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Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

25 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Pour faire bonne mesure avec les billets un peu nostalgiques sur les dernières expositions au Centre Pompidou avant sa fermeture pour rénovation, un billet consacré à une exposition qui marque la réouverture du Grand Palais : une rétrospective de l'œuvre de la plasticienne japonaise Chiharu Shiota.

Née à Osaka en 1972 et résidant à Berlin, Chiharu Shiota est mondialement connue pour ses installations monumentales faites de fils de laine entrelacés.
Co-organisée avec le Mori Art Museum de Tokyo, cette exposition est la plus importante jamais consacrée à l’artiste, en France. Déployée sur plus de 1 200 mètres carrés, avec sept installations à grande échelle, des sculptures, des photographies, des dessins, des vidéos de performance et des documents d’archives liés à son projet de mise en scène, l’exposition permet de se familiariser avec la carrière de Shiota, qui s’étend sur plus de vingt ans.
Avant même l'entrée dans l'exposition, une installation monumentale occupe la cage de l'escalier qui y monte :

Where Are We Going? - Où allons-nous ?, 2017/2024, laine blanche, fil de fer, corde, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Dans l'antichambre :

In the Hand - Dans la main, 2017, bronze, laiton, clé, fil, laque
Life Close to the Universe - La vie près de l'univers, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Connected Thread - Fil connecté, 2019, crayon de couleur à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Hand and Red Thread - Main et fil rouge, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Prayer - Prière, 2019, crayon de couleur à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Red Finger - Doigt rouge, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Red String - Cordon rouge, 2007, gouache, crayon à l'eau et encre à l'eau sur papier
Connect - Connecter, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
The Key in the Hand - La clé dans la main, 2015/2016, épreuve chromogène

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

On plonge ensuite dans la deuxième grande installation :

Uncertain Journey - Voyage incertain, 2016/2024, cadre métallique, laine rouge, dimensions variables
"La vie est un voyage. Dans ce bain de couleur, vous êtes comme dans une peinture. Les fils rouges représentent l'énergie des relations humaines."

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

La salle suivante retrace les premières œuvres et performances de l'artiste.

À côté d'une photo de 1977 de Chiharu Shioda, à 5 ans, une aquarelle sur papier réalisée par l'artiste à la même époque, Papillon sur le tournesol
Untitled - Sans titre, 
1992, huile sur toile
Cette œuvre date de l'époque où Shiota était étudiante en première année à l'université Kyoto Seika. «J'ai relevé le défi d'exécuter une peinture abstraite, se souvient-elle, alors que nous étions libres de choisir n'importe quel sujet. Je ne voyais que la couleur à la surface de la toile. Le cœur agité de ce monde, au plus profond de la peinture, disparaissait de mon champ de vision. J'étais frustrée par l'importance prédominante accordée à la technique et par l'absence de contenu. Alors que je maniais cette peinture à l'huile et cette toile - des matériaux chargés d'histoire -, je ne supportais plus la frivolité avec laquelle je peignais.» Ce fut la dernière huile exécutée par Shiota.
From DNA to DNA - De l'ADN à l'ADN, 1994, performance, installation, (carton, tissu, fil de fer, laine, peinture acrylique)
Université Kyoto Seika
« C'est la première installation pour laquelle j'ai moi-même cherché les matériaux. On sent une ouverture qui permet de sauter dans un espace non bidimensionnel. Je suis née de cette œuvre. Dans quelle mesure la transmission de l'ADN contrôle-t-elle ce qui se passe dans la tête de la personne qui crée? C'est la pensée qui m'a traversé l'esprit à ce moment-là. »
Cette performance/installation réalisée à l'université Kyoto Seika est également la première œuvre dans laquelle Shiota utilise du fil.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Becoming Painting - Devenir peinture, 1994, performance, installation (peinture laque rouge) Australian National University School of Art & Design, Canberra
Pendant ses études universitaires, Shiota a étudié en Australie dans le cadre d'un programme d'échange. Une nuit, alors qu'elle avait déjà abandonné la peinture à l'huile, elle a fait un rêve: «J'étais devenue une peinture, raconte-t-elle. Je me suis demandé comment je devais me déplacer à l'intérieur de la surface picturale pour qu'elle devienne une bonne peinture. Totalement recouverte par toute cette peinture, j'avais du mal à respirer. Cette nuit-là, j'étais devenue une partie de l'œuvre.» Quelques jours plus tard, après avoir accroché la toile au mur, elle a essayé de devenir une peinture en se couvrant de laque tout en s'enroulant dans la toile. Pour Shiota, ce fut une libération: « Pour la première fois, je n'avais pas créé une œuvre minutieusement travaillée, mais commis un acte d'expression corporelle dans lequel je m'étais totalement investie.»
One Line - Une ligne, 1994, performance, installation (haricots, papier, colle)
Australian National University School of Art & Design, Canberra
Shiota, qui s'était déjà éloignée de la peinture, s'est trouvée incapable de peindre lors de son séjour en Australie. Même quand elle traçait une simple ligne, elle n'arrivait pas à bouger la main pour exprimer un sentiment d'ordre ou d'espace, pour rendre le « souffle vital ». « J'ai ramassé des cosses de haricots vides qui jonchaient la cour de l'école, je les ai collées sur une feuille de papier et j'ai dessiné une unique ligne. Là, j'ai trouvé une certaine joie à tracer un trait sans faire appel à la moindre technique.»
Accumulation, 1994, installation (glands, laine noire)
Foyer Gallery, Australian National University School of Art & Design, Canberra
Cette installation exprime la similitude entre l'ordre de la nature et l'ordre du corps. Les glands de chêne servent de points de liaison, raccordés ensemble et tissés pour former un motif géométrique de lignes en laine.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Flow of Energy - Flux d'énergie, 1996, installation (bambou, peinture noire, laine noire)
Galerie Shunjukan, université Kyoto Seika
En suspendant au plafond ou en disposant sur le sol des tiges de bambou peintes en noir, Shiota exprime les flux d'énergie à l'aide de lignes dans un espace. Cette œuvre date d'une époque où elle s'est délibérément efforcée d'utiliser d'autres matériaux que des fils.
Similarity - Similitude, 1996, installation (bambou, peinture rouge, laine noire)
Galerie Akiyama, Tokyo
« Lorsque je fais couler de la peinture rouge sur des fils noirs tricotés, la couleur se répand sur le sol de manière ordonnée, créant quelque chose qui se rapproche d'un tableau.»

