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POP FOR EVER - Tom Wesselmann &... (II/II)

28 Décembre 2024 , Rédigé par japprendslechinois

Un billet pour terminer la visite de l'exposition-fleuve de la Fondation Louis Vuitton entamée dans notre billet du 14 décembre dernier où nous avions traité les premières années du travail de Paul Wesselmann et les débuts du Pop, qui occupent le niveau [-1] du bâtiment.
Poursuivons avec le niveau 0: Intérieurs

POP FOR EVER - Tom Wesselmann &... (II/II)

Dans les années 1960 et 1970, Wesselmann réalise plusieurs Interiors et Shelf Still Lifes. Ce sont des fragments d’intérieurs (des étagères ou un mur entier) qui incorporent des téléviseurs et des radios. Au sein d’une même œuvre, différentes « réalités » (le son d’une radio, l’image d’un film, d’une actualité) se percutent. Cette période se distingue aussi par la recherche d’une extension de l’espace de la peinture. Elle est caractérisée par les couleurs vives et l’effet dynamique d’éléments qui viennent à la rencontre du spectateur estompant encore davantage les frontières de l’œuvre.

Great American Nude #48, 1963, huile et collage sur toile, acrylique et collage sur bois, radiateur vernis et assemblage comprenant une fenêtre illuminée
Still Life #30, 1963, huile, émail et acrylique sur carton de composition avec collage de publicités imprimées, fleurs en plastique, porte de réfrigérateur, répliques en plastique de bouteilles de 7 Up, reproduction en couleurs vitrée et encadrée et métal estampillé
Still Life #22, 1962, technique mixte et collage sur bois avec radio
Still Life #38, 1964, huile, acrylique, collage et assemblage comprenant une horloge et une radio
Interior #2, 1964, acrylique, collage, assemblage comprenant un ventilateur, une horloge et une lampe fluorescente
Bedroom Blonde with T.V., 1984-1993, huile sur toile sur panneau avec téléviseur
Still Life #39, 1964, technique mixte avec assemblage comprenant une radio et une lampe fluorescente sur bois

POP FOR EVER - Tom Wesselmann &... (II/II)
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Carpentry drawing for Bathtub Collage #6, 1964-1990, émail sur acier découpé
Bathtub Collage #1, 1963, huile, vernis et acrylique sur carton pressé avec objets montés
Bathtub Collage #4, 1964, acrylique, linoléum, bois, plastique peint, colle, métal et fusain sur bois
Drawing for Bathtub Collage #2, 1963, fusain sur papier
En 1963, Wesselmann se lance dans la série des Bathtub Collages, des compostions grandeur nature qui combinent des éléments sculpturaux et des accessoires de salle de bain dénichés lors de séances de shopping. Ces peintures montrent une femme dans une baignoire à côté d'une cuvette de W.C., écho au célèbre ready-made de Marcel Duchamp, Fontaine.

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Great American Nudes
 En 1961, Wesselmann connaît le succès avec sa série des Great American Nudes. S’inspirant des références culturelles du « rêve américain » et du « grand roman américain », il intègre dans ses toiles des symboles patriotiques. Il a aussi recours à des pages de magazine, affiches, panneaux publicitaires. Fusionnant collage, peinture et dessin, il explore dans cette série une variété de représentations anatomiques, réalistes ou stylisées, aux frontières de l’abstraction. La simplification des formes opérée par Wesselmann rappelle celle, antérieure, d’Henri Matisse. L’anonymat des modèles, voire leur absence de visage, a souvent été questionné. Pourtant, Wesselmann n’a pas tant cherché à objectiver qu’à magnifier ses sujets. Il se conforme au canon artistique tout en le défiant. Replacée dans le contexte de la révolution sexuelle des années 1960, sa représentation du plaisir féminin rompt avec la passivité traditionnellement associée au 
« nu ».

Great American Nude #44, 1963, collage acrylique et papier sur panneau avec radiateur, téléphone, manteau, image encadrée et porte
Great American Nude #44 attire le regard par son mélange d'éléments matériels et picturaux : un téléphone (qui sonne), un radiateur, un manteau suspendu à la porte, une reproduction encadrée d'Auguste Renoir et la peinture d'une femme nue posant avec assurance. Les objets et la représentation de la vie quotidienne créent un sentiment d'environnement qui invite presque le spectateur à faire physiquement partie de l'œuvre.
Great American Nude #1, 1961, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #30, 1962, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #31, 1962, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #54, 1964, huile, acrylique et collage sur toile, matériaux divers, enregistrement de bruits de la rue
Achevé au début de 1964, Great American Nude #54 est complémentaire de Great American Nude #48 Il s'en distingue par un usage plus extensif de l'espace et par davantage de meubles. Derrière la vue de la fenêtre, un haut-parleur émet doucement des bruits de rue et de circulation, accentuant ainsi l'effet immersif.

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Great American Nude #21, 1962, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #27, 1962, émail et collage sur bois
Great American Nude #26, 1962, huile, collage de toile, collage de papier métallique et de papier imprimé sur bois
Great American Nude #25, 1962, acrylique, papier imprimé, feuille d'aluminium, linoléum et collage de tissu sur bois
Au début des années 1960, Wesselmann s'interrogeait sur la manière de peindre les nus: fallait-il les rendre plus abstraits ou plus réalistes ? Il expérimenta durant une longue période différents niveaux de figuration. Dans Great American Nude #25, le nu est plus difficilement reconnaissable, la chair se transforme en une forme rose, presque dénuée de détails caractéristiques. Elle s'échapperait presque de la toile.
Great American Nude #49, 1963, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #38, 1962, technique mixte et collage sur bois

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Nouvelles Perspectives
L’attention de Wesselmann aux genres classiques de la peinture et l’élargissement de ses frontières traditionnelles continuent d’influencer des artistes de générations et d’origines géographiques différentes. L’exposition présente son œuvre aux côtés de celles d’artistes contemporains qui entrent en résonance avec l’esprit Pop qu’il a contribué à définir. Njideka Akunyili Crosby peint à partir de ses archives personnelles, de magazines nigérians et d’autres médias de masse pour explorer les identités diasporiques africaines. Les sculptures textiles de Do Ho Suh reconstituent des maisons et des intérieurs précédemment habités, interrogeant les dimensions physiques, psychologiques et métaphoriques de tels espaces. Créés pour l’exposition, les Super Nudes de Derrick Adams peuvent être vus comme des contre-images des Great American Nudes de Wesselmann.

Do Ho Suh, né en 1962, Corée du Sud : Bathroom, 348 West 22nd St., Apt. A, New York, NY 0011, 2003, armature en Nylon et acier inoxydable
Né en Corée du Sud, étudiant à la Rhode Island School of Design de New York, vivant entre cette ville, Londres et Séoul, Do Ho Suh poursuit depuis le début des années 1990 un travail où les codes de l'univers domestique, d'ordinaire rassurants, sont déstabilisés par un jeu sur les échelles et les matériaux employés. Bathroom, 348 West 22nd St., Apt A, New York, NY 10011 est une reconstitution en tissu de son ancienne salle de bain new-yorkaise. Transparente, légère, monochrome et réduite à une esquisse, sa salle de bain a une allure spectrale.

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Njideka Akunyili Crosby, née en 1983, Nigeria : Tea Time in New Haven, Enugu, 2013, acrylique, collage, crayon de couleur, fusain et transferts sur papier

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Quelques toiles de Tom Wesselmann dans ce contrepoint :

Big Brown Nude, 1971, huile sur toile
Great American Nude #53, 1964, huile et collage sur toile
Great American Nude #79, 1965, liquitex sur toile

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Derrick Adams, né en 1970, États-Unis :
Super Nude 2, 2024
Super Nude 3, 2024
Super Nude 4, 2024

acrylique, peinture au latex et collage de tissu sur bois
Dans ses peintures, sculptures ou performances, Derrick Adams prend souvent pour sujet des formes et objets constitutifs de la culture populaire. Sa série des Super Nudes convoque une histoire de l'art élargie où coexistent la figure classique de l'odalisque, les Great American Nudes de Wesselmann, les comic strips et la culture africaine-américaine. L'archétype du super-héros (blanc, hétérosexuel et patriote) est ici réinventé au profit d'un nouveau type de justicier : un homme noir exhibant lascivement sa nudité. La bannière étoilée endossée par le héros apparaît comme un clin d'œil aux Great American Nudes. Mais cette cape de « patriotisme conflictuel », comme la décrit Adams, est peinte aux couleurs panafricaines, celles du African American Flag de David Hammons.

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Quelques réalisations sur aluminium découpé de Tom Wesselmann le long de l'escalator qui mène au niveau 1 du bâtiment de la Fondation : natures mortes et Bedroom Brunette with Irises, 1988-2004.

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Au niveau 1, Drop Outs & Bedroom Paintings
 À la fin des années 1960, les compositions de Wesselmann deviennent toujours plus audacieuses. Elle se concentrent sur des détails isolés, des fragments de corps empreints de sensualité. Pour plusieurs de ses Bedroom Paintings – peintures de chambre à coucher – il utilise des toiles mises en forme (shaped canvases) dont les bords suivent ceux des sujets et des objets. Plus tard, il utilisera l’image d’un corps de femme, laissé en négatif, pour définir le contour de sa toile, un procédé qu’il nomme « drop outs ». Combinant des détails des Great American Nudes et des Still Lifes, ces œuvres sont d’une grande complexité. Dans Bedroom Painting #43, la modèle Paula Lee regarde frontalement le spectateur. L’échelle de la peinture, tout comme son réalisme qui dissipe l’anonymat du sujet, inverse les regards, redéfinissant récits et rôles dans le contexte intime d’une chambre à coucher

Steel Drawing #1, 1983, émail sur aluminium découpé
Self Portrait While Drawing, 1983, huile sur toile mise en forme
Seascape #24, 1967-1971, huile sur toile mise en forme
L'usage du shaped canvas, toile mise en forme, approche un degré de sophistication inégalée dans cette œuvre. Wesselmann appelait « drop outs » ces toiles où il emploie une forme négative. Ici, l'artiste omet le sein central tout en conservant son aréole et son mamelon. Ce choix met en relief l'espace négatif, celui du corps qui borde la peinture et le cadre. Le paysage est perçu à travers la « fenêtre » laissée par le bras, la jambe, l'abdomen et la poitrine du modèle.
Bedroom Painting #15, 1968-1970, huile sur toile
Seascape #22, 1967, huile sur toile mise en forme
Bedroom Painting #3, 1968, huile sur toile de lin

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Bedroom Painting #17, 1968-1970, huile sur toile
Bedroom Painting #34, 1967-1975, huile sur toile
Bedroom Painting #35, 1967-1975, huile sur toile
Bedroom Painting #43, 1979, huile sur toile
Parmi les Bedroom Paintings de Wesselmann, des œuvres comme Bedroom Painting #43 mettent davantage l'accent sur les éléments visuels qui affirment leur rôle avec une grande intensité. Les objets sont grands, leur présence palpable. Cette approche est soulignée par le réalisme méticuleux avec lequel Wesselmann représente ses modèles, comme Paula Lee.
Bedroom Painting #29, 1971-1973, huile sur toile Portrait of Danièle Thompson
Little Still Life #18, 1964, acrylique, collage et assemblage sur carton avec radio

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 Pop Forever
 Sans manifeste, le Pop désigne une sensibilité plus qu’un mouvement circonscrit. Ses évolutions sont aussi multiples que ses racines. Cette exposition célèbre la persistance du Pop. Jeff Koons maintient l’esprit Pop Art des années 1960 avec des objets triviaux élevés au rang d’icônes, tel Balloon Dog (Yellow). Ai Weiwei formule un Pop mondialisé et critique. Il transforme des urnes de la dynastie Han en symboles de la culture consumériste par l’ajout d’un logo Coca-Cola. Approchant la forme des peintures de Wesselmann, Tomokazu Matsuyama utilise les outils numériques pour produire des peintures dont l’éclectisme des sources révèle les facettes multiples des identités actuelles. Quant à KAWS, il multiplie de manière virale ses personnages 
sur des supports variés, allant jusqu’à des irruptions dans l’espace par le biais de la réalité augmentée, prolongeant ainsi l’idée de « diversité des réalités » introduite par Wesselmann.

