Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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L'exposition d'automne-hiver du Palais Galliéra est comme toujours spectaculaire. Elle est consacrée au britannique Stephen Jones, né en 1957 près de Liverpool.
Formé à la Saint Martin’s School of Art, il ouvre sa première boutique à Londres en 1980, et propose très rapidement deux collections de chapeaux par an. Membre du mouvement londonien des "Nouveaux romantiques", c’est grâce à ses rencontres dans l’univers de la musique, notamment Boy George, que Stephen Jones fait ses premiers pas dans le monde de la mode. Il collabore avec la haute couture et tisse progressivement des liens étroits avec des maisons et stylistes de premier plan : Christian Dior, Jean Paul Gaultier, Claude Montana, Thierry Mugler, Vivienne Westwood, John Galliano, Comme des Garçons, Walter Van Beirendonck, Louis Vuitton…
L’exposition explore plus particulièrement le lien que l’artiste entretient avec Paris, la culture française et la couture parisienne. Son arrivée dans la capitale et sa collaboration avec les maisons parisiennes ont en effet bouleversé sa vision de la mode et sa création. L'exposition réunit ainsi plus de 170 chapeaux, mais aussi une quarantaine de silhouettes complètes avec vêtements et chapeaux qui témoignent des liens de fidélité de Stephen Jones avec les plus grandes maisons de couture.
Dans une première partie, des créations plutôt britanniques, mêlant les époques, du swinging London des années 1980 aux créations contemporaines.
Kinky Gerlinky, printemps-été 2005, collection "Hot House", cannelé de coton, tulle de soie pailleté, acier
Scarlet, automne-hiver 2003-2004, collection "Poseur", carton recouvert d'un film aluminium, polymère thermoplastique pailleté, strass
Toque réalisée pour Steve Strange, 1980, sergé de coton surpiqué - Britannia, 1981, plumes d'autruche
Union Jack, printemps-été 2005, coll. "Hand-Made in England", PETG (Polyester glycolisé), peinture acrylique - Anna P, 2009, coll. "VandA", gaze, rubans effilochés
King, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", Denim de coton, broderie de boutons en plastique
Chelsea, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", taffetas de soie, panne de velours synthétique enduite, strass
Gazebo, automne-hiver 1994-1995, collection "Rococo Futura", paille de polyester tressée, crin synthétique, fleurs en toile de coton enduite, tulle enduit, chenille de coton et éléments plastique
Spirit Drifting, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", plumes de canard et de dinde, structure métallique
Little Fishes, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", taffetas synthétique perlé, superposition de tulle
Et pour terminer cette section, le béret popularisé par la princesse Diana.
Une deuxième partie s'attache à retracer l'influence française sur les créations de Stephen Jones : aux créations de l'artiste sont confrontées des créations de Jeanne Lanvin, de Coco Chanel, d'autres modistes français.
Queen Aelita in St Petersburg, printemps-été 2016, collection "The Perfect Hat for..." - Axelle, automne-hiver 2001-2002, collection "Queens", polyéthylène gravé, tulle de polyester
Chic, printemps-été 2010, collection "ABC", résille de coton recouverte d'organza de polyester brodé de perles tubes
The Shadow Lounge, automne-hiver 2016-2017, collection "Soho", calotte de coton entièrement brodée de perles métallisées, fil de fer, perles
Je ne sais quoi, printemps-été 2010, collection "ABC", satin de coton, paille synthétique, fleurs artificielles en soie
Studio Call, automne-hiver 2014-2015, collection "Greta Garbo", velours de coton, fourrure de renard, ruban de rayonne - Calèche, vers 1780, taffetas de soie changeant
Coco Chanel (par Stephen Jones, automne-hiver 2017-2018, collection "Haute Couture & Prêt-à-Porter" - Capeline par Coco Chanel ", vers 1935
Bluebell, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss", plumes d'autruche, plumes de coq rasées, velours de soie, tulle de polyamide, galon guipé - Chez moi, automne-hiver 2014-2015, collection "Garbo Gabo", velours de coton, boucles de vinyle strié et broderies de strass montées sur une structure métallique recouverte de tulle de polyester
La dernière partie de l'exposition est la plus spectaculaire, elle met en lumière la collaboration de Stephen Jones avec le grands couturiers, mettant en évidence la manière avec laquelle il réussit à capturer l'esprit de chaque maison.
Jean-Paul Gaultier
Azzedine Alaya
Thierry Mugler, Claude Montana
Givenchy
Comme des garçons
Louis Vuitton (Nicolas Ghesquière, Marc Jacobs)
John Galliano
Schiaparelli par Daniel Roseberry
Walter Van Beirendonck
Raf Simons, A. F. Vandevorst, Iris Van Herpen, Maison Margiela par John Galliano
Thom Browne
Et pour terminer, un véritable feu d'artifice, Christion Dior (par John Galiano, Raf Simons, Kim Jones, Maria Grazia Chiuri)
Stephen Jones intègre la maison Christian Dior lors de la nomination de John Galliano en tant que directeur artistique, en 1996. Cette maison présente la particularité de posséder un atelier de haute mode, que Stephen Jones dirige depuis 28 ans. Il a ainsi participé à l'ensemble des collections haute couture et prêt-à-porter (féminin et masculin) avec les directeurs artistiques successifs, John Galliano (1996-2011), Raf Simons (2012-2015), Maria Grazia Chiuri (depuis 2016) et Kim Jones (depuis 2018). Il crée également des chapeaux pour la ligne de maquillage dirigée par Peter Philips. L'extrême variété des créations imaginées - des chapeaux extravagants, aux références historiques ou ethnographiques souvent prononcées de John Galliano, à la subtile déclinaison de bérets si chics et parisiens de Maria Grazia Chiuri - témoigne de sa capacité à se renouveler. Preuve de sa place essentielle, Kim Jones l'invite à monter sur le podium lors du défilé prêt-à-porter Dior Men automne-hiver 2022-2023, pour célébrer ses 25 ans au sein de la maison. Un véritable hommage, presque 40 ans après ses premiers pas sur le podium de Jean-Paul Gaultier.
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
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Une exposition insolite vient de s'achever au Louvre. Laissons les commissaires la présenter :
"Les fous sont partout. Mais les fous d’hier sont-ils ceux d’aujourd’hui ? Le musée du Louvre consacre cet automne une exposition inédite à ces multiples figures du fou, qui foisonnent dans l’univers visuel du 13e au 16e siècle. Manuscrits enluminés, livres imprimés et gravures, tapisseries, peintures, sculptures, objets précieux ou du quotidien : entre Moyen Âge et Renaissance, le fou envahit littéralement tout l’espace artistique et s’impose comme une figure fascinante, trouble et subversive dans une époque de ruptures, pas si éloignée de la nôtre. "
À l'entrée de l'exposition, le visiteur est accueilli par un Fou jouant de la cornemuse (artiste anonyme),
Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1510-1520, pierre (calcaire).
Ce fou joue de la comemuse, instrument emblématique du fou médiéval, qui est comme une outre pleine de vent. Il était placé à califourchon sur un des arcs contrebutant la nef de la cathédrale de Bois-le-Duc, avec 95 autres sculptures, créant un univers bien étrange au-dessus de cette église.
Au commencement : le fou et Dieu
Miséricordes de stalle :
Deux hommes battant le blé au fléau - Une femme et un homme empilant des gerbes de blé - Deux personnages chargeant un chariot avec des gerbes de blé, East Anglia (Angleterre), fin du 14° siècle, bois (chêne)
Dans la mesure où les clercs posaient leur postérieur sur ces miséricordes, la dimension souvent parodique de leur décor prend une force supplémentaire. Le décor de ces trois miséricordes oppose, au centre, des scènes des travaux des champs, le temps de la moisson, et des figures latérales empruntées au monde des monstres.
