceaux, comme nous les avons souvent relatées dans notre blog (la dernière le 8 juillet 2023). C'est à présent le moment d'en rendre compte, pour nous mettre ici aussi à l'heure olympique. Elle est ainsi présentée :
Les Hauts-de-Seine sont, depuis toujours, une terre de sport. C'est vrai dans notre présent comme en témoignent les 336 000 licenciés dans nos 2 000 associations sportives alto-séquanaises. C'est tout aussi vrai dans notre passé avec l'avènement des grands clubs historiques - à commencer par le Racing Club de France - et des premières grandes compétitions sur le territoire actuel du département. Ce glorieux passé, ce sont aussi les Jeux Olympiques de 1924, et la construction de ce qui est aujourd'hui le Stade départemental Yves-du-Manoir, une enceinte mythique qui s'apprête à accueillir ses deuxièmes Jeux cet été. Ce monument du sport français et mondial est l'épicentre de cette exposition de photographies grand format, qui met en perspective vingt-sept images d'archives exceptionnelles et dix portraits de jeunes espoirs des clubs partenaires du Département.
Dans la gueule du monstre
Stade Yves-du-Manoir, 8 mai 1949, Colombes.
Un stade est un géant vorace, qui ne vit que par l'énergie de ceux qui y jouent et des milliers qui les encouragent. Le stade Yves-du-Manoir à Colombes en est la vibrante illustration, en ce jour de finale de Coupe de France de football 1949. Les quelque 62 000 spectateurs entassés dans les tribunes évoquent une gigantesque mâchoire prête à se refermer sur les vingt-deux acteurs, qui s'activent sur le terrain. Comme encouragé par ce monstre avide et grondant, c'est le Racing Club de France qui en ce début mai ne fait qu'une bouchée (5-2) du Lille OSC, pourtant vainqueur des trois éditions précédentes de l'épreuve. Les dieux du stade ont eu leur sacrifice, l'ogre d'acier et de béton est repu. Jusqu'à l'avènement du Stade de France, l'appétit du géant de Colombes restera inégalé, lorsqu'il s'agira d'avaler des foules record.
Ferveur ovale en impériales
Tournoi des Cing Nations, 28 mars 1921, Colombes.
C'est au milieu du XIXe siècle que la Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest met en service des voitures à impériale au départ de la gare Saint-Lazare. Dans les années 1920, ces rames à deux étages font le bonheur des spectateurs venus de Paris assister aux grandes rencontres sportives organisées sur le terrain du stade de Colombes. Avant même sa métamorphose olympique en 1924, l'enceinte accueille régulièrement de grands rendez-vous internationaux, comme ce France/Angleterre du 28 mars 1921, comptant pour le Tournoi des Cinq Nations, qui attire 35 000 amateurs de rugby acheminés en banlieue par des trains bondés. Le soutien de cette foule enthousiaste n'empêchera pas les Anglais de compléter cette année-là leur Grand Chelem, en ramenant de France une nouvelle victoire (10-6).
Train d'enfer pour la locomotive Zátopek
Stade Yves-du-Manoir, 30 mai 1954, Colombes.
Ila bien failli ne jamais être présent à Colombes ce jour-là, le roi de l'athlétisme de l'après-guerre. Attendu pour y participer à une réunion internationale, dont il est comme il se doit la principale attraction, le triple champion olympique des 5 000 m, 10 000 m et du marathon aux Jeux d'Helsinki en 1952 était encore, la veille, bloqué en Belgique, faute de visa. Si la situation se règle in extremis, le Tchèque arrive bien tardivement en France, stressé et en manque de sommeil. Lorsqu'il entre sur la piste en cendrée du stade Yves-du-Manoir, difficile dans ces conditions de croire en ses chances de le voir battre le record du monde du 5 000 m, qui manque encore à son palmarès. Dans son style habituel, plus dodelinant et grimaçant que jamais, Emil Zátopek va pourtant y parvenir en 13′57′′2. Qu'on se le dise: même retardée, « La locomotive tchèque », arrive toujours à l'heure!
Cerdan en reconquête à la Croix de Berny
Vélodrome de la Croix de Berny, 23 juin 1945, Antony.