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

I Have Never Seen My Death - Je n'ai jamais vu ma mort, 1997, installation (os, œufs)
École supérieure des beaux-arts de Hambourg
Congregation - Congrégation, 1997, performance, installation (os, eau)
Dorfpark, Buchholz
Pour une exposition à l'École supérieure des beaux-arts de Hambourg, Shiota a collecté des mâchoires de vaches dans des usines de transformation de viande. Elle en a ainsi transporté environ cent quatre-vingts dans le train, en plusieurs fois, et, pendant un mois et demi, elle en a ôté la viande toutes les nuits à l'université. Ces os de vaches ont été utilisés pour la première fois dans une œuvre intitulée I Have Never Seen My Death, dans laquelle des œufs servaient à signifier un état brut. La phrase du titre est censée entrer en résonance avec les mots gravés sur la pierre tombale de Marcel Duchamp (1887-1968): « D'ailleurs c'est toujours les autres qui meurent ».
Dans Congregation, ces mâchoires - qui symbolisent la mort - sont disposées en cercle comme si elles cherchaient la vie et l'eau potable. Shiota en a ensuite fait une performance dans laquelle, située au centre et entourée d'eau boueuse, elle semblait elle-même chercher la vie dans un geste qui ressemblait à un retour à la terre.
From Memory to Memory - De mémoire à mémoire, 1998, installation (terre, chaussures, filet noir)
Kunsthaus Tacheles, Berlin

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

My Cousins' Faces - Les visages de mes cousins, 1998, installation (photographies)
Kunstverein Hannover, Hanovre
« Depuis mon arrivée en Allemagne, j'ai rencontré toutes sortes de gens et parcouru les rues de différentes villes. Chaque fois que j'avais l'impression d'avoir totalement changé parce que je me retrouvais seule dans un lieu lointain, ou de n'avoir plus de chez moi où que j'aille, je pensais à la région de Kochi où mes parents sont nés, et aux visages de mes proches, à ce paysage rural où je ne retournerais jamais, où les rivières et les montagnes ne changeraient jamais.»
After That - Après cela, 1999, installation (robes, boue, eau)
Université des arts de Berlin
E-Werk, Weimar
Memory of Skin - Mémoire de la peau, 2001, installation (robes, boue, eau)
Yokohama 2001: Triennale internationale d'art contemporain, Kanagawa
After That se compose de robes de sept mètres de long, cousues par Shiota elle-même et recouvertes de boue, suspendues devant un mur sur lequel de l'eau coule en continu depuis une douche installée au-dessus. «Les robes expriment l'absence du corps. Peu importe le nombre de fois où elles sont lavées, on ne peut jamais effacer la mémoire de la peau.» Par la suite, cette œuvre a été présentée à la première Triennale de Yokohama sous le titre Memory of Skin. Cette installation à grande échelle, où l'eau tombe en cascade sur des robes de treize mètres de long tachées de boue, a fait la réputation de Shiota, alors âgée de vingt-neuf ans, dans les milieux artistiques japonais.
Dialogue from DNA - Dialogue à partir de l'ADN, 2004, installation (vieilles chaussures, laine rouge)
Musée d'art et de technique japonais Manggha, Cracovie

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Dans la salle suivante, plusieurs installations :

Connecting Small Memories - Connecter de petits souvenirs, 2019, installation (meubles de poupées)
Chiharu Shiota met en scène des meubles de poupées, trouvés aux puces de Berlin. Elle dit à leur propos : « J'ai l'impression de me connecter aux anciens propriétaires en acquérant ces objets anciens, et j'aime les utiliser dans mes installations ou sculptures. »

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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State of Being - État d'être, 2018, cadre métallique, fil

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Out of My Body - Hors de mon corps, 2019/2024, cuir de vache, bronze, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Rebirth and Passing - Renaissance et disparition, 2019, technique mixte, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Scénographies
Entre 2003 et 2019, Chiharu Shiota a conçu les scénographies de neuf opéras et pièces de théâtre. Pour cette artiste, qui a axé sa pratique sur le thème de la présence dans l'absence et plus particulièrement sur les installations, l'espace de la scène - avec la présence des chanteurs, danseurs et acteurs - est un contexte totalement différent de celui d'une exposition dans un musée. Dans ses scénographies, elle implique activement les artistes. Ainsi, pour l'opéra Matsukaze, don la première a eu lieu en 2011 au théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, les danseurs devaient grimper et se faufiler dans tous les sens à travers la toile noire qu'elle avait tissée dans le cadre d'une installation de quatorze mètres de diamètre et de dix mètres de haut. Ces projets, qui offrent de multiples modalités de collaboration avec le metteur en scène, les interprètes, le chorégraphe, etc., font désormais partie de la pratique artistique de Shiota, qui y trouve un spectre de possibilités nouvelles. De ce point de vue, la conception scénographique est devenue un pilier important de sa production.

Solitude, pièce de Kerstin Specht, créée à l'Akademie Schloss Solitude, Stuttgart, 2003
Mise en scène: Alex Novak
Scénographie: Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Oedipus Rex, Opéra-oratorio d'Igor Stravinsky, sur un livret de Jean Cocteau d'après Sophocle, créé au théâtre Sarah-Bernhardt, Paris, 30 mai 1927
Nouvelle production au Hebbel am Ufer, Berlin, 2009
Mise en scène et chorégraphie: Constanza Macras Adaptation: Carmen Mehnert
Régie: Max Renne
Scénographie: Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Götterdämmerung - Le Crépuscule des dieux, drame musical de Richard Wagner, créé au Festspielhaus, Bayreuth, 17 août 1876
Nouvelle production au Theater Kiel/Opernhaus, 2018
Mise en scène: Daniel Karasek
Scénographie: Chiharu Shiota, Anna Myga Kasten
Siegfried, drame musical de Richard Wagner, créé au Festspielhaus, Bayreuth, 16 août 1876
Nouvelle production au Theater Kiel/Opernhaus, 2017
Mise en scène: Daniel Karasek
Scénographie: Chiharu Shiota
 

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Matsukaze, opéra de Toshio Hosokawa, sur un livret de Hannah Dübgen, d'après la pièce de théâtre nô de Kanami, XIVe siècle, révisée par Zeami, XVe siècle, créé au théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles, 3 mai 2011
Compositeur: Toshio Hosokawa
Mise en scène et chorégraphie: Sasha Waltz
Adaptation: Ilka Seifert
Scénographie: Pia Maier Schriever, Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Puis encore une grande installation qui occupe une salle entière :

In Silence - En silence, 2002/2024, piano brûlé, chaise brûlée, fil noir Alcantara, dimensions variables
Cette œuvre est née d'un souvenir d'enfance. La maison des voisins de Chiharu a brûlé. Le lendemain, elle voit leur piano calciné.  Les fils noirs sont comme une fumée qui invente une musique muette.
 

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Deux grandes installations dans la salle suivante :

Inside Outside - Dedans Dehors, 2008/2024, vieilles fenêtres en bois, dimensions variables
« Pour réaliser mon œuvre avec les fenêtres, je me suis rendue chaque jour, matin et soir, sur une vingtaine de chantiers, et je négociais avec les gens sur place. Pendant six mois, de jour comme de nuit, je n'ai fait que m'occuper de fenêtres et penser à des fenêtres. Certaines personnes m'ont donné des fenêtres, d'autres ont essayé de m'en vendre à prix d'or. Épuisée à la fin de chaque journée, je me disais que j'allais définitivement arrêter. Pourtant, je n'arrivais pas à m'arracher à ces fenêtres, comme si j'étais possédée par elles; j'avais l'impression qu'elles étaient comme une peau pour moi.»