Jeff Koons, né en 1955, États-Unis :
Balloon Dog (Yellow), 1994-2000, acier inoxydable poli miroir avec revêtement de couleur transparent
À la fin des années 1970, Jeff Koons commence à détourner de simples jouets gonflables. En 1994, dans le cadre de sa série Celebration, il débute une suite de sculptures inspirées d'instants de joie, de fêtes d'anniversaires ou de fiançailles : un chapeau de fête, des rubans, un diamant, et surtout d'immenses sculptures reproduisant des ballons de baudruche noués en forme d'animaux - dont cinq Balloon Dogs (bleu, magenta, orange, rouge et jaune) aux surfaces brillantes et réfléchissantes. Objets démesurés et d'une perfection maniaque, ces volumes d'acier approchent la tonne mais donnent une illusion de légèreté inhérente au souffle censé les habiter. Éternel optimiste, Koons a souvent qualifié ce souffle de symbole de vie et de joie. Figé dans un acier miroir, il est une promesse d'éternité.
Three Ball 50/50 Tank (Wilson Aggressor, Wilson Supershot, Dr. J. Silver Series), 1985, aquarium en verre sur piètement métallique peint, eau déminéralisée et trois ballons de basket

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Ai Weiwei, né en 1957, Chine
Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo, 2015
Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo, 2011
Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo, 2015
Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo, 1994
Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo, 2007
Urnes en céramique, peinture
Sculpteur, performeur, réalisateur, photographe, Ai Weiwei crée des œuvres en prise avec la censure, la corruption, la consommation et l'autoritarisme. Après son séjour à New York de 1981 à 1993, il est marqué, lors de son retour en Chine, par une modernisation accélérée faisant peu de cas du patrimoine culturel. Iconoclastes, les œuvres présentées ici découlent directement de cette expérience : sur des urnes datant de la dynastie Han (206 av. J.C.-220) l'artiste a apposé le logo Coca-Cola. L'inscription défigure le vestige archéologique, suggérant une agression de la culture traditionnelle par la globalisation. Mais le traitement patiné du logo, à rebours de l'aspect flambant neuf propre au Pop Art, s'accorde avec l'authenticité des récipients, donnant à des vestiges archéologiques une dimension incertaine, tant du point de vue culturel que temporel.

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Tomokazu Matsuyama, né en 1976, Japon :
Safety Retrospective, 2024
Silence Wind Flower Believe, 2022
Serenity Exhale Protection, 2024
acrylique et technique mixte sur toile
Dans sa peinture, Tomokazu Matsuyama « vise à transcender les limites du temps, du contexte et de la géographie [...] ». L'éclectisme du début de siècle revendiqué par Matsuyama correspond à une sensibilité forgée par une enfance passée entre le Japon et la côte Ouest des États-Unis dans les années 1990, puis son installation à New York après des études de graphisme. L'artiste a gardé de la peinture de Wesselmann une manière de déborder du cadre spatial de la peinture en découpant ses toiles (shaped canvases), ici selon des contours inspirés des formes irrégulières de la céramique japonaise.

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Lauren Halsey, née en1987, États-Unis
Untitled, 2024, gypse modifié aux polymères et teinture sur bois
Le Pop Art des années 1960 affectionnait les stars de Los Angeles, les icônes d'Hollywood. Un demi-siècle plus tard, Lauren Halsey célèbre d'autres aspects de la mégalopole californienne : la communauté de South Central. Proche d'une stèle expédiée d'un avenir inconnu, cette sculpture pourrait évoquer un fragment archéologique du futur.

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Barkley L. Hendricks, 1945-2017, États-Unis : Formula 1, vers 1967-1969, hulle sur lin

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KAWS (Bryan Donnelly), né en 1974, États-Unis
Orange Box, 2023, acrylique sur toile
Comme plusieurs artistes Pop de sa génération, KAWS s'est initialement formé à l'illustration, plus spécifiquement au dessin d'animation. Il travaille chez Disney dans les années 1990. De ce passage reste un imaginaire « cartoonesque » d'abord appliqué dans la rue et sur des affiches publicitaires. Célèbres, ses têtes de mort aux yeux en forme de croix donneront naissance à Companion, son personnage le plus connu qui se baigne ici dans un bol de céréales Reese's sur une toile reprenant une des nombreuses collaborations commerciales réalisées par l'artiste. Ces commandes sont l'un des procédés qu'il emploie pour multiplier ses personnages sur des supports variés jusqu'à des irruptions par le biais de la réalité augmentée.

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Thomas Bayrle, né en 1937, Allemagne : Blaue Kuhtapete, 1967, sérigraphie sur papier peint
Thomas Bayrle a été formé au tissage à l'école d'art et de technique d'Offenbach, près de Francfort, à la fin des années 1950. Cette expérience est fondatrice dans le développement d'une œuvre basée sur la série et la répétition, critique de la société marchande de l'Allemagne de l'Ouest mais aussi de l'uniformisation de l'Allemagne de l'Est. Passant du motif unique à la masse de motifs d'une trame, ses tableaux, sculptures et papiers peints évoquent la construction sociale et l'aliénation, face sombre du progrès moderne. À l'origine de Blaue Kuhtapete, se trouve le logo de la «< Vache qui rit ». Épurée, la tête de vache est répétée des centaines de fois pour se transformer en détail d'une surface hypnotique. Relevant du Pop Art par sa source d'inspiration, l'œuvre renvoie aussi à l'Op Art par l'effet visuel produit.

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Érotisme
 La nudité est présente dans le travail de Wesselmann dès les premières années de sa production. Une œuvre comme Great American Nude #47 est révélatrice de son exploration de thèmes sexuellement chargés, reflet de la libération sexuelle des années 1960. Ses nus sont empreints de joie. Les poses prises par son épouse Claire expriment le plaisir. La représentation de la sexualité par l’artiste est celle d’un désir réciproque et d’une émotion partagée.

Monica with Tulips, 1989, émail sur aluminium découpé
Bedroom Painting #11, 1969, huile sur toile
Great American Nude #96, 1967, huile sur toile
Gina's Hand, 1972-1982, huile sur toile

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Drawing for Nude on a Couch, 1971, fusain et Liquitex sur toile
Great American Nude #75, 1965, plastique moulé peint et lumineux
Nude Drawing with Still Life, 1967-1969, fusain sur toile mise en forme en deux parties
Great American Nude #47, 1963, acrylique avec papier et tissu découpés et collés sur panneau de bois
Great American Nude #82, 1966, peinture sur Plexiglas moulé

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Marines
Wesselmann commence en 1965 ses « foot paintings » à partir d’éléments réalisés pour les Great American Nudes. Substitué à une figure entière, le pied comme sujet central d’un tableau l’intéressait par sa beauté et son fort potentiel. La première série consacrée à ce sujet est celle des Seascapes, situées en extérieur, elles sont contemporaines des premières vacances de l’artiste. Dans la suite des natures mortes, les Seascapes étaient exécutées avec la même clarté.

Little Seascape #1, 1965, technique mixte et collage sur panneau
Little Seascape #2, 1965, technique mixte et collage sur panneau
Little Seascape #3, 1965-1968, collage acrylique et papier imprimé sur panneau

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Seascape #25, 1968, huile sur lin
Seascape #1, 1965 acrylique sur panneau

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Dans la petite galerie 7 : L’Atelier
 L’approche méthodique et minutieuse de Wesselmann peut être assimilée à une expérimentation scientifique. Chaque peinture ou assemblage est précédée de plusieurs esquisses ou photographies. Ces premiers rendus le guident vers des compositions réalisées à grande échelle. Sa pratique d’atelier se caractérise par son systématisme et sa précision. En témoigne la notation, au dos des œuvres, des couleurs utilisées et des détails techniques, et en amont les nombreux relevés, esquisses, photographies réunis ici.

Neuf variations de Study for Still Life #36, 1963, crayon sur papier

Goldfish bowl in front of study for Bedroom Painting #43, 1978
Goldfish bowl, two goldfish, 1978
Goldfish bowl in front of three vases, 1978
Goldfish bowl in front of vase and perfume bottle, 1978
Goldfish bowl, two goldfish, 1978
tirages C-Print
Goldfish Bowl and Goldfish, vers 1978-1979, crayon et aquarelle sur papier

Paula Lee (eyes half closed), 1978
Paula Lee (profile), 1987
Paula Lee straight on flower in her hair (top right), 1978
Paula Lee (straight on portrait), 1978
Paula Lee (flower top left), 1978
Paula Lee (smiling straight on), 1978
tirages C-Print
Paula, 1978, crayon sur papier

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Study for Bedroom Painting #43, 1977, huile sur toile
Study for Goldfish and Lamp, 1979, Liquitex et crayon sur papier chiffon
Study for Goldfish and Lamp, 1979, Liquitex et crayon sur papier chiffon
Study for Danièle's Face, 1971, huile sur toile

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Abordons enfin le niveau 2 de bâtiment, avec Mouths
En 1965, Wesselmann commence à composer les peintures de bouches, Mouths. L’artiste travaille désormais à l’huile pour le rendu plus complexe de détails immensément agrandis. Le procédé du shaped canvas se perfectionne encore. En 1967, la vision de son amie et modèle Peggy Sarno allumant une cigarette durant une pause déclenche la série des Smokers, aux volutes souvent impressionnantes. Se confronter à Smoker #8, dont la source est une photographie de Danièle Thompson en train de fumer, reste un défi pour le spectateur.

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Smoker #10, 1973, huile sur toile mise en forme
Mouth #2, 1966, Liquitex et huile sur toile mise en forme
Smoker #8, 1973, huile sur toile mise en forme
Mouth #14 (Marilyn), 1967, huile sur toile mise en forme
Mouth #14 (Marilyn) est emblématique de l'usage du shaped canvas par Wesselmann. La toile ne suit pas seulement les contours du sujet représenté, elle induit aussi la compréhension de ce qui est laissé hors-champ. La bouche est légèrement Inclinée, suggérant l'ovale du visage de Marilyn Monroe. Les Mouths sont plus réalistes et précises que les bouches figurées dans ses nus. Leur taille, tout comme leurs détails complexes provoquent à la fois des sentiments d'immédiateté et d'intimité.
Smoker #24, 1976, huile sur toile mise en forme

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Standing Still Lifes 
À la fin des années 1960, Wesselmann crée de petites peintures à l’huile qu’il agrandit grâce à un rétroprojecteur. Suivront, dans les années 1970, les Standing Still Lifes, des œuvres gigantesques composées de plusieurs toiles reproduisant à grande échelle des petits objets familiers. Le résultat monumental induit une sensation de dérèglement du réel : des objets aisément reconnaissables acquièrent une dimension d’étrangeté – le syndrome d’Alice au Pays des Merveilles. Face à elles le visiteur est comme rapetissé. Cette distorsion perceptive est encore accentuée par le fait que ces objets conservent leur dimension picturale, cantonnés à un traitement en deux dimensions plutôt que de se transformer pleinement en sculptures.

Still Life with Belt and Sneaker, 1979-1981, huile sur toiles mises en forme
Still Life #59, 1972, huile sur toiles mises en forme, peinture acrylique sur tapis
Still Life #60, 1973, huile sur toiles mises en forme
Still Life #60 se compose de toiles séparées représentant une immense échelle de petits objets personnels. Un rouge à lèvres colossal, une bague démesurée, du vernis à ongles et un collier de perles rose corail dominent cette composition expansive. La paire de lunettes de soleil de sept mètres de long miniaturise le spectateur, créant un sentiment de déréalisation. Wesselmann crée une expérience immersive dans laquelle le corps du spectateur n'est plus qu'une partie de l'environnement et l'appréhension des objets dépasse le champ du visuel.

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Still Life with Blue Jar and Smoking Cigarette, 1981, huile sur toiles mises en forme
Still Life #61, 1976, huile sur toiles mises en forme
Poussé à son maximum, l'agrandissement opéré par Wesselmann dans ses Standing Still Lifes place le spectateur dans une situation inédite. Il est un acteur face à un décor d'objets, une réalité impossible. La perception de l'œuvre se fait dans le temps, elle se découvre à mesure qu'on la longe. La possibilité de la traverser n'est, quant à elle, que suggérée.
 