Il encaisse, Édouard Tenet, mais sa garde a bien du mal à contenir la pluie de coups que lui inflige « le Bombardier marocain ». Au centre du stade vélodrome de la Croix de Berny, transformé pour l'occasion en ring à ciel ouvert, Marcel Cerdan est un homme pressé. La guerre lui a volé ce qui aurait dû être les plus belles années de sa carrière et le double champion d'Europe des poids moyens, en 1939 et 1942, a plus que jamais faim de titres. À la neuvième reprise du combat, Tenet est dans les cordes, mais il tient bon, jusqu'au coup de gong final. Largement vainqueur aux points, Cerdan peut poursuivre une ascension qui l'emmènera jusqu'à la consécration et la gloire éternelle, grâce au titre de champion du monde des poids moyens qu'il remporte le 21 septembre 1948 en battant à Jersey City l'Américain Tony Zale.
Tom Gaillard
est licencié au CAM 92 et membre de l'équipe de France de hockey sur gazon. Âgé de 19 ans, il a déjà à son actif plusieurs titres de champion de France dans les catégories de jeunes et a remporté deux fois avec son club de Montrouge l'Euro Trophy, coupe d'Europe de la spécialité, en 2022 et 2023.
«Pour moi, les Jeux Olympiques à Paris en 2024, c'est un rêve! C'est un événement qui restera gravé dans la mémoire de tous les sportifs qui y participeront. Recevoir les meilleures nations du hockey mondial au Stade départemental Yves-du-Manoir de Colombes, complètement reconstruit pour cette grande occasion cent ans après la cérémonie d'ouverture des Jeux de 1924, quelle chance et quel honneur pour tous les Français, sportifs, bénévoles et spectateurs! Un événement à savourer sans modération! »
Monaco sur Seine
Grand prix automobile, 9 juin 1946, Saint-Cloud.
Un Grand Prix en ville? La Principauté? Le Rocher? La Méditerranée ? En réalité, ces bolides lancés à l'assaut des pavés rugissent à deux pas de la Seine, à l'occasion d'un Grand Prix resté unique dans l'histoire locale. Un circuit de six kilomètres avec ses chicanes, ses virages en épingle à cheveux et ses lignes droites avalées à plus de 200 km/h au cœur même de Saint-Cloud, organisé pour marquer l'inauguration de l'autoroute de l'Ouest. Qualifiée de « plus grande course internationale d'après-guerre » par le quotidien L'Équipe, l'épreuve réservée aux grosses cylindrées réunit les meilleurs pilotes automobiles du moment. Au terme des trente tours de circuit, c'est le Français Raymond Sommer sur Maserati qui remporte cette ronde infernale.
Le grand saut de Micheline Ostermeyer
Stade Yves-du-Manoir, août 1947, Colombes.
Deux ans après la fin de la guerre, l'organisation à Paris des IX Jeux mondiaux universitaires en août 1947 est un signe d'espoir pour la jeunesse. L'événement, qui rassemble 17 délégations pour un total de 800 athlètes, a un parfum de répétition générale avant le grand retour des Jeux Olympiques sur la scène internationale, prévu pour l'année suivante à Londres. Une partie des épreuves d'athlétisme est organisée au stade Yves-du-Manoir. Une jeune Française en pleine ascension, Micheline Ostermeyer, s'y distingue, en remportant les concours de saut en hauteur et de lancer du poids. Un simple galop d'essai avant ses deux titres olympiques de 1948, aux lancers du poids et du disque cette fois.
Clémence Audebert
17 ans, pratique l'aviron depuis déjà 6 ans. Licenciée à Boulogne 92, elle compte dans sa catégorie d'âge plusieurs titres de championne de France, le dernier en date conquis en indoor sur 8 x 250 m au stade Charléty en 2024.
«Les Jeux de Paris sont pour moi une occasion unique de rassembler en France les meilleurs athlètes mondiaux et de faire partager au public des moments inoubliables et inspirants. Ils viennent mettre en avant les valeurs du sport telles que la cohésion, l'entraide, l'amitié, le plaisir et le dépassement de soi et seront surtout une source d'inspiration pour l'avenir pour les jeunes athlètes comme moi. »
Ces demoiselles de la crosse
Stade Yves-du-Manoir, 1942, Colombes.
