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John Singer Sargent. Éblouir Paris

25 Octobre 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Conçue en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, l’exposition John Singer Sargent. Éblouir Paris explore pour la première fois la période la plus décisive de la carrière du peintre américain. Réunissant plus de 90 de ses œuvres qui pour beaucoup reviennent en France pour la première fois depuis leur création, elle retrace la rapide ascension  du jeune artiste dans la capitale. Arrivé à Paris en 1874 pour étudier avec Carolus-Duran, à l’âge de dix-huit ans, il y séjourne jusqu’au milieu des années 1880, lorsqu’à trente ans il s’installe à Londres, après le scandale qu’a provoqué son chef-d'œuvre au Salon, le célèbre portrait de Virginie Gautreau (Madame X). Pendant cette décennie, il réalise parmi ses plus grands chefs-d'œuvre et se distingue par son inventivité et son audace. Organisée cent ans après la mort de Sargent (1856-1925), cette exposition vise à le faire (re)découvrir en France, où il a été largement oublié, alors qu’il est célébré en Angleterre et aux États-Unis comme un des plus grands artistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Salle 1 - L’élève prodige de Carolus-Duran

John Singer  Sargent naît en 1856 à Florence, ses parents originaires de Philadelphie ayant choisi de voyager en Europe. Enfant, il parle quatre langues, excelle au piano et, dès ses douze ans, développe une passion précoce pour le dessin et l’aquarelle, notamment lors des nombreux voyages avec ses parents et ses deux soeurs. Il copie aussi des aquarelles dans l’atelier du paysagiste Karl Welsch à Rome. Déçus par le premier enseignement artistique que John reçoit à Dresde puis à Florence, les Sargent choisissent finalement de s’installer à Paris, en mai 1874, car la capitale est réputée pour ses ateliers privés et sa prestigieuse École des Beaux-Arts. Accompagné de son père, John, frappe à dix-huit ans à la porte de Carolus-Duran, peintre « réaliste » devenu portraitiste à succès. Stupéfait par la qualité de ses dessins et esquisses, le maître invite Sargent à rejoindre son atelier, fréquenté surtout par des élèves anglais et américains. En parallèle, le jeune homme réussit le concours d’entrée à l’École des Beaux-Arts.

Autoportrait, 1886, huile sur toile,

John Singer Sargent. Éblouir Paris

Faune dansant, d'après l'Antique, vers 1873-1874, craie noire et fusain sur papier
Sargent réalise ce dessin avant son arrivée à Paris, lors de ses brèves études à l'Accademia di Belle Arti à Florence. Il l'a présenté à Carolus-Duran lors de son admission à l'atelier de ce dernier.
Dessin d'ornement, 1877, fusain et crayon noir sur papier
Sargent réussit le difficile concours d'entrée à l'École des Beaux-Arts en 1874. Il y passe trois ans avec le peintre Adolphe Yvon pour maître. Lors du concours de 1877, il arrive second, un classement encore jamais atteint par un artiste américain. Ce dessin d'un piédestal de la Renaissance, qui porte la mention « élève de Carolus-Duran », lui vaut une médaille de troisième classe (la plus haute récompense attribuée cette année-là).
Lumière et ombre, vers 1874-1877, fusain sur papier
Modèle masculin debout près d'un poêle, vers 1875-1880, huile sur toile

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Modèle masculin couronné de laurier, vers 1878, huile sur toile
Jeune homme en pleine rêverie, vers 1878, huile sur toile
Tête de modèle masculin, vers 1878, huile sur toile
Ayant grandi en Italie, Sargent montre une prédilection pour les modèles de type méditerranéen comme le jeune homme représenté dans ces trois œuvres, peut-être un modèle italien.
La Jeune Mendiante, dit aussi Jeune mendiante parisienne, vers 1880, huile sur toile
Gitane, 1876 ?, huile sur toile

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Étude de buste à Lille, vers 1877, huile sur panneau
En 1877, Carolus-Duran fait découvrir sa ville de naissance, Lille, à son élève Sargent. Ce dernier y peint, au Palais des Beaux-Arts, cette étude de la mystérieuse Tête de cire, l'une des attractions de la ville. Source de fascination au XIXème siècle, son attribution n'est toujours pas déterminée, mais elle était alors donnée à Raphaël ou Verrocchio, entre autres artistes.
Le Bouffon Juan de Calabazas d'après Velázquez, 1879, huile sur toile
Don Juan de Austria, d'après Velázquez, 1879, huile sur toile
Le Porte-drapeau du Banquet des officiers de la garde civile de Saint-Georges, d'après Frans Hals, vers 1880, huile sur toile
Après ses études, Sargent, comme beaucoup d'artistes de sa génération, emboîte le pas à Carolus-Duran et Édouard Manet en faisant un pèlerinage au musée du Prado à Madrid pour y copier l'œuvre de Diego Velazquez. Il se rend aussi en Hollande accompagné de son ami Paul Helleu pour étudier Frans Hals.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

François Flameng et Paul Helleu, vers 1880, huile sur toile
Dans ce double portrait d'artistes, Sargent semble se souvenir de sa copie d'après Hals. Il y rapproche le profil de Paul Helleu (1859- 1927) et le visage de François Flameng (1856-1923), qui semble nous toiser avec malice. Helleu, que Sargent rencontre peu de temps après son arrivée à Paris, restera un ami très proche tout au long de sa vie, mais peu d'informations subsistent sur les liens qui existaient entre Sargent et Flameng, à qui le tableau est dédicacé.
Vernon Lee, 1881, huile sur toile
Vernon Lee est le nom de plume de la femme de lettres et historienne de l'art britannique Violet Paget (1856-1935). Amie d'enfance de Sargent, expatriée comme lui, leur correspondance semble une chronique de la vie de l'artiste à Paris. Sargent peint son portrait, lors d'un passage à Londres, en une séance de trois heures. Il saisit son intelligence incisive et accentue le style androgyne que son amie féministe affectionne.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Paul César Helleu, vers 1880, huile sur toile
Albert de Belleroche, vers 1883, huile sur toile
L'artiste gallois Albert de Belleroche (1864- 1944), de huit ans le cadet de Sargent, fait un bref passage dans l'atelier de Carolus-Duran. Sargent le rencontre en 1882 lors d'un dîner en l'honneur de leur maître et ils nouent une amitié pérenne.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Tête de jeune homme de profil (Albert de Belleroche), vers 1883, crayon, encre et fusain sur papier
Paul César Helleu, début des années 1880, mine graphite sur papier 

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Salle 2 - Sargent, Paris et le monde

Marqué par son enfance nomade, Sargent, bien que pleinement établi à Paris, reste un peintre voyageur qui trouve l’essentiel de son inspiration lors de ses multiples excursions en France ou dans le bassin méditerranéen (Italie, Espagne et Maroc). Il en rapporte des dessins et esquisses peintes en plein air qui lui servent à composer, dans son atelier parisien, d’ambitieuses compositions qu’il présente au Salon. Refusant d’emblée les sujets historiques, le jeune Sargent se définit très rapidement comme un peintre de la réalité et s’inscrit dans le courant « naturaliste » naissant. Pour autant, la vie moderne urbaine et industrielle ne l’intéresse pas.
Dans ses peintures « de voyage », l’artiste explore des univers géographiques et culturels variés, mais fait la part belle à des sujets ruraux ou traditionnels, tel que le motif de la danse folklorique. Souvent tributaire de stéréotypes à ses débuts, son regard gagne progressivement en originalité comme à Venise dont Sargent montre un autre visage, réaliste, sombre et populaire.
Reflet d’une préoccupation proprement « picturale », chaque tableau est pour lui l’occasion d’une étude précise d’un effet lumineux ou coloré particulier. Ces œuvres « de jeunesse » font progressivement connaître Sargent auprès du public et des critiques parisiens qui regardent de près l’éclosion d’un talent singulier.