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Reflection of Space and Time - Reflet de l'espace et du temps, 2018, robes blanches, miroir, cadre métallique, fil noir Alcantara

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Au mur de cette salle, quelques œuvres graphiques :

Talking - Parler, 2018, pastel gras et fil sur papier
In the Window - Dans la fenêtre, 2018, pastel gras et fil sur papier
Red Coat - Manteau rouge, 2018, pastel gras et fil sur papier
Red Bathtub - Baignoire rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Mirror - Miroir rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Dress - Robe rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Table - Table rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

La dernière salle est le cadre d'une spectaculaire installation :

Accumulation - Searching for the Destination [Accumulation - En quête de la destination], 2014/2024, valises, moteur et corde rouge, dimensions variables
La valise pose la question de ce que l'on emporte, comme la mémoire du chez soi. Si Shiota dit s'inspirer des Monuments et Archives (années 1980) de Christian Boltanski (1944- 2021), elle n'en garde pas le contenu funéraire mais cherche plutôt à évoquer le voyage et l'exil. Dans les démarches de ces deux artistes, c'est la mémoire affective, celle des individus au travers des objets, qui est à l'œuvre.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Dans cette salle, quelques œuvres graphiques :

Following - À la queue leu leu, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Journey - Voyage, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Birth - Naissance, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Standing on the Stones - Debout sur les pierres, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
At the Edge - Sur le bord, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
In Search of Mother - À la recherche de la mère, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Relate - Relier, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
To be with - Être avec, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Et pour finir, deux mini-installations :

Where to Go, What to Exist - Tube and Newspaper [Où aller, quoi pour exister? - Tube et journaux], 2010, valise, ciment, journal, tube de vinyle, fil et autres
Where to Go, What to Exist - Photographs [Où aller, quoi pour exister? - Photographies], 2010, valise, photographies, fil et autres

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Trois artistes au Musée d'Art Moderne

18 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Un billet partagé entre trois artistes mis à l'honneur en ce moment par de petites expositions dans l'espace des collections permanentes du Musée d'Art Moderne de Paris.

Bonnard au Cannet
Dans le cadre d'une collaboration exceptionnelle avec le Kimbell Art Museum de Fort Worth, Texas, le Musée d'Art Moderne de Paris présente pour la première fois l'important Paysage au Cannet de Pierre Bonnard, aux côtés de son portrait peint par Édouard Vuillard et acquis par la Ville de Paris en 1937.
Le lien entre ces deux œuvres repose sur le regard attentif de Vuillard, qui choisit de représenter son ami face au Paysage au Cannet dans une remarquable mise en abyme picturale. Si Bonnard lui-même reste bien reconnaissable, la représentation de son tableau dans ce portrait agit comme une véritable signature artistique. En reproduisant avec une grande finesse les détails du Paysage au Cannet, Vuillard rend hommage à son ami en adoptant la touche colorée et sensible du peintre.
Cet accrochage inédit se trouve enrichi des autres tableaux de Bonnard appartenant au Musée d'Art Moderne de Paris, ainsi que de L'Atelier au mimosa prêté par le Centre Pompidou.
Ensemble, ces tableaux évoquent l'installation de Bonnard dans la villa « Le Bosquet » au Cannet, avec son épouse Marthe, modèle du Nu dans le bain et Femme à sa toilette. La demeure entourée d'un jardin devient alors une source d'inspiration inépuisable pour le peintre. Dans son Paysage au Cannet, Bonnard immortalise la vue qui s'étend au-dessus de la villa, tandis que dans L'Atelier au mimosa, il nous invite à contempler le même paysage, mais cette fois depuis la fenêtre de son atelier, révélant un autre point de vue sur ce lieu tant aimé. La végétation foisonnante qui entoure la demeure se manifeste également dans Le Jardin, où les vibrations colorées des différentes fleurs et plantes, alliées à la profondeur de la toile, nous invitent à marcher dans les pas de l'artiste.

Pierre Bonnard (1867, Fontenay-aux-Roses - 1947, Le Cannet) : Paysage au Cannet, 1928, huile sur toile
Edouard Vuillard (1868, Cuiseaux - 1940, La Baule-Escoublac) : Portrait de Pierre Bonnard, 1930-1935, peinture à la colle sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Pierre Bonnard :
Nu dans le bain, 1936, huile sur toile
Femme à sa toilette, vers 1934, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

L'Atelier au mimosa, 1939-1946, huile sur toile
Dans cette toile commencée au Cannet en 1939, et travaillée jusqu'en 1946 à Fontainebleau, Bonnard adopte un dispositif d'ouverture sur un foisonnement végétal, construit sur les verticales de la verrière rompues au premier plan par l'oblique de la mezzanine où le peintre a pris place. La grande fenêtre surlignée de rouge recadre l'apparition magique du mimosa en fleur, prolongé par une suite de taches - végétaux, maisons et ciel violine. La surexposition de cette scène, où le jaune solaire éclabousse de jaune d'or, de jaune de chrome et de rouge orangé l'intérieur de l'atelier, situé en léger contrebas, diffère la perception d'un visage dans le coin gauche dont les traits se surimposent sur le fond.
Le Jardin, vers 1936, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

et dans la même salle, pendant au portrait de Bonnard, un autre portrait d'artiste par Edouard Vuillard : Portrait d'Aristide Maillol, 1930-1935, peinture à la colle sur toile.

Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Hommage à Daniel Pommereulle (1937-2003)
À l’occasion de l’entrée en collection d’œuvres de Daniel Pommereulle, le Musée d’Art Moderne de Paris rend hommage à cette figure hors normes de la scène artistique française. Peintre, sculpteur, cinéaste, performeur et poète, Pommereulle a traversé la seconde moitié du XXe siècle porté par des engagements radicaux, en élaborant des formes qui éprouvent notre vulnérabilité par l’expérience de la violence et de l’infini.
Mobilisé pendant la guerre d’Algérie en 1957, Pommereulle reste marqué par cette expérience traumatique qui parcourt ses créations. Il est également influencé à ses débuts par l’onirisme d’Odilon Redon, des surréalistes, et d’Henri Michaux avec qui il partage le goût des drogues hallucinogènes. En 1966, identifié comme un objecteur par le critique Alain Jouffroy, qui qualifie ainsi les artistes revendiquant l’héritage de Marcel Duchamp et la révolte politique, il expose un Pêcher en fleur au Salon de Mai, au Musée d’Art Moderne de Paris. Il déploie dans son œuvre une esthétique de la violence et de la cruauté, des objets blessants et des appareils de torture (Toboggan, 1974), qui menacent directement les visiteurs .
Connu en tant qu’acteur pour ses apparitions dans les films de la Nouvelle Vague, l’artiste présente dans La Collectionneuse d’Éric Rohmer (1967) son premier Objet Hors Saisie qu’il développera avec la série des Objets de prémonition (1975) : des pots de peinture renversés et des sculptures de plomb, armés de lames de couteaux et d’objets tranchants. Dans les années 1980, Pommereulle séjourne en Corée et au Japon, infléchissant un tournant dans son travail. Sa pratique tant graphique que sculpturale, à travers l’emploi du verre, de la pierre et de l’acier, cherche à canaliser des énergies cosmiques. Jusqu'à sa disparition, selon Armance Léger, « la transparence, l'air et le vide sont les nouveaux termes de son exploration.  »