On est loin de la taille parfaite des gazons anglais, mais l'état de la pelouse ne semble pas préoccuper ces joueuses de hockey immortalisées en pleine partie. La question du terrain n'est pas anecdotique dans cette discipline et les pratiquants français ont longtemps regardé avec envie les carrés verts impeccables de leurs voisins britanniques. Les chroniqueurs voyaient d'ailleurs dans l'état souvent médiocre des terrains sur lesquels devaient évoluer les hockeyeurs français un frein au développement de la discipline en France. C'était avant la généralisation des surfaces synthétiques, sur lesquelles évoluent désormais l'élite de la discipline, à l'image du CAM 92, où la passion du jeu se perpétue de génération en génération, et des meilleures sélections olympiques, qui vont se mesurer cet été sur les terrains fraîchement refaits du Stade départemental Yves-du-Manoir.
Arabesques Belle Époque
Vélodrome Buffalo, Hiver 1912, Neuilly.
L'élégance de cette patineuse tranche avec les panneaux publicitaires dominant la glace. Comme le symbole d'un changement d'époque, entre celle des empires finissants et un monde moderne fait d'acier, de bruit et de fureur. L'emplacement de cette patinoire éphémère, installée au centre du vélodrome Buffalo à Neuilly, participe de ce choc des cultures. Ici, d'ordinaire, résonnent les cris des amateurs de cyclisme, venus assister aux empoignades entre les plus grands champions cyclistes du moment. On y entend même parfois gronder les moteurs des premières motocyclettes, dernières sorties des usines des constructeurs d'engins roulants de toutes sortes, qui fourmillent dans l'Ouest parisien. La gracieuse silhouette de cette patineuse d'un autre âge, elle, semble déjà enveloppée de l'étoffe dont sont faits les rêves.
Saint-Cloud, station d'altitude
Démonstration de luge, 5 mars 1909, Parc de Saint-Cloud.
Début mars 1909, l'hiver lance une offensive surprise sur la région parisienne. Le 3 mars, quinze à vingt centimètres de neige tombent en quelques heures sur la capitale et ses environs. Durant les deux jours qui suivent, le parc de Saint-Cloud se transforme en station de sports d'hiver. Les pentes de l'ancien domaine impérial voient alors affluer les amateurs de sports de glisse, notamment de ski, discipline en plein essor depuis l'organisation en France, deux ans plus tôt, de la première compétition internationale de la spécialité par le Club alpin français. La luge, moins technique, fait aussi des adeptes lors de cet inattendu week-end enneigé de 1909, année marquée par une météo capricieuse, qui viendra même perturber le Tour de France cycliste, resté dans les mémoires comme l'un des plus arrosés et ventés de l'histoire.
Noa Zinzen
20 ans, joue au rugby au Racing 92. Il poursuit aujourd'hui sa progression sous le maillot ciel et blanc: deux fois champion de France cadets en 2018 et 2019, il a été champion d'Europe chez les moins de 18 ans en 2022 et champion du monde chez les moins de 20 ans en 2023.
« C'est une fierté que la France et Paris puissent accueillir les Jeux Olympiques, pour réunir tous les pays et les meilleurs athlètes du monde et mettre en avant les valeurs du sport dans des lieux historiques. »
L'Ovalie en ciel et blanc
Stade du Matin, 17 mars 1912, Colombes.
Il a la moustache bien sévère, le capitaine du Racing Club de France, Gaston Lane, ballon en main au milieu de ses équipiers! Les joueurs au maillot ciel et blanc, vainqueurs ce jour-là à Colombes en demi-finale du championnat de France de rugby du Stade Bordelais, tenant du titre, ont pourtant de quoi jubiler. Pour le Racing, déjà triple vainqueur de l'épreuve (1892, 1900 et 1902) cette victoire offre la perspective de mettre un terme à dix saisons de disette. Mais peut-être son capitaine pressent-il qu'en finale, Toulouse, en quête d'un premier Bouclier de Brennus sur son terrain des Ponts Jumeaux, sera un adversaire coriace. Impression confirmée quinze jours plus tard, puisque les Racingmen s'inclinent 8 à 6. Ils devront encore attendre 1959 pour garnir leur armoire à trophées, riche à ce jour de six Boucliers de Brennus.
Cyclisme sur terrain glissant
Cyclo-cross de L'Auto, Janvier 1937, Clamart.