POP FOR EVER - Tom Wesselmann &amp;... (II/II)
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Un dernier contrepoint avec Mickalene Thomas
Une des racines de l’œuvre de Mickalene Thomas (née en 1971 aux États-Unis) est l’étude du portrait classique, l’histoire des regards qui s’y trame. Par le recours à des sources photographiques, l’usage hybride de la peinture et de la reproduction mécanique, une fragmen-tation de l’image et des matériaux inattendus (strass et paillettes), elle brise les conventions attachées à ce genre. Ingres, Courbet, Matisse sont autant de figures d’influence que Mickalene Thomas défie. Elle mène depuis plusieurs années une discussion visuelle avec Wesselmann.
« Son utilisation d’aplats de couleurs vives et de formes graphiques pour représenter la figure féminine a influencé mon approche du portrait et de la figure humaine. La manière dont Wesselmann a repoussé les limites et bousculé les normes sociétales est une source d’inspiration, et je m’efforce de faire de même dans mon travail. Globalement, je peux dire que son style novateur et son approche insolente dans son exploration de la sexualité et du désir ont eu un impact profond sur ma vision et sur ma pratique artistique » explique Mickalene Thomas.

Tan n' Terrific, 2024, strass, paillettes, acrylique et huile sur toile montée sur bois
Sweet Chocolate #2, 2024, strass, paillettes, acrylique sur papier barrière monté sur Dibond
Sweet Chocolate #1, 2024, strass, paillettes, acrylique et huile sur toile montée sur bois 
Honey #1, 2024, strass, paillettes, acrylique et huile sur toile montée sur bois 

POP FOR EVER - Tom Wesselmann &amp;... (II/II)
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Pour finir, dans la grande salle du niveau 2 par laquelle se clôturent les grandes expositions de la Fondation :  

Abstraction & Sunset Nudes
Dans les années 1980, s’éloignant des Standing Still Lifes, Wesselmann commence à dessiner dans le métal. Il utilise différentes techniques : les pièces en aluminium sont réalisées à la main, celles en acier sont façonnées au laser. Pionnier dans l’usage de nouvelles technologies, il oblige les fabricants à s’adapter. Au fil du temps, ses œuvres en métal, initialement figuratives, évoluent vers une abstraction qualifiable d’expressionniste. Les découpes assemblées et colorées en surface sont proches de coups de pinceau rapides. Dans les dernières années de son œuvre, ces compositions, où la frontière entre abstraction et figuration est mince, s’approchent de la sculpture. Elles sont réalisées parallèlement à de grandes toiles empreintes de nostalgie. Sunset Nude with Wesselmann reprend ainsi un détail d’un de ses premiers collages. Ces nus témoignent aussi d’un retour à un classicisme nourri par l’influence d’Henri Matisse.

Au dessus de l'entrée de la salle, Seascape (3-D Tondo), 1994, émail sur aluminium découpé

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Cross Motion, 1999, huile sur aluminium découpé
Dinner at The Museum of Modern Art, 2000, huile sur aluminium découpé

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Black Strike, 2002, huile sur aluminium découpé
Driver, 2001, huile sur aluminium découpé
Screen Star, 1999-2003, huile sur aluminium découpé
Monumentale structure en métal, Screen Star est habitée par le souvenir de la peinture gestuelle et abstraite qui fascinait le jeune Wesselmann au milieu des années 1950. Étudiant, il avait pris le parti de s'éloigner de ses modèles, Robert Motherwell, Franz Kline, et surtout Willem de Kooning. Après un parcours d'un demi-siècle, il parvient à traduire la vitesse d'exécution d'une peinture brossée vigoureusement, cela malgré une technique impliquant de nombreuses étapes de réalisation.

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Au fond de la salle, une des premières œuvres de Wasselmann, Still Life #28, 1963, acrylique, collage et télévision sur bois

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Sunset Nude with Wesselmann, 2003, huile sur toile
avec le tableau de 1960 qui figure dans l'angle supérieur gauche ::
Judy Trimming Toenails, Yellow Wall, 1960, technique mixte et collage sur bois

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et pour finir en beauté, trois Sunset Nudes, les tableaux de la fin de sa vie :

Sunset Nude with Big Palm Tree, 2004, huile sur toile
Sunset Nude with the Dream, 2004, huile sur toile
Sunset Nude with Matisse Apples on Pink Tablecloth, 2003, huile sur toile
Wesselmann se plaisait à contrebalancer ses objets abstraits monumentaux par des peintures liées à l'histoire de l'art, comme ici avec cette reprise de Nature morte aux pommes sur une nappe rose (1924) d'Henri Matisse, artiste dont il n'a jamais cessé de revendiquer l'importance pour son œuvre.

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Bruno Liljefors - la Suède sauvage

21 Décembre 2024 , Rédigé par japprendslechinois

Le Petit Palais - musée des beaux-arts de Paris - offre décidément cette saison de très belles découvertes : après We Are Here le 29 novembre, Ribera le 7 décembre, voici le peintre suédois  Bruno Liljefors (1860-1939).  Aujourd’hui méconnu, cet artiste fut pourtant célébré en son temps comme le « prince des animaliers ». À la fin du XIXe siècle, il a en effet participé au renouvellement du genre de la peinture animalière et contribué à forger l’imaginaire de la nature suédois toujours vif de nos jours. L’art de Liljefors nous fait surprendre des tétras en pleine parade au cœur de la forêt. Il nous hisse en haut des pins jusqu’au nid du balbuzard pêcheur et nous invite à la poésie dans l’immensité des nuits sans fin, « au bord de la vaste mer » de l’archipel de Stockholm. Sensible aux découvertes scientifiques des naturalistes, l’artiste s’intéresse non seulement aux animaux, mais surtout à la relation que ceux-ci entretiennent avec leur habitat. La diversité des espèces représentées fait écho à la soif de connaissances de la société alors en pleine mutation.

Premiers voyages : la leçon du plein air
 Liljefors grandit à Uppsala, au nord de Stockholm, dans une ville alors entourée de vastes étendues sauvages. Il lit avidement toutes sortes d’albums naturalistes et s’entraîne à dessiner sur le vif lors de ses sorties par champs et marais. Le jeune homme griffonne du soir au matin et se révèle particulièrement doué pour les caricatures et l’illustration d’histoires pleines de vie, à la manière des bandes dessinées d’aujourd’hui. En 1872, il s’inscrit à l’Académie royale de Suède, où il côtoie Anders Zorn, l’un des futurs peintres les plus célèbres de Scandinavie, avec qui il restera ami toute sa vie. Comme Zorn, Liljefors conteste rapidement l’enseignement dispensé à l’Académie, jugé trop restrictif, et rejoint le groupe des « Opposants » qui militent pour l’instauration d’une « nouvelle peinture » en Suède. 
Liljefors quitte alors le pays et poursuit sa formation auprès du peintre animalier Carl Friedrich Deiker (1836-1892) à Düsseldorf, puis voyage en Bavière, en Italie, et en France. À l’instar de Carl Larsson, autre figure majeure de l’art suédois de cette époque, Liljefors séjourne à Grez-sur-Loing, au sud-est de Paris, où s’est établie une véritable colonie d’artistes nordiques. Le peintre bénéficie des leçons des artistes du « plein air » français, des peintres de l’école de Barbizon, des impressionnistes et des naturalistes, au premier rang desquels trône Jules Bastien-Lepage. Contrairement à Zorn et Larsson, qui séjournent longtemps en France, Liljefors regagne rapidement la Suède et consacre son art revivifié à la représentation de la nature locale.

Quatre études d'animaux dans un cadre : pie-grièche, râle des genêts, pinsons familiers, pouillot, 1887, huile sur toile et sur panneau
Chat sur un pré fleuri et nichée de pies-grièches écorcheurs, 1887, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
Bruno Liljefors - la Suède sauvage

Une famille de renards, 1886, huile sur toile
La peinture de Bruno Liljefors repose sur une connaissance approfondie de la nature, des animaux qui la peuplent et des moindres détails de leur habitat. Dans Une famille de renards, le sous-bois fait écho au stade de développement des renardeaux. Au début de l'été, ils ont atteint l'âge auquel ils peuvent désormais se nourrir d'aliments solides et non plus de tétées. C'est l'époque de la floraison du cerfeuil sauvage, tandis que les pissenlits sont montés en graine.
Renard, scène de Grez, France, 1887, huile sur panneau

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Une autre évocation de son séjour en France : Portrait de Carl Larsson, 1884, huile sur panneau
Dans ce portrait de dos, Bruno Liljefors représente son ami Carl Larsson travaillant l'aquarelle à Grez-sur-Loing. Liljefors et Larsson étaient très liés et restèrent proches toute leur vie. Bien que Liljefors ait effectué plusieurs séjours à Grez, il ne s'y est jamais senti très à l'aise, à la différence de Larsson. Son intérêt était à tel point porté sur la nature suédoise qu'il aspirait le plus souvent à rentrer dans son pays, ce qui explique qu'il ait peu produit en France.
En regard, un tableau de Carl Larsson (1853-1919) : L'Étang de Grez-sur-Loing, vers 1885, aquarelle sur papier
Après avoir traversé une période difficile à Paris, Carl Larsson se rend à Grez-sur-Loing. Là, il aborde la technique de l'aquarelle en plein air. Il décrit cette époque comme étant celle « où tout désormais prenait forme ». Absolument novatrice, sa manière de dépeindre la vie quotidienne du village influença en Suède toute une génération de paysagistes en ouvrant une nouvelle voie à la représentation de la nature. Une ouverture qui a de grandes conséquences, en particulier pour Bruno Liljefors.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
Bruno Liljefors - la Suède sauvage

Paysage de Kvarnbo, Uppland, Suède, vers 1884-1885, huile sur toile marouflée sur Isorel
Le Lanceur de disque, 1888, huile sur toile
Anna. L'épouse de l'artiste, 1885, huile sur toile
Bruno Liljefors aborde rarement le genre du portrait. Il est d'autant plus surprenant que l'un de ses tableaux les plus saisissants soit précisément un portrait de sa première épouse, Anna. Vêtue d'une robe rose, elle est assise parmi la végétation, le visage tourné vers l'extérieur du cadre. Son regard est aussi intense qu'impénétrable, ce qui confère à l'image une atmosphère énigmatique. Le rendu naturaliste de ce tableau évoque Les Foins, une œuvre du Français Jules Bastien-Lepage – très apprécié par Liljefors et les artistes de sa génération.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Au bord de l'eau. Un jour de printemps, Grez-sur-Loing, 1887, huile sur toile
Pêcher en fleurs, scène de Grez, 1884, huile sur toile
Soirée d'été, 1887, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Anders Zorn (1860-1920) : Le Peintre Bruno Liljefors, 1906, huile sur toile
Zorn réalisa ce portrait alors que Liljefors séjournait chez lui, à Gopsmor, où il conviait souvent ses amis. Ils étaient toutefois nombreux à juger le lieu aussi inconfortable que primitif. Bruno Liljefors écourta d'ailleurs sa visite pour cette raison, rendant le travail sur ce portrait plus problématique que prévu.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage

Une vitrine évoque le jeune Liljefors dessinateur : dès l'enfance, Bruno Liljefors montre un grand talent pour le dessin. Il réalise de nombreux croquis humoristiques des personnes qui l'entourent et invente toutes sortes d'histoires drôles à partir des scènes qu'il observe. Il reçoit ses premières commandes en tant qu'illustrateur d'almanachs, crée des couvertures d'ouvrages et acquiert une réputation de caricaturiste. En 1885, il publie à Uppsala un album regroupant ses meilleures caricatures.
Le Pêcheur d'écrevisses, vers 1884, plume et encre noire sur papier
Esquisse pour la couverture de Par les lacs et les forêts d'Onni Wetterhoff , crayon graphite sur papier

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Deux plats, céramique peinte
Portrait du père de l'artiste, 1884, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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« Décors naturels » : La tentation japonisante
 Bruno Liljefors aime utiliser des formats originaux, verticaux ou très allongés. Il apprécie les compositions asymétriques et joue souvent sur la ligne d’horizon très haute, voire absente, pour plonger le spectateur dans la scène représentée. Bien qu’il s’en soit défendu, l’art japonais, la calligraphie, la peinture sur soie et les estampes sont pour lui de véritables sources d’inspiration. Ces modèles nippons furent diffusés en grand nombre en Europe dans les années 1860 et 1870, notamment au sein des expositions universelles ou industrielles. Chez Liljefors, la composition de chaque tableau ainsi que le regroupement de plusieurs toiles au sein d’un seul et même cadre s’apparentent aux bois gravés japonais agencés selon le procédé de l’harimaze. Irrégulièrement disposées, les images forment un ensemble décoratif remarquable et semblent n’entretenir aucune relation immédiate les unes avec les autres. Néanmoins, la proximité des scènes laisse au spectateur un espace mental qui lui permet de reconstituer le fil de la narration et d’inventer une histoire, toute subjective.