Quelques panneaux de verre à décor composite du début du XIVe siècle (Normandie, Angleterre) ornés de figures grotesques.
Initiale D du psaume 52: L'Insensé face au roi, bible, Paris, vers 1250-1275, enluminure sur parchemin
Le Christ devant Pilate, livre d'heures, Winchester (Angleterre), vers 1490, enluminure sur parchemin
Le soldat de gauche est vêtu d'un costume très proche de celui stéréotypé du fou à la fin du Moyen Âge: habit bariolé et capuchon à pointes, mais dépourvu de grelots.
Naomi et Elimelec partant de Bethléem avec leurs enfants - Saint François parlant aux oiseaux, psautier-livre d'heures, Amiens (France), fin du 13° siècle, enluminure sur parchemin
On retrouve Saint François, "fou de Dieu" dans ce panneau :
Troisième Maître d’Anagni : Saint François d’Assise, vers 1220-1250, détrempe et feuille d’or sur panneau
Erhard Küng (actif à partir de 1458, mort après 1506) :
Statue de Vierge folle provenant du portail principal de la collégiale Saint-Vincent de Berne
(Suisse), vers 1450-1475, pierre (grès)
Atelier de l'Œuvre Notre-Dame :
Le Tentateur, moulage d'après une statue d'ébrasement de la cathédrale de Strasbourg, 1923, d'après une œuvre originale en grès de la fin du 13° siècle, plâtre
Une Vierge folle, moulage d'après une statue d'ébrasement de la cathédrale de Strasbourg, 1923, d'après une œuvre originale en grès de la fin du 13° siècle, plâtre
Fous d'amour
Dans cette section, le thème de Phyllis chevauchant Aristote est présent dans plusieurs œuvres :
Coffret composite : Aristote et Phyllis (sur la face avant), Paris, vers 1300-1320, ivoire d'éléphant
Attribué au Maître G. F. : Plaque de poêle représentant Aristote et Phyllis, 1519, Kandern (Forêt-Noire), fer coulé
Matthäus Zasinger (1477-1525) : Aristote et Phyllis, Munich, vers 1500, burin
Aquamanile : Aristote et Phyllis, Pays-Bas du Sud, vers 1380, alliage cuivreux
Le thème du fils prodigue aussi :
Auteur du carton et lissier anonymes : Le Fils prodigue, France, vers 1560-1570, tapisserie en laine et soie
L'Enfant prodigue chez les courtisanes, Flandre (France ou Belgique), vers 1545, huile sur bois
Le Fils prodigue chez les courtisanes, Anvers (Belgique), vers 1550, chêne, polychromie, socle moderne en tilleul
Ces œuvres montrent la vie dissolue du fils prodigue. Le fou y symbolise la Luxure.
La présence des fous dans les autres œuvres de cette section évoque aussi la luxure.
Maître E. S. (actif entre 1450 et 1467) : Le Jardin d'amour aux joueurs d'échecs, Rhin supérieur, vers 1440-1450, gravure sur cuivre
Maître aux Banderoles (actif entre 1475 et 1500) : La Fontaine de Jouvence, Belgique ou Pays-Bas, burin
La Collation, Tournai (Belgique), vers 1520, tapisserie, laine et soie
Lucas de Leyde (vers 1494-1533) : La Tireuse de cartes, Leyde (Pays-Bas), avant 1510, huile sur chêne
Maître du Fils prodigue (actif vers 1530-1560) : Le Vieillard amoureux, Anvers (Belgique), huile sur bois
Arnt van Tricht (actif entre 1530 et 1570) : Fou enlaçant une femme, porte-serviette, Rhin moyen (Allemagne), vers 1535, chêne polychromé
Mair von Landshut (vers 1442 - 1510) : Le Balcon, Bavière (Allemagne), vers 1496, burin
Hans Sebald Beham (1500-1550) : Femme et Fou, ou la Volupté, Nuremberg (Allemagne), vers 1530, gravure sur bois
Un fou et deux femmes dans une étuve, moule à confiseries, Rhénanie (Allemagne), seconde moitié du 15° siècle, terre cuite
Maitre E. S. (actif entre 1450 et 1467) : Le Fou et la femme à l'écusson, Rhin supérieur, vers 1465, gravure sur cuivre au burin
Pieter Coecke van Aelst (1502–1550) : Les Amants surpris par un fou et la mort, vers 1525, huile sur toile
Dans cette œuvre, la figure du fou est aussi associée à la mort, comme dans les deux suivantes.
Fous de cour
Konrad Seusenhofer (?-1517) : Armet à visage de fou d'Henri VIll roi d'Angleterre de 1509 à 1547, Innsbruck (Autriche), vers 1511-1514, fer forgé, repoussé et gravé à l'acide, laiton, dorure
Ce casque est le seul élément subsistant d'une armure offerte en cadeau diplomatique par l'empereur Maximilien ler (règne de 1508 à 1519) à Henri VIII d'Angleterre en 1514. Le visage de ce masque de fou, chef-d'œuvre d'armurerie, est celui d'un fou avec ses lunettes qui parodient la figure de l'érudit.
Hans Sebald Lautensack (1524-1560 ?) : Portrait de Claus Narr von Rannstedt, vers 1530, huile sur panneau
Claus Narr (Narr veut dire bouffon en allemand) est, au 16° siècle, le bouffon le plus célèbre dans les pays germaniques.
Daniel Hopfer (vers 1470-1536) : Portrait de Kunz von der Rosen, Augsbourg (Allemagne), vers 1515, gravure à l'eau-forte
Kunz von der Rosen est le fou le plus célèbre de l'empereur Maximilien ler). Comme Triboulet, le fou de René d'Anjou (1409-1480), il accède à l'honneur du portrait en médaille, ainsi que des portraits gravés.
Portrait d'un fou à la cour de Maximilien ler, Tyrol (Autriche), vers 1515, huile sur bois
Francesco Laurana (vers 1420-avant 1502) ou Pietro di Martino da Milano (vers 1410-1473) : Triboulet, bouffon de René d'Anjou, dit le Bon Roi René, Anjou ou Provence (France), vers 1461-1466, marbre
René d'Anjou (1409-1480) fait appel à un grand sculpteur italien pour portraiturer son fou Triboulet. Le sculpteur a taillé dans le marbre une effigie pleine de vie, ou le bouffon apparait presque aussi glorieux qu'un empereur romain.
Francesco Laurana : médailles à l'effigie de Triboulet (avers et revers), surmoulages en bronze
Jacques Le Boucq (1520-1573) : Coquinet, sot du duc de Bourgogne, Recueil d'Arras, dessin, sanguine sur pierre noire
Une fête champêtre à la cour de Bourgogne, Anvers (Belgique), vers 1550, peinture sur toile contrecollée sur bois
Dans cette peinture d'une fête champêtre à la cour de Bourgogne, un personnage détonne au milieu de l'élégante assemblée vêtue de blanc et d'or : le fou en robe rouge. On reconnaît la silhouette de Coquinet, « le sot du bon duc Philippe de Bourgogne »
Auguste et la sibylle de Tibur avec Frémin Le Clercq accompagné d'un fou et d'une folle, Pays-Bas ?, vers 1548, peinture sur bois
Juan de Flandes (documenté entre 1496 et 1519) : Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle, vers 1496, huile sur bois de chêne
Jeanne de Castille (1479-1555) est la deuxième fille des Rois Catholiques d'Espagne Isabelle et Ferdinand. Elle épouse en 1496 l'archiduc Philippe le Beau et en tombe passionnément amoureuse. La mort subite de son époux en 1506 entraîne la reine dans des crises de démence. Son surnom de « Jeanne la Folle » vient de cet épisode dramatique. La reine a vécu enfermée dans le château royal de Tordesillas (Espagne) de 1509 jusqu'à sa mort en 1555.