Il semble tout droit sorti de terre ce peloton, mi-glaise, mi-acier, tel un Golem des temps modernes. Cette génération spontanée de cyclards tout-terrain évolue pourtant sur une tout autre surface, qui se dérobe sous les pieds et fait monter l'acide lactique dans les quadriceps. Le franchissement de la sablière de Trivaux à Clamart est l'un des morceaux de bravoure de ce. cyclo-cross de L'Auto, millésime 1937. Depuis le début du XXe siècle, la discipline est très populaire et rares sont les champions sur route à ne pas s'entretenir l'hiver à coup de dénivelés et de bains de boue. Le plus fameux d'entre eux reste Eugène Christophe, « le Vieux Gaulois » de Malakoff, premier maillot jaune de l'histoire du Tour de France en 1919 et sept fois champion de France de la spécialité entre 1909 et 1921.
Quand l'homme-canon entre en piste...
Stade Buffalo, août 1907, Neuilly.
Avec son casque bol, allongé sur sa motocyclette Alcyon en position de recherche de vitesse, André Grapperon a des airs d'obus éjecté d'un canon. Sur l'anneau du premier vélodrome Buffalo à Neuilly, construit à l'emplacement même où Buffalo Bill présenta son Wild West Showen 1889, le bruit des moteurs résonne moins souvent que le bourdonnement des pelotons de pistards, mais il va dans le sens de l'histoire industrielle locale. À l'image d'Alcyon, à Neuilly puis à Courbevoie, les marques de cycles nées dans l'Ouest parisien sont aussi celles qui, au tout début du XXe siècle, vont se lancer dans la production d'automobiles, de motocyclettes et même pour certaines d'entre elles d'aéroplanes. Un châssis est un châssis, ajoutez-y un moteur et tout devient possible! Au guidon de son terrible engin, André Grapperon, lui, fera une belle carrière de pilote, qui l'emmènera jusqu'aux États-Unis, raflant au passage dans sa folle chevauchée les titres de champion de France et d'Europe.
Chiquito de Cambo, un Basque à Billancourt
Fronton du Point du Jour, 9 juin 1929, Boulogne-Billancourt.
Ce ne sont pas sur les bords de l'Adour que ces trois valeureux pelotaris sont photographiés, mais à deux pas de la Seine, dans le quartier du Point du Jour à Billancourt. Le colosse au milieu, Joseph Apesteguy, plus connu sous le nom de Chiquito de Cambo, est alors en fin de carrière et cela fait longtemps que sa légende a fait de lui une figure internationalement reconnue. Déjà, en novembre 1903, il faisait affluer à Neuilly le Tout-Paris autour du fronton du Cercle Saint-James, pour une double confrontation face à l'Espagne disputée devant quelque 10 000 spectateurs. La popularité de ce poids lourd du sport basque (1m95 pour 90 kilos !) est alors à son apogée. Au point de voir son nom associé pour l'éternité au trinquet jouxtant le grand fronton de Paris, sorti de terre aux confins de Billancourt en 1924, alors que la pelote basque était sport de démonstration au programme olympique.
Anita Adamo
16 ans, est fleurettiste au BLR 92. Membre de l'équipe de France des moins de 17 ans, l'escrimeuse de Bourg-la-Reine est sélectionnée aux circuits européens, a participé aux championnats d'Europe cadets à Naples et compte déjà un titre de championne de France par équipe à son palmarès, conquis en 2022.
« Les Jeux Olympiques de 2024 sont un événement exceptionnel et le fait que ce soit en France permet de donner une visibilité très importante aux sports olympiques, comme le mien notamment, grâce au cadre exceptionnel que nous offre Paris et ses infrastructures. »
Plongée en eaux troubles
Traversée de Paris à la nage, 30 juin 1912, Asnières.
Ne pas boire la tasse, se laver abondamment après l'effort et, de préférence, être vacciné contre la typhoïde: trois recommandations, qui témoignent qu'à la Belle Époque, piquer une tête dans la Seine n'est pas sans risque. Pas de quoi refroidir pour autant ces nageurs amateurs au départ des éliminatoires de la Traversée de Paris en juin 1912, épreuve qui connaît un beau succès depuis sa création sept ans plus tôt. Les pontons faisant office de plongeoir sont ceux du chantier des travaux d'élargissement du pont d'Asnières. L'histoire ne dit pas combien de ces valeureux concurrents ont dû rendre visite à un dispensaire dans les jours suivants leurs performances aquatiques...