Renards, 1886, huile sur toile
Ce tableau est un bel exemple de la façon dont Liljefors appréhende l'utilisation conjuguée de la peinture et du pinceau pour créer naturellement une illusion : les feuilles sont en fait de simples taches de peinture et la texture de la fourrure des renards est évoquée par la trace des poils du pinceau.
Cinq études d'animaux, 1881, huile sur toile et sur panneau
Paysage d'hiver aux bouvreuils pivoines, 1891, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Bouvreuils pivoines, 1889, huile sur toile
Études d'animaux dans un cadre : perdrix, pouillot et papillon, bécassine et ses petits, pies dans un pommier, chat et oiseau, 1888, huile sur toile et sur panneau
Rassemblant plusieurs tableaux dans un même cadre, cette œuvre constitue l'un des agencements géométriques les plus perfectionnés réalisés par Liljefors. Nous voyons la croissance des oisillons, la recherche de nourriture par les adultes et la rencontre inéluctable avec un chat sur la droite. Datée de 1888, la toile montre comment la touche du peintre se fait plus assurée et plus expressive.
Moineaux domestiques, 1886, huile sur panneau

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Moineaux dans les ronces, 1886, huile sur panneau
Cinq études d'animaux dans un cadre : chat avec un oisillon, moineaux dans un ceriser, chat et pinson, pinsons et libellules, rougequeues et papillons, 1885, huile sur panneau
Bergeronnette grise, 1884, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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 Chardonnerets, 1888, huile sur panneau
Les chardonnerets élégants sont souvent au cœur des compositions les plus expérimentales de Liljefors. À l’instar des gravures sur bois japonaises, la palette des couleurs est restreinte ; dans l’image, le ciel domine. Daté de 1888, le tableau illustre l’évolution de l’artiste vers une peinture de plus en plus expressive, ne compromettant toutefois ni la netteté ni la précision de la représentation des mouvements et du comportement des oiseaux.
Grive musicienne à son nid, 1888, huile sur toile
Hermine au pinson, 1885, huile sur panneau

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Le Chat Jeppe dans le soleil de printemps, 1886, huile sur toile
Au cours des années 1880 et 1890, le chat apparaît régulièrement dans les tableaux de Bruno Liljefors. Le plus célèbre des chats du peintre s'appelait Jeppe : ici, il se repose, allongé dans le sable chauffé par le soleil. Cette toile est techniquement intéressante. En 1886, comme si les choses prenaient pour le peintre un tour plus détendu, sa touche commence à montrer une plus grande liberté. La description d'éléments comme la végétation semble par conséquent elle aussi plus vivante.
Geais, 1886, huile sur toile
Dans sa peinture, Liljefors capte sur le vif la réaction des animaux confrontés à un danger immédiat, comme ici ces deux geais. L'un d'eux a déjà pris son envol, tandis que l'autre ouvre son bec court et rond pour lancer son strident cri d'alarme. Liljefors a étudié et dessiné des oiseaux vivants, mais également utilisé des photographies et des oiseaux naturalisés qu'il installait à l'extérieur dans un cadre naturel. Avec la branche au premier plan et la lisière floue de la forêt à l'arrière-plan, la composition accentue l'impression d'un instant figé.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Le peintre grimpeur : dispositifs d'observation et processus créatif
Liljefors s’est donné pour but de révéler la beauté de la nature et son énergie vitale. Pour cela, il installe ses ateliers au plus près des espaces sauvages et il travaille en immersion aux alentours pour dessiner sur le motif pendant de longues heures. Infatigable chasseur depuis son enfance, il arpente aussi bien les landes et les marais que les forêts profondes. L’artiste met au point toutes sortes de dispositifs pour observer les animaux sans être vu. Il se camoufle et fabrique des affûts où il se cache pour regarder à sa guise. Le peintre est également acrobate et excellent gymnaste, ce qui lui permet de grimper dans les arbres, à des hauteurs vertigineuses, afin d’atteindre les nids des balbuzards pêcheurs, par exemple. Liljefors est ainsi en mesure de visualiser les moindres détails de la vie des animaux au quotidien. À travers le dessin, il capte leurs mouvements, leurs attitudes, mais il accorde aussi une grande importance à la photographie, qui participe pleinement à son processus créatif. Liljefors organise souvent ses compositions en fonction du champ de vision de l’être humain : la zone la plus importante de l’image est nette, tandis que la périphérie demeure floue, comme vue à travers le cristallin de l’œil. Certaines photographies se retrouvent traduites à l’identique dans sa peinture, d’autres sont le substrat de nouvelles compositions où plusieurs éléments disparates se superposent.

Paysage rocheux sous la pleine lune, vers 1886, huile sur toile
Intérieur de forêt, vers 1890, huile sur toile
Famille d'élans, 1890, plume et lavis d'encre grise, rehauts de blanc sur papier

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Canards sauvages dans les roseaux, 1901, huile sur toile
Gerbes de roseaux, 1907, huile sur toile
L'absence d'animal explique la singularité de cette toile dans la production de Liljefors. De prime abord, on pourrait la tenir pour une étude, mais ses dimensions et le raffinement de son exécution en font une œuvre d'art à part entière. Elle montre comment, au début du XX siècle, Liljefors s'affranchit progressivement des conventions. La couleur et la facture sont en effet mises au service de la création des ombres et des lumières d'une manière comparable à celle des impressionnistes.
Croquis de lièvre variable, aquarelle sur papier
Sur le thème du camouflage et du mimétisme protecteur, le lièvre variable est l'un des motifs qui fascinaient Liljefors. La fourrure du lièvre s'adapte à la neige au cours de l'hiver: elle devient blanche afin que l'animal soit le moins visible possible. Dans cette aquarelle, Liljefors pousse également très loin l'inspiration japonisante. À l'instar des dessins à l'encre japonais, l'image se limite à représenter le minimum.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Lectures Darwiniennes : Art du camouflage et spectacle de la chasse
 À partir des années 1880, Liljefors trace un nouveau sillon dans l’histoire de la peinture animalière. Comme rarement auparavant, il s’attache à représenter les animaux dans leur environnement, pris sur le vif dans leur vie quotidienne. La naissance des animaux, leur apprentissage auprès de leurs parents, la « parade amoureuse », le nourrissage des petits et la chasse sont tous des éléments qui deviennent dignes de figurer sur la toile, dans des formats parfois très grands, réservés à l’époque à la peinture d’histoire. De plus, par sa connaissance approfondie des terres suédoises, Liljefors donne à voir des espèces peu familières des citadins de son temps. Son art reflète ainsi la soif de connaissances de la société de la fin du XIXe siècle, qui est bouleversée par la révolution industrielle et qui porte une attention nouvelle à ce qui persiste de la nature « sauvage ». L’art de Liljefors s’inscrit par conséquent dans le sillage des découvertes darwiniennes qui irriguent alors la culture européenne. Dans le monde de Liljefors, les animaux, les plantes, les insectes et les oiseaux participent d’un grand tout, où chacun a son rôle à jouer. Dans ce monde, les espèces sont le fruit d’une évolution permanente et d’adaptations, comme en témoigne le mimétisme protecteur, véritable art du camouflage, qui permet à certaines espèces de se fondre dans les couleurs de leur environnement. Pour mettre en évidence cette propriété fascinante, le peintre tend à toujours replacer l’animal au cœur 
de son habitat.

Lièvre variable, 1905, huile sur toile
Lièvre pourchassé, 1914, huile sur toile
Fasciné par le phénomène du mimétisme protecteur des animaux dans une perspective darwinienne, Liljefors s'est intéressé au lièvre qui change de couleur en hiver pour mieux se camoufler. Passant du gris-brun au blanc, la fourrure est adaptée pour ne pas être visible dans un environnement tel que celui-ci, où tout, sauf quelques éléments de végétation brunâtres, est recouvert par la neige.
Nid d'autour des palombes, dit aussi Nid de faucon, 1886, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Renard et chiens, 1885, huile sur toile
Martre et femelle tétras lyre, 1888, huile sur toile
Autour des palombes et tétras lyres, dit aussi La Proie, 1884, huile sur toile
En 1884, pour sa première participation au Salon parisien, Bruno Liljefors envoie une toile représentant un autour des palombes pourchassant des tetras lyres dans un ciel de neige.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Les Courlis, 1913, huile sur toile
En 1913 a lieu le premier Salon des artistes animaliers à Paris. Avec le sculpteur Troubetzkoy, Liljefors est l'un des deux artistes étrangers invités. Liljefors expose un tableau, Les Courlis, échassiers dont le plumage moucheté se confond avec les herbes aquatiques des marécages qu'ils affectionnent. Le président de la République de l'époque, Raymond Poincaré, apprécie tant le tableau qu'il le fait acheter par l'État. Il s'agit de l'unique œuvre de Liljefors entrée dans les collections publiques françaises. Il est aujourd'hui conservé au musée d'Orsay.
Courlis, 1907, huile sur toile
Parade du grand tétras, 1888, huile sur toile
Le motif du tjäderlek (« grand tétras ») réapparaît dans les tableaux de Liljefors jusqu'à une date avancée du XXe siècle, mais, ici, il l'aborde pour la toute première fois. Ces oiseaux s'aventuraient rarement à proximité d'Uppsala, où résidait le peintre, mais s'approchaient parfois de certains lieux bien précis ; un ami lui avait indiqué où il aurait la possibilité d'en voir pour étudier leur comportement. Du fait de ses dimensions. le tableau s'apparente à un diorama, type
de peinture prisé des musées d'histoire naturelle du monde entier et dont l'artiste allait se faire une spécialité en Suède.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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L'exposition s'achève sur une séquence de toiles particulièrement spectaculaires.

« Au bord de la vaste mer »
 Vers 1890, la scène artistique suédoise évolue. Jusqu’alors dominante, la peinture d’histoire en vient à être considérée comme le vestige d’une époque révolue. Plusieurs intellectuels en vue prônent un renouveau de l’art national s’exprimant dans la représentation de paysages et d’atmosphères clairement identifiables. Dès les années 1880, de nombreux peintres prometteurs avaient quitté la Suède pour la France et se consacraient depuis lors à des motifs « français ». On les encourage désormais ainsi à rentrer au pays pour peindre la Suède. Gauguin était admiré pour s’être aventuré dans des régions inexplorées dans une quête d’affirmation d’identité. En Suède, les peintres portent principalement leur attention sur les paysages sauvages et les particularités de la lumière nordique. Le crépuscule est par conséquent devenu emblématique du style appelé « romantisme national ». Si Bruno Liljefors poursuit dans la voie de la peinture animalière, il n’en demeure pas moins influencé par ces courants. C’est ainsi que, durant les années 1890, il accorde à la lumière et à l’atmosphère une place cruciale dans l’éventail de ses motifs de paysages, de la forêt à l’archipel.