Dans le jardin du Luxembourg, 1879, huile sur toile

John Singer Sargent. Éblouir Paris

Répétition de l'orchestre Pasdeloup au Cirque d'Hiver, vers 1879-1880, huile sur toile
Dans ce surprenant tableau, le noir et blanc s'enchevêtrent dans des touches rythmées et staccato qui semblent mimer les notations musicales.
Coucher de soleil sur l'Atlantique, vers 1876-1878, huile sur toile
Tempête sur l'Atlantique, 1876, huile sur toile
En mai 1876, Sargent, âgé de 20 ans, voyage pour la première fois aux États- Unis d'Amérique, en compagnie de sa mère et de sa sœur Emily. C'est sans doute lors du trajet retour qu'il peint cette étonnante composition qui défie les traditions de la peinture de marine.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Album d'études de marines et de croquis, vers 1874-1880, crayon et gouache sur papier
 

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

En route pour la pêche, 1878, huile sur toile
Jeune fille sur la plage, étude pour En route pour la pêche et La Pêche aux huîtres à Cancale, 1877, huile sur toile
Jeune garçon sur la plage, étude pour En route pour la pêche et La Pêche aux huîtres à Cancale, 1877, huile sur toile
À la fin des années 1870, les sujets ruraux bretons et notamment celui des pêcheurs de coquillages, sont très à la mode à Paris. Sargent, qui a séjourné en Bretagne avec ses parents, y revient en 1877. Il y réalise les nombreuses études servant à composer ce grand tableau présenté au Salon de 1878 qui lui vaut un premier succès critique.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

La Table sous la tonnelle, dit aussi Les Verres de vin, vers 1875, huile sur toile
Jeune Capriote sur un toit, 1878, huile sur toile
Dans les oliviers, à Capri, 1878, huile sur toile
À l'été 1878 Sargent voyage en Italie, notamment à Naples et Capri, destinations prisées des artistes européens. Il y trouve l'inspiration pour ce tableau qu'il expose au Salon de 1879.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Jeune femme à la jupe noire, début des années 1880, aquarelle et mine graphite sur papier vélin
Intérieur vénitien, vers 1880-1882, huile sur toile,

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Ramón Subercaseaux en gondole, 1880, huile sur toile montée sur carton
Lors de son séjour à Venise en 1880, Sargent se lie d'amitié avec Ramón Subercaseaux, diplomate chilien en poste à Paris, et peintre amateur.
Venise par temps gris, vers 1882, huile sur toile
Café sur la Riva degli Schiavoni, Venise, vers 1880-1882, aquarelle sur papier

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Fumée d'ambre gris, 1880, huile sur toile
À l'hiver 1879-1880, Sargent quitte l'Espagne et se rend au Maroc. Il exécute de nombreuses études et collecte des photographies « ethnographiques » sur les populations d'Afrique du nord. À partir de ces éléments, il imagine une grande composition pour le Salon, mêlant observation et invention. Dans le secret d'un patio immaculé, une jeune femme maquillée au khôl et au henné, parée de bijoux berbères en argent, capture les exhalaisons d'un brûle- parfum d'où émane une fumée d'ambre gris. Sargent compose ici une fantastique harmonie monochrome autour du blanc. Débutée à Tanger et achevée à Paris, l'œuvre est exposée au Salon de 1880.
Étude de paysanne capriote, 1879, huile sur toile
 

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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John Singer Sargent. Éblouir Paris

Jeune Capriote sur un toit, 1878, huile sur panneau
La Danse espagnole, vers 1879-1882, huile sur toile
De son voyage en Espagne, Sargent rapporte à Paris de nombreuses études qui lui permettent de peindre une toile monumentale sur le thème de la danse gitane nocturne, El Jaleo. Ce tableau est la vedette du Salon de 1883. À la même période, il peint cette œuvre, de plus petit format, où des couples dansent le tango et le flamenco sous les étoiles, au son d'un orchestre que l'on aperçoit à l'arrière-plan dans l'obscurité.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Bâtiments mauresques au soleil, 1879-1880, huile sur bois
Alhambra, Patio de los Arrayanes (cour des Myrtes), 1879, juile sur toile
Cour à Tétouan, Maroc, 1879-1880, huile sur toile

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Salle 3 - Sargent portraitiste

Quelques années après son arrivée à Paris, Sargent devient portraitiste. Entre 1877 et 1884, il envoie chaque année un portrait au Salon, afin de se faire connaître des amateurs. Ce genre artistique est alors porté par l’accroissement des demandes de la bourgeoisie. Alors que décline la « Peinture d’Histoire » et que triomphe le réalisme, l’art du portrait se voit investi d’une ambition « moderne » : représenter l’époque. Le contexte est aussi marqué d’un côté par la montée en puissance du portrait photographique et de l’autre par les innovations des impressionnistes qui représentent leurs modèles dans une activité quotidienne ou en plein air.
Dans ce contexte, le talent de portraitiste de Sargent s’affirme très vite. Le jeune peintre obtient récompenses et commandes, aussi bien d’artistes bohêmes que de riches expatriés américains ou d’aristocrates français. Il sait intelligemment flatter ses modèles, mais n’hésite pas à s’émanciper des conventions artistiques et sociales qui brident souvent l’imagination des peintres de portraits. Il peint de véritables « chefs-d'œuvre » qui exigent de longs mois de travail. Au Salon, ces peintures fascinent par leur mélange de virtuosité, de sensualité et d’étrangeté.

La section s'ouvre sur un tableau de Charles Émile Auguste Durant dit Carolus-Duran, le maître de Sargent : 
La Dame au gant, 1869, huile sur toile
Quelques années avant de devenir le maître de Sargent, Carolus-Duran connaît un vif succès au Salon de 1869 avec ce tableau, récompensé d'une médaille de deuxième classe, et acheté par l'État pour le musée du Luxembourg, une première pour un portrait moderne.

John Singer Sargent. Éblouir Paris

Portrait de Frances Sherborne Ridley Watts, 1877, huile sur toile
Une jeune amie de Sargent, américaine et expatriée comme lui, est le sujet de son premier envoi au Salon, en 1877. Le portrait est accepté et ses délicates harmonies orangées sont appréciées par des critiques importants.
Portrait d'Édouard Pailleron, 1879, huile sur toile
Portrait de Mme Édouard Pailleron (Marie Buloz), 1879, huile sur toile
Portraits de M. Édouard Pailleron et de Mlle Marie-Louise Pailleron, 1880-1881, huile sur toile
Édouard Pailleron est un homme de lettres et dramaturge en vogue sous la Ille République. Vraisemblablement séduit par le portrait de Carolus-Duran par Sargent, vu au Salon de 1879, il commande son portrait au jeune peintre. Sargent le représente en artiste, le vêtement et la pose empreints d'une nonchalante élégance, comme dans le portrait de Carolus-Duran. Les portraits de Madame Pailleron, puis de leurs enfants suivront. Leur luxueuse demeure, Quai Malaquais, où les trois portraits occupent une place d'honneur, tient lieu de vitrine au talent de Sargent auprès de l'élite intellectuelle parisienne.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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Portrait de Mme Ramón Subercaseaux (Amalia Errázuriz y Urmeneta), vers 1880-1881, huile sur toile
Amalia Subercaseaux et son époux Ramón, consul du Chili à Paris et peintre à ses heures, admirent Fumée d'ambre gris et Mme Pailleron au Salon de 1880. Surpris par la modestie de l'atelier de Sargent rue Notre-Dame des Champs, ils lui demandent de peindre à leur domicile le portrait de Madame Subercaseaux. Au Salon de 1881, et malgré la nationalité du modèle, le portrait est salué comme l'archétype de la parisienne et vaut à Sargent une médaille.
Portrait de Mme la Vicomtesse de Saint Périer (Marie Jeanne de Kergorlay), 1883, huile sur toile
Portrait de Mme Arthur O'Connor (Marguerite de Ganay), 1882, huile sur toile
Mme Arthur O'Connor est la fille du marquis de Ganay et de la riche héritière américaine Emily Ridgway, tous deux amateurs d'art. L'œuvre a quelques affinités avec le portrait de « Madame X » peint l'année suivante.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Un portrait, dit aussi Le Docteur Pozzi chez lui, 1881, huile sur toile
Samuel Pozzi (1846-1918) est une figure phare du Tout-Paris de la Belle Époque. Chirurgien et pionnier de la gynécologie. esthète et collectionneur, il est aussi réputé grand séducteur.
Portraits d'enfants, dit aussi Les Filles d'Edward Darley Boit, 1882, huile sur toile
Les filles (âgées de quatre à quatorze ans) d'Edward et Mary Louisa Boit, deux expatriés américains, sont représentées dans le vestibule de leur appartement.
 

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Portrait du maître d'armes Arsène Vigeant, 1885, huile sur toile
Arsène Vigeant était le charismatique maître d'armes du Cercle de l'Union Artistique. Il comptait parmi ses élèves Sargent, le peintre Charles Giron et Carolus-Duran, escrimeur passionné.
Ernest Ange Duez, vers 1884-1886, huile sur toile
Sargent représente son ami et voisin d'atelier devant un bouquet d'hortensias, l'un des thèmes de prédilection de Duez, qui exposait également des peintures d'histoire au Salon. 
Auguste Rodin, vers 1884, huile sur toile
Sargent et Auguste Rodin, de seize ans son aîné, commencent à se côtoyer au début des années 1880. Ils exposent en 1884 à Bruxelles avec les XX (cercle artistique d'avant- garde). Sargent participe à la promotion du travail du sculpteur en Angleterre.
Louis de Fourcaud, 1884, huile sur toile
Écrivain et critique d'art, puis professeur à l'École des Beaux-Arts, Louis de Bousses de Fourcaud est une figure de premier plan du monde de l'art français de l'époque. Il est l'un des premiers à remarquer le talent de Sargent au Salon et ne cesse ensuite de le défendre, particulièrement pendant le scandale de Madame X au Salon de 1884.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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John Singer Sargent. Éblouir Paris
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Mme Errázuriz (Eugenia Huici Arguedas), vers 1883-1884, huile sur toile
Portrait de Mme Allouard-Jouan (Emma Marie Cadiot de Montbarbon), 1882, huile sur toile
Très introduite dans les milieux politiques et artistiques, Emma Cadiot de Montbarbon est écrivaine, dramaturge, traductrice, et critique d'art sous divers pseudonymes
Un coup de vent (Judith Gautier), vers 1883-1885, huile sur toile
Ce petit tableau brossé en plein air par Sargent est l'un de ses multiples « portraits » de Judith Gauthier, fille de l'écrivain Théophile Gautier et de la chanteuse Ernesto Grisi. Poétesse, critique d'art, traductrice et spécialiste de littérature chinoise, elle défend dans la presse les envois de Sargent au Salon.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Henrietta Reubell, vers 1884-1885, aquarelle et mine graphite sur papier
Mme Paul Escudier (Louise Lefèvre), 1882, huile sur toile
Ici, Sargent poursuit ses recherches entamées à Venise: cadrage des figures dans un intérieur, effets de lumière diffus et contrastés, influence de Velázquez.
Portrait de Mme Harry Vane Milbank (Alice Sidonie Vandenburg), vers 1883-1884, huile sur toile
Sargent fait ici le portrait d'Alice Sidonie Vandenburg, veuve du marquis de Belleroche épouse de Mr Harry Vane Milbank, et mère d'Albert, jeune ami du peintre. Installée à Paris en 1871, elle organise d'importantes réceptions dans leur demeure de l'avenue Montaigne. Ce portrait, qui anticipe par certains aspects le portrait de Virginie Gautreau, est resté inachevé.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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Un succès de scandale : le portrait de Madame X

