Louvre Couture : Objets d'art, objets de mode (I/II)
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Exposition hors du commun au musée du Louvre ce printemps : sur près de 9 000 mètres carrés, 65 silhouettes contemporaines, accompagnées d'une trentaine d'accessoires sont déployées en un dialogue "étroit, inédit, historique et poétique", selon les organisateurs, avec les chefs-d'œuvre du département des objets d'art du musée, de Byzance au second empire. Nous en proposons au lecteur la visite exhaustive, sans commentaire, en laissant agir la magie des images.
1. Christian Dior, Christian Dior, 1949, robe du soir courte Musée du Louvre en faille de soie brodée
2. Versace, Gianni Versace, 1997-1998, robe longue en mesh de métal brodée de croix grecques en cristaux Swarovski couleur topaze, col bénitier et léger drapé aux épaules
Chanel, Gabrielle Chanel, 1969, broche en forme d'aigle en argent partiellement vermeillé serti de tourmaline rose, rouge et mauve
4. Dolce&Gabbana, Domenico Dolce / Stefano Gabbana, 2013-2014, robe en jacquard de laine imprimé d'une mosaïque et brodé de cristaux, pierres et paillettes
5. Chanel, Karl Lagerfeld, 2010-2011, ensemble en velours de coton bleu et ceinture brodés par Lesage [à droite]
6. Rabih Kayrouz, Rabih Kayrouz, 2019-2020, pull en assemblage de galons en fil métallique or, jupe en assemblage de galons en fil métallique et organza de soie [à gauche]
7/8. Dolce&Gabbana, Domenico Dolce / Stefano Gabbana, 2014-2015
Pochette du soir en cuir noisette brodé de fil d'or, strass et perles ; fermeture à bouton-pression, doublure en satin et chaîne amovible
Gants courts en velours bordeaux et brocart à fil d'or et pierres multicolores, doublure en laine douce
9. JW Anderson, Jonathan Anderson, 2022, minaudière Pigeon, impression 3D en résine
10/11. Chanel, Karl Lagerfeld, 2010-2011
Collier en métal doré ajouré, orné de cabochons de résine.
Paire de bracelets manchettes en métal doré, ornés de cabochons de résine.
12. Yves Saint Laurent, Yves Saint Laurent, 1997-1998, robe du soir, velours changeant de viscose, polyamide et coton de la maison Schlaepfer, broderie de la maison Lesage. Prototype Atelier Frédérique.
13. Charles de Vilmorin, Charles de Vilmorin, 2024-2025, robe froncée en taffetas de soie et métal.
14. Hermès,1996, paire de gants, agneau glacé et agneau velours.
15. Christian Dior, John Galliano, 2006-2007, robe en faille et organza de soie et bandes de crin peint
16. Martine Serre, Martine Serre, 2023-2024, manteau réalisé à partir de toile canevas en coton, chinée en brocante dans le sud de la France, et de tapis upcyclés ; catsuit en polyamide et élasthanne recyclé.
17. Christian Dior, Maria Grazia Chiuri, 2018-2019, robe en soie imprimée chaîne velours au sabre.
18. Dries Van Noten, Dries Van Noten, 2017, manteau en coton imprimé, pantalon en coton.
19. Chanel, Karl Lagerfeld, 2004-2005, pochette en cuir matelassé noir et doré représentant un livre en trompe-l'œil.
Salle 506
20. Loewe, Jonathan Anderson, 2023-2024, haut en coton, clous métalliques, ailes en cuivre.
21. Hermès, Nadège Vanhée, 2021, robe filet en corne et agneau portée sur une micro-robe en maille de soie stretch.
22. Iris van Herpen, Iris van Herpen, 2012, robe Cathedral, polyamide imprimé en 3D (frittage sélectif par laser), cuivre (électrolyse)
23. Schiaparelli, Daniel Roseberry, 2023, tailleur en crêpe de laine, masque en laiton patiné façonné à la main.
24. Christian Louboutin, Christian Louboutin, 2007-2008, botte Donjon, cuir et clous en métal.
25. Christian Louboutin, Christian Louboutin, 1995, chopine Mort à Venise, velours et cuir de Cordoue
26. Chanel, Karl Lagerfeld, 2012-2013, robe en cigaline de soie blanche et tweed fantaisie réalisé par Lesage; collier plastron en plumes de pintade, faisan, pigeon et canard réalisé par Lemarié ; ceinture et collier en métal doré ornés de plumes; chaussettes en laine à motif jacquard.
27. Undercover, Jun Takahashi, 2017-2018, robe structurée à la silhouette unique obtenue par bonding ; jupe structurée en nid d'abeille d'organza de soie.
28. JC de Castelbajac, Jean-Charles de Castelbajac, 2010-2011, tailleur motif Bambi camouflage médiéval, tapisserie mécanique, coton et polyester tissée par Craye à Roubaix ; cimier « bois de cerf » en fourrure synthétique de polyester sur structure en fil de fer.
29. Victor&Rolf, Victor Horsting / Rolf Snoeren, 2021-2022, robe brodée de fleurs formées de pétales rembourrés, assemblés et appliqués à la main sur brocart et cloqué de Lurex, col tressé, perles aux épaules et au col, cristaux Swarovski aux poignets, ceinture en macramé.
30. Christian Dior, Maria Grazia Chiuri, 2017-2018, manteau brodé à touche-touche d'une série cartes de tarot
31. Alexander McQueen, Lee Alexander McQueen, 2007, ensemble en moiré de soie et tulle avec appliqués de fleurs de soie
32. Alexander McQueen, Lee Alexander McQueen, 2010, robe, soie Habotaï en fil coupé et mousseline de soie, motif serpent par impression numérique.
33. Bottega Veneta, Mathieu Blazy, 2023-2024, ensemble, pull en fil de laine douce tricoté main dans un motif écailles de poisson, jupe en jacquard de viscose et fil de soie dans un motif inspiré d'une queue de sirène.
34. Alexander McQueen, Lee Alexander McQueen, 2010, chaussures Armadillo en python bicolore
35. Christian Louboutin, Christian Louboutin, 2018-2019, sac Piloutin Manila, cuir, strass appliqués à la main, coquillages et plumes d'autruche.
36. Schiaparelli, Daniel Roseberry, 2022, robe, structure métallique recouverte d'ornements en relief de cuir moulé à la main, décorés de feuilles d'or et rebrodés de cabochons, strass et bijoux vintage.
37. Balmain, Olivier Rousteing, 2023, robe en velours noir ornée de broderies au point de bullion « or vieilli », de lame (badla) matelassée, perles et cristaux ; broche portée en collier de chien ; visière en velours réalisée par Maison Michel.
38. Dolce&Gabbana, Domenico Dolce / Stefano Gabbana, 2021, manteau noir évasé à boutonnage simple et manches gigot, agrémenté d'incrustations de cuir fin et tissus appliqués brodés de cristaux et de tubes de verre.
39. Chanel, Karl Lagerfeld, 1990, broche cruciforme en métal argenté sertie de strass, réalisée par Desrues.
40. Alaïa, Azzedine Alaïa, 2017-2018, robe, cuir d'agneau plongé noir, orné de clous en métal, franges au dos de la même matière, plissée en bas par godets de mousseline de soie noire.
41. Alaïa, Pieter Mulier, ensemble, pull et pantalon en laine mérinos tricotée et ceinture en cuir à franges.
En hauteur dans la salle 528, parmi les armures :
42. Paco Rabanne, Paco Rabanne, 1967-1968
43. Loewe, Jonathan Anderson, 2023-2024
44. Gareth Pugh, Gareth Pugh, 2011
Pour terminer cette première partie du parcours aux 99 étapes, une vitrine qui contient les numéros 45 à 49, que le lecteur n'aura pas de peine à identifier :
45. Paco Rabanne x Dinh Van, 1967, bague des amours incassables, argent
46. Chanel, Karl Lagerfeld, 2006-2007, gant-bijou, en métal doré ajouré dans un motif de dentelle, réalisé par Desrues.
47. Christian Louboutin, Christian Louboutin, 2014, sac Artémis, python effet miroir, cuir effet laminé et épaulette strassée.
48. Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière, 2020-2021, sac LV Trophy, métal et cuir.
49. Mugler, Thierry Mugler, 1995-1996, gant en métal or pavé de motifs diamants, en collaboration avec Jean-Pierre Delcros.
Nous terminerons ce parcours dans un prochain billet.
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Nous terminons dans ce billet le parcours de la rétrospective Suzanne Valadon qui se tient au Centre Pompidou. (cf. notre billet du 8 mars dernier).
La photo ci-contre, mettant en scène Suzanne Valadon comme portraitiste (avec son amie Mauricia Coquiot comme complice), est une bonne introduction à la section suivante de l'exposition :
«Je peins les gens pour apprendre à les connaître. »
Forte d'une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois de personnes de son entourage. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute société » : Nora Kars avec qui elle noue une solide amitié jusqu'à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère. Les portraits d'hommes, plus rares, représentent des personnages qui ont compté dans sa vie : le docteur Robert Le Masle qui sera auprès d'elle jusqu'à ses derniers jours, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Bœuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets, mais ses premiers portraits, comme les portraits de famille, dépeignent son entourage familier.