Hibou grand-duc dans les pins enneigés, 1907, huile sur toile
Hibou grand-duc au cœur de la forêt, 1895, huile sur toile
Dans le contexte du romantisme national de la fin du XIXe siècle, les récits considérés comme traditionnellement suédois connaissent un regain d'intérêt et sont mis en valeur. Liljefors transpose cette atmosphère dans la peinture animalière en représentant un hibou dans les profondeurs de la forêt. Réalisé à Copenhague, ce tableau marque le passage de Liljefors du naturalisme au romantisme national.
Cygnes, 1897, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Paysage d'hiver à l'aube, 1900, huile sur toile
Fin de soirée dans l'archipel- Baie d'Ägnö, 1899, huile sur toile
Femelle eider couvant, 1903, huile sur toile

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Nid de l'aigle marin, 1907, huile sur toile
Brise du matin, 1901, huile sur toile
Grèbe huppé, 1907, huile sur toile
Sur cette toile, Liljefors travaille la matière picturale en larges touches apparentes. Chaque coup de pinceau, très allongé, semble incarner un roseau ou une vibration qui anime la surface de l'eau. En cela, le tableau se rapproche des recherches menées à la même époque par les impressionnistes dans le domaine du paysage. L'absence de ligne d'horizon et la palette chromatique très originale, qui mêle des harmonies de beiges et de violets, invitent le spectateur à la rêverie
 

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Pygargues à queue blanche, 1897, huile sur toile
Les dimensions de la toile, réservées à l'époque à la peinture d'histoire, confèrent au genre animalier une dignité supérieure. Présenté en 1897 dans le cadre de l'exposition d'art et d'industrie de Stockholm, le tableau fut directement acquis par le Musée national.
Plongeons arctiques, 1901, huile sur toile
Liljefors a recours à une perspective sans horizon. Un tel point de vue plongeant directement vers l'eau exige un talent particulier pour figurer la masse et l'agitation de la mer, Cette toile illustre l'habileté avec laquelle le peintre y est parvenu. Bien que nous ne voyions qu'une petite superficie de la surface de la mer, nous comprenons grâce aux mouvements de l'eau que nous nous trouvons au large, en eau profonde.
Eiders dans les vagues, 1899, huile sur toile

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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Phoque sur les rochers au coucher du soleil, 1897, huile sur toile
Coucher de soleil sur l'archipel, 1894, huile sur toile
Eiders, 1894, huile sur toile
Oies sauvages atterrissant, 1899, huile sur toile
Ce tableau est une version réduite de la toile présentée par Liljefors à l'Exposition universelle de 1900 à Paris au sein du pavillon suédois. Le sujet combine deux motifs centraux pour Liljefors à cette période : la représentation des oiseaux en vol et la lumière si particulière du crépuscule. Ces oies sauvages ont également été utilisées pour orner la couverture de la première édition du célèbre Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, écrit par la romancière Selma Lagerlöf.

Bruno Liljefors - la Suède sauvage
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POP FOR EVER - Tom Wesselmann &... (I/II)

14 Décembre 2024 , Rédigé par japprendslechinois

Sous un titre un peu complexe, l'exposition hivernale de la Fondation Louis Vuitton s'attache à montrer l'importance durable du Pop Art, en prenant pour fil conducteur un artiste, Tom Wesselmann (1931-2004). Se destinant au dessin humoristique, il a débuté une carrière de peintre à la fin des années 1950 et est devenu rapidement une des figures majeures du Pop Art. Poursuivie sur près d'un demi-siècle, son œuvre combine les aspects-clés du mouvement : elle embrasse l'imaginaire américain et l'iconographie de son époque, intègre la publicité et les objets du quotidien. Comme le présente les organisateurs, l'exposition est double : 150 œuvres de Tom Wesselmann (ses premiers collages, les immenses Still Lifes, les emblématiques Great American Nudes, les séries Mouths et Smokers, les Sunset Nudes et les oeuvres abstraites en métal. C'est aussi une exposition thématique regroupant 70 œuvres de 35 autres artistes. Wesselmann y dialogue avec l’histoire du Pop Art, de ses sources à ses manifestations actuelles. Ses premiers collages voisinent avec des œuvres dadaïstes. Ses réalisations sont replacées dans le contexte des années 1960, aux côtés de grandes icônes du Pop Art. Cette histoire du Pop se poursuit avec des œuvres de nos contemporains. Plus récemment, Wesselmann a été redécouvert par de plus jeunes artistes dont Mickalene Thomas, Derrick Adams et Tomokazu Matsuyama, qui ont tous les trois créé des œuvres spécialement pour l’exposition. Ils appartiennent à une nouvelle génération qui continue à travailler sur cette fusion de l’art et de la réalité opérée par Wesselmann prolongeant ainsi le récit du Pop – un «Pop Forever».

Ce premier billet sera consacré au galeries du niveau (-1) du bâtiment de la Fondation.

Icônes Pop des années 1950 et 1960

C'est un artiste français qui ouvre l'exposition, Martial Raysse, né en 1936 :
America America, 1964, néon et peinture sur métal
À New York, en 1962, l'exposition « New Realists » réunit à la galerie Sidney Janis une trentaine d'artistes originaires de France, d'Angleterre, d'Italie, de Suède et des États-Unis. Martial Raysse y figure, comme Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Tom Wesselmann. L'expression « Pop Art », abréviation de « popular art » sera rapidement préférée à celle de « New Realist », traduite du « Nouveau Réalisme » français. Le « Pop » qualifie davantage l'esthétique publicitaire et cinématographique privilégiée par les Américains. Mais l'œuvre de Martial Raysse, signataire en octobre 1960 du Manifeste du Nouveau Réalisme, appelant à de « nouvelles approches perceptives du réel » rappelle les points de convergence de part et d'autre de l'Atlantique. 

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Tom Wesselmann : 
Still Life #57, 1969-1970, huile sur toile et base de peinture acrylique sur tapis, en six parties
Still Life #31, 1963, acrylique et collage sur panneau, téléviseur
Still Life #15, 1962, technique mixte et collage sur bois
Great American Nude #34, 1962, technique mixte, collage et assemblage sur bois, comprenant un oiseau mécanique
Ici, Wesselmann anime sa composition avec un petit oiseau mécanique muni d'un moteur à piles. L'œuvre témoigne de la fusion de genres picturaux classiques et de l'utilisation expérimentale de divers médias. Comme beaucoup de ses contemporains pop, Wesselmann reprend l'emblématique « imagerie américaine » et propose une analyse des images fortes des années 1960.

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Jasper Johns, né en 1930, États-Unis : Flag, 1958, encaustique et collage sur toile
Barkley L. Hendricks, 1945-2017, États-Unis : Untitled, 1967-1968, huile sur toile
Avec Untitled, Hendricks paraît citer les Flags de Johns ou les emblèmes patriotiques de Wesselmann, mais son traitement de la bannière étoilée, oblitérée de noir, suggère une tonalité plus sombre. Sa présentation à plat n'est pas sans évoquer le drapeau qui recouvre à cette époque le cercueil des soldats américains morts au Vietnam, parmi lesquels la population africaine-américaine est surreprésentée.
David Hammons, né en 1943, États-Unis : African American Flag, 1990, coton imprimé
David Hammons signe depuis plus d'un demi-siècle une œuvre où les accomplissements majeurs de la culture africaine-américaine résonnent avec les expérimentations artistiques des années 1960. Son African American Flag reformule le drapeau des États-Unis en intégrant les couleurs rouge, vert et noir du drapeau panafricain inventé dans les années 1920 pour célébrer l'unité de la diaspora africaine des deux côtés de l'Atlantique.

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Rosalyn Drexler, née en 1926, États-Unis :
Love and Violence, 1965, acrylique, huile et papier collé sur toile
After Sex, 1969, acrylique et collage papier sur toile cartonnée
Rosalyn Drexler est, avec Marjorie Strider, l'une des deux femmes (sur dix artistes) à participer à l'exposition « First International Girlie Exhibit » (Pace Gallery, 1964) qui explorait l'imaginaire de la pin-up comme symbole américain.
Marjorie Strider, 1931-2014, États-Unis : Welcome, 1963, acrylique sur isorel, avec construction en bois

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Roy Lichtenstein, 1923-1997, États-Unis :
Thinking of Him, 1963, magna sur toile
Girl in Window (Study for World's Fair Mural), 1963, huile et acrylique sur toile
En 1962, Roy Lichtenstein expose à la galerie Leo Castelli une suite de tableaux, inspirés de publicités et de cartoons, à la palette limitée et aux couleurs appliquées par points imitant la trame d'un procédé de reproduction. À l'inverse du lyrisme gestuel qui prévalait alors, sa peinture crée un effet de distanciation et reprend le plus souvent des sujets populaires.
Andy Warhol, 1928-1987, États-Unis : Shot Sage Blue Marilyn, 1964, acrylique et encre sérigraphique sur lin
En 1962, le décès de Marilyn Monroe entraîne une apparition massive de son image dans les médias. L'événement est déclencheur pour Warhol qui, grâce à la technique de la sérigraphie qu'il commence à utiliser, en réalise des portraits légendaires, noces de la peinture et du star-system.

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Yayoi Kusama, née en 1929, Japon : Self-Obliteration, 1966-1974, peinture sur mannequins, table, chaises, perruques, sac à main, tasses, assiettes, pichet, cendriers, plante, fruits et fleurs en plastique
Yayoi Kusama pratique dès l'enfance le dessin et la peinture. En 1957, elle quitte le Japon pour les États-Unis. A New York, son œuvre se développe au sein de la scène expérimentale où peinture, sculpture, environnement et happening se croisent. En 1962, elle expose aux côtés d'Andy Warhol et de Claes Oldenburg à la Green Gallery - où seront montrés quelques mois plus tard les Great American Nudes de Wesselmann.

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Kiki Kogelnik, 1935-1997, Autriche : Self Portrait, 1964, huile et acrylique sur toile
Travaillant d'abord dans une veine abstraite et gestuelle, Kiki Kogelnik quitte Vienne et l'Autriche pour les États-Unis en 1961. Ce déplacement inaugure une œuvre pop par ses sujets, sa palette et sa forme, mais inédite dans ses symboles et ses contenus.
Evelyne Axell, 1935-1972, Belgique :
La Femme de marbre, 1968, émail sur polyester et Formica
 Ice Cream, 1964, huile sur toile
Evelyne Axell est une figure historique du Pop Art européen. Actrice et comédienne, c'est en se familiarisant avec le travail d'Andy Warhol, Jim Dine et Marisol qu'elle décide de se tourner vers la peinture en 1963. Si elle apprend la peinture à l'huile auprès de René Magritte, elle s'empare ensuite des résines plastiques, une technique alors expérimentale

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Robert Rauschenberg, 1925-2008, États-Unis : Vitamin, 1960 & 1968, huile, papier imprimé, carton, caoutchouc, plastique, clous et crochets sur toile
Robert Rauschenberg apparaît, dès les années 1950, comme un précurseur de nombreux mouvements artistiques qui émergent alors aux États-Unis - qu'il s'agisse d'art plastique, de performances mêlant textes, musique et danse, ou d'expérimentations technologiques. Visant à abolir la frontière entre l'art et la vie, l'artiste crée des combine paintings qui, à l'instar de Vitamin, sont à la lisière de la peinture, de la sculpture, du collage et de l'assemblage.
Frank Bowling, né en 1934, Guyane britannique :
Blazing Cane Field with Rum Shop, 1967, acrylique, huile, et encre sérigraphique sur toile
Cover Girl, 1966, acrylique, huile et encre sérigraphique sur toile
Mother's House with Beware of the Dog, 1966, acrylique, huile et encre sérigraphique sur toile
Né en Guyane britannique (actuelle Guyana), Frank Bowling s'installe à Londres en 1953. Pris entre Londres et New York, il s'éloigne des modèles académiques pour faire fusionner figuration, pop, abstraction, éléments autobiographiques et sociopolitiques.