L'aviron, une tradition au long cours
Traversée de Paris en aviron, 9 mai 1920, Asnières.
C'est à partir de la seconde moitié du XIXe siècle que se développe la pratique de l'aviron sur la Seine. D'abord récréatif, au temps des guinguettes et des dimanches au bord de l'eau, l'art de ramer en cadence fait fleurir les sociétés nautiques comme celle de la Basse-Seine à Courbevoie, créée en 1882, dont les régates, face à sa grande rivale de la Marne, ont alors des allures d'Oxford - Cambridge à la française. Plus tard, le bassin d'Asnières accueille les épreuves d'aviron des Jeux de 1900 à Paris. Le rayonnement olympique des rameurs locaux s'est depuis perpétué, de génération en génération, sous l'impulsion de clubs comme l'ACBB créé en 1943, dont la section aviron est aujourd'hui devenue Boulogne 92 et organise chaque année la Traversée des Hauts-de-Seine et de Paris à la rame.
Les enfants de la batte
Démonstration de base-ball, 24 juin 1917, Colombes.
Ces soldats et ambulanciers du corps expéditionnaire américain sont alors loin de s'en douter, mais ils disputent l'une des premières parties de base-ball en France. De notre côté de l'Atlantique, et a fortiori lors de la Première Guerre mondiale, le sport préféré de l'Amérique n'est qu'une discipline exotique et ses premières démonstrations, tout comme celles disputées au stade Pershing, intriguent plus qu'elles ne passionnent le public local. Sept ans plus tard, à Colombes toujours, mais cette fois sur le terrain du tout nouveau stade olympique, les joueurs professionnels des Giants de New York et des White Sox de Chicago auront beau faire étalage de leur habilité batte en main lors de deux matches d'exhibition, rien n'y fait, le public boude. Côté sport, le rêve américain ne fait pas encore recette...
Oussama Brahmi
20 ans, est membre de l'équipe de France de basket fauteuil. Champion de France de la discipline en 2024, il a aussi remporté cinq titres nationaux en para-athlétisme, ainsi que trois autres en haltérophilie.
« Les Jeux de Paris représentent pour moi une mise en lumière du travail accompli par les athlètes. Les accueillir à domicile est une opportunité pour montrer nos talents de sportifs et la valeur de nos disciplines! »
À l'assaut du mur de Sceaux
Croix de Berny, 7 décembre 1924, parc de Sceaux.
Les forêts et grands domaines de L'Ouest parisien constituent, dès la fin du XIXe siècle, le terrain de jeu favori des sportsmen amateurs de cross-country. C'est d'ailleurs à Meudon- Bellevue qu'en 1889 l'Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA) organise le premier championnat de France de la spécialité. Dès lors, le cross national aura souvent pour cadre les sous-bois de Ville-d'Avray, Chaville et du domaine de Saint-Cloud, révélant des champions tout-terrain et durs au mal comme Gaston Ragueneau de la Société athlétique de Montrouge, six fois vainqueur de l'épreuve. Si ces temps héroïques sont révolus en 1924, date à laquelle sont immortalisés les participants de ce Challenge Pesch disputé à la Croix de Berny et dans le domaine de Sceaux, les épreuves de cross-country font toujours recette, de la saison des feuilles mortes à celle des premiers bourgeons.
Louane Verger
19 ans, a débuté le volley-ball au CSM Clamart. Après un passage d'une saison au VB La Rochette, elle intègre en 2021 le centre de formation des Mariannes 92. Elle évolue depuis avec l'équipe professionnelle du club partenaire des Hauts-de-Seine.
« Pour moi, les Jeux Olympiques constituent un grand rassemblement historique qui permet de fédérer les gens autour du sport. J'ai acheté des places pour le volley, pour participer à ce moment festif. C'est symbolique pour beaucoup de sportifs, l'événement d'une vie, l'aboutissement d'années de travail. Pour rien au monde en tant que sportive je n'aurais loupé cet événement! »
Dans les filets de « L'Araignée noire »
Stade Yves-du-Manoir, 21 octobre 1956, Colombes.