La Couturière, 1914, huile sur toile
Jeune fille faisant du crochet, vers 1892, huile sur toile
Réalisé en 1892, Jeune fille faisant du crochet est le plus ancien tableau à l'huile de Valadon qui nous soit parvenu. Le thème de la couture lui est familier. Sa mère a exercé le métier de couturière en arrivant à Paris. Elle-même a appris très jeune le métier, sur les conseils de sa mère, et l'a pratiqué dans une maison de haute couture. En 1883, sur l'acte de naissance de son fils Maurice, elle déclare exercer les fonctions de couturière La composition à contre-jour, les couleurs assourdies, les traits proches de la technique du pastel, sont caractéristiques de ses premiers tableaux.
Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894, huile sur panneau
Portrait de petite fille, 1892, huile sur toile
Portrait de femme, 1893, huile sur toile
Bernard Lemaire, 1892-1893, huile sur toile
Femme à la contrebasse, 1908, huile sur toile
Portrait de Mauricia Coquiot, 1915, huile sur toile
Surnommée la « femme bilboquet, Anaïs Marie Bétant dite Mauricia de Thiers est une ancienne vedette de cirque et de music-hall, connue notamment pour ses acrobaties spectaculaires en voiture ou à cheval. Grande personnalité mondaine, elle noue des liens d'amitié avec de nombreux artistes. En 1916, elle devient l'épouse et l'associée du collectionneur et critique d'art Gustave Coquiot. Valadon compte parmi les témoins du mariage.
La Dame au petit chien, 1917, huile sur toile
Le modèle pourrait être son époux André Utter. Ce tableau, rarement montré, révèle une certaine étrangeté dans sa facture et dans le choix du sujet.
Portrait de Miss Lily Walton, 1922, huile sur toile
Les années 1920 sont celles de la reconnaissance et des premiers vrais succès commerciaux pour Valadon. Cette relative aisance financière lui permet ainsi d'embaucher une gouvernante anglaise du nom de Lily Walton. Elle est assise dans un intérieur bourgeoisement décoré, dans la même mise en scène que celle des portraits de Nora Kars et Germaine Eisenmann. On note la présence du chat Raminou, dont le pelage roux fart écho à la chevelure de Walton.
Portrait de Madame Lévy, 1922, huile sur toile
Valadon considérait cette œuvre comme « le mieux peint de tous ses tableaux ».
Portrait de Charles Wakefield-Mori, 1922, huile sur toile
Les Dames Rivière, 1924, huile sur toile
Madame Robert Rey et sa fille Sylvie, vers 1920, huile sur toile
Portrait de Richmond Chaudois, vers 1931, huile sur toile
Le chimiste Richmond Chaudois, « gueule cassée » de la Grande guerre, est un voisin montmartrois de Valadon et grand ami d'Utrillo.
Portrait de Germaine Eisenmann, 1924, huile sur toile
Élève de Suzanne Valadon et grande admiratrice de son œuvre, Germaine Eisenmann peint des paysages et des natures mortes dans un style proche de celui de sa « mère spirituelle ».
Portrait de Madame Pétridès, 1937, huile sur toile
Portrait de Paul Pétridès, 1934, huile sur toile
Peintre et courtière en tableaux, Odette Bosc rencontre en 1925 le tailleur Paul Pétridès. Elle l'initie au monde de l'art avant de l'épouser en 1929. La même année, le couple Pétridès devient le principal soutien de Valadon, dont le contrat avec la galerie Bernheim-Jeune n'est pas renouvelé. En témoignage de sa reconnaissance, Valadon réalise ces deux portraits, où elle se concentre sur les visages, sans s'attarder sur l'environnement et le mobilier comme dans ses portraits précédents. La défense de l'œuvre de Valadon par le couple se poursuit bien au-delà de la mort de l'artiste. En 1971, Paul Pétridès publie L'Œuvre complet de Suzanne Valadon.
Portrait de Madame Maurice Utrillo (Lucie Valore), 1937, huile sur toile
Portrait d'une femme, 1934, huile sur toile
Les Deux Sœurs, 1928, huile sur toile
Portrait de Geneviève Camax-Zoegger, 1936, huile sur toile
La peintre Marie-Anne Camax-Zoegger contacte Suzanne Valadon en 1932 pour lui demander de participer au Salon des Femmes artistes modernes (F.A.M.) dont elle est la présidente. Valadon, réticente à être exposée uniquement avec des artistes femmes, finit par céder devant la personnalité et la renommée de sa consœur. Elle se lie d'amitié avec Camax-Zoegger et participera au Salon des F.A.M. chaque année jusqu'à son décès. Début 1936, elle demande à sa fille, Geneviève Camax-Zoegger, de poser pour elle.
Portrait de Louis Moysés, fondateur du Bœuf sur le toit, 1924, huile sur toile
Femme aux bas blancs, 1924, huile sur toile
Le Docteur Robert Le Masle, vers 1930, huile sur toile
Proche des compositeurs comme Erik Satie et Maurice Ravel, des artistes comme Marie Laurencin ou André Dunoyer de Segonzac, Robert Le Masle (1901-1970) vouait une dévotion toute particulière à Valadon. Ils se rencontrent par l'intermédiaire de Pierre Noyelle, élève de Valadon. Nait alors une amitié fidèle avec la famille (Valadon, Utter et Utrillo), qui perdurera jusqu'au décès de l'artiste.
Portrait de Nora Kars, 1922, huile sur toile
Nora Kars est l'épouse du peintre tchèque Georges Kars dont Valadon est très proche.
Femme dans un fauteuil (Portrait de Madame G.), 1919, huile sur toile
Deux tableaux de contemporaines de Suzanne Valadon :
Émilie Charmy (1878-1974,) : Autoportrait, vers 1923, huile sur carton
Repérée par Berthe Weill (1865-1961) au Salon d'Automne de 1905, l'artiste bénéficie de plusieurs expositions dans sa galerie. C'est probablement là qu'elle rencontre Valadon avec qui elle expose chez la galeriste en 1921. Les deux artistes se lient d'amitié. En 1926, Valadon lui dédicace Bouquet de fleurs dans un verre, « A E. Charmy pour son beau talent ». Toute deux participent aux Salons des Femmes Artistes Modernes dont Émilie Charmy est la secrétaire.
Marie Laurencin (1883-1956) : Portrait de la baronne Gourgaud à la mantille noire, 1923, huile sur toile
Bien qu'une génération les sépare, Valadon et Marie Laurencin fréquentent les mêmes salons et sont toutes deux très proches du Docteur Le Masle.
Pour terminer cette section,
L'Aide amicale aux artistes, Bal de l'AAAA, Gymnase municipal, 1927, affiche entoilée, impression mécanique Gaillard, Paris-Amiens
L'Aide amicale aux artistes, Bal au Moulin de la Galette, projet d'affiche, 1927, crayon gras et gouache sur carton
Nu à la palette, 1927, fusain sur papier
En 1927, l'Aide Amicale Aux Artistes, une association philanthropique qui vient en aide aux artistes en difficulté fondée en 1921, fait appel à Valadon pour réaliser l'affiche pour un bal caritatif. Valadon mélange ici le langage allégorique avec des allusions autobiographiques. La femme nue à la palette, personnification de la peinture, est un autoportrait de dos de Valadon. Les fleurs qui jaillissent de son pinceau rappellent la série de natures mortes aux vases qu'elle entreprend à la même période tandis que la sellette sur laquelle elle se tient semble faire référence à son passé de modèle.
La dernière section est intitulée Le nu : un regard féminin
Valadon s'est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l'une des premières œuvres de l'histoire de l'art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l'iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amoureuse avec André Utter. La position frontale des nus est particulièrement audacieuse. L'audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d'Utter d'une feuille de vigne. Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes.
La Joie de vivre, 1911, huile sur toile
Après Puvis de Chavanne, Degas, Renoir, Cézanne, Matisse (à qui elle emprunte le titre de son œuvre) et bien d'autres, Valadon exploite le thème des baigneuses dans un paysage champêtre. Elle donne ici une version inédite d'un regard féminin sur un thème jusque-là dominé par les hommes et destiné au regard voyeur masculin. En effet, en introduisant une figure masculine nue dans le tableau, son amant André Utter, Valadon provoque un jeu entre le regard masculin de l'extérieur du tableau (celui qui regarde habituellement les scènes de baigneuses) et celui de l'intérieur du tableau et interroge par là-même la position du voyeur.
La Petite Fille au miroir, 1909, huile sur taile
Nu au miroir, 1909, huile sur toile
Le miroir, élément indispensable pour la toilette, est de fait un motif récurrent dans les nombreuses représentations de baigneuses chez Valadon. Présenté au Salon d'Automne de 1909, Nu au miroir est l'une des premières peintures à l'huile de Valadon représentant des jeunes filles à la puberté.
Nu assis sur un canapé, 1916, huile sur toile
Les Baigneuses, 1923, huile sur toile
Vénus noire, 1919, huile sur toile
Nu au canapé rouge, 1920, huile sur toile
Nu allongé à la draperie rouge, vers 1914, huile sur toile
Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923, huile sur toile
Dans cette section aussi, quelques tableaux d'artistes contemporaines de Suzanne Valadon :
Marie Laurencin : Danseuse couchée, 1937, huile sur toile
Angèle Delasalle (1867-1939) : Femme endormie, 1920, huile sur toile
Angèle Delasalle et Valadon se connaissaient certainement. Elles sont exposées au Salon d'Automne de 1909 dans la même salle. Toutes deux sont des fidèles du Salon des Femmes Artistes Modernes. Delasalle est, comme Valadon, l'une des premières femmes à peindre des nus féminins sans sublimer leurs corps.