Daniel Pommereulle (1937, Sceaux - 2003, Paris) :
0-0, double zéro, 1975, bronze. Tirage: 6/8
Objet de prémonition, vers 1974, pot de peinture, lames de scalpel, lames en acier, feuilles de plomb et peinture
L'Objet de prémonition (1974) a été présenté dans l'exposition Huitièmement, qu'est-ce que la cruauté? à la Galerie Beaubourg en 1975, aux côtés d'autres œuvres de la même série. Cet objet insaisissable, pot de peinture vide et hérissé de lames de rasoir, met en échec toute tentative de maîtrise ou de préhension. Il témoigne à la fois de l'ironie de l'artiste, de sa critique de la peinture et de son rapport provocant à l'objet. Celui-ci n'est pas inerte mais au contraire habité d'une puissance qui nous résiste.

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Brûlures du ciel, vers 1978, acrylique sur bois, feuille de plomb trouées et bandes de plexiglas bleues
Le ciel est omniprésent dans l'œuvre de Pommereulle. En 1969, il part pour le Maroc avec le collectif Zanzibar (composé entre autres de Philippe Garrel, Olivier Mosset et Jackie Raynal) pour y réaliser le film Vite, réflexion sur l'échec de la révolte de Mai 68. Il filme la planète Saturne à l'aide d'un télescope, expression de sa fascination pour la cosmos et l'infini. Les Brûlures du ciel, réalisées dix ans plus tard, superposent des feuilles de plomb brûlées au chalumeau et dessinent un firmament étoilé, associant ici la violence et l'extase.
Sans titre (série des Thèses d'Humiliation), 1986-1988, pastel, encres, crayons gras, gouache, collages sur papier
Sans titre (David and Marc), 1975, mine de plomb sur papier
Sans titre (Flüchtig), 1998, crayon carbone, encres et pastel sur papier lithographique report

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Sans titre, 1984, feuilles de verre Float-Glass contre-collées et verre bleu
En 1983, Pommereulle inaugure une exposition de sculptures intitulée "Ici même l'on respire" à la Galerie de Séoul, en Corée. Tout comme pour les œuvres qu'il crée à la même époque au Japon et jusqu'au milieu des années 1990, la transparence et le verre y sont omniprésents. Ce matériau concentre les propriétés les plus fondamentales pour l'artiste : sa clarté invoque l'espace traversé par la lumière tandis que sa fragilité et la menace de ses arêtes coupantes maintiennent active la tension qui s'exerce à l'encontre de la personne qui fait l'expérience de l'œuvre.
Sans titre, 1993, acier, plâtre, porcelaine, verre jaune atomique et verre transparent

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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Et, occupant le centre de l'exposition :

Toboggan, 1974, laiton, polyuréthane et lame en acier bleui
En 1975, Daniel Pommereulle présente l'exposition "Fin de siècle" au Centre National des Arts Plastiques à Paris. Il crée pour l'occasion plusieurs œuvres monumentales qui synthétisent l'ensemble de ses recherches. Un mur de marbre noir est hérissé de couteaux reproduisant des constellations (Mur de couteaux). Le Toboggan est quant à lui la seule œuvre réalisée des Urgences, instruments de torture qu'il a imaginés en 1967. Œuvre sadique par la façon dont elle mêle la cruauté à l'univers de l'enfance, elle est aussi, par ses proportions élégantes et son aspect rutilant, un dialogue ironique avec la tradition sculpturale monumentale.

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Dernier artiste de notre billet :

Éric Dubuc (1961-1986)
Né à Paris en 1961 d'une famille franco-allemande, Éric Dubuc produit ses premiers dessins pendant sa scolarité à l'école Steiner-Waldorf. À 18 ans, il passe une année à l'École Nationale des Beaux-Arts avant de poursuivre sa formation par des voyages lointains et solitaires, en Asie et en Afrique. Au cours d'un de ces voyages en République démocratique du Congo, il contracte le paludisme et il est hospitalisé à l'hôpital Claude Bernard, d'où il ressort très affaibli physiquement et psychologiquement. En 1985, il expose au Salon de la Jeune Peinture à Paris, où son travail rencontre un premier succès. Son œuvre, aussi précoce que profondément pessimiste et distante, s'interrompt par son suicide, à l'âge de 25 ans.
Le regard d'Éric Dubuc se pose sur le monde à la manière d'un scalpel. Qu'il peigne la violence ordinaire de la rue ou le misérable réalisme des intérieurs, son art rejoint une forme de cruauté, jusqu'à la déchirure. La froideur impitoyable de la vie urbaine est figurée dans des scènes de bar désenchantées où des personnages solitaires se côtoient sans se rencontrer, ou bien dans des métros où règnent l'indifférence et l'anonymat. Son œuvre est aussi composée d'autoportraits anguleux marqués par la mélancolie, ainsi que de nombreuses fenêtres, toujours fermées, au travers desquelles se dessine un monde proche et pourtant hors de portée.
Outre l'acuité précise du décor, ses œuvres font souvent preuve d'une grande attention portée aux visages, dessinés d'une ligne sinueuse capable de traduire la « physionomie du psychisme » qu'il retient de ses cours d'anatomie. La même veine expressionniste s'exprime dans son goût pour la flétrissure des corps vieillissants, toujours rendus d'une manière sèche et précise, refusant toute forme de pathos.
Grâce à un don de la famille de l'artiste en 2022, dix œuvres d'Éric Dubuc sont entrées dans les collections du musée. Cette présentation est complétée par des œuvres provenant du Musée Carnavalet - Histoire de Paris et du Centre national des arts plastiques, ainsi que par un certain nombre de prêts de la famille.

Partie d'échec chez Igor le 10.07.86, 1986, plume et encre de Chine sur papier
Garde à vue, quai des Orfèvres le 10 juin 1986 vers 2 heures, 1986, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier bristol

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Autoportrait au journal, 1983, mine de plomb sur papier et collage d'un extrait de journal
Autoportrait avec dessin, 1983, mine de plomb sur papier et collage d'un dessin à l'encre noire
Autoportrait de profil, 1986, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Autoportrait à la cigarette effacée, 1983, mine de plomb sur papier
Hôpital Claude Bernard, autoportrait IV, 1983, encre de Chine sur papier
Hôpital Claude Bernard, chambre 22, 1983, encre de Chine sur papier

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Accident, 1984, acrylique sur toile
Accident voiture noire contre voiture blanche, 1984, plume et encre de Chine sur papier
Accident et homme fumant, 1984, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier Canson

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Le Métro, 1985, huile sur toile
Le Métro III (étude préparatoire), 1985, plume, encre de Chine et crayon de mine graphite sur papier
Le Métro II (étude), 1985, encre de Chine sur papier

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Et pour finir, des oeuvres des dernières années de sa courte vie :

Autoportrait au bar, 1985, huile et acrylique sur toile
Autoportrait au bar (étude), 1985, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier Canson
Café-bar Le Cluny, 1986, encre de Chine sur papier
Châtelet 2 heures du mat., 1986, encre et lavis sur papier

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Josephsohn vu par Albert Oehlen

11 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Au Musée d'Art Moderne de Paris, première rétrospective en France consacrée au sculpteur suisse Hans Josephsohn (1920-2012). Le musée en a confié le commissariat artistique à Albert Oehlen, peintre allemand né en 1954 à Krefeld en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dont l'œuvre se rattache au courant néo-expressionniste, grand admirateur de Josephsohn qu'il a découvert en Suisse où il réside.