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Kiki Kogelnik : Bombs in Love, 1964, technique mixte avec Plexiglas et acrylique sur douilles de bombe
Marjorie Strider : Triptych II (Beach Girl), 1963, acrylique sur polystyrène revêtu d'une couche d'époxy, monté sur isorel et panneau de bois
Marisol Escobar, artiste et sculptrice vénézuélo-américaine née en 1930 à Paris et morte en 2016 à New York : John Wayne, techniques mixtes

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Sur la route
Wesselmann et les artistes pop explorent les clichés, les promesses et l’imagerie de l’Amérique des années 1960. La mythologie de l’automobile et de la route en font partie. Selon ses mots, Wesselmann cherche à capturer une «réalité officielle». Pour cela, il récupère des affiches dans les poubelles du métro new-yorkais dans l’objectif de reproduire des bouts de vie, évoquant aussi ses propres voyages sur les autoroutes à la recherche d’affiches aux images parfaites. Intégrant à ses œuvres des objets quotidiens comme autant de fragments du réel, il développe l’idée d’une « diversité des réalités » et utilise des drapeaux et des portraits de présidents comme symboles de la culture des États-Unis. Tout comme le Flag de Jasper Johns ou la représentation monumentale par James Rosenquist, dans President Elect, d’un John F. Kennedy souriant, juxtaposé à une voiture, ses œuvres renvoient au «rêve américain».

Tom Wesselmann :
Landscape #4, 1965, acrylique et collage sur panneau de fibres
Landscape #1, 1964, huile, collage sur toile et son [il s'agit de bruits de moteur ]
Little Landscape #1, 1964, Liquitex et collage sur bois
Still Life #35, 1963, huile et collage sur toile quatre parties

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Sylvie Fleury, née en 1961, Suisse : Skin Crime 3 (Givenchy 318), 1997, peinture émail sur Fiat 128 compressée
L'art minimal, la mode, le custom automobile, la science-fiction sont autant de sujets que Sylvie Fleury convoque dans des œuvres qui, depuis le début des années 1990, ont assumé le glamour et la consommation comme attitudes artistiques. « Les artistes sont des espèces de vecteur de choses qui sont dans l'atmosphère. Un peintre l'exprimera avec son pinceau et moi, il m'arrive de rechercher d'autres moyens de le faire » explique l'artiste. Le maquillage, dont la nature même (l'illusion et la couleur) a trait à l'exercice de l'art, figure dans sa palette. Ici, c'est sur une épave de voiture, fracassée et désormais inapte à la vitesse que Fleury a appliqué une couleur de vernis à ongle Givenchy.
James Rosenquist, 1933-2017, États-Unis : President Elect, 1960-1961, huile sur isorel
Originaire du Minnesota, James Rosenquist arrive en 1955 à New York où il gagne sa vie en peignant des publicités. Fin 1960, il décide d'utiliser pour sa propre pratique artistique l'échelle, la technique et les sujets de son travail alimentaire. Pour President Elect, il prend comme modèles une affiche électorale, une réclame culinaire et une publicité automobile. Sur le portrait souriant du candidat John F. Kennedy, il fait apparaître une main grisée tenant une part de gâteau.
Claes Oldenburg, 1929-2022, États-Unis :
Light Switches - Hard Version, 1964, bois peint, Formica et métal
Soft Fur Good Humors, 1963, fausse fourrure avec kapok, bois et peinture émaillée
En 1961, Claes Oldenburg invite Tom Wesselmann à participer à plusieurs de ses performances. L'année suivante, tous deux figurent au générique de « The International Exhibition of the New Realists », exposition fondatrice du Pop Art. Les premières sculptures d'Oldenburg ont pour sujet des objets du quotidien.

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Une petite salle est intitulée Dada & Pop

Les œuvres de Marcel Duchamp et de ses contemporains dadaïstes sont aux racines du Pop Art. Dada, qui émergea comme un mouvement « anti-art » à Zurich à la toute fin de la Première Guerre mondiale se propagea rapidement à Berlin, Hanovre, Cologne, Paris et New York. Les artistes de ce mouvement utilisaient fréquemment la technique du collage. Leur influence se fit d’abord sentir directement sur le surréalisme, après-guerre elle prit une nouvelle vigueur avec le Pop. Avec ses premiers collages réalisés à partir de matériaux trouvés dans la rue, d’objets banals et de panneaux publicitaires, et par l’intégration directe dans ses œuvres de fragments du réel, Wesselmann témoigne de la persistance de l’héritage dadaïste.

Tom Wesselmann :
Green Camp Pond, 1959, pastel, collage et agrafes sur carton de composition
After Matisse, 1959, pastel, collage et agrafes sur carton de composition

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Collages de petites dimensions de Tom Wesselmann, parmi lesquels :
Portrait Collage #1, 1959, crayon, pastel, collage et agrafes sur carton
San Francisco Nude with Green Wall, 1959, pastel, tissu, papier peint avec reproduction imprimée, pigment noir non identifié et fleurs séchées sur panneau

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Dans la même section,
Tadanori Yokoo, né en 1936, Japon : The Rose-Colored Dance, A La Maison De M. Civeçawa (Poster for a performance by Tatsumi Hijikata's butoh dance company), 1966, sérigraphie sur papier
Tadanori Yokoo est dans les années 1960, l'un des graphistes les plus influents du Japon, notamment connu pour ses réalisations pour le théâtre indépendant. Depuis 1980, il se consacre à la peinture. Au centre de ce poster réalisé pour un spectacle de Tatsumi Hijikata - inventeur du butoh et figure de l'avant-garde japonaise - les silhouettes maniéristes du Portrait de Gabrielle d'Estrées et une de ses sœurs (1575-1600) sont flanquées de vagues évoquant celle d'Hokusai et du motif impérial du soleil levant.
Eduardo Paolozzi, 1924-2005, Royaume-Uni : Sack-o-Sauce, 1948, papiers imprimés collés sur carton
Eduardo Paolozzi est attiré très jeune par la vitalité du langage publicitaire, à commencer par celui du commerce de glace de ses parents, émigrés italiens en Écosse. Après des études d'art à Londres, il séjourne à Paris dans l'immédiat après-guerre et se réclame du Surréalisme. Paolozzi manipule des images de science-fiction, de magazines, de publicité. Issus de cette série, ces collages sont à la fois des signaux précoces du Pop Art et des échos immédiats du Surréalisme et du Dadaïsme.

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Terminons la visite du niveau (-1) - et ce billet avec les grandes natures mortes de Wesselmann

Natures mortes
À partir de 1962, Wesselmann approfondit sa pratique du collage en démarchant des compagnies publicitaires pour récupérer des affiches. Il débute sa série des Still Lifes, des natures mortes qui intègrent des objets du quotidien, des publicités et des appareils électriques. Si le genre de la nature morte est traditionnellement de format modeste, il en délivre une version monumentale et agressive en combinant des éléments disparates. L’immense pomme rouge de Still Life #29 provient de l’un des tout premiers panneaux publicitaires fourni par un fabricant. C’est un exemple significatif de la manière dont l’affiche, sa taille, son impact ajoutent à son œuvre une audace visuelle, un effet habituellement crucial pour attirer le regard du consommateur.

Still Life #56, 1967-1969, huile sur toiles mises en forme

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Still Life #25, 1963, huile et assemblage sur carton de composition
Still Life #21, 1962, acrylique et collage sur bois avec enregistrement du son du vin versé 
Still Life #34, 1963, acrylique et collage sur bois
Still Life #29, 1963, huile et papier imprimé, collage sur toile
Avec ses objets surdimensionnés aux couleurs intenses, Still Life #29 synthétise l'esthétique pop de Wesselmann. Chaque élément de la composition se détache, méticuleusement délimité par des lignes nettes et des surfaces vibrantes. L'artiste agrandit des objets quotidiens, comme la pomme tirée d'un panneau publicitaire à la surface brillante et le collage de paysage derrière une Volkswagen, mêlant ainsi textures et messages publicitaires. La salière surdimensionnée accentue encore une impression immersive, proposant une nouvelle perspective sur des objets familiers.

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Dans cette section, curieusement, une seule œuvre d'une autre artiste :

Jann Haworth, née en 1942, États-Unis : Rhinestones, 1963, satin, rembourrage et raidissement en polyester, en cinq parties
Jann Haworth grandit à Los Angeles, immergée dans l'industrie du spectacle. Arrivée en Angleterre en 1961 elle intègre la Slade School of Fine Art (Londres) où, désarçonnée par le sexisme du vieux continent, elle décide d'utiliser le textile comme matière première un « territoire qui était [le sien] en tant que femme et auquel aucun étudiant mâle n'avait accès ». 

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Tom Wesselmann :

Still Life #33, 1963, huile et collage sur toile, trois parties
Still Life #44, 1964, papier imprimé et vernis mat Liquitex sur panneau de fibres, avec recouvrement en Plexiglas jaune
Still Life #48, 1964, acrylique, collage et assemblage sur bois 
Still Life #51, 1964, Formica et papier imprimé commercialement avec plastique et acrylique sur toile
Still Life #49, 1964, technique mixte et assemblage sur bois

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3-D Drawing (For Still Life #42), 1964, fusain, gesso, et assemblage (horloge, verre, contreplaqué, Formica, panneau composite, bois et métal) sur bois
Still Life #37/Interior #1, 1964, acrylique, collage et assemblage comprenant un ventilateur, une horloge et une lumière fluorescente
Still Life #46, 1964, plastique peint et formé sous vide
Still Life #36, 1964, papier trouvé, huile et acrylique sur lin, quatre parties

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Nous poursuivrons dans un prochain billet la visite de cette exposition.

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Ribera - Ombres et lumière

7 Décembre 2024 , Rédigé par japprendslechinois

Pour la première fois en France avec une exposition monographique de cette ampleur, le Petit Palais rend hommage au peintre espagnol Jusepe de Ribera, né près de Valence en 1591, parti à Rome à peine agé d'une quinzaine d'années pour ne jamais plus revenir dans son pays natal puisqu'il s'établira à Naples en 1616 et y mourut en 1652. Il est vrai que Naples était alors une possession espagnole et que durant sa fulgurante carrière il multiplia les commandes prestigieuses à Naples et en Espagne.

Profondément marqué par l'œuvre de Caravage qu'il découvre en arrivant à Rome, il est aux yeux de ses contemporains "plus sombre et plus sauvage" encore que ce dernier. La gestuelle est théâtrale, les coloris noirs ou flamboyants, le réalisme cru et le clair-obscur romantique. Son ténébrisme extrême lui valut au XIXe siècle une immense notoriété, de Baudelaire à Manet. Ribera, l'héritier terrible du Caravage, s'impose comme l'un des interprètes les plus précoces, les plus audacieux et les plus extrêmes de la révolution caravagesque et, au-delà, comme l'un des plus grands maîtres du Siècle d'or espagnol.

À Rome. Se nourrir du Caravage, peindre la poésie du quotidien

Les témoignages sur les débuts espagnols de Ribera font défaut. Il s’installe à Rome, alors capitale européenne des arts, vers 1605-1606, pour y demeurer une dizaine d’années. Au cœur du quartier des artistes, non loin du Panthéon, le jeune Ribera, que l’on surnomme « Lo Spagnoletto » (le petit Espagnol), mène une vie de bohème, extravagante et dissolue. Différents grands courants artistiques dominent alors la scène romaine. Ribera opte d’emblée pour la voie révolutionnaire du Caravage (1571–1610), qui bouleverse les canons établis, en rejetant le seul principe du « beau idéal », pour promouvoir une peinture « d’après nature ». Les deux hommes
se sont peut-être côtoyés à Rome, avant la fuite de Caravage pour Naples, en mai 1606. Caravagesque de la première heure, Ribera reprend les fondements de la leçon du maître, qu’il exacerbe : un réalisme prégnant, un usage provocateur du modèle vivant, un clair-obscur dramatique et des cadrages à mi-corps, dont il accentue la frontalité. Avec une âpreté accrue, il réinterprète les nouveaux sujets caravagesques, inspirés de l’univers des bas-fonds. Ainsi, Ribera fait-il l’honneur d’un portrait à un simple Mendiant. Dans une même veine transgressive, dominée par un puissant naturalisme, il renouvelle la représentation des Cinq sens ou l’iconographie des hommes illustres.