Carton attribué au Maître du Champion des dames (actif entre 1465 et 1475 à la cour de Bourgogne) : Le Bal des sauvages, Tournai (Belgique) pour le tissage , vers 1465, tapisserie en laine et soie
Au centre, un fou enlace brutalement une femme sauvage. Vêtu de rouge et de jaune, il porte d'énormes grelots en guise de ceinture et son capuchon s'achève par une crête de coq, symbole phallique et expression d'un appétit sexuel immodéré. Ce fou incarnerait la Luxure tout comme le singe assis dans le paysage à droite.
Le Châtiment de Nabuchodonosor, début du 16 siècle, tapisserie, trame en laine
Cette tapisserie illustre l'épisode biblique du roi de Babylone Nabuchodonosor, qui, puni pour son orgueil, fut frappé de folie et, pendant sept ans," mangea de l'herbe comme les bœufs [...] jusqu'à ce que ses cheveux crussent comme les plumes des aigles et ses ongles comme ceux des oiseaux » (Daniel 4, 33).
Nabuchodonosor mange de l'herbe parmi les vaches, Anvers (Belgique), vers 1560, vitrail en verre blanc, grisaille et jaune d'argent
Maître MZ, Matthäus Zasinger? (actif entre 1500 et 1503) : Le Bal, vers 1500, burin
Cartes à jouer représentant des figures de fou
Fou présentant les armoiries du peintre verrier Barthélemy Linck, Zoug (Suisse centrale), 1553, vitrail
Les fous en ville
La figure du fou continue son expansion et sa diffusion, passant du milieu clos de la cour à celui de la ville. A la fin du Moyen Âge, le fou est omniprésent dans les fêtes urbaines.
Erhard Schön (vers 1491-1542) : Distribution des capuchons des fous, Nuremberg (Allemagne), vers 1538, gravure sur bols, 4 planches
Suiveur de Jérôme Bosch (vers 1450-1516) : Combat de Carnaval et Carême, vers 1540-1550, huile sur bois
Le changement radical des habitudes alimentaires est, pour la population médiévale, la marque la plus tangible du passage entre le Carnaval et le Carême, période de jeûne et d'abstinence. Ce thème est très fréquemment représenté sous la forme d'un combat entre un homme gras et une femme maigre et leurs troupes pourvues de saucisses d'un côté, de poissons de l'autre.
Pieter Bruegel l'Ancien (vers 1525-1569) : Les Mendiants ou les Culs-de-jatte, 1568, huile sur bois
Martin I van Cleve (vers 1527-1581) : Carnaval dans un village, Anvers (Belgique), vers 1579, huile sur bois
Frans Hogenberg (né vers 1539/1540-1590) :
Danse des fous (STULTORUM CHORIA)
Danse des folles (STULTARUM CHOREA)
Vers 1560-1570, gravures sur cuivre à l'eau-forte et au burin
Ces deux gravures décrivent, de manière symbolique, la folie des hommes et des femmes. Dans une arène, sous les yeux de deux sages accoudés dans des niches, quinze fous ou folles dansent en ronde autour du musicien qui se tient au centre. Une longue lettre gravée, en latin et en flamand, accompagne la représentation et décrit les fous et les folles, chacun d'entre eux étant associé à un défaut ou à un péché.
Josef Baumgartner (1901-1987), d'après Erasmus Grasser (vers 1450-1518) :
Danseurs de mauresque (copies modernes, vers 1957-1958, d'après des originaux vers 1480), bols polychromé
Cornelis van Haarlem (1562-1638) : Portrait du fou Pieter Cornelisz van der Morsch, fin du 16° siècle, huile sur bois
Marx Reichlich (vers 1460-après 1520) : Portrait d'un fou, Tyrol (Autriche), vers 1519-1520, tempera sur bois
Maître de 1537 (ou Maître de l’Ecce Homo d'Augsbourg) : Portrait de fou regardant entre ses doigts, vers 1548, huile sur bois
La Chanson des fous ou La Sérénade des fous, Belgique ou Pays-Bas, vers 1525-1550, huile sur bois
Israhel van Meckenem (vers 1440/1445-1508) : Rinceaux d'ornement avec des danseurs de mauresque, Bocholt (Allemagne), vers 1495-1500, burin
Le Fou partout. Entre humanisme et Réforme : de La Nef des fous à L’Éloge de la folie
Autour de 1500, la figure du fou est devenue omniprésente dans la société et la culture européennes. Y contribuent le succès de deux ouvrages, très différents mais complémentaires, La Nef des fous de Sébastien Brant, puis L’Éloge de la folie d’Erasme. En 1494, le premier fait paraître son livre en allemand. Il est traduit en latin et dans de nombreuses langues européennes dès 1497. L’ouvrage, illustré de gravures, connaît un succès fulgurant et fait même l’objet de détournements ou d’éditions pirates. Erasme publie son Moriae Encomium (L’Eloge de la folie) en 1511. Il est donc publié en latin et destiné a priori à une élite savante. Pourtant son livre est aujourd’hui bien plus célèbre que celui de Brant, car ses critiques annoncent les thèses de la réforme protestante.
Quatre planches découpées de Das Narrenschiff (La Nef des fous), par le maître principal de La Nef des fous, peut-être Albrecht Dürer (1471-1528), graveur
Deux gravures enluminées d'une édition de luxe de cet ouvrage
Cercle de Jörg Breu l'Ancien (1475-1537) : Plat aux fous, Augsbourg (Allemagne), 1528, huile sur bois
Artiste anonyme : Poule couvant des fous, Belgique ou Pays-Bas, 16 siècle (après 1570), huile sur bois
Jérôme Bosch (vers 1450-1516) : Huit Vieilles Femmes habillées en nonnes détournant des ustensiles ménagers, Bois-le-Duc (Pays-Bas), fin du 15° siècle - début du 16° siècle, plume et encre brune sur papier
D'après Jérôme Bosch : Le Concert dans l'œuf, Belgique ou Pays-Bas, après 1549, huile sur toile
Jérôme Bosch :
Satire des noceurs débauchés, dit La Nef des fous, Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1505-1515, huile sur bois (chêne)
Le tableau est le fragment d'un retable dispersé. Même si l'on voit un bateau chargé de passagers à la conduite déréglée, l'œuvre ne s'inspire pas directement du poème de Sébastien Brant, La Nef des fous, malgré le titre qu'on lui a donné traditionnellement.
Extraction de la pierre de folie, Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1501-1505, huile sur bois (chêne)
L'extraction de la pierre de folie, une opération imaginaire, est un thème très répandu au 16° siècle. Bosch en donne ici une version très précoce et originale, puisqu'il substitue à la pierre une fleur.
Atelier ou suiveur de Jérôme Bosch : L'Escamoteur, Belgique ou Pays-Bas, après 1525, huile sur bois
Pieter van der Heyden (vers 1530-après 1572), d'après Pieter Bruegel l'Ancien (vers 1525-1569) : L'Extraction de la pierre de folie (dit à tort La Sorcière de Mallegem), Anvers, 1559, gravure au burin
Pieter Bruegel le Jeune (1564/1565-1637/1638) : Les Proverbes flamands, Anvers ,1607, huile sur bois
Hans Holbein le Jeune (1497-1543) : Portrait d'Érasme écrivant, 1528, huile sur bois (tilleul)
Érasme, le plus célèbre des penseurs de son temps, publie L'Éloge de la folie en 1511. Tout jeune, le peintre allemand Holbein avait découvert l'ouvrage, puisqu'il dessine des illustrations pour un exemplaire de l'édition de 1515. Il rencontre Érasme par la suite et en fait plusieurs portraits, qui le mettent en scène dans son cabinet de travail.