La détente du gardien soviétique, tout de noir vêtu, n'est pas étrangère au record d'affluence battu ce jour-là à Colombes lors du match amical qui oppose la France à l'URSS. 62 145 spectateurs se pressent dans les tribunes du stade Yves-du-Manoir avec l'espoir de voir les Bleus faire trembler les filets de Lev Yachine, surnommé « L'Araignée noire » pour sa propension à tisser devant ses buts une toile infranchissable. Ce ne sera pas le cas ce 21 octobre, puisque les attaquants français réussiront par deux fois à déjouer sa vigilance pour une victoire de prestige, 2 buts à 1. Pas de quoi pourtant troubler la sérénité de l'équipe d'Union soviétique, qui, quelques semaines plus tard, devient championne olympique à Melbourne. Yachine, lui, après avoir contribué à la victoire de sa sélection lors du premier championnat d'Europe des nations en 1960, deviendra trois ans plus tard le premier gardien de but de l'histoire et le seul à ce jour à remporter le Ballon d'or de meilleur footballeur de l'année.
Edmond Dehorter ou la voix des airs
Finale du tournoi de football olympique, 9 juin 1924, Colombes.
Un micro, une moustache et un sacré tempérament: Edmond Dehorter, pionnier de tous les radio reporters sportifs français, est ce qu'il est convenu d'appeler un personnage. En ce 9 juin 1924, lui, que son physique ne prédispose pourtant pas aux acrobaties aériennes, se retrouve dans la nacelle d'un ballon captif prêt à s'envoler dans le ciel de Colombes. La raison : le comité d'organisation des Jeux de Paris lui interdit ce jour-là l'accès au stade olympique, sous la pression de ses confrères de la presse écrite, craignant que son compte rendu radiophonique de la finale Suisse / Uruguay ne leur fasse perdre des lecteurs. Se faire couper le sifflet pour un match de football, un comble! Qu'à cela ne tienne, pour commenter, Edmond prendra la voie des airs... et même si le vent l'oblige à écourter son reportage, son coup de force lui vaut de voir s'ouvrir devant lui les portes du stade olympique pour le reste de la compétition.
François Faber, le dévoreur de tempêtes
Tour de France, 31 juillet 1910, Versailles/Ville-d'Avray.
Sur ce cliché, il est tel qu'en lui-même le « Géant de Colombes » : écrasant les pédales de toute la puissance de son imposant physique, ses larges épaules semblant faire ployer le guidon, alors qu'il avance, en force, toujours... C'est ce style qui lui a permis, un an plus tôt, de dompter une météo tempétueuse, ignorant pluie et bourrasques, pour remporter l'édition 1909 de la Grande Boucle. Lui qui a grandi à Colombes, qui a connu la dureté du travail de docker sur les bords de Seine, n'est pas du genre à finasser. Dans ce Tour 1910, accablé par les chutes, la maladie et une ultime crevaison dans la dernière étape, il doit pourtant s'incliner d'un rien devant son coéquipier et rival de l'équipe Alcyon, Octave Lapize. Et c'est une autre tourmente qui aura finalement raison du colosse, celle de la Grande Guerre, durant laquelle il perd la vie le 9 mai 1915, près d'Arras.
Lucas Fisher
18 ans, a intégré officiellement le groupe professionnel de Nanterre 92 en 2021. International U19, il est l'un des leaders de l'équipe de France lors de la Coupe du monde de basket.
« Je ressens beaucoup de fierté et d'excitation à la perspective de voir les Jeux Olympiques en France cet été. C'est quelque chose d'unique, que notre génération a la chance de pouvoir vivre à domicile ! »
Ylan Esso Essis
17 ans, est issu du centre de formation des Metropolitans 92. Présélectionné en 2024 en équipe de France des moins de 18 ans, il a déjà fait partie de plusieurs sélections régionales et c'est l'un des grands espoirs du club de Boulogne/Levallois.
« Les Jeux Olympiques, c'est l'un des plus grands événements sportifs planétaires, voire le plus grand. Que ça se passe à Paris c'est extraordinaire ! Je vais être supporter des équipes de France et je souhaite que l'on gagne en basket, mais également dans toutes les disciplines. J'ai également hâte de voir l'engouement des sportifs et du public! »
Harold Abrahams, la revanche du Vieux Continent
Stade Yves-du-Manoir, 7 juillet 1924, Colombes.