Né en 1920 à Königsberg (actuelle Kaliningrad russe), dans ce qui était alors la province allemande de Prusse orientale, Hans Josephsohn grandit dans les années trente au sein d’une famille juive. Témoin de la montée du nazisme et des persécutions, il conserve toute sa vie les traces de ce traumatisme. Très tôt attiré par la sculpture, il se voit refuser l’accès à une école d’art en raison de son origine. En 1938, il obtient une bourse artistique à Florence, mais, à l’automne de la même année, la promulgation des lois raciales l’oblige à fuir précipitamment l’Italie. Arrivé en Suisse, il s’installe dans la ville de Zurich où il réside jusqu’à sa mort, en 2012. Peu après son arrivée, le sculpteur suisse Otto Müller (1905-1993) lui ouvre les portes de son atelier. Il s’installe dans son premier atelier en 1943 et dès lors travaille sans relâche. Considéré en Suisse comme l’un des artistes les plus importants d’après guerre, il reste
longtemps méconnu à l’étranger. Au gré de rencontres déterminantes, il bénéficie, à partir des années 2000, d’une notoriété grandissante. Sa première rétrospective hors de Suisse et d’Allemagne se tiendra en 2002 au Stedelijk Museum d’Amsterdam. 

Années 1950 : Une simplification des formes
À la fin des années 40, ses débuts sont caractérisés par une épuration de la forme et une géométrisation. Cette période est marquée par sa rencontre, en 1943, avec Mirjam Abeles qui devient son modèle puis son épouse en 1954. Dans la création artistique d’après-guerre, où l’abstraction domine les avant-gardes, Josephsohn reste attaché à une certaine figuration, distanciée du modèle qui pointe des convergences avec l’Antiquité, et en particulier avec l’Art Égyptien -funéraire et symbolique- et, qui par son intensité, rappelle les œuvres d’Alberto Giacometti.

Sans titre (Mirjam), 1953, plâtre
Sans titre, 1948, laiton
Relief (Figure assise en face d'un objet), 1948-1949, plâtre
Sans titre, 1952, laiton
Sans titre, 1950, plâtre

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Un alignement de sculptures en plâtre et en laiton, toutes "sans titre", datées de 1950 à 1957.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Sans titre, plâtre, 1957
Sans titre (Mirjam), 1950, laiton
La silhouette élancée de Mirjam Abeles lui inspire les figures stylisées des débuts. Ce buste, pour lequel elle a posé, est constitué d'une tête détaillée et d'un bloc géométrique irrégulier qui synthétise le haut du corps. L'ensemble joue sur un contraste entre la partie supérieure et inférieure de la figure. Au fil du temps, l'artiste s'aperçoit qu'il travaille autant sur la la partie inférieure qu'il décrit par « cette chose apparemment sans forme » que sur la tête. Le détail du collier de perles ajoute un élément distinctif et décoratif inhabituel chez Hans Josephsohn qui caractérise le portrait.
Sans titre, 1950-1951, laiton

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Années 1960-1970 : Le corps incarné
Les années soixante marquent un tournant dans la sculpture de Josephsohn, qui se traduit par une massivité, une incarnation des corps. C’est aussi l’époque où sa vie personnelle bascule : une jeune modèle, Ruth Jacob devient sa compagne. Si cette relation trouve des échos dans une forme de réinvestissement du corps humain plus traditionnelle, la figuration de Josephsohn emprunte d’autres chemins pour poursuivre l’exploration de la matière. À cette époque, il ne cache pas son admiration pour Aristide Maillol, bien que ses œuvres s’en distinguent par le traitement des surfaces, l’expressivité du modelage et un certain hiératisme. Cette période est annonciatrice d’une transformation profonde qui va engendrer un troisième sursaut formel à l’aube des années quatre-vingt.

Sur les deux premiers clichés : Sans titre, 1962, laiton
Cette sculpture est l'une des rares figures masculines représentées par l'artiste. L'homme passait régulièrement devant l'atelier de Hans Josephsohn, tirant derrière lui un chariot de linge qu'il livrait à l'hôpital. L'artiste est immédiatement frappé par la forme tubulaire du pantalon et s'interroge sur la façon de la représenter par le modelage. Il demande à l'ouvrier de poser pour lui durant ses pauses déjeuner. Plusieurs variantes en résultent, qui montrent l'attention portée au volume et au rendu du vêtement. Josephsohn s'attache aussi à restituer la position de l'homme au dos voûté et à la tête projetée vers l'avant.
Sur le troisième, Sans titre, 2005, laiton
L'artiste admirait l'inventivité de l'architecture romane, qui fleurit autour de 1100, et de ses décors sculptés dont la narration restituait la vie : « J'ai commencé à percevoir les églises comme des collections de blocs de formes qui s'assemblent progressivement pour former un tout. » Au cours de ses voyages en France, il aimait visiter notamment les églises romanes de la région de Saintonge en Charente-Maritime. La figure, encadrée par des éléments architecturaux, flotte dans l'espace comme dans la plupart des reliefs. La composition, qui s'appuie souvent sur un linteau et un pilier pour séparer parfois deux personnages, pourrait laisser penser ici que la scène est un fragment d'une frise ou d'un bandeau.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Ces statues, toutes intitulées "Sans titre (Ruth)", en laiton, sont de 1968 à 1975.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Sans titre, 1974, laiton
L'image de Ruth Jacob, sa compagne, au repos, inspire à Hans Josephsohn la représentation du nu couché. La scène va durablement imprégner l'imaginaire de l'artiste qui en fait une description précise: « Elle se reposait, allongée sur un canapé en soutenant sa tête et en regardant autour d'elle. » Ainsi le nu couché vient enrichir le répertoire typologique des figures dans les années 1960 et 1970. La séparation avec Ruth Jacob, en 1976, marque une interruption dans la réalisation de ces figures.
Sans titre (Ruth), 1969, laiton
Sans titre, vers 1969, laiton
Sans titre (Ruth), 1960, laiton
Sans titre, 1960 pour l'un, 1970-75 pour l'autre, laiton
Sans titre, 2006, laiton
L'artiste reprend le motif de la figure couchée au milieu des années 1990 après une interruption de près de vingt ans, qui date de sa rupture avec Ruth Jacob. Des esquisses trouvées dans son atelier montrent que Hans Josephsohn ne faisait plus appel à des modèles. Réalisés d'abord dans un petit format, les nus couchés comme les demi-figures sont progressivement agrandis. Les traces de la spatule créent des aspérités laissant apparaître les tumultes de la matière. Alors que le sculpteur est concentré sur les proportions, le rapport des volumes, l'équilibre ou le déséquilibre des masses, et que la matière prend l'ascendant sur le sujet, certains auteurs perçoivent une puissance minérale et évoquent des sommets montagneux.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Une série de têtes entreposée sur une étagère des réserves du Kesselhaus Josephsohn à Saint-Gall attire l'attention d'Albert Oehlen alors qu'il visite les lieux. L'ensemble réunit des pièces datées du début des années 1940 à la fin des années 1960, auxquelles Josephsohn ne donne pas, pour la plupart, un statut d'œuvres mais qu'il considère plutôt comme des études. Différents visages se côtoient et leur diversité offre une galerie de portraits formée par l'entourage amical de l'artiste et des personnalités de Zurich. Les têtes révèlent des détails d'exécution et portent la trace des recherches qui occupent l'artiste. Certaines le conduisent à travailler la condensation des formes caractéristiques de sa création dans les années 1950, d'autres l'amènent à se concentrer sur le volume ou sur un détail, d'autres encore montrent qu'il cherche à saisir plus fidèlement l'expressivité du modèle. Albert Oehlen choisit d'extraire des réserves l'ensemble tel qu'il l'a découvert : il met en lumière une partie habituellement occultée de la production et donne ainsi accès à l'atelier. Les têtes et leurs variantes témoignent d'un apprentissage de la sculpture par une pratique quotidienne.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