Éclipse et métamorphoses du fou
Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les représentations des fous sont de moins en moins nombreuses dans l’art européen, tandis que la tradition des fous de cour s’étiole, dans ces époques qui voient croître le règne de la raison et des Lumières. Mais les notions qu’incarnaient les multiples figures du fou (ironie, farce ou désarroi) survivent à travers de nouvelles silhouettes, que ce soit le personnage de Don Quichotte inventé par Cervantès ou plusieurs figures de la « Commedia dell’arte », notamment celle de Pulcinella (Polichinelle ou « petit poussin »).
Charles Antoine Coypel (1694-1752) : Don Quichotte, conduit par la folie, part de chez lui en chevalier errant, 1716, huile sur toile
Bernard Baron (1696-1762), d'après Antoine Watteau (1684-1721) : Les Comédiens italiens, gravée en Angleterre, après 1720 ; éditée à Paris 1733, gravure à l'eau-forte
Giandomenico Tiepolo (1727-1804) :
Le Charlatan, ou L'Arracheur de dents, Venise (Italie), vers 1754, huile sur toile
L'Enlèvement de Polichinelle par un centaure, feuillet de l'album Divertimento per li regazzi, après 1707, plume, encre brune et lavis bistre sur esquisse à la pierre noire sur papier Vergé
Résurgence et modernité du fou
L’exposition se conclut par une évocation du regard porté par la n du XVIIIe siècle et la première
moitié du XIXe siècle sur le Moyen Âge et la Renaissance par le prisme du thème de la folie, avec l’éclairage tragique voire cruel que lui ont alors conféré les révolutions politiques et artistiques.
Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828) :
El sueño de la razón produce monstruos (Le sommeil de la raison engendre des monstres), planche 43 des Caprices, 1799, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte
Disparate de Carnaval (Folie de Carnaval), planche 14 des Folies, entre 1815 et 1823, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte
Ya tienen asiento (Les vollà bien assises), Planche 26 des Caprices, 1799, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte brunie
Franz Xavier Messerschmidt (1736-1783) : Tête de caractère : «L'homme de mauvaise humeur»,
vers 1777-1783, alliage de plomb et d'étain
Johann Heinrich Fuss (1741-1825) : Lady Macbeth marchant dans son sommeil, vers 1784, huile sur toile
Théodore Géricault (1791-1824) : La Folle monomane du jeu, 1819-1822, huile sur toile
Tony Robert-Fleury (1837-1911) : Le Docteur Pinel, médecin en chef à la Salpêtrière, en 1795, Paris, 1876, huile sur toile
Robert-Fleury situe l'action en 1795 à la Salpêtrière, asile pour femmes. Il met en lumière une malade, tandis que le docteur Pinel (1745-1826) est représenté à sa gauche. La scène met surtout en valeur Jean-Baptiste Pussin (1745-1811), l'adjoint de Pinel, derrière la femme en train d'enlever les entraves de cette dernière. Il est le véritable instigateur du retrait des fers des aliénés, épisode clé de l'histoire de la psychiatrie.
Willem Geets (1838-1919) : L'Exorcisme de Jeanne de Castille, 1876, huile sur toile
Raymond Quinsac Monvoisin (1790-1870) : Jeanne, dite la Loca ou la Folle, reine de Castille, vers 1834, huile sur toile
Charles-Marie Bouton (1781-1853) : La Folie du roi Charles VI, 1817, huile sur toile
Louis Boulanger (1806-1867) : Le Roi Lear et son fou pendant la tempête, 1896, huile sur toile
Charles Louis Müller (1815-1892) : Lady Macbeth, 1849, huile sur toile
Jan Matejko (1838-1893) : Stańczyk durant un bal à la cour de la reine Bona après la perte de Smoleńsk, 1862, huile sur toile
Ce tableau montre Stańczyk, bouffon de la cour polonaise, accablé par la perte de Smoleńsk, ville prise par les Russes en 1514. Abattu, il contemple une lettre annonçant la défaite. En arrière-plan, une fête royale symbolise le contraste entre l'insouciance de la cour et la conscience politique du bouffon.
Terminons le parcours de cette exposition un peu touffue mais riches en découvertes avec ce tableau peu connu de Gustave Courbet (1819-1877), prêté par le musée d'Oslo :
L'Homme fou de peur, vers 1844, huile sur toile
Courbet, natif d'Ornans (Doubs), arrive à Paris pour se faire un nom. Il est accepté au Salon en 1844, avec un autoportrait plein d'assurance. Mais d'autres autoportraits qu'il peint à cette période révèlent ses doutes. Dans L'Homme fou de peur, œuvre dramatique et introspective, il explore la folle et la mélancolie. Le tableau témoigne de l'écart entre son personnage public, couronné de succès, et ses tourments intérieurs. Le costume de fantaisie qu'il porte ici rappelle les costumes de fou du Moyen Age. De plus, Courbet semble prêt à vaciller vers un gouffre qu'il désigne de la main droite.
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Nous achevons dans ce billet le parcours de l' exposition qui vient de se terminer à la Bourse de Commerce, rétrospective magistrale du mouvement Arte Povera qui a animé la scène artistique italienne dans les années 1960-70, avec une douzaine d'artistes emblématiques très attachants. (voir notre billet du 1er février 2025)
La galerie 3, au premier étage, est consacrée à Michelangelo Pistoletto (né en 1933)
On y retrouve ses amoncellements de vêtements caractéristiques déjà présents dans la rotonde.
Gararoba, 1968-2024, garde-robe métallique, cintres et vêtements
Venere degli stracci (Vénus aux chiffons), 1967, ciment, techniques mixtes
Aux murs, La Gabbia (La Cage), 1962-1974, 13 éléments : sérigraphie sur acier, inox poli miroir, dimensions totales: 230 x 1627,6 x 2 cm
Abolissant la distinction spatiale entre dedans et dehors, la très longue surface réfléchissante d’un miroir scandée de barreaux noirs en trompe-l’œil cherche à l’emprisonner visuellement, tandis qu’il reste libre de ses mouvements dans la salle d’exposition... Extrait du catalogue
Se réfléchissant dans La Gabbia, non seulement les visiteurs et la Vénus aux chiffons, mais aussi Mappamondo (Globe), 1966-1968, journaux, fer
Le Globe est constitué de journaux et évoque les débuts de la mondialisation de l'économie.
Autres œuvres "réfléchissantes" de Pistoletto dans cette galerie :
Ragazza che cammina (Fille qui marche), 1966, papier vélin peint sur acier inoxydable poli miroir
Sacra conversazione (Conversation sacrée), Anselmo, Zorio, Penone, 1962-1975, papier vélin peint sur acier inoxydable poli miroir
Pistoletto reprend ici un thème classique où des personnages - saints ou donateurs - sont en conversation devant un thème sacré, généralement la Vierge à l'enfant.
Pace, 2007, sérigraphie sur acier inoxydable poli miroir
Et dans un autre genre :
QR Code Possession - Generative Artificial Intelligence, 2023, impressions numériques sur toile
Cette œuvre se compose de six grandes toiles sérigraphiées représentant des QR codes. QR Code Possession - Generative Artificial Intelligence est une collaboration avec ChatGPT. En scannant les tableaux avec un téléphone, on peut accéder aux réponses générées par l'intelligence artificielle, basées sur la connaissance collective accumulée disponible sur Internet, à six invites textuelles :
« Écris un texte sur la Vénus aux chiffons de Michelangelo Pistoletto »
« Écris un texte sur les Tableaux miroirs de Michelangelo Pistoletto et la quatrième dimension »
« Écris un texte sur le Troisième Paradis de Michelangelo Pistoletto »
« Écris un texte sur la Cittadellarte - Fondation Pistolleto, à Biella »
« Écris un texte qui met en relation l'œuvre de Michelangelo Pistoletto avec la science et la religion »
et « Crée une œuvre d'art de Michelangelo Pistoletto ».