Jacqueline Marval (1866-1932) : Odalisque à la rose, vers 1908, huile sur toile
Jacqueline Marval partage avec Valadon ce goût pour la représentation du nu féminin contextualisé dans des postures, attitudes et décors inscrits dans un quotidien contemporain. Elles exposent toutes deux dans les mêmes Salons et sont représentées par les mêmes galeristes et marchands, Ambroise Vollard, Berthe Weill, Georges Petit.
Georgette Agutte (1867-1922) : La Japonaise nue, 1910, huile sur toile
Une salle rassemble de nombreux dessins :
Femme allongée sur un lit, vers 1916, fusain sur papier
Nu assis, 1908, fusain et pastel sur papier
Jeune fille nue appuyée sur un fauteuil, vers 1908, pastel, crayon et craie sur papier marouflé sur toile
La Toilette, 1906, pastel
La Toilette, vers 1908, pastel et crayon noir sur papier
Le Bain, 1908, fusain et pastel sur papier
La Salle de bains, 1894, dessin sur papier
Intimité, 1894, crayon gras sur papier
Trois nus, 1920, crayon gras sur papier
Nus au miroir, vers 1914, fusain et pastel sur papier
Revenons à la peinture :
Nu à la draperie blanche, 1914, huile sur toile
Jeune fille au bain, 1919, huile sur toile
Nu assis, de dos parmi des arbres, 1929, huile sur toile
Jeune femme sentant un bouquet, 1929, huile sur toile
Femme nue assise, 1921, huile sur toile
Deux figures, 1909, huile sur carton
Femme nue à la draperie, 1919, huile sur toile
Nu debout se coiffant, 1916, huile sur carton
Dans la dernière salle du parcours, un tableau d'une artiste suisse, en regard du Lancement du filet de Suzanne Valadon :
Alice Bailly (1872-1938) : Tireurs d'arc, 1911, huile sur toile de jute
Comme Valadon, Alice Bailly célèbre ici le corps athlétique de jeunes hommes nus s'exerçant au tir à l'arc. Deux femmes nues, assises de dos sur un drap blanc, assistent à la scène. L'une tend le bras, la main pointant probablement la flèche d'un tireur. Bailly inscrit les corps nus de ses personnages dans un vaste paysage aux couleurs dissonantes et aux formes géométriques, formant ainsi une image très dynamique.
Le Lancement du filet, 1914, huile sur toile
Étude pour Le Lancement du filet, 1914, fusain sur papier calque
Valadon reprend ici un classique du nu académique qu'elle détourne dans une veine contemporaine. Elle représente le corps nu de son amant André Utter lançant un filet de pêche sur le bord d'une plage en Corse. Le même geste sous trois angles différents est décliné dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes athlétiques du modèle. Célébrant la beauté d'un corps aux couleurs chaudes et sensuelles, ce nu masculin est, à cette époque, l'une des rares représentations du désir féminin pour un corps masculin. Le Lancement du filet est la dernière œuvre de Valadon consacrée au nu masculin.
Adam et Ève, 1909, huile sur toile
L'iconographie religieuse traditionnelle d'Adam et Ève se teinte ici d'une charge nouvelle, amoureuse et érotique. Valadon se peint avec son amant André Utter. Valadon ajoutera la ceinture de feuilles de vigne plus tard, sans doute à la demande des organisateurs du Salon des Indépendants de 1920, où le tableau sera révélé au public.
À la sortie de l'exposition, sans doute, dans l'esprit des commissaires, en guise de conclusion :
La Boîte à violon, 1923, huile sur toile
Réalisée à partir d'objets figurant dans l'atelier de Valadon, cette nature morte au thème inhabituel témoigne du talent de coloriste de l'artiste. Le rouge du drapé, sur lequel repose le violon posé sur une commode, contraste avec le bleu profond de l'intérieur de l'étui. Sur le rebord, un livre dont il est impossible de lire le titre, est près de tomber En arrière-plan, on aperçoit la partie basse de son monumental tableau Le Lancement du filet partiellement dissimulé par trois vases très colorés. On peut voir dans cette nature morte une représentation de la synthèse des arts (musique, littérature, art plastique et art décoratif).
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Le Musée national d'art moderne, que nous avions vu en 1977 quitter l'aile gauche du Palais de Tokyo pour s'installer dans un centre Pompidou flambant neuf, a fermé ce lundi 10 mars pour plusieurs années pour permettre la rénovation du bâtiment. Ce fut l'occasion d'en parcourir une dernière fois les allées pour partager notre nostalgie avec le lecteur.
Ce billet évoquera les petites expositions qui se tenaient régulièrement au sein même du musées. Il y en avait trois au moment de la fermeture.
Roberta González
Fille du sculpteur espagnol Julio González, Roberta González (1909-1976) naît à Paris dans un milieu artistique. Elle grandit dans l'appartement familial du quartier de Montparnasse, enclave catalane fréquentée par Pablo Picasso. D'abord classique, son art est marqué par l'influence cubiste. C'est en tant qu'artiste de l'« école espagnole » qu'elle est exposée au Jeu de Paume (Art espagnol, 1936 et Femmes artistes d'Europe, 1937). Elle se marie en 1939 avec le peintre abstrait Hans Hartung (cf nos billets du 15 février 2020 et du 25 février 2020). Ses recherches plastiques dialoguent avec celles de son père ou de son mari et ce n'est qu'après-guerre que son style s'affirme et qu'elle connait ses premiers succès personnels. Exposée par les galeristes Jeanne Bucher et Colette Allendy, elle remporte en 1949 une mention au prix Hallmark qui lui permet d'exposer aux États-Unis et en Amérique latine. À partir des années 1960, elle consacre une grande partie de son activité à promouvoir l'œuvre de son père, dont elle a donné plus de deux cents de ses œuvres au Musée national d'art moderne.
Commençons avec trois dessins d'enfants :
Tia Pilar, 1930-1933, huile sur toile
Sans titre, 1935, huile sur toile
Etude d'après Tia Pilar, avril 1940, gouache, encre de Chine, pierre noire et mine graphite sur papier bleu
Sans titre, sans date, huile sur carton
Sans titre, 1937-1938, huile sur panneau
Le Cri d'horreur, novembre 1939, encre sur papier
Femme effrayée, buste, 24 mars 1940, mine graphite et fusain sur papier
Paysanne au bâton et à l'enfant, juillet 1937, gouache, encre et mine graphite sur papier
Jour de cafard, des avions passent, 19 mars 1939, mine graphite, crayon de couleur et aquarelle sur papier
Sans titre [Maternité], 01 février 1940, gouache, encre et pastel sur papier
Maternité, 1er février 1940, gouache et pierre noire sur papier
La série de dessins de femmes réalisée pendant la guerre incarne la « mater dolorosa » espagnole et la propre angoisse de Roberta González face au chaos.
La Seconde Guerre mondiale a un fort impact sur la vie et l'œuvre de Roberta González. Sous l'Occupation, elle doit quitter Paris, où Hans Hartung, son mari de nationalité allemande, est menacé. Elle part pour le Lot dans le Sud de la France. Lorsque son père décède subitement à Paris en 1942, Roberta ne peut être présente à ses côtés. Pendant cette période, elle réalise des portraits, figures féminines et maternités, déformées et éclatées, qui portent les traces de la violence de la guerre.
Nu mélancholique, 3 août 1950, huile sur toile
L'heure exacte, 12 octobre 1950, huile sur panneau
Cette œuvre intrigante qui laisse place à l'imaginaire, fait apparaître le goût pour le clair-obscur de Roberta González. Le cercle symbolise le temps qui réunit la jeune fille dans la nuit et l'oiseau dans le jour ensoleillé. Cette dualité reflète le tiraillement qui traverse souvent son œuvre, entre la figuration et l'abstraction. La femme au centre ne sait où porter son regard: regarder du côté obscur ou du côté lumineux?
Au milieu de la pièce, une sculpture de son père Julio González, né en 1876 à Barcelone et mort en 1942 à Arcueil où il habitait (le centre municipal d'art porte son nom) :
Femme à la corbeille, 1934, fer forgé, soudé sur socle en pierre
« González pourrait être appelé le plasticien du vide. [...] La ligne d'une lame de fer simplement esquissée, amorcée, trace dans la lumière toute l'élégance d'un corps. » (Maurice Raynal) Considéré comme le père de la sculpture en fer, Julio González réalise au milieu des années 1930 une série de sculptures exclusivement linéaires, telle Femme à la corbeille. Sa fille Roberta peint, à la même période, des portraits semi-abstraits où les lignes soulignent les volumes géométriques et jouent sur les espaces pleins ou vides.
Bang Hai Ja
La Coréenne Bang Hai Ja (1937-2022) se forme à la peinture à l'huile et s'installe à Paris en 1961. Dans un premier temps, elle s'inscrit dans le courant parisien de l'abstraction gestuelle. Très tôt se forme dans sa peinture un espace où la profondeur se gagne à travers des brèches et des passages. Coulures et matériaux incrustés complexifient la texture et la couleur. Entre 1968 et 1976, Bang Hai Ja retourne en Corée et commence à expérimenter avec le papier traditionnel hanji, qui produit une texture légère, résistante et soyeuse. Elle multiplie dès lors les strates et les gestes de froissage et d'imprégnation par des pigments purs. Semblable à un seuil, l'œuvre semble peu à peu devenir une membrane suspendue entre deux mondes. Après son retour définitif en France en 1976, Bang Hai Ja partage sa vie entre Paris, Séoul et Ajoux en Ardèche. Cette présentation est constituée en majeure partie par une donation consentie au Musée national d'art moderne par la famille de l'artiste, figure singulière dans l'histoire de l'art qui relie ses deux pays.