À droite, "Sans titre", 1956, plâtre
À gauche, "Sans titre", 2006, laiton

Josephsohn vu par Albert Oehlen

Années 1980 : Aux limites de l’abstraction
Josephsohn trouve un vocabulaire plastique dont il ne va plus se départir et creuse le sillon d’une abstraction conservant quelques contours figuratifs de plus en plus lointains. La virtuosité et la vélocité du geste, tendent vers une vibration de la matière. Têtes, bustes et nus couchés changent d’échelle et gagnent en format. Ce renouveau coïncide en 1978, avec l’arrivée dans sa vie de sa dernière compagne et modèle Verena Wunderlin. La disparition de la figure libère un champ formel dont historiens et artistes pointent la proximité avec des éléments ou des objets marqueurs des origines : blocs géologiques et Vénus préhistoriques.

Dans une grande salle, de grandes figures "sans titre" en laiton de 1990 à 2005.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

et des figures de plâtre de la même époque.

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Placée à la fin du parcours, une sculpture « totémique » de Rebecca Warren, artiste britannique née en 1965, issue de la collection du peintre allemand, montre dans le traitement du corps féminin d’évidentes - selon le commissaire de l'exposition - affinités formelles avec l’œuvre du sculpteur suisse.

Josephsohn vu par Albert Oehlen

Dans les espaces des collections permanentes, en complément de l'exposition, une autre sculpture de Rebecca Warren, Marie g, 2023, bronze peint à la main sur support et socle en MDF 

Pour Rebecca Warren, cette œuvre « ...est à la recherche d'une humeur humaine qui subsiste même lorsque les traits sont poussés dans une abstraction étrange [...] Marie g affiche un certain équilibre qui découle de la vulnérabilité féminine et d'une force tranquille. »

Josephsohn vu par Albert Oehlen

Près de cette statue, et pour colorer un peu ce billet des tableaux du commissaire de l'exposition Josephsohn, Albert Oehlen.

FM 1, 2008, huile sur toile

Albert Oehlen, né en 1954 à Krefeld en Allemagne, est considéré comme l'un des plus grands peintres de sa génération. Depuis les années 1980, il s'illustre par une remise en question permanente de la peinture. Élève de Sigmar Polke (1941-2010), proche de Martin Kippenberger (1953-1997) et de Jörg Immendorff (1945-2007), il joue des effets chromatiques et de l'hétérogénéité stylistique, au-delà des clivages entre abstraction et figuration. Inspiré par l'expressionnisme abstrait américain, il aborde le support pictural comme un champ de bataille, où la peinture gestuelle - appliquée directement avec les doigts ou à la bombe - se confronte à des fragments de photographies, d'affiches publicitaires, ou encore à des motifs digitaux. En référence à la peinture abstraite expressionniste des années 50-60, les premières peintures au doigt des Finger Malerei intitulées FM apparaissent en 2008. Abandonnant le pinceau pour peindre à mains nues sur la toile, l'artiste joue du décalage pour entamer une nouvelle recherche sur le geste.
Sans titre, 1993, huile sur toile

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen

Sans titre, 1989, huile sur toile
À partir de 1989 débute une approche abstraite chez Albert Oehlen, succédant à une peinture plus figurative qu'il intitulait parfois « tableaux abstraits », jouant de l'ambiguïté. Toutefois, les éléments figuratifs comme le pied ici ou l'œil situé sur le bord inférieur du tableau suivant (Sans titre, 1989) n'aboutissent à aucun récit. Ils agissent plutôt comme des éléments perturbateurs et contredisent l'association stylistique entre abstraction géométrique et abstraction lyrique, et confèrent à l'œuvre un étrange impact visuel.
Sans titre, 1989, huile sur toile

Josephsohn vu par Albert Oehlen
Josephsohn vu par Albert Oehlen
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Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

4 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Dans le musée Zadkine, installé dans l'ancienne maison-atelier du sculpteur, rue d'Assas, une exposition, comme toujours de petite taille compte tenu de l'exigüité des locaux mais de grande qualité.

 Ossip Zadkine rencontre Amedeo Modigliani en 1913 : les deux artistes, fraîchement débarqués à Paris, rêvent chacun de devenir sculpteurs et partagent alors le « temps des vaches maigres » comme l’écrira Zadkine dans ses souvenirs. Cette amitié, aussi brève que féconde sur le plan artistique, est interrompue par la Première Guerre mondiale.

Modigliani abandonne la sculpture pour la peinture, sur le conseil de marchands. Zadkine s’engage comme brancardier en 1915, avant d’être gazé et d’entamer une longue convalescence. Les deux artistes se retrouvent brièvement au sortir de la guerre, avant que leurs voies ne divergent à nouveau. Modigliani connaît un succès croissant avec ses peintures, mais il meurt prématurément à 35 ans, en 1920, tandis que Zadkine entame une longue et fructueuse carrière de sculpteur. Zadkine n’oubliera pas Modigliani et conservera précieusement le portrait fait par son ancien camarade, dont la gloire posthume ne fait que croître, à tel point que « Modi » devient l’une des figures mythiques de l’art moderne.