Le QR code fonctionne de la même façon que « les tableaux miroirs » au moment de leur création en 1962 : comme un portail conduisant vers autre chose, plutôt que comme une surface plane réfléchissante.
Au deuxième étage, dans la galerie 6, Pier Paolo Calzolari (né en 1943) avec une grande installation :
Casa ideale, 1968-2024
La Casa ideale était d'abord une proposition et un acte de foi en l'art, les relations humaines, et la possibilité de vivre dans une forme d'harmonie où l'art et la vie ne feraient qu'un. Il s'agit d'un texte écrit en 1968 à propos d'une maison idéale, une maison que Pier Paolo Calzolari, artiste errant, ne trouva jamais véritablement puisqu'il vécut à de nombreux endroits différents. Sa maison idéale est à la fois imaginaire et réelle, remplie d'œuvres réalisées par différents artistes de l'Arte Povera. La Casa ideale apparaît et disparaît au gré d'installations planant dans l'espace de feutre blanc et de plomb des Strutture ghiaccianti (Structure glacées), du cuivre qui se couvre de givre sur des bassins en plomb. C'est un espace mystique, universel et intime, en constante métamorphose et en constante expansion.
Dans la Casa ideale, le lecteur reconnaîtra (ou non !) les œuvre suivantes :
Oroscopo come progetto della mia vita, 1968, structure givrante en cuivre, moteur réfrigérant, plomb (au mur)
Il mio letto così come deve essere, 1968, cuivre, laiton, mousse, lettres en bronze, feuilles de bananier
Un flauto dolce per farmi suonare, 1968, structure givrante en cuivre, moteur réfrigérant, plomb, lettres en bronze
2000 lunghi anni lontano da casa, 1968, plomb, fil de cuivre argenté, bronze argenté, étain
parmi d'autres.
En contrepoint, Vase canope, Chiusi, Italie centrale, 600-575 av. JC, argile rouge
Selon la commissaire de l'exposition, ce vase canope s'intègre parfaitement dans la Casa ideale de Pier Paolo Calzolari, scellant la relation entre la vie et l'au-delà qui imprègne la vie quotidienne. Un objet presque domestique, un vase, est transformé en être humain, et inversement. La transformation du corps, en transition entre un état et un autre, peut-être mise en parallèle avec les processus alchimiques mis en action dans les œuvres de l'artiste.
Dans la même galerie 6, Giovanni Anselmo (1934-2023)
Trecento milioni di anni, 1969, anthracite, lampe, tôle ondulée et fil de fer
Musée départemental d'art ancien et contemporain, Épinal
Cette œuvre peut être vue comme la tentative excentrique d'inverser, grâce à la lumière et à l'oxygène, le processus qui a transformé le bois en charbon. Giovanni Anselmo a proposé que l'œuvre fasse partie de cette exposition à la Bourse de Commerce, car elle reflète le temps long et profond qui est au cœur de sa pensée artistique et de l'Arte Povera en général.
Verso oltremare, 1984, pierre, câble en acier, peinture acrylique sur mur
L'œuvre se compose d'une plaque de pierre de Luserne triangulaire grossièrement taillée qui penche fortement vers un petit rectangle de peinture bleue sur le mur, s'en rapprochant à un millimètre à peine mais sans le toucher. Elle est retenue par un câble en acier.
Sur la première vue, outre les éléments détaillés ensuite,
Sans titre, 1967, bois, Formica, niveau à bulle, cales en acier
Direzione (Direction), 1967-1968, granit et boussole
Sans titre, 1967, bois laqué, pierre de fleuve
Torsione, 1968, fer,futaine
Sans titre, 1968, granit, laitue fraîche, fil de cuivre
Cette œuvre est littéralement l'une des pierres angulaires de l'Arte Povera. Intitulée initialement Struttura che mangia (Strucutre qui mange), il en existe cinq versions. Celle-ci appartient à l'artiste Michelangelo Pistoletto. Elle se compose d'une tête de laitue fraîche attachée par un fil de cuivre et suspendue entre une pierre de granit mesurant moins d'un mètre de haut et une petite pierre plate. Au fur et à mesure que la laitue sèche et se flétrit, la tension du fil
se relâche jusqu'à ce que la petite pierre chute et qu'il faille attacher une nouvelle laitue. Ce cycle
de décomposition organique et l'effet de la gravité se répètent pendant toute la durée de l'exposition. À l'opposé d'une nature morte ou d'un memento mori, cette œuvre change tous les jours en raison des temporalités différentes de ses matériaux, si bien que l'œuvre devient la mesure de sa propre dégradation.
La galerie 5 est dédiée aux oeuvres de Giuseppe Penone (né en 1947)
Tre alberi, 1968-1985, technique mixte, dimensions variables
Deux frênes et un aulne sont implantés dans l’espace muséal, décontextualisés : c’est ainsi qu’apparaît au spectateur Tre Alberi, arbres à l’aspect brut dont Giuseppe Penone semble avoir conservé la structure primitive. Les apparences sont néanmoins trompeuses, puisque ces arbres sont le fruit d’un long travail de gravure sur poutres en bois, consistant à retrouver les anfractuosités vitales de l’écorce.
Essere vento, 2014, arbre pétrifié, grain de sable et grain de sable sculpté, 123 × 60 cm
Pelle di foglie - ramo, 2003, bronze
Albero di 7 metri, 1980, bois de sapin
Gesto vegetale, 1983-1984, bronze
En 1981, Giuseppe Penone commence à créer des formes creuses intitulées Gesti vegetali (Geste végétal), dont il a fait les premiers dessins deux ans plus tôt. En étalant une couche d'argile sur les parties du corps d'un mannequin, il crée des bandes courbes qu'il fait sécher puis coule dans le bronze, obtenant ainsi des formes creuses et anthropomorphes. Striées d'empreintes de doigts, elles ressemblent à de l'écorce d'arbre. Il installe ensuite ces pièces autour d'une plante en terre ou en pot qui les remplit en poussant. Dans ce cas, l'œuvre est déterminée par le temps, la croissance, et l'action de la plante qui devient elle aussi créatrice de l'œuvre, au même titre que l'artiste.
Patate, 1977, bronze, pommes de terre
Soffio, 1978, terre cuite, 158 × 75 × 79 cm
Soffio di foglie, 1979, feuilles de buis
En 1978, Giuseppe Penone a intitulé Soffi une série de sculptures en terre cuite. Avec l'empreinte de son propre corps, il créait une sorte d'outre, une représentation du souffle qui l'enveloppait. Soffio di foglie (Souffle de feuilles) représente une version idéale de ce processus. L'artiste a apposé l'empreinte négative de son corps sur un tas de feuilles de buis qui portent la trace de son souffle, comme pour dire que la matérialité du corps et l'immatérialité du souffle produisent les mêmes effets.