Née à la Nouvelle-Orléans d’une famille d’anciens émigrés français, Virginie Amélie Avegno (1859–1915) s’installe en France en 1867. Elle épouse l’homme d’affaires Pierre Gautreau, devient une importante figure de la vie mondaine parisienne et est reconnue comme l’une des grandes beautés de son temps. Fasciné par sa beauté atypique et fardée, Sargent la convainc de poser. Les longues séances aboutissent à un coup de maître. Sargent a 28 ans, et son modèle, 25. Conscient d’avoir peint une œuvre exceptionnelle, mais provocante, il redoute les réactions des commentateurs et des visiteurs. Dès l’ouverture du Salon de 1884, le tableau attire tous les regards et fait scandale même si une partie de la critique en reconnaît l’importance. On considère comme inconvenants la bretelle droite descendue sur l’épaule, le décolleté plongeant, le maquillage trop prononcé du modèle et son profil jugé hautain. Sargent repeindra ultérieurement la bretelle sur l’épaule et gardera le portrait dans son atelier jusqu’à sa vente au Metropolitan Museum of Art en 1916, après le décès de Virgine Gautreau. Il rebaptise alors le tableau Madame X et le désigne comme « la meilleure chose qu’il ait faite ».

Portrait de Mme Gautreau, dit aussi Madame X (Virginie Amélie Avegno), 1883-1884, huile sur toile
Étude de Mme Gautreau (réplique inachevée de Madame X), vers 1884, huile sur toile
Ce tableau inachevé est un début de réplique et non une étude pour Madame X. Sargent avait considérablement retravaillé l'original au cours de sa conception. Au vu des craquelures déjà présentes, il est possible qu'il ait entrepris cette copie « au propre » sans pouvoir l'achever à temps pour le Salon. Elle révèle l'effet qu'avait pu avoir la bretelle abaissée dans la composition initiale, et l'hésitation du peintre quant à son positionnement.
Murmures (Virginie Amélie Avegno Gautreau et une amie), vers 1883-1884, fusain et mine graphite sur papier
Etudes pour Madame X, 1883-1884, mine graphite sur papier

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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John Singer Sargent. Éblouir Paris
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Salle 4 - Après Paris, Sargent et la France

Après une ascension fulgurante, le scandale de Madame X ébranle la trajectoire de Sargent. Pourtant, il ne quitte pas immédiatement Paris, et Mme Gautreau n’est pas ostracisée. Il achève des commandes de portraits et continue d’exposer au Salon. Sargent se partage entre Paris et Londres jusqu’en 1886, date à partir de laquelle il s’installe définitivement dans la capitale britannique. Mais ses liens avec la France restent forts : il conserve des amitiés fidèles (Helleu, Belleroche), en noue de nouvelles (Gabriel Fauré, Winaretta Singer) et se rapproche surtout de Monet.
Il voue au peintre une grande admiration et réalise pendant cette période les oeuvres parmi les plus « impressionnistes » de sa carrière : sa touche devient plus esquissée et ses couleurs plus lumineuses. En 1889, aux côtés du peintre de Giverny il mène une campagne active pour qu’Olympia de Manet soit acquis par la France. La même année, il triomphe lors de l’Exposition Universelle de Paris, à laquelle il participe dans la section américaine. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur et reçoit une médaille d’Honneur.


Portrait de Mme Henry White (Margaret Stuyvesant Rutherfurd), 1883, huile sur toile
« Daisy » Rutherfurd est l'épouse de Henry White, diplomate en poste à Paris. Ce portrait « en blanc » daté de 1883 est conçu en parallèle du portrait « en noir » de Virginie Gautreau. Sargent imaginait d'ailleurs de les présenter ensemble au Salon. Finalement Mrs Henry White figurera au Salon de la Royal Academy à Londres. 

John Singer Sargent. Éblouir Paris

Portrait de la princesse de Scey-Montbéliard (Winnaretta Singer), 1889, huile sur toile
Lors de son séjour à Paris pour l'Exposition Universelle de 1889, Sargent peint l'américaine Winnaretta Singer, princesse de Scey-Montbéliard, héritière de la fortune de l'entreprise de machines à coudre Singer. Avec son second époux, le prince et compositeur Edmond de Polignac, elle compte parmi les plus grands mécènes des arts de l'époque et participe à la souscription pour l'Olympia de Manet.
Gabriel Fauré, vers 1889, huile sur toile
Gabriel Fauré et Sargent se rencontrent vers 1886. Sargent se passionne pour la musique du compositeur, qu'il joue avidement et qu'il soutient. Fauré lui offrira le manuscrit de son quintette pour piano et cordes n°2, op. 115 en remerciement. Ce portrait inspiré et animé de Fauré est vraisemblablement peint lors du passage de Sargent à Paris pour l'Exposition Universelle.
 

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Fête familiale, dit aussi La Fête d'anniversaire, vers 1885 (?), huile sur toile
Ce tableau étonnant de Sargent représente son ami le peintre français Albert Besnard, aux traits à peine esquissés, et sa femme, la sculptrice Charlotte Besnard, fêtant l'anniversaire de leur fils Robert.
Le Verre de porto, dit aussi Après le dîner, 1884, huile sur toile
Albert et Edith Vickers, importants commanditaires et amis de Sargent au milieu des années 1880, l'encouragent à s'installer en Angleterre. L'artiste les montre ici dans leur propriété de Lavington (West Sussex), à la fin du repas éclairé à la lampe. Sargent expose ce petit tableau à l'Exposition internationale de peinture à la galerie Georges Petit en 1885, aux côtés de Monet et Rodin.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

Portrait de Mme Kate A. Moore (Katherine Robinson), 1884, huile sur toile
Étude en plein air, dit aussi Paul Helleu dessinant auprès de son épouse, 1889, huile sur toile
Sargent restera toujours très proche de Helleu, dont il promeut l'art outre-Manche et outre-Atlantique, où l'artiste français connaîtra un certain succès. À l'été 1889, Helleu et sa femme Alice Guérin lui rendent visite à Fladbury, dans le Worcestershire, où ce double portrait est peint en plein air.
Claude Monet peignant à la lisière d'un bois, vers 1885, huile sur toile
Sargent aurait rencontré Monet pour la première fois pendant la deuxième exposition impressionniste, en 1876, date à laquelle il découvre son art avec un enthousiasme débordant. Il possédera quatre tableaux de sa main. Il le peint ici au travail, sur le motif, avec sur son chevalet Prairie et meules près de Giverny (1885, Museum of Fine Arts, Boston). Sargent qui adopte lui-même une technique impressionniste pour représenter son ami conservera ce petit tableau toute sa vie.

John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris
John Singer Sargent. Éblouir Paris

En guise d'épilogue, l'exposition se termine sur un tableau appartenant au musée d'Orsay : au plus fort du scandale causé par Madame X au Salon de 1884, certains critiques notent : « patience, M. Sargent ne se trompera pas toujours ; il est homme à prendre avant peu une revanche éclatante ». Celle-ci survient au Salon de 1892, avec le flamboyant portrait d’une autre « femme fatale », la danseuse espagnole Carmencita. Sa pose altière et son visage maquillé, l’évocation de son numéro de danse andalouse, ravivent le souvenir des audaces de El Jaleo et de Madame X. L’œuvre est largement admirée et est finalement achetée par l’État pour le Musée du Luxembourg (« musée des artistes vivants »). Une première pour un portrait de Sargent, qui n’a alors que 36 ans, et est déjà reconnu comme un « maître » moderne.
Les années suivantes, depuis Londres, Sargent entretient encore des liens avec le monde de l’art français, participe au Salon jusqu’en 1905 et voyage en France jusqu’en 1918. Il meurt en 1925, un livre de Voltaire à la main. Sargent est alors un peu oublié à Paris. Seul Le Gaulois met sa nécrologie à la une :
« cet Américain, né à Florence, qui aimait la France et qui vécut à Londres, s’était d’ailleurs aux années de sa jeunesse bien déclaré des nôtres ».