 

Modigliani / Zadkine : des débuts à Paris sous le signe de la sculpture

Amedeo Modigliani (1884-1920) : Tête de femme, 1911-1913, calcaire
Ossip Zadkine (1888-1967) : Tête héroïque, 1909-1910, granit

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

L’exposition débute en présentant côte-à-côte une sélection d’œuvres de Modigliani et Zadkine réalisées entre leurs arrivées respectives à Paris – 1906 pour Modigliani, 1910 pour Zadkine – et les débuts de la Première Guerre mondiale. Lorsque Zadkine rencontre Modigliani en 1913, celui-ci s’adonne pleinement à la sculpture, depuis sa rencontre avec Brancusi en 1909. La parenté de leur quête artistique ne peut que rapprocher les deux artistes : tous deux veulent rompre avec l’esthétique académique et se tournent vers de nouveaux modèles, puisés dans l’Égypte ancienne, les arts khmers et africains. Modigliani cherche un type de visage idéal, à l’ovale accusé et aux yeux en amande dont Zadkine se souviendra encore dans les années 1920, lorsqu’il sculptera à son tour une magnifique série de têtes idéales. 

Zadkine : La Sainte Famille (1912-1913), mortier de plâtre et pigments
Modigliani : Rosa Mistica, vers 1916, crayon graphite gras sur papier vélin

Le grand dessin Rosa mistica, exécuté vers 1916 par Modigliani, était peut-être destiné à illustrer un ouvrage de Max Jacob, poète d'origine juive et converti au catholicisme en 1915 que connaissait également Zadkine. Dans La Sainte Famille, taillée vers 1912-1913, Zadkine donne aux figures de Jésus, Marie et Joseph un aspect simple et stylisé, très proche dans l'esprit de la maternité dessinée par Modigliani.

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Modigliani :
Tête et épaules de face avec boucles d'oreilles, vers 1911-1914, crayon noir gras sur papier
Tête de face sur un socle, vers 1911-1914, crayon noir gras sur papier
Tête de face, vers 1911-1913, crayons noir, bleu, vert sur papier
Tête de face avec un collier, vers 1911-1914, crayon noir gras sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Zadkine:
Nu assis, 1914, plume, encre brune sur papier
Couple, 1913, plume et lavis d'encre brune sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Modigliani : Femme au ruban de velours, vers 1915, huile sur papier collé sur carton
Zadkine : Tête de femme, 1924, calcaire, incrustations de marbre gris, rehauts de couleur
En 1914, sous l'influence de son marchand, Paul Guillaume, Modigliani renonce à la sculpture et redevient peintre avec passion. Il n'oublie cependant pas ce que la pratique de la sculpture lui a appris. La Femme au ruban de velours possède ainsi un visage-masque qui évoque les sculptures africaines que Modigliani admirait tant, tout comme Zadkine. Avec ses yeux en amande, aux orbites pleines, incrustées de marbre gris, la Tête de femme réalisée par Zadkine presque dix ans plus tard présente une physionomie très proche.
Modigliani : Tête de profil avec chignon et boucle d'oreille, entre 1911 et 1913, crayon noir gras sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Une amitié interrompue (1918-1920)
Dessins et portraits peints de Modigliani, accompagnés d’une magnifique sélection de gouaches de Zadkine, illustrent ici les chemins divergents qu’empruntent Zadkine et Modigliani au sortir de la Première Guerre mondiale. La guerre met un terme brutal à l’amitié des deux artistes. Trop fragile pour s’engager, Modigliani est réformé et renonce définitivement à la sculpture, sur le conseil de son marchand Paul Guillaume. Zadkine s’engage dans la Légion étrangère : affecté à l’ambulance russe en 1915 comme brancardier, il est gazé en 1916, puis définitivement réformé en octobre 1917. Les chemins des deux artistes se croisent à nouveau brièvement à la fin de la guerre, avant la mort prématurée de Modigliani en janvier 1920. 

Zadkine :
Musicienne, 1919, pierre d'Euville
Maternité, 1919, marbre partiellement teinté

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Modigliani :
Beatrice Hastings, 1915, huile sur carton marouflé sur bois
La Bourguignonne, 1918, huile sur toile
Modigliani peint sans distinction des modèles professionnelles, nombreuses à Montparnasse, des bourgeois fortunés ou des personnages plus populaires. Artisans, commerçants, servantes et apprentis peuplent ainsi son œuvre, dans une France où les caractères régionaux sont encore marqués. Le peintre donne à certains de ses portraits des titres comme La Marseillaise (1915). pour le portrait de la femme du peintre Othon Friesz, ou La Bourguignonne pour ce modèle aux pommettes rouges dans un visage laiteux.
Tête de femme, vers 1920, huile sur bois
La maîtrise du dessin, qui permit à Modigliani sculpteur de créer les visages épurés devenus emblématiques, se retrouve dans cette peinture. Le tracé sur du pinceau noir se distingue ainsi nettement sur les larges arcades sourcilières et au niveau du renflement de la lèvre Inférieure. À l'ovale sans surprise du visage, la frange et les mèches de cheveux ajoutent une certaine Individualisation et une touche d'époque.
Nu debout de profil, crayon noir gras sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Modigliani : Nu sur un divan, 1916-1917, graphite sur papler
Modigliani représente des nus féminins dès ses débuts, insistant dans ses dessins sur les contours plutôt que sur le modelé du corps. Une sensualité évidente émane toutefois de ce nu couché. C'est à partir de 1916 que Modigliani explore ce thème, qui donne lieu à plusieurs tableaux.
Zadkine : Nu allongé, 1924, graphite, plume et lavis d'encre, gouache sur papier
À l'instar de Modigliani, Zadkine reprend ici le thème traditionnel du nu féminin couché dans un intérieur qui évoque l'atelier. Le drapé à l'arrière-plan, le lit garni d'un coussin, la tête reposant sur un bras replié répondent aux conventions du genre. L'influence du cubisme se fait toutefois discrètement sentir: le corps massif paraît contraint dans cet intérieur tout en obliques. Comme taillé par les aplats de gouache blanche, le modelé puissant évoque la dureté de la pierre, loin de la sensualité des nus de Modigliani.

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Modigliani : Le Joueur de violoncelle, vers 1909-1910, lavis d'encre noire sur papier
Zadkine : Le Musicien, 1923, graphite, gouache, plume et encre de Chine sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Zadkine :
Deux nus, 1920, aquarelle sur papier
Deux Buveurs attablés, 1922, fusain, aquarelle, gouache sur papier
Personnages, 1920, aquarelle sur papier
Ce dessin, réalisé l'année de la mort de Modigliani, témoigne de l'influence exercée par le cubisme sur Zadkine au début des années 1920. Les figures stylisées sont traitées en volumes géométriques simples, tout comme l'intérieur aux lignes obliques. Mais les attitudes et les tons ocre rappellent les œuvres peintes par Modigliani en 1918 dans le sud de la France.