Pelle di grafite - riflesso di ambra, 2007, graphite sur papier noir monté sur toile, 200 x 200 cm
Spoglia d'oro su spine d'acacia (occhio), 2002, peinture acrylique, soie, épines d'acacia et or sur toile, 300.99 x 361.32 cm
En contrepoint, un vase zoomorphe, Amlash, Iran, vers 1000 av. JC, terre cuite
La galerie 4 est consacrée à Alighiero Boetti (1940-1994)
Scala, 1966, bois
Mancorrente m.2, 1966, fer, émail, plaque de chrome
Lampada annuale, 1967, bois laque, métal, verre, appareil électrique
Sedia, 1966, bois
8,50 (Zig-Zag), 1966, structure en aluminium, tissu
Catasta, 1967, fibrociment Eternit
Il existe deux versions de Catasta (Tas ordonné) : la première, composée de trente-quatre éléments en fibrociment a été présentée par Alighiero Boetti lors de sa première exposition personnelle à la galerie Christian Stein en janvier 1967, et celle-ci, composée de douze blocs, lors de l'exposition fondatrice « Arte povera Im-Spazio » à la galerie La Bertesca, à Gênes, la même année. Les blocs de Catasta sont en Eternit, un matériau dense composé de ciment et d'amiante couramment utilisé sur les chantiers de construction. Formé de pleins et de vides, le cube est à la fois fermé et transparent. Son aspect brut et son gris volontairement terne constituent une sorte d'acte anti-esthétique.
ROSSO GILERA 60 1232 - ROSSO GUZZI 60 1305, 1971, peinture industrielle sur métal
Dama, 1967, bois poinçonné
Colonne, 1968, napperons en papier, noyau de fer
Tutto, 1987-1988, broderie sur coton
Sur le plan conceptuel, les œuvres intitulées Tutto (Tout), réalisées entre 1983 et 1994, procèdent d'une œuvre antérieure intitulée Pack, créée en 1979, dans laquelle Alighiero Boetti a tenté d'inclure tout ce qui existe dans le monde. Tutto est la version brodée de Pack. Boetti a invité ses collaborateurs à dessiner tout ce qu'ils pouvaient imaginer exister dans le monde, tandis que les brodeuses ont eu comme consigne de ne jamais utiliser la même couleur pour broder deux objets adjacents. La mosaïque de points a donné naissance à Tutto, dont il existe plusieurs versions uniques et différentes.
Mappa, 1972-1973, broderie sur coton
Voyageur infatigable, Alighiero Boetti fit à partir de 1971 plusieurs longs séjours en Afghanistan, où il se familiarisa avec la tradition de la tapisserie. C'est lors de son second séjour à Kaboul, à l'automne 1971, qu'il commença cette série, s'appuyant sur le savoir-faire et la collaboration des brodeuses locales, par qui il fit confectionner des broderies imaginées à partir de ses idées.
I vedenti, 1972-1973, broderie sur coton
Legnetti colorati, 1968, fagots de bois, acrylique, élastiques
Lavoro postale (permutazione), 1973, enveloppes pour courrier aérien avec timbres
Mettere al mondo il mondo, 1972-1973, stylo à bille sur papier, marouflé sur toile
Alighiero Boetti a créé de nombreuses œuvres au stylo à bille. Celle-ci, l'une des deux premières de la série, présente une surface entièrement recouverte de traits bleus, à l'exception de petites virgules laissées vides. Placées à l'intersection des lettres de l'alphabet (sur l'axe vertical) et de la phrase écrite (sur l'axe horizontal supérieur), elles épellent les mots du titre de l'œuvre. Ici le processus est répété deux fois, sur deux feuilles de papier mises côte à côte sur la toile : les deux surfaces obtenues révèlent une infinité de différences et de tonalités.
Manifesto, 1967, estampe (édition de 50 exemplaires), 100 x 70 (cm)
Le Manifeste énumère les noms de seize artistes italiens, parmi lesquels les artistes participant au mouvement de l'Arte Povera et Boetti lui-même. À côté de chaque nom figure une combinaison de huit symboles dont la clé a été déposée par l'artiste chez un notaire.
En contrepoint, un tableau de Paul Klee (1879-1940) :
Mast- und Zier-Fische, 1938, huile et aquarelle sur toile de jute préparée
Alighiero Boetti aimait profondément l'œuvre de Klee. Ce qui l'intéressait, chez l'artiste suisse, était son utilisation du monotype, une technique d'impression qui combine la peinture et la gravure, ainsi que ses couleurs vives, le rythme et la musicalité de ses compositions. Il reprendra ces éléments dans nombre de ses œuvres, retravaillant les concepts de grille, de série et de répétition d'une manière précise et personnelle.
Dernière galerie au deuxième étage de la Bourse de Commerce, la galerie 7 accueille trois artistes.
Giulio Paolini (né en 1940)
Affirmant que l'art héroïque traditionnel européen n'est plus possible, il utilise des matériaux modestes - des moulages en plâtre, des toiles vides ou des reproductions photographiques - pour mettre en scène l'absence de ce noyau central que nous avons pour habitude d'appeler "œuvre d'art".
Diverses œuvres dont, au sol :
A J.L.B. , 1965, bois façonné, gravé et peint
et sur le dernier cliché :
Disegno geometrico, 1960, blanc de zinc, vinavil, encre sur toile
La libertà (H. R.), 1967, encres aniline sur deux tirages photographiques montés entre gabarits en Plexiglas, fil de nylon.
L'ange représenté par Le Douanier Rousseau dans son tableau intitulé La liberté invitant les artistes à prendre part à la 22ème exposition des artistes indépendants, en 1906, a été agrandi et reproduit en noir et blanc en deux exemplaires symétriques collés l'un à l'autre par Giulio Paolini, de sorte que le sujet soit visible sur les deux faces. Maintenue entre deux pièces de plexiglas, la figure est suspendue au plafond par un fil de nylon afin qu'elle puisse tourner librement et donner vie à une installation impliquant l'ensemble de son environnement. Dans le tableau original du Douanier Rousseau, l'ange de la liberté protège les artistes qui se rendent au Salon des Indépendants. Dans la reproduction de Paolini, il confirme ou légitime la place assignée à l'art.
Pino Pascali (1935-1968)
Un ensemble harmonieux formé de quatre œuvres emblématiques
Cascate, 1966, toile peinte tendue sur structures en bois
La decapitazione del rinoceronte, 1966, toile peinte sur structures en bois
Cette œuvre fait partie d'un bestiaire fantastique d'animaux exotiques, marins et préhistoriques que Pino Pascali a créé en 1966-1967. L'œuvre est une allusion insolente et malicieuse à la statuaire baroque romaine, en particulier à l'éléphant portant un obélisque sculpté en 1667 par Ercole Ferrata et dessiné par Gian Lorenzo Bernini.
Bachi da setola, 1968, brosses en soie acrylique sur support métallique
Confluenze, 1967, tôle, peinture antirouille, eau avec colorant aniline
Confluenze (Confluences) se compose de vingt-deux bacs carrés en acier peint, remplis d'eau dont l'intensité chromatique varie avec la quantité de colorant ajouté dans chaque bac.
Et enfin Luciano Fabro (1936-2007)
De Italia, 1970, toile
Speculum Italiae, 1971, miroir, plomb, bois
Paio di lenzuola con due federe, 1968, toile de coton, cadre en bois
Ogni ordine è contemporaneo d'ogni altro ordine. Quattro modi di esaminare la facciata del SS.
Redentore a Venezia. Palladio, 1972-73, encre de Chine sur papier sur toile de lin, cadres métalliques
Cette œuvre se compose de quatre dessins de la façade de l'église du Rédempteur construite sur l'île de la Giudecca, à Venise, par l'architecte Andrea Palladio en 1577. Les dessins décomposent les trois ordres architecturaux utilisés par Palladio. Sur les dessins, les statues de la façade originale sont remplacées par des figures canoniques de l'histoire de l'art.
Mezzo specchiato e Mezzo trasparente, 1965? verre, miroir, fer émaillé
Vetro di Murano e shantung di seta pura (Piede), 1968-1972, verre de Murano et shantung de soie
Série emblématique de Luciano Fabro, les Piedi (Pieds) s'opposent à l'art conceptuel et narratif qui était exposé en Italie et dans le monde à cette époque. L'artiste considérait les Piedi comme étrangers à toute idéologie ou théorie de l'art.