Il peut parfois y avoir des passages de témoin même en sprint, cette photo en est la preuve. Au premier plan, l'Américain Charlie Paddock, champion olympique du 100 m en 1920 à Anvers. Au second, l'Anglais Harold Abrahams, qui s'apprête à le détrôner le 7 juillet 1924 sur la piste de Colombes. Ce jour-là, c'est bien plus qu'une succession qui se joue, puisque la victoire du sprinter de Cambridge fait voler en éclats la domination, jusque-là sans partage, des athlètes américains sur le 100 m. Champion olympique à Paris, Harold Abrahams devra abandonner la compétition un an plus tard, sur blessure. Mais sa farouche détermination inspirera six décennies plus tard le réalisateur Hugh Hudson, dont le film - quatre fois oscarisé - Les Chariots de feu, retrace le parcours du premier champion olympique de sprint européen et sa rivalité avec un autre des héros des Jeux de 1924, l'Écossais Eric Liddell, médaillé d'or sur 400 m à Colombes.
Suzanne Lenglen, l'aérienne
Internationaux de tennis, 7 juin 1925, Saint-Cloud.
C'est sur la terre battue de la Faisanderie, dans le parc de Saint-Cloud, que « La Divine » du tennis français est née à la gloire. À 15 ans en 1914, elle s'y révèle aux yeux des amateurs en remportant son premier titre de championne du monde, attribué au terme des Internationaux de tennis alors organisés sur les terrains ocres du Stade Français. Neuf ans plus tard, le style aérien que fige cette photo, ainsi qu'un palmarès inégalé - elle reste championne du monde de 1914 à 1926, année où elle devient professionnelle - en font l'une des figures de la France dans le monde, au même titre que le boxeur Georges Carpentier. « Influenceuse » avant l'heure, elle révolutionnera même la mode sportive avec les tenues imaginées pour elle par le couturier Jean Patou. Robe raccourcie au-dessus du genou, bras dénudés pour plus de mobilité, autant d'innovations qui marquent les esprits et font de sa gestuelle une signature inimitable.
Doria Boursas
judokate, est licenciée au club des Arts martiaux d'Asnières. À 18 ans, elle est déjà montée sur plusieurs podiums internationaux. Vice-championne d'Europe cadette chez les moins de 63 kg et championne du monde cadette par équipe mixte, elle est aussi en 2024 championne de France dans sa catégorie.
« Je suis très enthousiaste à l'idée de voir les Jeux Olympiques débarquer à Paris. Ce n'est pas tous les jours que l'on accueille cet événement en France et je pense que c'est une expérience unique, que l'on ne vit qu'une fois dans sa vie ! Même si je n'y participerai pas, j'ai hâte de voir l'ambiance et l'effervescence que les 10 apporteront chez nous. »
Le retour raté de Georges Carpentier
Stade Buffalo, 24 septembre 1922, Montrouge.
En 1922, Georges Carpentier est déjà une légende du noble art. Devenu deux ans plus tôt le premier Français champion du monde de boxe de l'histoire, sa popularité est au zénith. Son retour, après plusieurs mois loin des rings, est donc attendu avec impatience au stade Buffalo, alors récemment inauguré. Mais l'événement va tourner court: son challenger, le solide Français d'origine sénégalaise Louis Phal, dit Battling Siki, le met KO au sixième round à la surprise générale. Victime de son manque de préparation et d'un combat vraisemblablement arrangé par son manager, où rien ne se passe comme prévu, Georges Carpentier voit d'un coup s'envoler ses titres de champion de France, d'Europe et du monde des mi-lourds. Si après cette parodie de combat son aura reste intacte, il gardera jusqu'à sa disparition en 1975 un souvenir amer de ce funeste après-midi à Montrouge.
La dernière charge héroïque du XV de France
Stade Yves-du-Manoir, 26 février 1972, Colombes.
Avant le déménagement du Tournoi des Cinq Nations au Parc des Princes, il fallait bien un match de légende pour l'ultime rendez-vous du stade Yves-du-Manoir avec le XV de France. Avec ce France / Angleterre, c'est une charge héroïque que jouent les Bleus aux 34 000 spectateurs de Colombes. Dans le rôle du capitaine courage, Walter Spanghero et ses grands compas, tout juste de retour en sélection. Celui que les Sud-Africains ont surnommé « L'homme de fer » galvanise ses équipiers, qui effeuillent le XV de la Rose comme on souffle une fleur de pissenlit. Les Bleus concluent leur récital sur le score sans appel de 37 à 12. Roger Couderc peut lancer un dernier « Ici Colombes! », déjà nostalgique des après-midi de Tournoi dans l'ancien stade olympique.