Au coeur de la Terre II, 1960, huile sur toile
Cette peinture, une des premières abstractions de Bang Hai Ja, est présentée en France dès son arrivée en 1961 dans l'exposition "Les peintres étrangers à Paris" au Musée d'art moderne de la ville de Paris.
Sans titre, 1962, huile sur toile
Sans titre (n°11), 1970, huile, papier de verre et cuir sur toile
Installée en Corée de 1968 à 1976, Bang Hai Ja retourne toutefois fréquemment en France, où elle suit un stage à l'atelier de vitrail de l'École des arts et métiers à Paris en 1970, qui lui inspire des atmosphères picturales méditatives. Cette peinture constitue une étape importante de recherche sur la couleur et les effets de matière. En diluant le médium, Bang Hai Ja s'inscrit dans la mouvance de l'abstraction lyrique qui prône la libération du geste et de la couleur. L'ajout de cuir ou de papier de verre renforcent l'aspect tactile de cette œuvre.
Chant de résurrection, 1972, tempera et papier de mûrier sur toile
Cérémonie du dragon divin, 1975, huile, tempera, pigments naturels et papier de mûrier sur toile
Sans titre, vers 1987, pigments naturels et papier de mûrier sur toile
Sans titre, 1988, huile, pigments naturels, gouache et papier de mûrier sur toile
Univers, 1989, pigments et papiers collés sur toile
Interrogeant les mystères du cosmos, Univers s'inscrit dans un ensemble de peintures commencé en 1987. Bang Hai Ja invente des paysages astronomiques sans recourir à l'imagerie scientifique. Par son travail sur la lumière, elle se positionne dans une conception orientale de l'artiste, médiatrice entre le Ciel et la Terre.
Sans titre, 1990, pigments, pastel et papiers collés sur toile
Envols 2, 2000, pigments sur géotextile
Au début des années 1990, Bang Hai Ja crée une série de grandes toiles verticales qui s'inscrit dans de nouvelles recherches. La technique se libère de l'huile pour lier les pigments naturels à de très fines couches de papier hanji. Le geste du pinceau est peu à peu remplacé par une méthode patiente d'imprégnations des glacis pigmentés au recto et au verso du papier, produisant un éventail délicat de textures et de tonalités. La matière, aux couleurs de terre, s'allège, tandis que la construction de l'espace évoque des seuils, des portails, des brèches.
Sans titre, 1992, pigments naturels, encre de Chine et papier de mûrier sur toile
Sans titre, 1990, pigments naturels, pastel et papier de mûrier sur toile
Lumière de l'univers, 2009, pigments naturels sur géotextile
Lumière de la terre, 2009, pigments naturels sur géotextile
Souffle de lumière, 2009, pigments naturels sur géotextile
Au milieu des années 1990, Bang Hai Ja entreprend d'explorer les propriétés du tissu géotextile, offrant de nouvelles expériences chromatiques. Ce matériau de fibres recyclées permet à l'artiste de « peindre au revers » - posant le pigment par imprégnation, technique déjà utilisée sur la soie dans la peinture bouddhique de l'époque Koryo. La couleur acquiert ainsi un aspect à la fois dense et vaporeux. Les trames de motifs se forment de manière intuitive, accueillant une part d'aléatoire. Lors de son exposition à la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 2003, l'artiste a présenté ces supports enroulés suspendus, signifiant que la peinture est pour elle avant tout construction de l'espace.
De la lumière à la lumière, 2014, pigments naturels et pastel sur papier de mûrier
Cette œuvre fait partie d'une série de peintures réunissant pigments purs et feuille d'or sur papier hanji froissé, suggérant une équivalence entre matière et lumière. Ici, les froissages d'intensités variables du papier servent tantôt des gradations subtiles de texture, tantôt des contrastes tranchés entre tons chauds et froids. Telle une colonne de braises fendant le bleu du ciel, l'axe central de la composition dit une aspiration à relier les mondes. Ce motif, couplé à celui du cercle, sera investi à l'échelle architecturale dans les vitraux que l'artiste réalise pour quatre baies de la cathédrale de Chartres, inaugurés en 2022.
Joie de lumière 1, 2020, pigments sur papier coréen marouflé sur toile
Apparue au tournant des années 1980 dans son œuvre, la forme du disque est porteuse pour l'artiste de nombreuses résonances symboliques. Dans une série développée en 2020, elle froisse le papier de murier à partir du centre du support, de sorte que les plis créent un prisme, subtilement gradué de cercles concentriques.
Naissance de lumière, 2020, pigments naturels et papier de mûrier sur toile
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Liberté de l'art
Les Étoiles, Pékin, 1979
Nous terminons ce billet avec une troisième petite exposition qui met à l'honneur quatre protagonistes du groupe Xing Xing (Les Étoiles) formé à Pékin à l'été 1979. Rompant avec le système de l'art officiel, cette association de vingt-trois artistes s'est fait connaître en organisant, en septembre 1979, la première exposition d'art indépendant dans un lieu public, installant leurs œuvres à même les grilles extérieures du parc du Musée national des beaux-arts de Chine à Pékin. Par-delà l'importance de l'événement historique, ce moment catalyseur de l'art contemporain en Chine a vu s'affirmer de fortes individualités artistiques. Dans leurs pratiques respectives de la peinture, du dessin, de la gravure sur bois et de la sculpture, Huang Rui, Li Shuang, Ma Desheng et Wang Keping puisent à l'expressionnisme, au modernisme et à l'abstraction pour repenser le système visuel de la représentation et élaborer un nouveau regard sur la société. Leur parcours va de la Chine à la France, où certains d'entre eux se sont établis au cours des années 1980 et où, dès 1990, l'exposition rétrospective « Les Etoiles, 10 ans » (Chapelle St Louis de la Salpêtrière, Paris) était consacrée à leur mouvement.
Huang Rui (né en 1952, vit et travaille à Pékin et à Nanterre) :
Jeune fille à l'éventail, 1979, huile sur papier
Sans titre, 1980, huile sur papier
The Guitar's Story, 1979, huile sur toile
Courtyard Abstraction N° 1, 1983, huile sur toile
Li Schuang (née à Pékin en 1957, vit et travaille à Paris depuis 1984)
Lumière de l'espoir, 1980, huile sur toile
Le Puits des désirs, 1980, huile sur toile
Travaux pénitentiaires, 1980-1983
Li Shuang est emprisonnée entre septembre 1981 et juillet 1983 en raison de sa relation avec le jeune diplomate français Emmanuel Bellefroid, qui deviendra son époux après sa libération grâce au soutien de l'État français. Elle réalise durant sa détention plus de cinquante dessins au pastel sur des papiers de fortune. Une partie sera confisquée par les autorités avant de revenir à l'artiste en 2018. Dans les vingt-cinq feuilles ici réunies, des scènes du quotidien se mêlent à des souvenirs, des représentations symboliques et des visions surnaturelles. La facture abrupte ne révèle pas moins la mémoire des objets d'art anciens que l'artiste a côtoyé dans son enfance au Tibet.
Ma Desheng, né en 1952 à Pékin, vit et travaille à Paris :
Sans titre, 1979-1981, impressions xylographiques sur papier de riz
Poète et artiste, Ma Desheng commencer à travailler comme dessinateur technique dans une usine et consacre ses soirées à la gravure sur bois.
Plus de quatre-vingts bois gravés entre 1978 et 1981 constituent le premier socle de l'œuvre, qui explorera par la suite l'encre, la peinture et la sculpture. Cette technique avait déjà été réhabilitée en Chine dans l'art militant des années 1920-1930, inspiré par l'expressionnisme allemand. Ma Desheng la conduit vers une profonde synthèse. Pour témoigner de son temps, il embrasse le réalisme et l'allégorie, l'expressionnisme et l'abstraction, l'urbanité et la ruralité.
Terminons avec
Wang Keping, né en 1949 à Pékin, vit et travaille en France.
Femme couchée sur le dos, 1987, bois
La technique de Wang Keping repose sur un long processus d'apprivoisement de la matière naturelle. L'artiste procède d'abord à une taille grossière du bois pour définir la masse. Le bois est ensuite laissé à sécher pendant de longs mois, avant d'être sculpté en détail, puis sa surface est brûlée au chalumeau pour polir et unifier les aspérités. Dans cette œuvre, l'artiste a laissés bruts cinq départs de branches contrastant avec les volumes polis, suggestifs d'une anatomie féminine. Interdit depuis 1949 en Chine, le nu inspirera dans la pratique créatrice de Wang Keping une constante recherche formelle, tendue entre figuration et abstraction.
Silence, 1978, bois
Silence est l'œuvre la plus emblématique des débuts de Wang Keping. Cette représentation allégorique utilise la structure naturelle d'un tronc de bouleau pour faire surgir le motif d'un visage bâillonné. Un œil est grand ouvert tandis que l'autre est oblitéré d'un X, rappelant que la population chinoise, sous la Révolution Culturelle, est privée de voir autant que de parler. Présentée à la première exposition des Étoiles, Silence témoignait d'un désir d'expression spontanée et sans entraves que l'artiste résumait en ces mots : « Käthe Kollwitz est notre étendard, Picasso notre pionnier ».