L'Italia, 1968, fer, carte géographique en papier
La forme particulière de la « botte » italienne est un sujet récurrent dans l'œuvre de Luciano Fabro à partir de 1968. Adoptant cette forme omniprésente et familière, Fabro en produira de nombreuses versions dans différents matériaux (plomb, cristal, papier, fer ou fourrure), la présentant parfois à l'envers.
Felce, 1968, feuille de fougère, cristal, plomb
Tamerlano, 1968, bronze patiné et doré
Nudi, 1988, Marbre Calacatta
Les Nudi (Nus) sont de grandes et fines plaques de marbre légèrement incurvées et parfaitement polies qui représente le mouvement. Il en existe plusieurs versions. La courbure donnée aux plaques de marbre simule le mouvement suggéré par les titres, et dans cette œuvre le mouvement est également induit par la position des plaques face au balcon.
Terminons ce second billet, comme nous avions commencé le premier, avec une œuvre présentée à l'extérieur du bâtiment de la Bourse de Commerce :
Numeri di Fibonacci, 1984-2024, néon
La suite de Fibonacci est devenue, à partir de 1968, un principe de composition pour Mario Merz. Si l'artiste l'a d'abord considérée pour ses igloos, ses installations et ses suites photographiques, l'idée de l'inscrire dans un espace réel émergea rapidement : Merz a installé des nombres de Fibonacci en néon sur plusieurs monuments en plein air. Il avait également l'intention de les installer sur la façade des courbes du musée Guggenheim de New York en 1989, mais ce projet n'a jamais abouti. Le dessin réalisé à cette occasion sert aujourd'hui à inscrire la séquence, avec des numéros de néon réalisés de son vivant.
Arte Povera à la Bourse de Commerce (I/II)
Arte Povera, La grande exposition d'automne de la Bourse de Commerce - Pinault Collection, se termine.
Un mouvement de matières et d’énergie
“Au milieu des années 1960, un certain nombre d’artistes italiens ont initié un corpus d’œuvres original, libre d'esprit, totalement non conventionnel et non dogmatique, élargissant ainsi les domaines de la peinture, de la sculpture, du dessin et de la photographie, en créant les premières "installations" de l'histoire de l'art, ainsi que des œuvres et des actions performatives.
En utilisant des matériaux et des techniques simples, ces artistes ont créé des installations impliquant le spectateur au sein de l’œuvre. Privilégiant les éléments « naturels » et « ruraux » (tels que la terre, les pommes de terre, la salade, l’eau, le charbon, les arbres, les corps vivants d’animaux et d’humains, etc.), « artificiels » et « urbain » (des éléments trouvés dans les quincailleries tels que les plaques d’acier inoxydable, les lingots de plomb, les ampoules électriques, les poutres en bois, les tubes de néon, etc.), leurs œuvres enclenchent des flux d’énergie physique et chimique, voire psychique, en appelant les notions de mémoire et d’émotions pour interpeller les spectateurs”, affirme la commissaire de l'exposition Carolyn Christov-Bakargiev.
Dès le parvis, le visiteur est accueilli par une œuvre monumentale de Giuseppe Penone (né en 1947) :
Idee di pietra - 1532 kg di luce, 2010, bronze, pierres de fleuve
Cette sculpture associe au moulage en bronze d'un arbre des roches de rivières, posées aux intersections des branches. L'ensemble incarne un processus de pensée : le méandre des branches est comme les multiples idées qui émergent d'un socle d'expérience et de souvenirs. Les pierres sont comme les points d'entrée ou de blocage de ce flux de conscience, autant qu'ils marquent, pour l'arbre, l'endroit où surgit la nouvelle branche, nourrie par la lumière.
Dans l'entrée de la Bourse de Commerce, plus modeste, une réalisation de Marisa Merz (1926-2019) :
Sans titre, 1997, paraffine, plomb, fil de cuivre, eau, moteur
Le visiteur est accueilli ensuite, le long d'un mur, par une œuvre de Pier Paolo Calzolari (né en 1943) :
Senza titolo (Materassi), 1970, matelas, structure givrante en cuivre, moteurs réfrigérants, feutre
Elle se compose de six matelas accrochés au mur, chacun étant parcourus d'une manière différente par de fins tubes métalliques. L'œuvre, créée en 1970 à l'occasion de l'exposition de Pier Paolo Calzolari à la galerie Sonnabend à Paris, où les matelas étaient présentés horizontalement sur le sol, fut présentée verticalement au Jeu de Paume en 1994. Une fois que l'œuvre est allumée, les tubes forment les lignes d'un griffonnage abstrait. Lorsqu'ils sont dressés comme des tableaux ou des retables, les matelas évoquent une mise en scène classique à la manière d'un tableau vivant.
En face, sans qu'on précise s'il s'agit d'une installation ou d'un souvenir de l'artiste, une batterie appartenant à Alighiero Boetti (1940-1994), 1966-1972, dix éléments : trois cymbales turques, un congas cubain, deux tablas indiens, un balafon africain, deux percussions africaines, une timbale new-yorkaise
L'exposition sous la rotonde veut traduire l'esprit collectif qui règne à la fin des années 1960 en Italie et abrite des œuvres d'artistes divers.
Au premier plan, de Jannis Kounellis (1936-1917) :
Sans titre (Carboniera), 1967, acier, charbon.
Juste derrière, de Alighiero Boetti :
Io che prendo il sole a Torino il 19 gennaio 1969 [moi qui prends le soleil à Turin le 19 janvier 1969], 1969, 111 balles de ciment
Au premier plan de l'image suivante, de Pier Paolo Calzolari :
Piombo rosa (Plomb rose), 1968, plomb, encre typographique rose
Parmi les diverses réalisations de la rotonde, pêle-mêle :
Mario Merz (1925-2003) : Igloo con albero, 1968, structure en tube de fer, verre, stuc, branche
Michelangelo Pistoletto (né en 1933) : Orchestra di stracci–Trio (Orchestre de chiffons–Trio), 1968, verre, chiffons, électricité, bouilloires, eau
Giulio Paolini (né en 1940) : Mimesi (Mimèsis), 1975–1976, moulages en plâtre, deux socles
Mario Merz : Tincta purpura tegit fuco roseo conchyli, 1980-1990, structure en tube de fer, néon, maille métallique
Alighiero Boetti : Autoritratto, 1993-1994, bronze, fontaine, élément chauffant électrique
Mario Merz : Che fare?, 1968, pot, cire, néon
Luciano Fabro (1936-2007) : Io rappresento l’ingombro dell’oggetto nella vanità dell’ideologia. Lo spirato [Je représente l’encombrement de l’objet dans la vanité de l’idéologie. Le défunt], 1968–1973, marbre Paonazzo.
Jannis Kounellis : Untitled, 2016, fer, armoire en bois, câbles en acier
Gilberto Zorio (né en 1944) : Untitled, 1966, tubes Dalmine, mousse polyuréthane colorée, corde, tige en caoutchouc noir, tube en aluminium
Giuseppe Penone : Albero porta, 1969, bois de cèdre et au mur Albero di 4 metri, 1969, bois de sapin
Après le "feu d'artifice" de la rotonde, les galeries sont consacrées à des présentations plus monographiques. Dans la galerie 2, Mario Merz
Senza titolo (Una somma reale è una somma di gente), 1972, onze photographies N/B, néon
Crocodilus Fibonacci, 1972, crocodile naturalisé, néon, transformateurs
Senza titolo (Una somma reale è una somma di gente) [Sans titre (Une vraie somme est une somme de personnes)] explore la fascination de Mario Merz pour la suite mathématique de Fibonacci, et notamment l'idée qu'il existe une croissance exponentielle naturelle, cachée au cœur de la vie et des choses. Merz a mis en scène cette œuvre à plusieurs reprises, d'abord dans un restaurant à Turin, puis dans un autre à Naples, demandant à un photographe de capturer l'occupation progressive des tables du restaurant. Chaque image représente une étape de la suite de Fibonacci : 0, 1, 1, 2, 3, 5... au moyen d'une personne ou d'un groupe de personnes, jusqu'à ce que l'image soit saturée d'individus.