Démocrite, vers 1615-1616, huile sur toile (deux toiles sur le même thème, de la même période)
Un vieil homme au visage creusé par les rides adresse au spectateur un large sourire. Il incarne Démocrite, philosophe présocratique connu pour son attitude ironique à l'égard de la condition humaine, symbolisée ici par la sphère armillaire, dont il a pris parti de rire. Il est souvent le pendant d'Héraclite, généralement représenté en pleurs, en signe d'affliction face à la misère du monde. La touche, plus fluide et moins impétueuse que celle du Mendiant « Borghèse », situe notre Démocrite vers la fin du séjour romain de Ribera.
Allégorie de l'odorat, vers 1615-1616, huile sur toile
La série des Cinq Sens aurait été commandée par Pedro Cosida, représentant commercial du roi d'Espagne à Rome. Avec originalité, Ribera traite l'allégorie à l'image d'une scène de genre tirée du quotidien dans une veine des plus naturalistes. L'odorat est personnifié par un gueux portant un chapeau informe, au visage creusé et à la barbe fournie, vêtu de guenilles. Ribera suggère l'odeur puissante qui se dégage de l'oignon coupé par la larme coulant au coin de l'oeil du modèle. Un autre oignon, entier, une tête d'ail et un brin de fleur d'oranger sont disposés négligemment sur la table au premier plan.
 

Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière

Allégorie du goût, vers 1615-1616, huile sur toile
Un philosophe, vers 1612-1615, huile sur toile
Réapparu à Paris en 2020, ce portrait énergique de vieillard est un ajout récent au catalogue de la période romaine de Ribera. Le visage buriné, la peau extrêmement ridée, ce vieillard présente une physionomie bonhomme, arborant un large sourire un brin narquois. Le béret orné d'une plume constitue une touche d'élégance qui contraste sur le vêtement modeste, formé de tissus rapiécés.
Un mendiant, vers 1612-1613, huile sur toile
Le traitement frontal d'une figure à mi-corps au plus près du spectateur, les larges coups de pinceau et les forts accents lumineux sont caractéristiques des premières productions romaines de l'artiste. L'œuvre, présente dans les collections Borghèse dès le début du XVIIe siècle, est révolutionnaire : jamais auparavant on n'avait porté une telle attention sincère à une figure du peuple. Ce marginal, peut-être croisé dans les rues de Rome, saisit profondément par la vérité de son dépouillement.

Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière

Trouver sa voie, trouver sa place, peindre en série

Le jeune Ribera travaille d’abord à la journée, pour le marché de l’art, comme tout novice arrivé à Rome à l’orée du XVIIe siècle. Il force l’admiration de ses contemporains par sa rapidité d’exécution. En deux jours, il brosse un saint, et en cinq, une grande composition. À cette virtuosité technique, il associe une prédilection pour la série et se fait notamment connaître pour ses Apostolados. Ces cycles, très en vogue en Espagne, présentent le Christ et les douze apôtres, de manière isolée. Les deux Apostolados exécutés par Ribera à Rome, à quelques années d’intervalle, permettent de mesurer l’évolution fulgurante de l’artiste. Peints « d’après nature », ce sont de véritables « portraits » de saints, incarnés par les modèles privilégiés du peintre, choisis dans son environnement quotidien. La seconde série, aux figures magnétiques, est à la fois plus abstraite, plus dramatique et plus individualisée. Elle annonce le Ribera à venir et nous livre les clefs de son succès. Elle est le fruit d’une commande majeure de Pedro Cosida, un compatriote du peintre et agent du roi d’Espagne à Rome. Avec le soutien de la communauté espagnole, « Lo Spagnoletto » accède rapidement au cercle des plus grands collectionneurs de la ville, parmi lesquels le marquis Vincenzo Giustiniani, le cardinal Scipione Borghese et le duc Mario Farnese, qu’il accompagne à Parme en 1611. En une dizaine d’années, Ribera trouve sa voie et se fait un nom dans la plus importante capitale artistique.

Apostolado dit « aux cartels », vers 1607-1609, huiles sur toile
Christ bénissant
Saint Thomas
Saint Matthieu
Saint Jude Thaddée

Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière

Saint guerrier, vers 1614-1615, huile sur toile
Ce saint guerrier dont l'identification est incertaine apparaît comme le portrait vivant d'un homme au visage marqué par la fatigue. L'œuvre révèle l'habitude qu'avait Ribera de travailler d'après nature. Surgissant d'un fond sombre, le visage et les mains sont mis en valeur par les beaux effets de contraste entre la couleur noire et la doublure rouge de la cape. Ribera donne vie à la peinture religieuse, par la proximité de modèles tirés de son quotidien. Derrière le saint se dévoile un authentique portrait.

Ribera - Ombres et lumière
Ribera - Ombres et lumière

Saint Thomas, vers 1613, huile sur toile
Saint Jude Thaddée [?], vers 1613, huile sur toile
Saint Barthélémy, vers 1613, huile sur toile
Il s'agit du deuxième Apostolado connu de Ribera, dit « Cosida », du nom de son commanditaire, Pedro Cosida, agent du roi d'Espagne à Rome et collectionneur. Les figures à mi-jambes, d'un format légèrement agrandi par rapport au premier Apostolado, se détachent d'un fond uni, traversé d'un violent rai de lumière en diagonale, à la manière du Caravage. Les têtes, aux physionomies très individualisées, sont ceintes d'une auréole dorée. Les lourds manteaux aux plis amples animent les figures et enveloppent leur présence sculpturale. Ribera construit un véritable dispositif scénique autour de ces effigies à la monumentalité inédite.

Ribera - Ombres et lumière
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Saint Pierre et saint Paul, vers 1616-1617, huile sur toile
Les deux apôtres sont ici saisis en pleine discussion animée autour des écrits présents sur le grand rouleau qui les sépare. La main de saint Paul tendue vers l'arrière et tenant une épée fait écho au bloc de pierre saillant vers l'avant en partie basse. Ribera insuffle un mouvement nouveau à ces deux figures, prises dans un véritable dialogue. Les coloris chatoyants, la virtuosité de la nature morte au livre ouvert au premier plan et l'interpellation du regard par saint Paul rendent vivant ce débat théologique.

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Ribera découvert : l'énigme du maître du jugement de Salomon

Notre connaissance du jeune Ribera, avant son installation à Naples, s’est longtemps limitée à quelques rares mentions biographiques et à un nombre d’œuvres très réduit. Le « Ribera romain » a été redécouvert en 2002, lorsque les tableaux rassemblés sous le nom de convention de « Maître du Jugement de Salomon », d’après la toile éponyme, ont été identifiés comme étant de Ribera. Ce mystérieux peintre anonyme, l’un des caravagesques les plus intrigants de la scène romaine, n’était donc pas un artiste français, comme on l’a longtemps cru, mais bien Ribera, le jeune prodige espagnol. Soudainement, le corpus de Ribera s’est enrichi d’une soixantaine d’œuvres, qui témoignent d’un changement d’envergure radical – de format, d’ambition et de destination. Dans le sillage de Caravage, Ribera renouvelle la représentation de l’histoire sainte. Il l’interprète « d’après nature », avec une rare intensité, associée à une profonde humanité. À ce titre, Le Reniement de saint Pierre prend la forme d’un drame contemporain qui se déroule au cœur d’une taverne, sous les yeux du spectateur, lui-même pris à partie. Ribera invente ainsi un prototype voué à un immense succès. Ces compositions monumentales, en frise, à l’avant-garde du caravagisme, sont alors présentées dans les plus beaux palais de Rome, dont celui du cardinal Scipione Borghese, l’heureux propriétaire du fameux Jugement de Salomon.

Le Jugement de Salomon, vers 1609-1610, huile sur toile
La mise en scène est particulièrement théâtrale: le décor est fermé à gauche par un pilier, à droite par une figure de profil. La lumière éclairant violemment la scène par la gauche met en valeur la rhétorique de la gestuelle attachée à chaque acteur.

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Le Reniement de saint Pierre, vers 1615-1616, huile sur toile
Ribera reprend dans son tableau les éléments emblématiques de la composition de La Vocation de saint Matthieu du Caravage : la figure centrale assise de dos au premier plan, créant un effet de profondeur spatiale, et les deux gestes de désignation qui, dans la toile de Ribera, deviennent des gestes de dénonciation convergeant vers saint Pierre. La scène religieuse est tirée d'un quotidien des plus prosaïques évoquant les bas-fonds de Rome.

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La Délivrance de saint Pierre, vers 1613-1614, huile sur toile
Le Couronnement d'épines, vers 1611-1612, huile sur toile
Jésus parmi les docteurs, vers 1612-1613, huile sur toile
Deux philosophes [Anaxagore et Lacydès ?], vers 1612-1613, huile sur toile
Les mains puissantes, les visages ridés et barbus ainsi que les feuilles des volumes présentés sur la table sont des morceaux de bravoure réalistes.

Ribera - Ombres et lumière
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Ribera et Naples ; le temps de la gloire (1616-1652)

Ribera s’installe à Naples en 1616, où il se marie avec la fille du peintre Bernardino Azzolino, déjà bien établi dans la ville. Cette alliance l’introduit auprès d’une clientèle d’aristocrates locaux et d’ordres religieux, nombreux dans la cité. Il se confronte à nouveau aux inventions du Caravage, disparu quelques années plus tôt. Les chefs-d’œuvre napolitains de ce maître du clair-obscur se retrouvent en écho dans ses propres œuvres. Dès lors, Ribera s’impose comme le nouveau chef de file du naturalisme napolitain. En ce début du XVIIe siècle, Naples est une véritable ville-monde, l’une des trois plus importantes capitales d’Europe, animée d’un singulier bouillonnement. C’est également une possession espagnole, gouvernée par des vice-rois qui se succèdent rapidement. Très vite apprécié par ces serviteurs de la monarchie, Ribera se voit assuré d’une protection officielle et acquiert un statut de peintre de cour. Son rayonnement hors d’Italie, et notamment en Espagne, est fulgurant. Les grandes commandes abondent : une série de saints pour la collégiale d’Osuna, des portraits de philosophes ou d’humbles, des scènes mythologiques d’ampleur, le retable de la chapelle San Gennaro, le prestigieux décor de la certosa di San Martino. Ribera dessine et grave également avec brio. Son style âpre des débuts
romains évolue vers plus de lyrisme et un plus grand colorisme. L’artiste s’attelle à de nombreux registres et retravaille ses obsessions sans relâche.

Saint Jérôme et l'ange du Jugement dernier, 1626, huile sur toile
Exécuté pour le maître-autel de l'église de la Trinità delle Monache, ce tableau constitue le couronnement de la maturité de Ribera à Naples.
Saint André, vers 1616-1618, huile sur toile
Comme pour ses autres figures de saints ou de philosophes, ce saint André en prière, à mi-corps, pourrait être issu d'un Apostolado.
Le Couronnement d'épines, vers 1620, huile sur toile
David tenant la tête de Goliath, vers 1620-1630, huile sur toile
L'épisode biblique de David et Goliath connaît un grand succès chez Le Caravage et, dans son sillage, auprès des peintres caravagesques actifs à Rome. Ribera traite le sujet à plusieurs reprises. Dans cette version, il renforce les éléments dramatiques en dépeignant David sous les traits d'un gamin des rues ou physique nerveux et en grossissant démesurément la tête du géant Goliath.
 

Ribera - Ombres et lumière
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La splendeur des humbles

 Ribera est le génial inventeur d’une typologie nouvelle : il représente les plus grands penseurs en indigents vêtus de haillons qui s’imposent au spectateur, provocants et superbes. Son message est radical. Il s’inscrit dans un contexte intellectuel et spirituel qui prône la relation entre la richesse intérieure et la pauvreté extérieure. Les séries de portraits de philosophes à mi-corps, fondés sur le travail d’après le modèle vivant, lui permettent d’explorer une grande variété d’expressions. L’artiste se concentre davantage sur la vérité psychologique de l’homme que sur l’identification précise du personnage. Sans être dénuées d’une certaine dérision, ces figures, entre le noble et le prosaïque, revendiquent et proclament une dignité de la pauvreté. Elles captivent par leur présence silencieuse. Si ces philosophes nous interrogent sur les grands sujets existentiels, ils nous invitent en retour à l’introspection. C’est le cas de la série de philosophes mendiants que le duc d’Alcalá commande à Ribera dans les années 1630, qui revisite, dans le registre profane, les cycles de saints réunis pour ses Apostolados de la période romaine. Les sujets, criants de vérité, surgissent puissamment de la pénombre, entourés de morceaux de nature morte virtuose. L’extraordinaire « portrait de famille » que brosse Ribera de la « femme à barbe » et son mari, pour le même duc d’Alcalà, constitue quant à lui un chef-d’œuvre d’humanité.