Julilove Andon
est licenciée au Paris 92 et a intégré le pôle espoir France de handball au CREPS de Châtenay-Malabry. À 17 ans, elle a déjà pris goût aux grandes compétitions internationales, en remportant notamment en 2023 deux médailles d'or en Coupe d'Europe et au Festival olympique de la Jeunesse européenne.
« Les Jeux Olympiques 2024 à Paris représentent pour moi un grand moment de la promotion du sport dans le monde. Des athlètes qui vont donner le meilleur d'eux-mêmes à travers les Jeux pour gagner la plus belle des médailles, chez nous, à Paris. J'espère vivre moi aussi cette expérience en 2028 avec la France en tant que sportif pro et gagner une médaille! Allez les Bleus! »
L'âge d'or des rois de la piste
Vélodrome Buffalo, 21 septembre 1912, Neuilly.
Les communes des futurs Hauts-de-Seine ont vu à partir de la fin du XIXe siècle les vélodromes fleurir comme jonquilles au printemps. Sous l'impulsion des fabricants de cycles, qui y voient le lieu idéal pour démontrer l'excellence de leurs machines et y placarder leurs publicités, les anneaux de vitesse naissent et disparaissent aussi, à l'image des éphémères vélodromes de Courbevoie ou de la Seine à Levallois. Le vélodrome Buffalo, lui, en activité à partir de 1892 et un temps dirigé par Tristan Bernard, s'impose durablement dans le paysage sportif local. Les plus grands pistards s'y affrontent, des piles de records y sont établis et les épreuves comme Le Bol d'Or y attirent la foule chaque année. C'est sur son anneau de 300 mètres, reconstruit dix ans plus tôt, que ces deux pistards s'apprêtent à en découdre à l'occasion de l'édition 1912 de la Fête du syndicat des coureurs.
Sur les ailes de Géo André
Stade du Matin, 25 mai 1919, Colombes:
Sur la piste du stade du Matin à Colombes, où sera édifiée cinq ans plus tard l'enceinte olympique des Jeux de 1924 à Paris, Géo André semble prêt à prendre son envol lors de ces championnats militaires. Il faut dire que « L'athlète parfait »>, comme est surnommé le Racingman à l'époque, n'a pas son pareil pour défier les lois de la gravité. Sur les pistes en cendrée, le hurdler, aussi adepte du saut en hauteur, dispose déjà dans les années 1920 d'un palmarès fort d'une vingtaine de titres de champion de France et de deux médailles olympiques conquises à Londres en 1908 et Anvers en 1920. Par ailleurs international de rugby à XV, il s'illustre aussi dans les airs pendant la Grande Guerre, dans la célèbre escadrille des Cigognes. Champion éclectique et populaire, c'est à lui que reviendra l'honneur de prononcer le serment olympique lors des Jeux de Paris en 1924.
Terminons ce billet comme nous l'avons commencé, avec une image du stade Yves-du-Manoir, fil conducteur de l'exposition.
Deux nuances de vert
Stade Yves-du-Manoir, 4 avril 1959, Colombes.
Au premier plan, les jardiniers qui s'affairent dans leurs lopins rappellent qu'autrefois la presqu'île de Gennevilliers était terre de maraîchage. Au second, c'est sur un autre carré vert que le XV de France joue son destin face au Pays de Galles. Une victoire et les Bleus finiraient pour la première fois seuls en tête du classement du Tournoi des Cinq Nations, avant même leur dernier déplacement à Dublin. Porté par le grondement des 45 000 spectateurs du stade Yves-du-Manoir, le XV de France, emmené par son capitaine Lucien Mias, ne laisse pas passer l'occasion et s'impose 11 à 3. La clameur qui s'élève des tribunes au coup de sifflet final est à la hauteur de l'événement. On raconte que cette année-là, dans les potagers de Colombes, la récolte de poireaux, symbole de la sélection galloise, a été particulièrement bonne...