La Carmencita, vers 1890, huile sur toile
Collection Musée d’Orsay, achat à John Singer Sargent, 1892

John Singer Sargent. Éblouir Paris
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Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

18 Octobre 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Suite à la fermeture du Centre Pompidou, le Grand Palais rénové a abrité deux expositions depuis le mois de Juin. Nous avons déjà rendu compte dans nos billets du 13 septembre  et du 27 septembre 2025 de celle consacrée à Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten. L'autre, qui vient de s'achever, présentait des pièces de l"importante collection (mille œuvres) d'Art brut donnée au Centre Pompidou en 2021 par le cinéaste et collectionneur Bruno Decharme.

Pour le lecteur peu familier avec cette notion, "L'Art Brut" est un concept forgé par Jean Dubuffet dans les années 1940. Il désigne des œuvres créées par des artistes en dehors des circuits traditionnels de l'art, souvent issus de contextes marginaux. Ces artistes, isolés socialement ou psychiquement, n'ont pas été influencés par la culture artistique conventionnelle, mais leur production artistique porte en elle une profonde richesse symbolique et une relation particulière avec le monde. 

L'exposition propose un parcours en 11 sections, mais il nous semble au dessus de nos forces de suivre pas à pas, et nous nous contenterons de laisser le lecteur, comme nous-même, en découvrir les multiples facettes.

Hans-Jörg Georgi (Né en 1949) : sans titre, 2021-2024, carton découpé et collé, 120 × 220 × 222 cm

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Melina Riccio (Carmela RICCIO, dite), née en 1951 en Italie : sans titre, vers 2010, plastique, métal, papier, feutre, stylo à bille et tissu brodé
Melina Riccio est modéliste quand elle décide de rompre avec une vie qu'elle juge corrompue. Elle voyage alors de ville en ville et peint de courts poèmes sur les murs. Elle brode également certains de ses écrits sur des tissus qu'elle récupère au hasard de ses errances.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Anselme Boix-Vives (1899-1969) :
Châtelaine espagnole, 1962-1969, gouache sur carton
Sans titre, 1er avril 1969, ripolin et gouache sur toile
Né en Espagne, Anselme Boix-Vives migre en France dès ses 18 ans. Il ouvre un commerce de fruits et légumes à Moûtiers, dans la vallée de la Tarentaise en Savoie. Il commence à militer pour la paix à partir de 1957. Retraité en 1962, il peint ses sujets favoris, parmi lesquels les rois, les chatelaines, les vedettes de la télévision...

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Miguel Hernández (1893, Collado del Mirón. Espagne-1957, Paris) : sans titre, 1954, huile sur toile
Miguel Hernández collabore à des revues anarchistes. La victoire de Franco le force à quitter l'Espagne, sans sa jeune épouse, à qui il demande de ne pas le suivre dans l'exil. Hernández ne la reverra jamais - cependant sa peinture l'évoque, tel un rêve obsédant.

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Fleury Joseph Crépin (1875. Hénin-Liétard-1948, Montigny-en-Gohelle) : sans titre, 1941, huile sur toile
Quincailler, plombier zingueur, mais aussi sourcier, Fleury Joseph Crépin est initié au spiritisme à l'âge de 56 ans. Un temps guérisseur, c'est en 1938 qu'il commence à peindre des temples aux allures orientalisantes. Chaque tableau est précedé d'une esquisse crayonnée qu'il transpose.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Charles A.A. Dellschau (1830, Berlin-1923, Houston. Texas) : sans titre, 1921, gouache, encre, vernis sur sachets d'emballage reliés sur onglets en papier journal et ficelle de boucher (ouvrage de 158 pages)
Charles A.A. Dellschau émigre au Texas dans les années 1850. Il se marie, a deux enfants et devient boucher. A sa retraite, il confectionne douze livres, retrouvés dans la rue dans les années 1960. Les pages de trois d'entre eux ont été éparpillées. Les neuf autres livres intacts sont conservés dans des musées, dont le dernier au Centre Pompidou.

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Emery Blagdon (1907-1986, Callaway. Nebraska. États-Unis) :
Sans titre, 1956-1986, 4 éléments, bois, métal (cuivre, aluminium), fibres végétales, ruban adhésif papier, film plastique et peinture
Sans titre, 1956-1986, clous, fils de cuivre, plastique, nacre, pierres, paillettes, boutons, peinture et crayon graphite sur contreplaqué sur podium
Rocket, 1956-1986, assemblage d'éléments de récupération, bois, métal (cuivre, aluminium), ruban adhésif papier, plastique, film plastique, verre, condensateurs chimiques, batterie
Sans titre, 1956-1986, métal (cuivre, aluminium), ruban adhésif papier, corde, plastique tissu
En 1954, Emery Blagdon hérite de la ferme de son oncle. La vente d'une partie de la propriété lui permet de travailler à son grand-œuvre, qu'il installe dans un hangar : une machine géante, «guérisseuse», faite de centaines d'assemblages et de quatre-vingts tableaux, chargée d'une énergie élec- trique d'où émane une aura salvatrice.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Harald Stoffers (né en 1961 à Hambourg. RFA) : sans titre, 2005-2012, feutres noir et rose sur papier
Harald Stoffers passe ses journées à écrire sur de petits formats aussi bien que sur des rouleaux de papier pouvant dépasser plusieurs mètres, mis à sa disposition par l'atelier qui l'accueille. La relative pauvreté de son vocabulaire l'amène à des stratagèmes de communication bien plus riches que la langue commune.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Emmanuel Derriennic, dit Emmanuel le Calligraphe (1908, Guingamp- 1965, Quimper) :
Sans titre, vers 1960, aquarelle et encre de Chine sur carton
Sans titre, vers 1960, aquarelle et particules de produits pharmaceutiques sur toile cirée
Emmanuel Derriennic est aide-comptable lorsque, vers l'âge de 50 ans, il commence à souffrir d'hallucinations et est interné à l'hôpital de Quimper. Là, il dessinera à l'encre de Chine une centaine d œuvres qu'il définira lui-même comme « de la broderie bigoudenne qui viendrait de Mandchourie ».

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Palanc (Francis Palanque, dit) (1928-2015. Vence. France) : sans titre, vers 1955, coquille d'œuf pilée, sucre et caramel sur isorel
Dès ses 16 ans, Palanc rejoint la pâtisserie familiale. Vers l'âge de 19 ans, il élabore un système alphabétique qu'il nomme « écriturisme ». Dans un petit traité, L'Autogéométrie, il met en évidence l'influence secrète de la géométrie sur la vie mentale et affective des individus.

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Laura Jo Pierce (née en 1954. à Oakland. Californie) : sans titre, sans date, bandes de tissu cousues, feutre noir, corde
Laura Jo Pierce entre au Creative Growth Art Center en 1988. Écrivant de manière compulsive, elle utilise le plus souvent le papier mais aussi, comme pour cette œuvre, des bandes de tissu, qu'elle coud entre elles pour créer un récit fractionné, à l'incohérence peut-être seulement apparente.

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Jean Fick (né en 1876 à Spittel in Lothringen - actuelle L'Hôpital, France), mort en 1958 à hôpital psychiatrique de Lorquin. France) : Fick Jean Ambasadeur Mondieu N.23 A.† L., 1941-1948, gouache, encre, mine graphite, crayon permanent, gomme arabique et collage de papier gouaché, papier couché et papier cristal coloré 
Gravement blessé à la tête en 1917, Jean Fick est interné à Sarreguemines. Il est transféré au début de la Seconde Guerre mondiale à l'hôpital de Cadillac, en Gironde, où sévit une famine meurtrière dont il sera l'un des rares pensionnaires à survivre. De cette vie de douleur, il laisse un petit carnet au contenu énigmatique.

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Auset, 19 siècle, France : sans titre, vers 1880, ardoises gravées
Six ardoises ont été retrouvées à ce jour.