Idole, 1978, bois
Dans ce visage massif coiffé d'un couvre-chef portant l'étoile à cinq branches, Wang Keping dit avoir voulu représenter Bouddha. Cette figure est chargée d'une profonde ambiguïté dans l'art engagé au tournant des années 1970 en Chine. Le « Bouddha noir » fait allusion au culte d'une personnalité despotique et symbolise la face mensongère d'un pouvoir tout autre que vertueux. Présentée au Musée national des beaux-arts de Chine lors de la deuxième exposition des Étoiles en 1980, Idole assume une mordante satire politique.
Cri, 1987, bois
Établi en France en 1984, Wang Keping entreprend d'approfondir sa technique de taille en développant une méthode de création unique qui explore les propriétés de chaque essence de bois. Fibres, veines et nœuds des troncs et des branches deviennent le point de départ de son inspiration, dont l'horizon est une saisie de la présence humaine dans son universalité. Cri fait partie d'une série de figures au visage béant, les bras dressés vers le ciel, qui semblent former un contrepoint à Silence (1978). La facture sobre, laissant apparente l'empreinte des gestes, réduit l'expression à l'énergie épurée des lignes essentielles.
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Dernière grande exposition monographique au Centre Pompidou avant sa fermeture pour une rénovation qui va durer plusieurs années.
Suzanne Valadon n’avait pas bénéficié de monographie à Paris depuis celle que le Musée national d’art moderne lui avait consacrée en 1967. Conçu par le Centre Pompidou-Metz en 2023, puis présenté au Musée d’arts de Nantes et au Museu Nacional d’Art de Catalunya à Barcelone en 2024, sous le titre « Suzanne Valadon. Un monde à soi », l’hommage à cette artiste ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps, se poursuit donc au Centre Pompidou, en 2025 avec une version enrichie de nouveaux prêts et augmentée d’archives inédites.
Une première partie intitulée Apprendre par l'observation fait allusion à ses premières années : modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprit à dessiner en observant à l'œuvre les artistes pour lesquels elle posait. Parmi ces derniers, le jeune Henri de Toulouse-Lautrec avec lequel elle a une liaison enflammée, et qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards...
Dans l'entrée, L'Acrobate ou La Roue, 1916, huile sur toile
Valadon représente souvent les corps dans des positions complexes et utilise fréquemment des cadrages qui permettent des raccourcis et des distorsions visuelles. L'Acrobate tranche cependant par son dynamisme et une grande liberté dans la touche. Avec une grande économie de moyens, le mouvement du personnage est réduit à une ligne brisée presque abstraite. Cette œuvre rappelle, tant par son contenu que par sa technique, certaines compositions d'Edgar Degas ou de Henri de Toulouse-Lautrec qui fréquentaient les cirques. Elle fait aussi écho à la biographie de Valadon, qui fut une éphémère artiste de cirque avant de devenir modèle puis peintre.
La Chambre bleue, 1923, huile sur toile
Suzanne Valadon livre le portrait d'une femme ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps. L'œuvre rappelle les représentations classiques de la figure de l'odalisque. Valadon rompt avec la tradition orientaliste du nu alangui, lui préférant un corps au repos. Sa forte stature, son bas de pyjama rayé, son attitude nonchalante et blasée lui ôtent toute forme d'érotisme.
Des autoportraits :
1883, mine graphite, fusain et pastel sur papier
Réalisé à l'âge de 18 ans, une des toutes premières œuvres qui nous soit parvenue.
1911, huile sur toile
1916, huile sur carton fin contrecollé sur toile
Autoportrait aux seins nus, 1931, huile sur toile
À l'âge de 66 ans, elle signe ici son dernier autoportrait. Délaissant les habituelles idéalisation et érotisation des corps féminins, elle se dépeint avec des traits de visage sévère, les lèvres crispées, et la poitrine légèrement tombante trahissant les premiers signes de vieillesse. Elle réalise ici le premier portrait d'une artiste âgée nue, renversant la vision esthétique privilégiée du corps féminin jeune.
Autoportrait, 1893, crayon gras sur papier
Mon portrait, 1894, encre de Chine sur papier
Autoportrait, 1903, sanguine sur papier
Dans cette section figure la première des œuvres d'artistes femmes contemporaines de Suzanne Valadon qui parsèment l'exposition.
Juliette Roche (1884-1980) : Autoportrait à Serrières, vers 1925, huile sur carton
On ne sait pas si Suzanne Valadon a rencontré Juliette Roche. Cependant, toutes deux participent aux Salons des Indépendants au début des années 1920, toutes deux exposent à deux reprises, mais jamais ensemble, à la galerie Berthe Weill en 1920.
Des toiles d'artistes pour lesquelles Suzanne Valadon a posé :
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) :
La Grosse Marie, 1884, huile sur toile
Femme tirant son bas, vers 1894, huile sur carton
Pierre Auguste Renoir (1841-1919) : La Toilette : femme se peignant, 1907-1908, huile sur toile
Jean-Jacques Henner (1829-1905) : Dormeuse ou Étude. Variante dans un paysage, après 1893, huile sur toile
Edgar Degas (1834-1917) :
Femme nue, assise par terre, se peignant, 1886-1890, pastel et fusain sur papier vergé
La Toilette après le bain, sans date, fusain
Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) : Jeunes filles au bord de la mer, vers 1879 (Version réduite du tableau présenté au Salon de 1879), huile sur toile
Précurseur du symbolisme. Puvis de Chavannes a eu une grande importance chez toute une génération d'artistes modernes. Valadon a entre 14 et 15 ans lorsqu'elle le rencontre, probablement au marché aux modèles sur la place Pigalle à Paris où l'artiste a un atelier. Durant près de dix ans, Valadon sert de modèle pour les personnages féminins, mais aussi masculins, des grandes compositions de Puvis.
Paul Cézanne (1839-1906) : Cinq baigneuses, 1877-1878, huile sur toile fine, avec une préparation blanche mixte en réserve
Exposée lors de sa rétrospective au Salon d'Automne de 1907, l'une de ces baigneuses a pu inspirer Valadon dans la réalisation de son grand tableau Joie de vivre (1911). Elle a également probablement remarqué La Joie de vivre (1905-1906) de Henri Matisse, exposé au Salon des Indépendants de 1906. Ce tableau a appartenu à Pablo Picasso dont Valadon était proche.
Henri Matisse (1869-1954) : Nu drapé étendu, 1923-1924, huile sur toile
Un dialogue étroit se noue entre Suzanne Valadon et Henri Matisse dans leurs correspondances stylistiques et leur intérêt partagé pour le nu. Entre 1921 et 1925, Matisse entreprend une série d'odalisques enchâssées dans des fonds décoratifs, dont cette toile se démarque par la grande simplification du décor. Au même moment, Valadon réalise plusieurs grands nus allongés dans des intérieurs, où se superposent de larges aplats de couleur contrastés et où la forte présence de tissus évoque le travail de Matisse.
Pour clôturer cette section, une toile de Suzanne Valadon :
Gilberte nue se coiffant, 1920, huile sur toile
Loin d'une vision éthérée des figures allégoriques sur ce thème, comme dans Les Jeunes filles au bord de la mer (1879) de son maître Pierre Puvis de Chavannes, Valadon campe ici un personnage au corps non idéalisé, enroulant une lourde mèche de cheveux. Gilberte, petite-nièce de Valadon et qui a servi de modèle à plusieurs reprises, se tient nue dans un intérieur où quelques détails évoquent l'atelier.
Dessins
C'est avec la pratique du dessin que la carrière artistique de Valadon débute. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses « dessins méchants et souples ». Le trait bien appuyé, qui cerne les corps et les objets, est la « signature » de Valadon et influence très fortement sa peinture. Le nu, en particulier féminin, est le sujet central de son œuvre graphique. Elle figure les femmes, la plupart du temps, actives, vaquant à des scènes de la vie quotidienne (toilette, bain, ménage...). Malgré leur apparente spontanéité, ces œuvres sont le fruit d'une lente élaboration, comme le montre son utilisation régulière du papier-calque. Cette technique, apprise auprès de Degas, lui permet de dupliquer et transférer ses personnages d'un support à un autre.
Mère et enfant, vers 1883, crayon gras sur papier
Utrillo enfant, 1886, sanguine et mine graphite sur papier
La Mère de Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, vers 1890, crayon sur papier
Utrillo nu et sa grand-mère assis, 1892, mine graphite sur papier calque collé sur papier
Utrillo essuyé par sa grand-mère, 1892, mine graphite sur papier calque
Utter de profil, 1911, mine graphite sur papier
Paul Mousis lisant, 1892, fusain et mine graphite sur papier
Paul Mousis et son chien, 1891, mine graphite sur carton
Portrait de Miguel Utrillo de profil, 1891, fusain et crayon sur papier
Grand-mère et Louise nue assise à terre, 1910, estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, pointe sèche sur papier vélin
Portrait de jeune fille, 1920, dessin au fusain
Utrillo pensif, 1911, fusain sur papier calque
Utrillo de face, 1925, fusain sur papier
Utrillo de trois quarts, 1925, fusain sur papier
Portraits de famille
L'œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l'exécution de portraits de ses proches. N'ayant pas les moyens d'avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. Dans Portrait de famille (1912), elle trône au centre de la composition, entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo, s'affirmant comme la véritable cheffe de famille. Les portraits familiaux de Valadon n'ont rien de complaisant. Elle peint les personnes qu'elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. Son fils, en 1909, apparaît tourmenté, le visage émacié, l'air abattu et le regard vide. Lorsqu'elle peint la famille d'Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils.