Maddalena Ventura et son mari [« La Femme à barbe »], 1631, huile sur toile
Dioscoride (ex Ésope), vers 1630, huile sur toile
Platon, 1630, huile sur toile
Héraclite, vers 1630-1632, huile sur toile
Pythagore, vers 1630-1632, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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Magnifier le quotidien

 Tout au long de sa carrière, à Rome ou à Naples, Ribera s’intéresse aux marges de la société. À Naples, alors qu’il s’impose comme le peintre officiel des vice-rois espagnols et multiplie les commandes religieuses majeures, Ribera demeure le grand portraitiste de la plèbe napolitaine. Avec ses figures de gitanes, de duègnes ou de garçons des rues, les célèbres scugnizzi, il nous plonge dans un répertoire truculent, proche de l’univers picaresque de la littérature espagnole, comme du théâtre et de la chanson populaires de l’époque. Qu’il prête les traits réalistes de tout ce petit peuple napolitain à des allégories (Jeune fille au tambourin, Une vieille usurière) ou érige le portrait d’un malheureux infirme en valeureux spadassin (Le Pied-bot), il excelle à tirer de la misère du quotidien une forme de merveilleux.

Une vieille usurière, 1638, huile sur toile
L'effet de clair-obscur, le sujet et la manière de traiter sans concession les sévices du temps s'inscrivent dans la tradition caravagesque, Toute l'attention du personnage est retenue par la balance qui lui sert à effectuer une pesée. On a voulu voir dans ce personnage à la rudesse palpable une usurière, voire une allégorie du péché d'avarice
Le Pied-bot, 1642, huile sur toile
 Ce tableau représente un jeune infirme pieds nus et pauvrement vêtu, faisant l’aumône. Ribera donne au sujet une dimension et une noblesse inédites en isolant la figure sur une toile au format de portrait d’apparat.
Jeune fille au tambourin, 1637, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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Réinventer la fable antique

Les années 1630 constituent une période prodigieuse pour Ribera, durant laquelle il reçoit tous les honneurs (en 1626, il est décoré de la croix de l’ordre du Saint-Esprit à Rome) et jouit d’une position dominante sur la scène artistique napolitaine. Il conçoit ses plus beaux chefs-d’œuvre profanes : des compositions ambitieuses et spectaculaires, inspirées de la fable antique, mais réinventées avec truculence et lyrisme. De ses références érudites, Ribera tire un profit inédit, entre reprise et détournement. Son goût pour la provocation, le grotesque, la dérision, mais également le drame humain, transparaît. Le Silène ivre n’offre-t-il pas une variation particulièrement iconoclaste de Vénus allongée ? A-t-on jamais vu de bel Apollon aussi sadique ? L’artiste, au sommet de son art, ose tout et a l’audace superbe. Véritable théâtre des passions, sa peinture déploie un caractère sensoriel remarquable, visuel et tactile, voire sonore. Tout est maîtrisé dans le traitement et les effets de texture : le corps, souffrant ou repu, les plis de chair, les poils, les étoffes… Une grâce nouvelle et une gamme chromatique enrichie de bleus électriques, de rouges écarlates, de pourpres cramoisis révèlent une inspiration vénitienne et flamande. Son spectaculaire Vénus et Adonis nous plonge enfin dans une atmosphère apaisée et une douce poésie, malgré le drame évoqué.

Vénus et Adonis, 1637, huile sur toile
Les effets des plis d'étoffe aux coloris électriques et le ciel tourmenté à l'arrière-plan sont caractéristiques du tournant coloriste de Ribera autour des années 1640.
Apollon et Marsyas, 1637, huile sur toile
Le Silène ivre, 1626, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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De Naples à l'Espagne

 Après avoir porté la représentation de la figure isolée à son comble et réinventé le mythe avec impertinence, Ribera s’attelle à de nouveaux sujets, pour lesquels il propose une approche originale. Son étonnant Combat de femmes aborde un thème inédit dans une perspective monumentale singulière. Au-delà de son habileté dans le traitement du paysage comme arrière-fond, le peintre livre dans ses deux tableaux de paysages autonomes une méditation sur la nature, où les vibrations de lumière argentée nimbent d’une douceur bucolique une campagne idéalisée. Ces ensembles, atypiques dans la production de l’artiste, témoignent de l’importance de l’envoi vers l’Espagne d’une grande partie de ses œuvres. Qu’il s’agisse de commandes destinées aux villes d’origine des vice-rois (Osuna, Salamanque) ou au décor des palais madrilènes du roi Philippe IV (Alcázar ou Buen Retiro), Ribera crée pour l’Espagne sans jamais retourner dans sa patrie de naissance.

Paysage avec bergers, 1639, huile sur toile
Paysage avec fortin, 1639, huile sur toile
Ces deux paysages indépendants sont les seuls de ce genre que l'on connaisse de Ribera. La prépondérance d'une nature à peine animée de figures, aux vastes ciels d'un bleu électrique, suggère une fonction décorative. On peut également y voir l'influence des paysages pastoraux, dans le goût du peintre Claude Lorrain, par exemple. Vraisemblablement commandés par le comte de Monterrey, vice-roi de Naples de 1631 à 1637, qui les emporta ensuite avec lui en Espagne.
Combat de femmes, 1636, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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Convaincre par le vrai et l'émotion

 En cette première moitié du XVIIe siècle, les préconisations de l’Église catholique, énoncées au concile de Trente (1545-1563), sont appliquées aux arts. En opposition au développement de la réforme protestante, la Contre-Réforme catholique réaffirme la place des images dans le culte et leur capacité à éveiller la dévotion des fidèles par l’émotion. Dans cet esprit, qu’il interprète à l’aune de la foi espagnole et de la ferveur populaire napolitaine, Ribera cherche à convaincre par le vrai et l’émotion. Il relève le défi de peindre l’expression des passions « au naturel » et s’attache à traduire l’expression de la douleur, l’introspection psychologique ou encore la beauté du corps mort du Christ. Il insiste sur la vérité des individus, présentés au plus près du spectateur, tout comme sur la sincérité des expressions. Il joue enfin de la puissance évocatrice des rares couleurs qui vibrent au cœur des ténèbres. La représentation des ermites et des pénitents occupe une part importante dans son œuvre. Les déclinaisons de saint Jérôme, qu’il peint plus de quarante fois tout au long de sa carrière, soulignent la sincère dévotion du personnage, plutôt que sa dignité d’érudit. Sainte Marie l’Égyptienne impressionne par la radicalité de son dépouillement ascétique. Ribera traduit l’extase religieuse aussi bien que la vision céleste ou le miracle divin, mais toujours dans une perspective réaliste. Ses œuvres de dévotion interpellent avec efficacité le fidèle : elles émeuvent, suscitent l’empathie, permettent de s’identifier à des figures saintes proches, modestes, humaines

Sainte Marie l'Égyptienne, 1641, huile sur toile
Marie l'Égyptienne est une sainte dont la vie est assez semblable à celle de Marie Madeleine : cette prostituée d'Alexandrie se convertit et vécut en ermite dans le désert de Palestine pendant quarante-sept ans, en se nourrissant seulement d'un peu de pain
L'Adoration des bergers, 1650, huile sur toile
Madeleine pénitente, 1641, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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Le Miracle de saint Donat d'Arezzo,1652, huile sur toile
Daté de l'année de la mort de Ribera, ce tableau serait son dernier. Il représente le miracle de saint Donat, deuxième évêque d'Arezzo au IVe siècle
Saint Jérôme, 1934, huile sur toile
Saint Jérôme, 1943, huile sur toile
Saint Antoine de Padoue, 1636, huile sur toile
Saint Antoine de Padoue, en habit franciscain, est représenté au moment où, priant dans sa cellule, il a une vision de l'Enfant Jésus apparaissant entre ses bras.

Ribera - Ombres et lumière
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Peindre le pathos

 La Lamentation est le sujet de plusieurs tableaux de Ribera, depuis le premier témoignage d’un tableau peint à Rome jusqu’à l’une de ses dernières œuvres, réalisée dans les années 1650. Le peintre fait évoluer le type traditionnel de la Pietà, ou Vierge de douleur, un motif où la mère du Christ, éplorée, seule ou entourée, tient sur ses genoux son fils mort. Ribera concentre la désolation autour du corps du Christ en autant de variations dotées d’une grande charge émotionnelle propre à inspirer la dévotion. Le sujet est particulièrement apprécié de l’art de la Contre-Réforme, qui promeut la Passion du Christ et les modèles susceptibles de susciter l’empathie. Pour la première fois sont réunies ici trois versions de Ribera provenant de la National Gallery de Londres, du musée du Louvre et du musée Thyssen Bornemisza de Madrid. Leur confrontation permet de comprendre combien l’artiste nourrit ses motifs en les renouvelant.

La Mise au tombeau, vers 1616-1624, huile sur toile
Paris, musée du Louvre
Lamentation sur le Christ mort, 1633, huile sur toile
Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza
Lamentation sur le Christ mort, vers 1620-1623, huile sur toile
Londres, The National Gallery

Ribera - Ombres et lumière
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Et la dernière section de cette exposition très dense :

Le spectacle de la violence

 La représentation de la violence est au cœur de la production de Ribera. Ses compositions de martyres chrétiens scandent l’ensemble de sa carrière napolitaine. Cadrages audacieux, asymétrie des constructions, grandes diagonales, mouvements de foule, gestuelle éloquente prennent directement à partie le spectateur pour mieux l’inviter à participer aux souffrances exposées. Ces scènes de torture se nourrissent de mises à mort bien réelles, orchestrées sur les places publiques par l’Inquisition, et dont Ribera a été le témoin. Au sein de ces tableaux spectaculaires domine la représentation de la chair : une chair vieillie, mise à nu, ensanglantée, arrachée, où s’exprime toute la virtuosité du pinceau de Ribera. Le Martyre de saint Barthélemy offre à Ribera un motif terrifiant de corps souffrant, disloqué et meurtri. L’artiste décline le sujet en autant de variations, depuis la première commande pour le duc d’Osuna en 1616, jusqu’à la dernière version de 1644. Il révèle une forme de fascination pour le mélange de sensations, entre attraction et répulsion, que convoque la scène d’écorchement. Le spectacle du supplice et l’exploit pictural fusionnent en un condensé d’épouvante magistral. L’artiste peint également saint André ou saint Sébastien, souffrant tous deux dans leur chair, mais avec une atténuation de l’horreur dans la mise en scène de leur martyre. Un de ses derniers tableaux, le Saint Sébastien pour la certosa di San Martino en 1651, tend vers un apaisement érotisé du sujet. C’est ce Ribera extrême que retiendront les artistes et écrivains français du XIXe siècle. Théophile Gautier s’exclamait ainsi : « C'est une furie du pinceau, une sauvagerie de touche, une ébriété de sang dont on a pas idée. »

Le Martyre de saint Barthélemy, vers 1616-1617, huile sur toile
Le Martyre de saint Barthélemy, vers 1628, huile sur toile
Le Martyre de saint Barthélemy, 1644, huile sur toile

Ribera - Ombres et lumière
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Saint Sébastien, 1651, huile sur toile
Le Martyre de saint André, 1628, huile sur toile
Saint Sébastien soigné par Irène et sa servante, 1621-1624, huile sur toile
Sébastien est un jeune soldat romain condamné à mort au IVe siècle pour sa conversion chrétienne. Il est criblé de flèches et laissé pour mort, mais survit à ce premier martyre grâce aux bons soins d'Irène, avant d'être finalement lapidé. Irène est ici représentée debout, à l'aplomb du corps horizontal très effilé de saint Sébastien. Son doux visage tourné vers nous, elle plonge les doigts dans un pot à onguent pour soigner les blessures du saint, tandis que sa servante retire une flèche de son flanc. Contrastant avec les autres représentations de martyres de Ribera, d'une grande violence, cette scène de guérison est au contraire marquée par l'apaisement et la douceur.

Ribera - Ombres et lumière
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