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

À Montparnasse, les affinités électives
Un magnifique ensemble de « portraits d’amitié » dessinés par Modigliani, met en scène les « Montparnos » que Zadkine et Modigliani fréquentèrent tous deux au temps de leur amitié, tels Max Jacob, Chana Orloff ou André Salmon. Modigliani était en effet célèbre pour les portraits qu’il croquait rapidement, à la terrasse des cafés, en échange d’un verre ou d’un café, ou simplement en gage d’amitié et de reconnaissance. Le portrait qu’il fit de Zadkine, l’un des chefs-d’œuvre de la collection, s’inscrit indubitablement dans cette veine et constitue l’un des fleurons de l’ensemble.  

Modigliani :
Portrait de Chaïm Soutine, 1915, huile sur bois
Fuyant les ghettos de l'Empire russe, Chaïm Soutine (1893-1943) arrive à Paris en 1912. Modigliani le considère comme son protégé et le recommande à Léopold Zborowski, son marchand. Ce premier portrait de son ami datant de 1915 est étonnant de vérité. La pupille des yeux reflète la lumière, la bouche laisse entrevoir les dents et le nez est large et épaté. D'autres portraits suivront, qui témoignent tous d'une chaleur amicale passionnée.
Portrait de Chana Orloff, vers 1916, plume et encre noire sur papier
Max Jacob, 1915, graphite sur papier
Dans ce dessin sans doute préparatoire à son portrait peint [notre billet du 7 octobre 2023], on reconnaît le peintre et poète Max Jacob à son visage ovale au nez busqué, et à son allure de dandy portant cravate et chapeau haut-de-forme. Son œil gauche n'est pas représenté, comme pour signifier sa capacité à voir au-delà du visible. Le croissant de lune tracé à droite évoque peut-être l'œil spirituel guidant le poète, mais aussi le monocle qu'il avait coutume de porter.

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Portrait de Zadkine, vers 1913, graphite sur papier
Ce portrait a sans doute été dessiné peu de temps après la rencontre de Zadkine et Modigliani au printemps 1913. Il fait partie des portraits d'amitié réalisés par Modigliani, évoqués plus haut. Modigliani parvient à saisir les traits du jeune sculpteur, coiffé d'une épaisse frange lui donnant une allure bohème. Ce dessin a été précieusement conservé par Zadkine jusqu'à la fin de sa vie.
Portrait d'André Salmon, vers 1914, graphite sur papier
Paul Alexandre de profil au café, une pipe à la main, 1909, crayon noir gras sur papier
 

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Constantin Brancusi (1876-1957) : Buste de femme, vers 1918, crayons de couleur sur papier 
Modigliani rencontre Constantin Brancusi vers 1908 et noue une vraie amitié avec le sculpteur, qui lui trouve un atelier et l'aide à organiser une exposition de sculptures en 1911. Privilégiant la taille directe et les formes simples, la sculpture de Brancusi fait une forte impression sur Modigliani. Ce dessin épuré d'une femme à la tête penchée, au large œil en amande, souligne la parenté de leur langage formel.
Chana Orloff (1888-1968) : Buste de Modigliani, 1949, plâtre
Marie Vorobieff, dite Marevna (1892-1984) : Portrait de Zadkine, 1955, huile sur toile

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

Un passage par le jardin, toujours plaisant même en cette saison ::

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue

pour finir par l'ancien atelier d'Ossip Zadkine :

Un temple pour l’humanité
Avec sa scénographie volontairement immersive et spectaculaire, la dernière partie met en scène le rapport qu’entretinrent chacun des deux artistes à l’architecture et au sacré, à travers le motif du Temple. Les têtes sculptées par Modigliani dans les années 1910 sont en effet conçues comme un ensemble décoratif devant s’intégrer dans un spectaculaire « temple de volupté » * soutenu par des « colonnes de tendresse » * qu’auraient symbolisé de souples femmes-cariatides. Ce motif de la cariatide, inlassablement dessiné par Modigliani est également repris à maintes reprises par Zadkine et donne lieu à certains chefs-d’œuvre du sculpteur, dont la réputation avant-guerre tient largement à ses grands bois sculptés, avatars modernes des divinités antiques.

Zadkine :
Rébecca ou La Grande porteuse d'eau, 1927, plâtre peint
entourée de :
Les Vendanges, vers 1918, bois d'orme
Torse agenouillé, 1927, calcaire de Pouillenay

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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Zadkine :
Tête aux yeux de plomb, 1919, pierre
Tête d'homme, 1918, pierre
Tête d'homme, 1918, pierre
Au centre de l'atelier sont présentées trois têtes taillées par Zadkine en 1918 et 1919. Leurs visages allongés, leurs traits stylisés et leurs orbites pleines évoquent fortement les têtes sculptées par Modigliani avant 1914. Leur disposition dans l'espace rappelle volontairement la présentation des sept têtes exposées en 1912 par Modigliani au Salon d'automne, « échelonnées comme des tuyaux d'orgue pour réaliser la musique qui chantait dans son esprit », selon le sculpteur Jacques Lipchitz.Masques, 1924, bois de buis
Anonyme  : Masque, bois peint, métal fibre végétale tressée
Ces deux masques aux yeux évidés évoquent les arts extra-occidentaux, qui sont pour Zadkine une source d'inspiration importante. Il les découvre au British Museum à Londres, puis, comme Modigliani, au musée d'Ethnographie du Trocadéro à Paris. Il possède également des objets africains, tel ce masque. Comme Modigliani et d'autres artistes d'avant-garde, il est fasciné par les solutions plastiques nouvelles qu'offrent ces œuvres, dont il ignore toutefois probablement les fonctions et le contexte d'origine.
Modigliani : Tête de profil surmontée d'un élément d'architecture, entre 1911 et 1913, plume et lavis d'encre noire sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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Zadkine :
Venus cariatide, 1914, bois de poirier
Femme à la cruche ou Porteuse d'eau, 1923, bois de noyer

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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Ces deux cariatides sculptées en bois par Zadkine entourent un ensemble de dessins de cariatides (ou assimilées) par Modigliani :
Cariatide, 1913, graphite sur papier
Femme nue de profil, vers 1912-1913, fusain sur papier
Femme nue de face, les mains en avant, entre 1911 et 1913, crayon noir gras sur papier
Cariatide de trois quarts vers la droite, entre 1911 et 1913, crayon noir gras sur papier
Cariatide agenouillée les bras levés, entre 1911 et 1913, crayon noir gras sur papier

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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et, en apothéose, retrouvant le motif de l'affiche de l'exposition :

Cariatide, vers 1913-1914, graphite, lavis d'encre et pastel sur papier
Si la tête de cette cariatide est bien celle d'une sculpture, la finesse du torse et l'arabesque qui anime bras et jambes montrent que l'artiste donne très vite une entière autonomie à ses dessins, d'abord pensés comme des études pour des sculptures. Agenouillées comme des anges de l'Annonciation ou dansantes comme les sculptures khmères, ses carlatides s'élèvent jusqu'à une abstraction qui fait penser aux œuvres de František Kupka sans pourtant perdre la sensualité qu'on retrouve plus tard dans les nus de l'artiste.

Modigliani Zadkine - Une amitié interrompue
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