Objet cache-toi, 1977, structure métallique, grillage, pinces, verre, néon
Igloo (di Marisa), 1972, structure métallique, formes en tissu, neon, Plexiglas
Igloo di Giap, 1968, sacs en plastique remplis d'argile, néon
En 1972, à l'occasion de la documenta 5 à Cassel en Allemagne, dirigée par Harald Szeemann, Mario Merz a créé une installation s'élevant en spirale dans la Rotonde en demi-cercle du Fridericianum. Au niveau du sol, il a placé Igloo (di Marisa), un igloo constitué de petits « panetti », des blocs en forme de petits « pains » formés de morceaux de tissu blanc cousus par l'artiste Marisa Merz, sa compagne. On retrouve à sa surface la suite mathématique de Fibonacci, chère à l'artiste.
Il saldatore, 1956, huile sur toile
Cestone, 1967, osier
Nella strada, 1967, toile blanche façonnée, plastique, néon
Città irreale, 1968, métal, fil de fer, cire d'abeille, néon, transformateur
Lance, 1966-1967, bois, Plexiglas
Dans la même galerie, sa compagne Mariza Merz
Untitled, 2002, table en métal et verre, quatorze Têtes, terre crue, plâtre, aluminium
Quatorze Testine, ou « petites têtes », en argile de Marisa Merz étaient placées sur une table en forme de spirale créée à partir d'autant d'éléments par Mario Merz, son compagnon, à l'occasion d'une exposition à la galerie Marian Goodman, à Paris, en 2002.
Untitled, 1979, fil de cuivre, clous
Untitled (Living sculpture), 1967, feuille d'aluminium, agrafes
En 1966, Marisa Merz commença à coudre et agrafer de fines feuilles d'aluminium pour créer des sculptures mobiles et flexibles réfléchissant la lumière. Ces œuvres, qui furent d'abord accrochées dans sa cuisine, où elle les assemblait, sont souvent présentées suspendues au plafond ou accrochées au mur. La technique de la couture et la localisation de ces œuvres dans l'espace domestique évoquaient un univers féminin. Merz fut l'une des principales figures de la scène artistique internationale à redonner une certaine dignité aux sujets, aux techniques et aux matériaux quotidiens.
Sans titre, 1985, technique mixte sur carton, verre, structure en fer, bois
Sans titre, non daté, technique mixte sur papier sur panneau
Sans titre, non daté (vers 2004), technique mixte sur papier, poutres en bois
Cette œuvre a été créée après la mort de son époux Mario Merz, en 2003. C'est l'une des premières œuvres de Marisa Merz représentant un ange, lequel symbolise la recherche d'un lien perdu. L'ange doré, au centre, est entouré de formes courbes qui dessinent un mouvement circulaire. Même si les formes sont seulement esquissées, on distingue clairement le cœur de l'ange et la trace d'une larme rouge qui a roulé sur son corps.
Le troisième artiste présenté dans la galerie 2 est Jannis Kounellis
Sans titre, 1961, huile sur toile
Sans titre (Bar), 1965, huile sur toile
Sans titre (OLIO verso di TABACCHI), 1958, huile sur bois
L'Attico, 1969, impression offset
Sans titre, 1966, toile avec boutons pression, couture sur toile
La série des « Roses » est apparue juste avant l'émergence de l'Arte Povera. À cette époque, Jannis Kounellis s'intéressait à l'idée de créer une image qui puisse osciller entre l'intérieur et l'extérieur du cadre.
Sans titre, 1967, fer, buse avec collecteur, tuyau en caoutchouc, bouteille de gaz et flamme bleue
Présentée dans le cadre de l'exposition collective « Fuoco Immagine Acqua Terra » à la galerie L'Aticco, à Rome, en 1967, cette œuvre illustre la transition de l'art italien vers la présentation du réel, son énergie et sa métamorphose dans l'art. Jannis Kounellis a découpé dans le métal une fleur dont le pistil est une buse à gaz qui produit une flamme bleue lorsqu'elle est allumée. C'est la première fois que l'artiste utilisait le feu comme matériau dans une œuvre d'art, un élément qui deviendra par la suite récurrent dans son œuvre.
Sans titre, 1967, charbon, bordure blanche
Cette œuvre sans titre, composée d'un tas informe de charbon de bois délimité par un périmètre d'émail blanc d'une dizaine de centimètres de large, a été créée par Jannis Kounellis dans son atelier, à Rome, en 1967. Le charbon de bois, symbole de la révolution industrielle et du progrès technologique de la fin du 19e et du début du 20e siècle, est utilisé ici tout autant pour ses qualités physique et sensorielle que pour sa valeur historique et culturelle. L'irrégularité du tas contraste avec la géométrie rectiligne de la bordure qui l'entoure.
Sans titre, 1969, structure de fer, petits plateaux de balance, flamme de métaldéhyde
Sans titre, 1969, petits plateaux de balance en fer, café moulu
Sans titre, 1999, fer, sacs de jute, pierre volcanique
Sans titre, 1969, structure en fer, sacs de jute cousus ensemble
Sans titre, 1968, laine, corde, bois
Sans titre, 1969, sommier métallique, laine
Sans titre, 1969, sacs de jute et haricots secs
Cette œuvre sans titre est le fruit d'un incident heureux : en 1969, Jannis Kounellis fut invité par Harald Szeemann à participer à la célèbre exposition « Live in Your Head: When Attitudes Become Form » à la Kunsthalle de Bern (Suisse). L'œuvre qu'il avait l'intention de présenter fut bloquée à la douane, où l'on refusa de l'identifier comme une œuvre d'art. Frappé par l'idée que son œuvre ait pu être considérée comme un produit, Kounellis décida de créer une œuvre évoquant le transport de marchandises. S'inspirant de l'imagerie du commerce maritime, un domaine dans lequel exerçait son père, l'artiste remplit des sacs de jute de grain, de haricots, de café, de pommes de terre et de riz.
Pour conclure cette première partie de la visite, avant d'aborder les étages de la Bourse de Commerce dans un prochain billet, nous proposons au lecteur une illustration des concepts de l'Arte Povera. En contrepoint du travail de Jannis Kounellis, l'exposition propose en effet un tableau de Kasimir Malévitch (1879-1935) :
Plan en dissolution, 1917, huile sur toile
Kasimir Malévitch, au travers du mouvement artistique qu'il fonda, le Suprématisme, contribua à réinventer la peinture. Par son abstraction radicale, la peinture cesse d'être une image ressemblante pour interroger plus globalement la géométrie et l'espace. Dans Plan en dissolution, le quadrilatère rouge, qui symbolise à la fois la passion et la révolution, prend du volume et du poids, semble acquérir une troisième dimension et s'envoler dans l'espace. Jannis Kounellis a souligné l'importance des concepts de « poids » et d'« appauvrissement » chez Malévitch, compris comme la réduction phénoménologique de la représentation à un degré zéro. Il pensait que la simplicité hiératique de ses propres œuvres s'était développée précisément le long de cette chaîne qui relie la transcendance des icônes byzantines et la réduction à zéro de l'idée-même d'icône proposée par Malévitch.