La Mère de l'artiste, 1912, recto, huile sur carton
Portraits de famille, 1912, huile sur toile
Grand'mère et petit-fils, 1910, huile sur carton
Dans ce portrait au réalisme méticuleux et sans idéalisation, dans la tradition des portraits flamands du 15° siècle, la figure de Maurice Utrillo contraste avec celle de Madeleine, la mère de Suzanne Valadon. Les moyens économes avec lesquels l'artiste représente Madeleine et le chien, comme le regard d'Utrillo, seul à être dirigé vers le spectateur, suggèrent l'effacement progressif de la grand-mère au profit d'une jeunesse triomphante. L'artiste renonce ici à toute vraisemblance spatiale. La juxtaposition des deux bustes, d'échelles distinctes, sur un fond saturé de motifs floraux et sans perspective, évoque par ailleurs la manière des primitifs flamands.
Portrait d'Erik Satie, 1892-1893, huile sur toile
Erik Satie (1866-1925) : Suzanne Valadon, 1893, encre sur papier à musique
Au début des années 1890, Valadon fréquente le compositeur Erik Satie, qui habite comme elle rue Cortot, à Montmartre. Tandis qu'il la croque à plusieurs reprises sur du papier musique, elle réalise son portrait, une de ses toutes premières toiles, qui révèle son talent précoce de portraitiste. Après six mois de relation passionnée, le couple se sépare. Dévasté, Satie compose en réaction Vexations, une partition obsédante dont le motif doit être répété huit cent quarante fois et peut durer jusqu'à vingt-quatre heures selon le tempo adopté. Retrouvée à son domicile après sa mort, l'œuvre n'a jamais été jouée de son vivant.
Portrait de Maurice Utrillo, 1921, huile sur papier marouflé sur toile
Utrillo devant son chevalet, 1919, huile sur carton
La Famille Utter, 1921, huile sur toile
Neuf ans après Portraits, Valadon renoue avec le portrait de groupe en figurant une partie de sa belle-famille dans l'étroite salle à manger de la rue Cortot. De gauche à droite, on reconnaît les deux sœurs d'Utter, Germaine et Gabrielle, ainsi que leur mère. Une certaine austérité classique se dégage de ce tableau. À gauche, seule Germaine, le corps penché, la tête posée sur sa main droite, les jambes croisées, et entourée de fleurs, tranche avec ses deux voisines, représentées raides dans leurs fauteuils. Le critique d'art Robert Rey les a comparées aux Trois Dames de Gand (vers 1800), un tableau attribué à Jacques-Louis David, conservé au musée du Louvre.
Germaine Utter devant sa fenêtre, 1926, huile sur toile
André Utter et ses chiens, 1932, huile sur toile
Chien couché, étude II, sans date [vers 1920], fusain et crayon de couleur sur papier
Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913, huile sur toile
Assise sur un fauteuil, Marie Coca, la nièce de l'artiste, se tient aux côtés de sa fille Gilberte, installée à ses pieds sur un coussin, une poupée posée sur ses genoux. La fillette fixe le spectateur, tandis que sa mère détourne le regard au loin. La construction singulière du tableau en quinconce, où le sol bascule vers le regard du spectateur et où les personnages sont projetés vers l'avant, renforce la différence de taille entre les modèles et souligne le passage de l'enfance à l'âge adulte. Valadon recourt par ailleurs au traditionnel jeu du « tableau dans le tableau », citant une estampe d'Une Répétition d'un ballet à l'Opéra (1874) d'Edgar Degas, en haut à gauche de la composition.
La Poupée délaissée, 1921, huile sur toile
On retrouve ici, huit ans plus tard, les mêmes personnages peints dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913). La mère sèche sa fille devenue adolescente tandis que celle-ci se tourne vers le miroir qu'elle tient à la main. La poupée, qui était fièrement installée sur les genoux de la petite fille dans le tableau précédent, est ici jetée sur le sol. Atteignant la puberté, la jeune fille se désintéresse de sa poupée préférant contempler son image.
Nous terminerons cette première partie du parcours de l'exposition avec des natures mortes et des paysages de Suzanne Valadon.
« La vraie théorie, c'est la nature qui l'impose. »
«La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l'eau et les êtres, me charment » écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l'associent à l'esthétique de Paul Gauguin. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.
Le Sacré-Cœur vu du jardin de la rue Cortot, 1916, huile sur toile
Le Jardin de la rue Cortot, 1928, huile sur toile
Le Château de Saint-Bernard (Ain), 1931, huile sur toile
L'Église de Saint-Bernard, 1929, huile sur toile
La Cour du Château de Saint-Bernard, 1930, huile sur toile
En 1923, Valadon et Utter font l'acquisition d'un château à moitié en ruine à Saint-Bernard, dans l'Ain. Le trio Valadon-Utter-Utrillo séjourne à plusieurs reprises dans leur « domaine féodal », parfois de façon éparpillée, au gré des disputes et des besoins d'isolement de chacun. Dans cette toile, Valadon ne présente pas de vue globale et frontale du château et opte pour un cadrage permettant davantage de jeux perspectifs où l'architecture fusionne avec la végétation, comme pour Le Jardin de la rue Cortot de 1928. La palette, la touche et la simplification des formes évoquent les paysages provençaux de Cézanne.
Chien endormi sur un coussin, vers 1923, huile sur carton marouflé sur panneau
Nature morte, 1920, huile sur carton
Sur une table recouverte d'un grand tissu à motifs, un plat d'étain chargé de fruits, un bouquet dans un vase dont on n'aperçoit pas le sommet, un pot de fleurs et une cruche sont posés côte à côte, apparemment sans organisation. Le tissu drapé et la vue plongeante rendent volontairement instable la composition. Ce tissu brodé, appelé « suzani », a sûrement été rapporté d'Ouzbékistan par son premier mari Paul Mousis, négociant en étoffes. Suzanne Valadon le représente dans plusieurs de ses toiles.
Nature morte au poisson, 1926, huile sur toile
Dans cette section, une œuvre d'une femme peintre contemporaine de Valadon, Mela Muter (1876-1907) : Les Poissons, vers 1920, huile sur toile
Les routes de Suzanne Veladon et de la peintre franco polonaise Mela Muter, de onze ans sa cadette, se sont croisées à de nombreuses reprises. Avec Erik Satie, un temps amant de Valadon et ami de Muter, chez le marchand Ambroise Vollard qui publie des gravures de Valadon et expose Muter, aux Salons d'Automne et des Indépendants où toutes deux exposent aux mêmes moments, à la Société des Femmes Artistes Modernes où elles sont présentes depuis sa création en 1931 par Marie Anne Camax Zoegger et enfin chez le galeriste Bernheim-jeune où elles participent toutes deux à une exposition collective en 1935. D'abord influencée par le symbolisme, la peinture de Muter évolue rapidement vers une facture à la touche expressionniste et aux couleurs éclatantes.
Le Canard, 1930, huile sur toile
Nature morte au lièvre, faisan et pomme, 1930, huile sur toile
Nature morte au lapin et à la perdrix, 1930, huile sur toile
Dans les années 1930, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans canards, perdrix, lapins. Elles sont réalisées lors de séjours à Saint-Bernard avec le gibier qu'Utter rapportait de la chasse.
Le Chemin dans la forêt, vers 1918, huile sur toile
L'Étable en Beaujolais, 1921, huile sur toile
Route dans la forêt de Compiègne, 1914, huile sur toile
Vase de fleurs, 1934, huile sur toile
Fleurs, 1929, huile sur toile
Bouquet de fleurs, 1930, huile sur toile
Le motif du bouquet de fleurs, présent notamment dans plusieurs portraits, devient un sujet autonome et récurrent dans les dernières années de Valadon. Souvent offertes en guise de remerciements aux proches de l'artiste, ces toiles se caractérisent par un certain dépouillement que seuls quelques détails ornementaux, comme ici les motifs circulaires incisés sur la panse du vase ou encore le petit napperon, viennent contrecarrer.
Bouquet de roses, 1936, huile sur contreplaqué
Vase de fleurs sur un guéridon, 1936, huile sur toile
Nous poursuivrons dans un prochain billet le parcours de cette belle rétrospective.
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
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Une exposition originale, au Louvre, qui ramène à la lumière un peintre, il faut bien le dire, bien tombé dans l'oubli, alors qu'il a occupé le devant de la scène artistique de son vivant, et que, né fils d'esclave, son destin à lui seul suscite l'intérêt.
Guillaume Guillon Lethière a été, écrit Charles Blanc dans son Histoire des peintres de toutes les écoles (1865), « une des grandes autorités de son temps ». Né à Sainte Anne, à la Guadeloupe, en 1760, fils naturel d’une esclave d’origine africaine et d’un colon blanc procureur du roi, Guillon Lethière occupa les postes parmi les plus prestigieux du monde des arts. Il maintint tout au long de sa vie des liens étroits avec des personnalités et des artistes venus des Antilles, ainsi avec la famille Dumas – le général, lui aussi fils d’une esclave, et le jeune écrivain Alexandre Dumas. Comme nombre de ses contemporains il dut, pour obtenir des commandes, s’adapter à la rapide succession des régimes et aux retournements politiques, depuis la période révolutionnaire jusqu’à l’aube de la monarchie de Juillet.