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Carlo Zinelli (1916, San Giovanni Lupatoto. Italie-1974. Chievo, Italie) :
Sans titre, vers 1964, gouache sur papier
Sans titre, vers 1967, encre et gouache sur papier
Traumatisé par la guerre d'Espagne, et souffrant d'angoisses qu'avive le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Carlo Zinelli est interné en 1947. Dix ans plus tard au sein d'un atelier, il commence une longue odyssée picturale où les images de ses souvenirs se mêlent au rythme percussif des mots et des signes.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Zdeněk Košek (1949-2015, Duchcov, République Tchèque) : sans titre, vers 1990, encres noire, bleue et rouge, feutre, mine graphite, crayon de couleur et stylo à bille sur papier (70 dessins issus d'un carnet à spirale)
Zdeněk Košek est peintre. À la fin des années 1980, une grave crise psychique le conduit à penser que s'il ne note pas tout ce qui se passe autour de lui, le monde risque de s'effondrer. Il va dès lors produire une œuvre inspirée, visionnaire, radicalement différente de sa production antérieure.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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L.C. Spooner (Lee Cordova Spooner, dit) 1863-1955, États-Unis :
Self-Propelling Combination Vehicle (Véhicule combiné autopropulsé), 25 avril 1914, mine graphite, encre et papier collé sur papier imprimé entoilé
Invalid Chair (Chaise d'invalide), 30 avril 1912, encre et mine graphite sur papier collé sur carton
L.C. Spooner est avocat mais également ingénieur autodidacte, comme le montre par exemple cette «machine à vendre des cigares» pour laquelle il dépose un brevet en 1904. Il colle tous les dessins de ses inventions sur les pages d'un catalogue de mode, aujourd'hui éparpillé.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Joseph Giraudo (1904, Région du Piémont, Italie-1991. Bois-Colombes, France) :
Nouveau calcul du kilométrage de l'année en vitesse de la lumière [Rouleaux de calculs préparatoires, 1962-1975], 1962-1990, encre, mine graphite, ruban adhésif sur papier
Ensemble de pièces concernant l'établissement de salaisons Giraudo à Gennevilliers ainsi que des objets personnels, vers 1950-1960, techniques mixtes
Joseph Giraudo a 58 ans quand il découvre, stupéfait, que le calcul de l'année-lumière est approximatif : « environ » 9461 milliards de kilomètres. Bien décidé à réparer cette faute, il remplit pendant vingt-neuf ans des rouleaux de papier comprenant des milliers de calculs. Mais si ceux-ci sont exacts, leur manque de fondement scientifique les rend caducs.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Jean Perdrizet (1907, Villers-la-Faye, France-1975, Digne-les-Bains, France) : La Tour logarithmique, 27 mars 1972, ronéotype, stylo à bille, feutre, crayon de couleur et tampon sur trois feuilles de papier collées ensemble, papier plié, timbré et envoyé par courrier
Grâce à son diplôme d'adjoint technique de l'École nationale des ponts et chaussées, Jean Perdrizet intègre l'entreprise Électricité de France (EDF). Mais, trop instable, il ne peut travailler longtemps. Pour autant, les intuitions de cet inventeur « en chambre » font aujourd'hui l'admiration des cybernéticiens.

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Johannes Stek (né en 1935 en Allemagne) : sans titre, vers 2000, stylo à bille et crayon de couleur sur papier
Ouvrier métallurgiste, Johannes Stek vit dans la précarité, sans télévision ni radio. Il consacre tout son temps libre à dessiner divers moyens de locomotion dont les subtils mécanismes semblent flotter dans l'espace.

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George Widener (né en 1962 à Covington. Kentucky. États-Unis) 
Blauer Montag (Lundi bleu), 2006, encre, feutre, gouache et tampon sur papier
Sunday's Crash (Le Crash du dimanche), vers 2000, encre et gouache sur papier (nappe)
L'enfance de George Widener est marquée par le décès prématuré de son père et par l'alcoolisme de sa mère. À 17 ans, il devient technicien à l'U.S. Air force. Diagnostiqué autiste Asperger, il doit interrompre sa carrière. Mais de ce syndrome il fait une force. En jonglant avec les dates qu'il ordonne dans ses carrés magiques, il trouve une cohérence au monde.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)
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Katsuya Kitano, né en 1976 à Kobe, Japon : ensemble de 1000 peluches, tissu polyester et coton
Katsuya Kitano est auteur de sketchs humoristiques pour la télévision. Angoissé et en continuelle quête de perfection, il soupire à longueur de journée. Il conçoit alors mille sachets pour contenir ce trouble, selon le précepte que «1000» correspond à l'achèvement d'un cycle. Hélas, à ce jour, la magie n'a pas opéré.

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Riona Morikawa, née en 1997 au Japon : sans titre, sans date, encre sur papier
Riona Morikawa note tout: les anniversaires, les voyages, mais aussi des choses prosaïques, tels les numéros de plaques d'immatriculation, qui retiennent particulièrement son attention.

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Yumiko Kawaï, née en 1979, préfecture de Shiga. Japon : sans titre, 2005-2010, broderies de fils de laine et de coton sur toile de coton et de laine
Yumiko Kawaï pratique la broderie au sein de l'atelier Yamanami. Dessinant d'abord une succession de cercles, c'est seulement ensuite qu'elle leur substitue des broderies. Ce processus peut durer des mois.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Et puisqu'il faut marquer une pause dans ce parcours déconcertant mais riche de créativité :

Yuichi Saito, né en 1983 au Japon : sans titre, vers 2005, encre sur papier
C'est à l'âge de 19 ans que Yuichi Saito commence à recopier les titres de ses programmes de télévision préférés, les métamorphosant en fantômes, nuages ou grains de poussière.

Art brut - la donation Decharme au Centre Pompidou (I/II)

Nous poursuivrons la visite de cette exposition dans un prochain billet.

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Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

11 Octobre 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Une très belle exposition vient d'ouvrir à l'Orangerie, dans la lignée de celles que ce musée a déjà consacrées à des marchands d'art (voir par exemple notre billet du 19 octobre 2024

En 1901, Berthe Weill ouvre une galerie au 25 rue Victor-Massé, dans le quartier de Pigalle, en bas de Montmartre. Elle choisit alors de s’engager aux côtés des artistes de son temps, en contribuant à leur révélation puis à l’essor de leur carrière, malgré des moyens limités. Parmi eux se trouvent certains des plus grands noms des avant-gardes, comme d’autres aujourd’hui moins en vue. Avec un enthousiasme et une persévérance sans faille, elle a été leur portevoix et les a soutenus pendant près de quarante ans, jusqu’à la fermeture de sa galerie en 1941, dans le contexte de la guerre et de la persécution des Juifs. Dès 1933, elle avait publié ses souvenirs de trois décennies d’activité sous le titre Pan ! Dans l’œil…, faisant œuvre de pionnière de ce genre littéraire.

Section 1 

Elle est sous-titrée comme les suivantes par une citation du livre Pan ! Dans l'œil « Ma résolution est inébranlable ; on verra bien ! »

Berthe Weill, née à Paris dans une modeste famille juive d’origine alsacienne, est placée en apprentissage, très jeune, auprès de Salvator Mayer, un marchand d’estampes renommé. Elle apprend le commerce des œuvres d’art et rencontre les différents protagonistes de la scène artistique parisienne, ainsi que de nombreux collectionneurs. Peu après le décès du marchand en 1897, elle s’associe avec l’un de ses frères pour ouvrir une boutique d’antiquités et d’objets d’art au 25 rue Victor-Massé dans le quartier de Pigalle, alors épicentre du Paris nocturne, des théâtres et des cabarets. Cette adresse se trouve en bas de Montmartre, où beaucoup d’artistes d’avant-garde vivent et travaillent, souvent dans une grande précarité. Sans ressources financières importantes, elle diversifie les activités de sa galerie pour trouver des solutions économiques viables. Elle vend des livres et expose des gravures d’artistes aux côtés d’œuvres d’illustrateurs et de caricaturistes tels Jules Chéret et Théophile Steinlen. Berthe Weill commence à se faire une réputation. Alors que l’antisémitisme virulent qui s’exprime en cette fin de XIXe siècle s’incarne dans l’affaire Dreyfus et divise dangereusement la France, elle prend position avec courage en exposant dans sa vitrine des volumes et dessins originaux en faveur d’Alfred Dreyfus et de son défenseur, Émile Zola.

Jules-Alexandre Grün (1868-1938), Chaix (imprimeur) : La Boîte à Fursy 12 rue Victor-Massé, ancien bôtel du Chat noir, 1899, lithographie
Leonetto Cappiello (1875-1942), Vercasson (imprimeur) : Odette Dulac, 1901, lithographie en couleur

Des affichistes et caricaturistes sont présentés dans la galerie qui se situe dans la même rue que la Boîte à Fursy, salle de spectacle et de fêtes ouverte en 1899.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Section 2

« J'achète les trois premiers Picasso »

En 1900, Pere Mañach, le fils d’un industriel catalan, s’est établi comme marchand de tableaux à Paris, où il s’est donné pour mission de promouvoir la jeune génération espagnole. Il présente Berthe Weill à Picasso, tout juste arrivé de Barcelone. Elle lui achète des œuvres dès ce moment et repère dans l’atelier Le Moulin de la Galette, première grande toile que le peintre de vingt et un ans exécute à Paris. Elle la vend à un prix important pour un si jeune artiste. Ainsi, elle réalise une quinzaine de ventes, avant même l’exposition « Picasso » à la galerie d’Ambroise Vollard l’année suivante.
En 1901, à trente-six ans, Berthe Weill, aidée par Mañach, transforme sa boutique, qui devient la « Galerie B. Weill » – son prénom n’est pas mentionné, sans doute pour faire oublier qu’elle est une femme. Elle est officiellement inaugurée le 1er décembre avec une exposition qui rassemble diverses œuvres très récentes de Pierre Girieud, Fabien Launay et Raoul de Mathan, ainsi que des terres cuites d’Aristide Maillol, qui rencontre peu de temps après le succès pour ses bronzes.
Le critique d’art Gustave Coquiot signe une préface pour le premier catalogue. Berthe Weill, qui repère les talents émergents dans le vivier des Salons, les encourage à se présenter à sa galerie, se constituant ainsi une notoriété de découvreuse.

Pablo Picasso (1881-1973) : La Mère, 1901, huile sur carton monté sur panneau de bois

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Pablo Picasso :
Nature morte, 1901, huile sur toile
La Chambre bleue, 1901, huile sur toile
En 1900, Berthe Weill est la toute première marchande de Picasso

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Jacqueline Marval (1866-1932) : Minerve, 1900, huile sur toile
Victorien Fabien Vieillard dit Fabien Launay (1877-1904) : Le Tournesol, 1902, huile sur toile
Présenté en 1901 à l'exposition inaugurale de la Galerie B. Weill
Meta Daux Warrick Fuller (1877-1968) : Les Malheurs, 1901, bronze
Exposé en 1901 à la Galerie B. Weill
«Mlle Warrick expose des sculptures qui promettent... qu'est-elle devenue ? » se demande Weill lorsqu'elle rédige ses souvenirs.
Cette Africaine-américaine, originaire de Philadelphie complète sa formation à Paris entre 1899 et 1902 et rencontre Auguste Rodin dont elle reçoit les encouragements. Puis elle retourne aux États-Unis où sa reconnaissance a été tardive.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Henri Matisse (1869-1954) :
Première nature morte orange, 1899, huile sur toile
Le Lit [dit aussi Ma chambre à Ajaccio], 1898, huile sur toile
« En avril 1902, je vends pour la première fois une peinture de Matisse » se souvient Berthe Weill dans ses Mémoires.
Un mot de Berthe Weill à Matisse rédigé sur une carte de la galerie.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) : Clownesse Cha-U-Kao, 1895, huile sur carton
Weill cesse progressivement de montrer les artistes emblématiques du Montmartre de la fin du XIXe siècle mais reste attachée à l'œuvre de Toulouse-Lautrec, alors surtout célèbre pour ses affiches.
Pablo Picasso : 
La Fin du numéro, 1901, pastel sur toile
L'Hétaire [ou Courtisane au collier de gemmes], 1901, huile sur toile

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Paco Durrio (1868-1940) : 
Egyptienne au serpent, broche, avant 1904, argent fondu et pierre verte (amazonite ?)
Boucle de ceinture, avant 1904, argent fondu
Pendentif, avant 1904, argent fondu, décor face et revers
Pot anthropomorphe, entre 1900 et 1905, vase en grès émaillé

Aristide Maillol (1861 - 1944) : Jeunes filles portant une cruche, 1898, terre cuite

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Section 3

« Notre-Dame des Fauves »

La salle VII du Salon d’automne de 1905 réunit les peintures de Matisse, Maurice de Vlaminck, André Derain, Albert Marquet… Elle est jugée inacceptable par beaucoup de critiques en raison de l’affranchissement des règles de la perspective et du modelé au profit de l’exaltation des couleurs pures, ainsi que d’une simplification des formes. Un buste placé au centre de la pièce fait écrire au critique Louis Vauxcelles dans un article du Gil Blas : « C’est Donatello parmi les Fauves. » La formule plaît tellement que la salle est rebaptisée « la cage aux Fauves ».
La Galerie B. Weill prend une part importante dans la reconnaissance de ce mouvement en présentant régulièrement des expositions collectives qui rassemblent les différentes configurations du groupe, constitué principalement d’élèves de Gustave Moreau, réunis autour de Matisse. Elle commence à s’intéresser à ces artistes dès 1902, bien avant le scandale du Salon d’automne. Lorsqu’il éclate en 1905, ces peintres ont déjà été montrés plusieurs fois chez la marchande. L’année précédente elle a demandé au critique Roger Marx, fervent défenseur de cette constellation, de préfacer le catalogue d’une exposition, œuvrant ainsi stratégiquement à créer le contexte nécessaire à leur reconnaissance. De même, elle a contribué à faire de Raoul Dufy, dont elle est proche, un artiste fauve contre la volonté de Matisse, qui refuse de l’accueillir dans son cercle. Bientôt Weill constate que « les Fauves commencent à apprivoiser les amateurs ».

Robert Delaunay (1885-1941) : Paysage aux vaches, 1906, huile sur toile
Peut-être exposé en 1907 à la Galerie B. Weill

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Henri Marquet (1875-1947) : La Petite Place au réverbère, Paris, vers 1904, huile sur toile

Raoul Dufy (1877-1953) :
La Rue pavoisée, 1906, huile sur toile
Paysage de Provence, 1905, huile sur toile
L'artiste fait ses débuts sur les cimaises de Berthe Weill, à qui il vend un pastel en 1902. Il est régulièrement associé au groupe « Fauve » par la marchande, bien qu'un peu en marge de ce courant. Weill tisse avec Dufy de solides liens d'amitié et de confiance au fil d'une relation au long cours faite d'encouragements mutuels. Il est l'artiste le plus montré avec une exposition personnelle et 35 expositions collectives.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Jean Metzinger (1883-1956) : Champs de pavots, 1904, huile sur toile

Pierre Girieud (1876-1948) :
Portrait de l'artiste peintre Émilie Charmy, 1908, huile sur carton
Nu au bas noir, 1905, huile sur carton
Cette œuvre est exposée à la Galerie B. Weill en décembre 1905 aux côtés d'Émilie Charmy, Othon Friesz et Jean Metzinger. Girieud vient alors de montrer cinq tableaux au Salon d'automne. Le critique Louis Vauxcelles le compte parmi les « oseurs, [les] outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant aux malins et aux sots le droit de rire ». Weill montre son travail en 1901, dans l'exposition inaugurale de la galerie, puis jusqu'en 1934.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Émilie Charmy (1878-1974) :
Autoportrait, 1906-1907, huile sur toile
Piana Corsica, 1906, huile sur carton toilé
Portrait de Berthe Weill, 1910-1914, huile sur toile
Impressionnée par les peintures d'Émilie Charmy au Salon des indépendants de 1905, Berthe Weill décide aussitôt de promouvoir son travail, louant l'indépendance d'une artiste qui ne fait partie «d'aucune chapelle». Cette rencontre marque le début d'une amitié qui unit les deux femmes jusqu'à la disparition de la marchande. Elles s'épaulent et tissent des liens quasi familiaux. Weill présente les œuvres de l'artiste pendant près de trente ans au fil de 30 expositions.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Maurice de Vlaminck (1876-1958) :
Le Restaurant de la Machine à Bougival, 1905, huile sur toile
Le Cultivateur, 1905, huile sur toile

André Derain (1880-1954) : Pont de Charing Cross, vers 1906, huile sur toile
Derain expose à la Galerie B. Weill à partir d'octobre 1905, peu avant qu'il ne s'engage avec Ambroise Vollard qui l'encourage à effectuer deux séjours à Londres - dont est issue cette composition caractéristique du fauvisme. En 1907, il rejoint le marchand Daniel-Henry Kahnweiler cependant que Weill, qui a contribué à son éclosion, continue à vendre régulièrement ses œuvres jusqu'à la fin des années 1930.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Béla Czóbel (1883-1976) :
Nus de garçons [dit aussi Garçons assis], 1907, huile sur toile
L'Homme au chapeau de paille, 1906, huile sur toile
Probablement exposé en 1908 à la Galerie B. Weill
L'exposition particulière de Béla Czóbel en mars 1908 a un succès moral très appréciable « [...] je le crois très doué », écrit Weill se souvenant d'avoir organisé la première exposition de l'artiste hongrois en France. Elle porte un intérêt très vif à son œuvre fortement imprégné de fauvisme. 

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde

Raoul de Mathan (1874-1938)
La Cour d'assises, 1908, huile sur toile
Le Cirque, 1909, huile sur toile
Raoul de Mathan, marqué par le deuxième procès d'Alfred Dreyfus auquel il a assisté en 1899, capture dans ses œuvres la théâtralité des salles d'audience. En 1908 et 1909, il peint deux toiles aux formats comparables représentant la cour d'assises puis le cirque, suivant des compositions qui se font écho. Exposé dès l'inauguration de la Galerie B.Weill en 1901, Mathan participe régulièrement, entre 1902 et 1920, à la programmation de Weill qui le qualifie de « peintre de talent ».

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Kees Van Dongen (1877-1968) : La Jarretière violette, vers 1910, huile sur toile
 

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Section 4

« Le cubisme soulève les passions »

Le rôle joué par Berthe Weill dans la présentation des œuvres cubistes a été presque oublié, bien qu’elle ait accompagné dès leurs débuts beaucoup d’artistes dont la carrière a connu une période cubiste. Ainsi, elle montre les œuvres de Jean Metzinger, qu’il soit néo-impressionniste, fauve ou cubiste, de 1903 à 1922, avant une ultime exposition en 1939. Elle contribue dans l’ombre, comme elle l’avait fait quelques années plus tôt avec les Fauves, à façonner une avant-garde qui partage la leçon de Paul Cézanne sous des formes multiples. La galeriste insiste sur les difficultés à faire apprécier cette peinture, tandis que le débat qui fait rage depuis 1912 autour de la réception du cubisme exprime souvent, sous des dehors de querelle esthétique, des considérations à caractère nationaliste. Certains réclament, sans succès, que les cubistes soient interdits d’exposition dans les bâtiments publics ; d’autres souhaitent différencier « les indépendants français et les indépendants étrangers ». Lorsque le mouvement s’éparpille, peu avant la guerre, la marchande a montré presque tous les protagonistes du cubisme. Exceptionnellement, elle programme en 1914 trois expositions
personnelles consacrées à Jean Metzinger, Alfréd Réth et Diego Rivera.
Elle porte ensuite ses efforts sur ceux que Georges Braque nommait les « cubisteurs » : André Lhote, Louis Marcoussis, Léopold Survage, Alice Halicka, Albert Gleizes ou encore Jean Metzinger.