Le titre de l'exposition fait allusion à la signature «g. guillon Le Thiere né à La Guadeloupe» qu'il appose au tableau Le Serment des ancêtres, peint en 1822 et qui constitue l'affiche de l'exposition. Peint dans le secret de l'atelier, il fut transporté clandestinement, avec la complicité de l'Abbé Grégoire, par Auguste Lethière, fils de Guillaume, qui l'offrit de la part de son père à la nation haïtienne, dont l'indépendance proclamée en 1804 ne fut reconnue par la France qu'en 1825 par Charles X contre une très lourde compensation financière.
Section 1 - Lethière : « une des grandes autorités de son temps »
- Buste en marbre de Guillon Lethière par Jean-Pierre Cortot (1787-1843)
1er prix de Rome en 1809, Cortot rejoint l’Académie de France à Rome de 1810 à 1813, sous le directorat de Guillon Lethière nommé par décret impérial en 1807 à ce poste prestigieux grâce au soutien de Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de l’Empereur Napoléon 1er.
Louis-Léopold Boilly (1861-1945) :
- Lethière et Carle Vernet, étude préparatoire pour L’atelier d’Isabey
- Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey
L’étude préparatoire à l’atelier d’Isabey, une des nombreuses esquisses peintes par Louis-Léopold Boilly, représente au premier plan le peintre Carle Vernet (1758-1836) de profil et Guillaume Guillon Lethière drapé dans une grande cape rouge. Tous deux sont en conversation. Les modèles des deux artistes se retrouvent au centre de la composition finale du tableau Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey présenté au Salon de 1798. Dans ce portrait de groupe où chacun est reconnaissable, Boilly met en scène le milieu artistique parisien.
François-Joseph Heim (1787-1865) :
- Charles X distribuant des récompenses aux artistes exposants du Salon de 1824 au Louvre, le 15 janvier 1825, 1827, huile sur toile
A la fin de sa vie, Guillon Lethière est dépassé par les nouveaux mouvements artistiques mais il demeure une personnalité importante du monde des arts. Académicien, il est au premier rang de cette cérémonie officielle, centrée autour du roi, devant le peintre Ingres. Ses amis sont là, Bidauld, Boilly, Parcier et Fontaine... Ils côtoient d'anciens pensionnaires à Rome sous le directorat de Guillon Lethière, comme David d'Angers, ou Heim lui-même. Hortense Haudebourt-Lescot, autrefois son élève, salue le roi.
Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) :
Portrait de Guillaume Guillon Lethière, dédicacé « M. DE INGRES/A MAD. LE LESCOT», 1815, graphite sur papier
Grand Prix de Rome en 1801, Ingres doit reporter son départ et n'arrive en Italie qu'en 1806. Pensionnaire de l'Académie de France à Rome sous le directorat de Guillon Lethière à partir de l'automne 1807, il noue avec lui d'excellentes relations.
Alexandre Lethière (1787-1824) et sa famille, signé et dédicacé "INGRES À/MONSIEUR LETHIÈRE / ROME 1815", graphite sur papier [Alexandre est le fils aîné de Guillon Lethière, né en 1787, hors mariage, de la liaison du peintre avec Marie-Agathe Lapôtre.)
Marie Joseph Honorée Vanzenne (1762-1838), épouse du peintre, et leur fils Lucien, 1808, graphite sur papier
Derrière eux se déploie le paysage romain duquel its sont familiers : l'église de la Trinité des Monts, l'obélisque et la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome, dont Guillaume Guillon Lethière est alors directeur et Ingres pensionnaire
Rosina Meli, épouse d'Alexandre Lethière, et leur fille Letizia, vers 1815, graphite sur papier
Anne-Louis Girodet (1767-1824) : Benjamin Rolland (1773-1855), 1816, huile sur toile
Né en Guadeloupe en 1773, le peintre Benjamin Rolland est fils d'une esclave métisse. Il est libéré par son père en 1776. Élève de Jacques-Louis David à l'École des Beaux-Arts, il devient le premier conservateur du musée de Grenoble. Guillon Lethière et Rolland se sont sans doute rencontrés chez leur ami commun, le peintre d'histoire Fortuné Dufau (1770-1821), né à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti).
Jacques-Auguste Fauginet (1809-1847) : Alexandre Dumas père (1802-1870), 1831, plâtre patiné couleur bronze
Guillon Lethière est très lié avec le général Thomas Alexandre Dumas, fils d'esclave né à Saint-Domingue (Haïti), héros des guerres révolutionnaires, ainsi qu'avec son fils, l'écrivain Alexandre Dumas (1802-1870).
Section 2 - Survivre aux bouleversements politiques
Comme nombre de ses contemporains Lethière doit, pour asseoir sa carrière, rester en vue et obtenir des commandes du pouvoir en place, s’adapter aux changements de régimes et aux bouleversements politiques de son temps. Durant la période révolutionnaire (1789-1804) il participe ainsi à des concours qui lui permettent d’obtenir des bourses, par exemple pour peindre « Philoctète » en 1798, traite des sujets en lien avec les idéaux républicains ou la propagande patriotique. Introduit dans les cercles bonapartistes, il se voit confier de grandes compositions à la gloire du Premier consul puis empereur Napoléon Bonaparte (1769-1821). Portraitiste, il bénéficie aussi de commandes privées. Sous la Restauration (1814/1815-1830), il peint des scènes qui exaltent la monarchie de retour au pouvoir, illustrant des épisodes de la vie de Saint Louis (1214-1270), ou la fondation du collège de France par le roi de France François 1er (1515-1547). Ces tableaux de très grands formats, exposés au Salon, n’ont pu être déplacés et exposés ici mais ils constituent un aspect important de son œuvre. À la fin de sa vie, avec « La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris », l’artiste cherche l’agrément du nouveau roi des Français Louis-Philippe (1830-1848) et montre sa volonté de rester en compétition et de s’adapter à l’évolution de la peinture d’histoire.
Philoctète dans l'île déserte de Lemnos, gravissant les rochers pour avoir un oiseau qu'il a tué, 1798, huile sur toile
En 1794, sous la Terreur, Guillon Lethiere participe à l'un des concours organisés par le Comité de salut public et obtient un prix de 6000 livres qui lui permet d'exécuter ce Philoctète. Achevé en 1798, le tableau de grand format est exposé au Salon, où il reçoit un bon accueil. Il est acquis par le gouvernement puis exposé à la Chambre des députés. Alexandre Dumas écrit dans ses souvenirs que son père, le général Dumas, aurait posé pour ce tableau.
Scène Antique, 1796, pointe, lavis et craie sur papier
La Patrie est en danger, 1799, huile sur toile
Portrait d’une musicienne, 1791, huile sur toile
Lucien Bonaparte contemplant sa maîtresse Alexandrine de Bleschamp Jouberton (1778-1855), huile sur toile
Le tableau est peint au retour d'un voyage en Espagne et témoigne de la relation de confiance et de connivence entre Guillon Lethière et son mécène.
Le Sommeil de Vénus, 1796, huile sur toile
Portrait d'Adèle Papin jouant de la harpe, 1799, huile sur toile
Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de Napoléon Bonaparte, 1800-1806, huile sur toile
Guillon Lethière peint plusieurs portraits officiels de Lucien Bonaparte. Celui-ci, plus intime, le présente en voyageur cultivé et élégant. La ville à l'arrière-plan représente probablement Badajoz en Espagne.
Élisa Bonaparte-Bacciochi, princesse de Lucques et de Piombino (1777-1820), 1800, huile sur toile
En 1806, Guillon Lethière reçoit la commande du portrait de l'impératrice des Français Joséphine de Beauharnais (1804-1809) pour le Salon du Président au Palais Bourbon, et de celui d'Élisa Bonaparte, sœur de l'empereur, pour le Palais des Tuileries.
La Victoire et les Génies des Arts du dessin, vers 1800, sanguine sur papier
Esquisse pour les Préliminaires de paix signées à Leoben, 17 avril 1797, vers 1805, huile sur toile
En 1804, Guillon Lethière reçoit du Corps législatif la commande d'un grand tableau commémorant la signature des préliminaires de paix à Leoben (Autriche centrale). Le sujet célèbre une victoire diplomatique du général Bonaparte en 1797 pendant les guerres révolutionnaires: cet accord avec l'Empereur d'Autriche aboutit au traité de Campo-Formio qui scella la paix. Cette esquisse prépare à l'exécution du tableau final, achevé en 1805 et placé au Palais Bourbon puis à Versailles où il se trouve toujours.
Manufacture des Gobelins, d'après Guillaume Guillon Lethière : Préliminaires de Paix signés à Leoben, 17 avril 1797, 1810-1814, laine et soie
Esquisse pour La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris, 1830-1831, huile sur toile
Guillon Lethière montre ici, à soixante-dix ans passés, sa capacité à s'adapter à l'imagerie d'un nouveau régime et à suivre l'évolution stylistique de la peinture d'histoire à sujet contemporain.
Le peintre meurt avant d'avoir pu achever la version finale de ce tableau commandé par le roi.