Diego Rivera (1886-1957) : Tour Eiffel, 1914, huile sur toile
En 1914, lorsque Berthe Weill organise une exposition personnelle de peintures de Diego Rivera, c'est la première fois que l'œuvre du peintre mexicain arrivé en Europe en 1907 est montré à Paris.

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Alexander Archipenko (1887-1964) : Deux verres sur une table, 1919-1920, relief en papier mâché peint collé sur bois, nature morte [sculptopeinture]
Weill organise en 1920 l'exposition « Groupe éclectique - Fauves, cubistes & post-cubistes » qui rassemble trois générations d'artistes dont beaucoup ont débuté dans sa galerie. Elle leur associe Archipenko, venu de Kiev et installé à Paris, à la dimension internationale indéniable.

Albert Gleizes (1881-1953) : Le Port (Marseille), 1912, huile sur toile
En 1913, Weill expose ensemble Fernand Léger, Albert Gleizes et Jean Metzinger peu après que les deux derniers ont publié le traite Du cubisme.

André Lhote (1885-1962) : Le Port de Bordeaux, 1914, huile sur toile
Probablement exposé en 1920 à la Galerie B. Weill

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Alice Halicka (1894-1975) : Nature morte au violon, 1918, huile sur toile
Weill soutient l'œuvre d'Halicka en l'associant à quatre expositions collectives et en lui organisant en 1922 une présentation personnelle couronnée de succès. Elle montre l'œuvre de la peintre dans sa galerie jusqu'en 1926, et leur relation illustre l'exemplarité de la marchande dans la promotion des artistes femmes.
Louis Marcoussis (1878-1941) Nature morte: le bocal aux poissons rouges,  1925, huile sur carton
Jean Metzinger (1883-1956) : Nu debout, 1911, huile sur carton marouflé sur panneau

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Section 5

« Groupe des plus éclectiques »

Au début du XXe siècle, des artistes du monde entier viennent chercher l’émulation et la reconnaissance à Paris. Berthe Weill participe à cette effervescence en rendant visibles des talents qui cherchent à échapper aux discriminations ainsi qu’aux difficultés économiques. Ils sont natifs de partout en Europe, des confins de l’Empire russe, de Norvège, de Pologne, d’Espagne, d’Italie ou de Grèce jusqu’à l’Empire austro-hongrois, ou même les États-Unis. Sa curiosité la conduit à donner leur chance à des artistes, ne suivant aucun dogme, mais plutôt son instinct, son oeil et ses sympathies. Elle adopte une position engagée en participant, exposition après exposition, à la lutte contre certains défenseurs d’un bon goût français aux résonances xénophobes et antisémites. Si le nom de Berthe Weill est étroitement associé aux avant-gardes de la première moitié du XXe siècle, elle s’intéresse également à des personnalités n’appartenant à aucun courant précis. L’attention qu’elle porte aux jeunes artistes ne faillit jamais, malgré les vicissitudes, et c’est ainsi qu’elle encourage, en organisant une ou plusieurs expositions, des figures aujourd’hui dans l’ombre ou parfois tombées dans l’oubli. La galeriste insiste sur les difficultés à faire apprécier cette peinture, tandis que le débat qui fait rage depuis 1912 autour de la réception du cubisme exprime souvent, sous des dehors de querelle esthétique, des considérations à caractère nationaliste.

Georges Kars (1882-1945) : Dans le salon de peinture, 1933, huile sur contreplaqué
Édouard Goerg (1893-1969) : Portrait de Mademoiselle W [Berthe Weill], 1926, huile sur toile

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Francis Smith (1881-1961) Projet d’enseignes pour la Galerie B. Weill, vers 1930, gouache sur papier
Pan ! Dans l'œil..., le livre de Berthe Weill

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Raoul Dufy : Trente ans ou la Vie en rose, 1931, huile sur toile
Depuis 1925, Berthe Weill convie chaque année « ses » artistes à une exposition thématique. Ils y présentent une œuvre, exécutée pour l'occasion ou une plus ancienne. En décembre 1931, celle consacrée à « La Joie de vivre » célèbre également les trente ans d'existence de la galerie. Dufy peint alors une des représentations hédonistes qui faisaient dire à Gertrude Stein: « Dufy, c'est le plaisir ». Le tableau témoigne également de l'amitié sincère entre la marchande et l'un des artistes qu'elle a le plus montrés.

Suzanne Valadon (1865-1938) : 
La Chambre bleue, 1923, huile sur toile
Exposé en 1927 à la Galerie B. Weill
Nu à la couverture rayée [dit aussi Gilberte nue assise sur un lit], 1922, huile sur toile
Lorsqu'en 1913 Weill commence à montrer les œuvres de Valadon, celle-ci dessine et peint depuis une vingtaine d'années. L'artiste noue une relation régulière et fructueuse avec la marchande, qui contribue au développement de sa renommée et constate « le succès ascendant de Valadon. Mais que de détracteurs ! Son grand mérite est, malgré tout, de ne faire aucune concession... grande artiste! ». Les deux femmes affirment leur détermination, leur audace et leur faculté à transgresser les règles.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Jules Pascin (1885-1930) :
Portrait de Mme Pascin (Hermine David), 1915-1916, huile sur toile
Claudine au repos, 1913, huile sur toile
Deux femmes couchées, 1927, huile sur toile
Après leur rencontre en 1910, Weill expose Pascin dans sa galerie à 23 reprises La présence de la marchande lors des grands moments de la vie de l'artiste atteste de leur proximité. Ainsi, elle est assise à sa droite au dîner célébrant ses quarante ans.

Paul-Elie Gernez (1888-1948) : Nature morte, 1921, huile sur toile
Exposé en 1927 à la Galerie B. Weill où il a été acheté par le musée des beaux-arts de Strasbourg

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Hermine David (1886-1970) :
Paris-Montparnasse, fin des années 1920, pointe sèche
Le Match de boxe, vers 1927, pointe sèche
Kiosque à Menton, 1927, pointe sèche
Le Restaurant à Menton, 1927, pointe sèche
Weill rencontre Hermine David par l'entremise de Jules Pascin, son mari. Elle organise, en 1923, la première exposition personnelle de l'artiste.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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En 1917, Berthe Weill inaugure, à l’instigation du poète d’origine polonaise Léopold Zborowski, la seule exposition personnelle consacrée à Modigliani organisée de son vivant. L’écrivain Blaise Cendrars, fervent admirateur du peintre, préface le catalogue avec un rapide poème intitulé « Sur un portrait de Modigliani ». Le 3 décembre 1917, trente-deux œuvres, surtout des peintures, sont dévoilées rue Taitbout, où la galerie a déménagé au cours de la même année. Quatre nus devenus emblématiques sont présentés. Leurs poils pubiens apparents déclenchent le scandale et le désordre, qui braquent le projecteur sur la Galerie B. Weill. Le commissaire du poste de police situé en face ordonne à la marchande d’« enlever toutes ces ordures ! », exerçant sa censure pour « outrage à la pudeur ». L’échec commercial de l’exposition est cuisant malgré les cinq œuvres achetées par Weill pour soutenir
Modigliani, dont elle admire la peinture. Elle note dans Pan ! dans l’oeil… :
« Nus somptueux, figures anguleuses, portraits savoureux. »

Amedeo Modigliani (1884-1920) :
Nu au collier de corail, 1917, huile sur toile
Femme au ruban de velours, vers 1915, huile sur papier collé sur carton

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Dernière section

« Je dois lutter seule »

À la fin des années 1930, Berthe Weill choisit de montrer des artistes qu’elle n’a pas encore promus. Elle s’attache alors à des tenants de l’abstraction, proches du groupe « Cercle et Carré », puis de l’association « Abstraction-Création ». C’est ainsi qu’elle décide en 1939 d’exposer les œuvres d’Alfréd Réth ou celles d’Otto Freundlich dans la galerie qu’elle occupe, depuis 1934, rue Saint-Dominique, et qu’elle devra bientôt fermer en conséquence des mesures antisémites prises à partir de 1940. Berthe Weill, qui ne publie plus de brochures après 1935, accompagne certains de ses cartons d’invitation de courtes pensées. Sous l’Occupation, elle échappe à la déportation mais vit dans un grand dénuement. En 1946, une vente aux enchères est organisée pour mettre fin à ses difficultés financières. Elle regroupe plus de quatre-vingts œuvres offertes par des amis de longue date, artistes et galeristes. Berthe Weill peut alors prendre sa retraite. En 1951, à sa disparition, elle a défendu plus de trois cents artistes et organisé des centaines d’expositions aux quatre adresses successives de sa galerie : 25 rue Victor-Massé ; 50 rue Taitbout à partir de 1917 ; 46 rue Laffitte de 1920 à 1934, et enfin 27 rue Saint-Dominique.
 