Section 3 - L’atelier de Guillon Lethière. Elèves femmes et Caribéens
Guillon Lethière ouvre dès 1793 un premier atelier à Paris à La Childebert, bâtiment qui regroupe plusieurs ateliers dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Après son retour de Rome en 1816, il s’établit, rue de l’Abbaye. Il enseigne aussi dans son atelier à l’Institut de France. En 1819, il est nommé professeur à l’École des Beaux-Arts, consécration dans sa carrière officielle. Il accueille notamment des élèves qui viennent de la Guadeloupe ou des Caraïbes, comme Eulalie Morin (1765-1852) ou Jean-Baptiste Gibert (1803-1883).et reçoit dans son atelier privé plusieurs élèves femmes ; cette pratique est courante et bien admise dans la première moitié du 19e siècle, époque particulièrement favorable à la formation des artistes femmes.
Cette salle évoque les élèves peintres femmes, en particulier Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845), et Eugénie Servières (1783 – 1855), probablement les plus douées. Il y eut aussi de nombreux autres élèves, comme Louis Boulanger (1806-1867) ou Théodore Rousseau (1812-1867).
Eugénie Honorée Marguerite Servières (1766-1865) : Inês de Castro et ses enfants
se jettent aux pieds du roi Alphonse pour obtenir la grâce de Don Pedro, 1822, huile sur toile
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Autoportrait, 1825, huile sur toile
Guillaume Guillon Lethière : Une femme appuyée sur un portefeuille, 1799, huile sur toile
Exposé au Salon de 1799, ce portrait représente très vraisemblablement Eugénie Servières (1783-1855) vers l'âge de 16 ans. La jeune femme est la belle-fille du peintre, la fille de son épouse, Marie-Honorée Vanzenne (1762-1838), et du premier mari de cette dernière, Pierre Charen (décédé en 1792). Formée dans l'atelier de Guillon Lethière, elle devint une peintre accomplie et eut un atelier où elle forma à son tour des peintres femmes. Le fond neutre et le naturel du visage rappellent les portraits néoclassiques du peintre Jacques-Louis David (1748-1825).
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Voyage de noces, 1825, huile sur toile
Peintre d'histoire et de scènes de genre, portraitiste, Hortense Haudebourt-Lescot est la filleule d'un ami du père de Guillon Lethière originaire de la Guadeloupe. Elle a étudié auprès de Guillon Lethière dès l'âge de sept ans. Le peintre, qui l'invite à la Villa Médicis, a beaucoup d'estime pour son talent.
Jeanne Pauline Bouscaren, dite Jenny Prinssay (1771-1824) : Vue de la Guadeloupe, vers 1813, huile sur toile
Née Jeanne Pauline Bouscaren à Goyave en Guadeloupe, Jenny Prinssay évolue sans doute à Paris dans un cercle antillais proche de Guillon Lethiere, mais leurs liens ne sont pas documentés. Paysagiste, elle expose à partir de 1801. Cette vue de la Guadeloupe à été présentée eu Salon de 1814.
Section 4 - Le classicisme et Poussin : des modèles pour Lethière
Au début de sa carrière, Lethière est en phase avec la réaction néoclassique qui vise à revenir à la solennité des modèles antiques et des artistes qui s’en sont inspirés depuis la Renaissance. Dans les années 1810 et 1820, il oriente ses recherches dans des directions différentes, et son style se rapproche parfois de tendances préromantiques. En dehors des commandes de l’État, il est resté attaché aux sujets tirés de la mythologie, de l’histoire et des textes antiques, ou de la littérature classique, se détourant du sujet moderne. Dans une lettre au peintre François-André Vincent (1746-1816) en 1813, il défend le « feu sacré du beau » : « les sujets de batailles modernes n’offrent guère d’intérêt que celui qui leur est propre sans doute, mais des habits bleus, des bottes, des guêtres, des gants, des fusils… ne forment guère au sublime et il y a
loin d’un hussard à l’Apollon du Belvédère… ».
Le modèle absolu demeure à ses yeux le peintre Nicolas Poussin (1594-1665), pour qui il a une
immense admiration, et dont il acquiert lors de son directorat à l’Académie de France à Rome l’un des derniers chefs-d’œuvre, « Apollon amoureux de Daphné ». À la fin de sa vie, Lethière est jugé sévèrement par la critique, comme le tenant d’un classicisme dépassé par les nouveaux courants artistiques.
Nicolas Poussin (1594-1665) : Apollon amoureux de Daphné, 1663-1664: huile sur toile
Ce tableau. est considéré comme le dernier tableau de Poussin, inachevé. Sa signification profonde reste mystérieuse. Il a été donné par le peintre au cardinal Camillio Massimi (1620-1677). Guillon Lethière l'acquiert au Palais Massimi à Rome, durant son directorat à la Villa Médicis.
La Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ, 1784, huile sur toile
Élève du peintre Gabriel-François Doyen (1726-1806), Guillon Lethière concourt trois fois pour le Grand Prix de Rome. Pour sa première participation en 1784, le sujet de l'épreuve est tiré de l'Évangile selon saint Matthieu. Guillon Lethière est classé deuxième, après Jean-Germain Drouais (1763-1788) et Louis Gauffier (1762-1801) - premiers à égalité.
La Mort de Camille, 1785, huile sur toile
En 1785, le concours du Prix de Rome a pour sujet un épisode de l'histoire mythique de Rome, la mort de Camille. Classé à nouveau second, Guillon Lethière peut néanmoins l'année suivante obtenir une bourse de pensionnaire grâce à divers soutiens politiques.
Herminie et les bergers, 1795, huile sur toile
Carlo et Ubaldo dans le jardin d'Armide, vers 1815-1820, huile sur toile
Le Jugement de Pâris, 1812, huile sur toile
Située dans un paysage idéal, inspirée des modèles classiques du peintre Nicolas Poussin, cette ambitieuse composition est peinte à Rome en 1812. Guillon Lethière y adopte un style gracieux et raffiné, loin d'un héroïsme sévère et guerrier.
La déesse de l'amour, Vénus, demandant au dieu des forgerons, Vulcain, de forger des armes pour son fils Énée, 1822, pierre noire, graphite, plume et encre brune et grise, lavis bleu et brun sur papier
Critias et Théramène, 1789, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc sur pierre noire
Vénus et Adonis, avant 1817, huile sur toile
La Condamnation de Rhea Silvia par Amulius, vers 1822, huile sur toile
Homère chantant son Iliade aux portes d'Athènes, 1814, huile sur toile
Vue du château de Genazzano dans les États romains, 1819, huile sur toile
Et pour clore cette section, un tableau de Jean-Baptiste Adolphe Gibert (1803-1883) :
La Mort d'Adonis, 1829, huile sur toile
Né en Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre, Gibert a été élève de Guillon Lethière à l'École des Beaux-Arts. En 1829, il remporta avec ce tableau le Prix de Rome du paysage historique.
Section 5 - « Brutus » et « Virginie » : les « grandes machines »
Durant son séjour de pensionnaire à l’Académie de France à Rome (1786-1791), Guillon Lethière
envisage un cycle de quatre compositions consacrées à l’histoire romaine antique. Il abandonne à l’état préparatoire « La Mort de César et Maxence défait par Constantin ». Les deux autres sujets l’occupent pendant de longues années, et aboutissent aux œuvres les plus ambitieuses et les plus monumentales de sa carrière. La critique a qualifié ces œuvres de « grandes machines », expression utilisée notamment pour les grands tableaux d’histoire de son maître Gabriel-François Doyen (1726-1806).
« Brutus », achevé à Rome en 1811, est exposé au Salon de 1812 et très admiré. C’est l’œuvre la plus célèbre de l’artiste au 19e siècle.
« La Mort de Virginie » est présentée avec succès à l’Egyptian Hall de Londres (1828), puis à Paris au Salon de 1831 où le tableau est éreinté par la critique. Le sujet héroïque, la grandiloquence et la démesure dans le sujet antique ne sont plus au goût du jour en France.
En reprenant, à la fin de sa vie, ce projet de jeunesse, et en le centrant désormais sur la figure de
Virginie, Guillon Lethière faire ressurgir une question qui est au cœur de son histoire intime et de l’histoire de son temps : celle de la liberté et l’esclavage.
Brutus condamnant ses fils à mort, 1788, huile sur toile
L'artiste a choisi un parti pris narratif, spectaculaire et théâtral, avec une foule de personnages aux réactions diverses et qui expriment des émotions variées - stupéfaction, admiration, effroi...
L'interprétation du sujet est très éloignée de celle de Jacques-Louis David (1748-1825) dont le Brutus sera présenté aux Salons de 1789 et 1791.
Comme dans les premiers dessins, le bourreau montre la tête du fils décapité à la foule. Dans les versions ultérieures, ce geste, qui pouvait être associé aux exécutions sous la Terreur (1793-1794), sera supprimé.
Trois tableaux successifs représentant La Mort de Virginie, entre 1823 et 1828
Le troisième, avec un détail, est le plus proche du grand tableau définitif.
Autre projet de "grande machine" abandonné,
La Mort de César, avant 1795, huile sur toile
Cependant, l'historien de l'art Philippe Bordes a récemment proposé d'attribuer cette esquisse supposée de Lethière au peintre Jean-Baptiste Frédéric Desmarais (1756-1816).
Les tableaux de « Brutus » et « Virginie » sont aujourd’hui exposées dans le salon Denon, en salle 701 du musée du Louvre. Nos photos en sont de qualité médiocre, car ces tableaux de très grande taille sont accrochés en hauteur et les reflets sur le vernis ne les avantagent guère.