 

Alfréd Réth (1884-1966) :
Forme dans l'espace, 1934, huile sur bois
Les Cyclamens, 1912, huile sur toile

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Jeanne Kosnick-Kloss (1892-1966) : Composition, 1934, huile sur bois

Otto Freundlich (1878-1943) : Composition, 1939, tempera sur papier marouflé sur toile
Otto Freundlich est stigmatisé très tôt en Allemagne comme représentant de l'« art juif français ». Ses œuvres sont montrées à la Galerie B. Weill en 1939, cependant que l'une de ses sculptures a été choisie deux ans auparavant par les nazis pour illustrer la couverture du catalogue de l'exposition d'« Art dégénéré » à Munich. Freundlich est interné, dès 1939, dans un camp pour les « ressortissants de puissances ennemies », puis déporté au camp d'extermination de Sobibór, où il est assassiné le 9 mars 1943.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Louis Cattiaux (1904-1953)  La Vierge attentive [dit aussi La Vierge à l'étoile],  1939, huile sur toile
Exposé en 1939 à la Galerie B. Weill
Entre 1936 et 1939, Weill invite Cattiaux à montrer ses œuvres dans sa galerie et lui consacre une exposition personnelle.
 

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Dans cette dernière salle, sur deux murs se faisant face, une photo agrandie sur toute la paroi :
Bal des noces d’argent de la Galerie B. Weill au restaurant Dagorno à La Villette, 28 décembre 1926  (Au centre, B. Weill porte un monocle)

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et en face un ensemble de six tableaux représentant des portraits de femme.

Kees Van Dongen : La Femme au canapé, avant 1920, huile sur toile
Émilie Charmy : Autoportrait, vers 1906, huile sur toile
Odette des Garets (1891-1967)  : Brodeuse, 1927, huile sur toile
Georges Kars : Portrait de femme, 1926, huile sur toile
Exposé en 1928 à la Galerie B. Weill
Suzanne Valadon : Portrait de Mme Zamaron, 1922, huile sur toile
Exposé en 1927 à la Galerie B. Weill
Georges Émile Capon (1890-1980) : La Java, 1925, huile sur toile
Exposé en 1925 à la Galerie B. Weill

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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En guise de conclusion, sont affichées des reproductions de dessins de César Abín (1892-1974), extraites de « Leurs figures », 56 portraits d’artistes, critiques et marchands d’aujourd’hui avec un commentaire de Maurice Raynal. Seule marchande d’art figurant dans l’ensemble de portraits exécutés par César Abín, Berthe Weill est distinguée des autres effigies, presque toutes solitaires, par la compagnie d’André Derain, Pablo Picasso, Fernand Léger, Georges Braque et Marc Chagall. Ils l’entourent amicalement alors qu’elle est caricaturée en mère juive. Le dessinateur livre un instantané de la scène artistique parisienne, un an avant la publication des souvenirs de Berthe Weill, écrivant tous deux la même histoire avec chacun sa propre irrévérence.


Portrait de Berthe Weill entourée de Derain, Chagall, Léger, Picasso et Braque.

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Pour le plaisir, quelques-uns des peintres figurant dans cet ouvrage.

Berthe Weill. Galeriste d'avant-garde
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Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

4 Octobre 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Nous avons déjà consacré un billet au peintre Pierre Soulages (1919-2022), lorsqu'il a eu de son vivant les honneurs du Louvre l'année de son centenaire (voir notre billet du 1er février 2020).

Il fait de nouveau l'actualité des expositions parisiennes avec une très belle manifestation au musée du Luxembourg, exclusivement consacrée à son œuvre sur papier, qui rassemble 130 œuvres réalisées entre les années 1940 et le début des années 2000, dont 25 inédites. On y découvre un ensemble de peintures sur papier, longtemps conservées dans l’atelier de l’artiste, qui témoignent de la constance et de la liberté avec lesquelles Soulages aborde ce support.

1. Années 1940

Né dans un milieu d’artisans, Soulages s’essaye à peindre les paysages des Causses alors qu’il est encore adolescent. Marqué par sa visite de l’abbaye Sainte-Foy de Conques, il décide de faire de la peinture mais se refuse à entrer aux Beaux-arts de Paris où il est pourtant admis car l’enseignement qui y est délivré ne lui convient pas. De retour à Montpellier, il s’inscrit à l’École des Beaux-arts où il rencontre Colette Llaurens qu’il épouse en octobre 1942. Pour échapper au service du travail obligatoire, il entre ensuite dans la clandestinité. Il s’installe à Courbevoie au printemps 1946 puis à Paris l’année suivante dans un nouvel atelier à Montparnasse. D’emblée abstraites, ses premières œuvres sont remarquées tant par d’autres artistes comme Francis Picabia ou Hans Hartung que par des critiques et écrivains tels que Michel Ragon et Roger Vailland. Si Soulages peint une quinzaine de toiles en 1946-47, ce sont surtout des peintures sur papier qui constituent le véritable début de son œuvre. Il commence par des fusains inscrits énergiquement sur la feuille. Mais ces lignes retraçant un mouvement le laissent vite insatisfait. Il opte alors pour le brou de noix, une matière ordinaire utilisée par les menuisiers pour teindre le bois. Sa tonalité sombre et chaude permet d’obtenir naturellement des transparences et des opacités au moyen d’outils de peintres en bâtiment. Les traits sont larges et affirmés, inscrivant des signes hiératiques qui occupent progressivement l’espace de la feuille.

Fusain sur papier, 1941-1942 : dessins d'après modèle réalisés lorsque Soulages était élève à l'École des Beaux-Arts de Montpellier en 1941-1942

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Fusain sur papier, 1946

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Fusain sur papier, 1946

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Fusain sur papier, 1946
Fusain sur papier marouflé sur toile, 1946
Fusain sur papier, 1946

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1946
Brou de noix sur papier, 1946

Dernière image :
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix sur papier, 1947

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

2. Französiche Abstrakte Malerei, Allemagne, 1948-49

À l’initiative du docteur Ottomar Domnick, amateur d’art abstrait, une exposition itinérante de peintres abstraits français est organisée dans les musées allemands en 1948-49. Elle fait suite à la participation de peintres allemands à Paris au IIIe Salon des Réalités nouvelles rassemblant des artistes qui avaient été interdits de peindre et d’exposer par le régime nazi. L’exposition Französische Abstrakte Malerei réunit dix peintres de différentes générations, choisis par le Dr Domnick, certains figurant parmi les pionniers historiques de l’abstraction comme František Kupka ou César Domela. Elle est présentée successivement dans sept musées et constitue un évènement politique et culturel de grande importance. Soulages est de loin le plus jeune participant avec des œuvres sur toile mais aussi un ensemble de peintures sur papier qui sont remarquées pour leur puissance graphique. Sa présence dans l’exposition, alors qu’il est encore quasi inconnu, et le choix de l’un de ses brous de noix pour l’affiche, vont contribuer à sa notoriété qui dès lors ne cessera de s’affirmer.

L'affiche de l'exposition et le brou de noix sur papier, 65 x 50 cm, 1947-4.

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix et huile sur papier marouflé sur toile, 1947
Encre d'imprimerie sur papier marouflé sur toile, 1947

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1948

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1947
Gouache sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix et crayon sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1948

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier marouflé sur toile, 1947
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1947

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

3. Le centre de documentation

La création d’environ huit cents peintures sur papier (1946-2004) de Pierre Soulages constitue un champ majeur de son œuvre, présent dès ses premières expositions. Selon le choix de l’artiste, les papiers sont montrés avec des tableaux, des estampes ou des bronzes, ou parfois seuls. Dès les premières rétrospectives au début des années 1960, une large part est accordée aux peintures sur papier, permettant au public de découvrir l’art de Soulages selon différents supports et techniques. Ces œuvres sont reprises dans plusieurs affiches d’exposition collective ou personnelle, ou encore d’événement culturel, leur donnant une large visibilité. Les années 2000 témoignent de leur place fondatrice dans la production de l’artiste, présentée au sein du musée Soulages à Rodez, inauguré en 2014, ainsi que dans des expositions consacrées aux peintures sur papier, dont celle au musée du Luxembourg est la première rétrospective organisée à Paris.

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

4. Années 1950

L’œuvre de Soulages connaît une visibilité internationale accrue pendant cette décennie. Dès 1954 et pendant les dix années suivantes, la Galerie Kootz à New York expose à huit reprises ses peintures récentes qui rencontrent le succès auprès des collectionneurs américains. Dans le même temps, Soulages expose peu dans son pays natal même si la Galerie Berggruen à Paris rassemble en 1957 les gouaches et les eaux-fortes qui tiennent dans ces années une place importante. Le brou de noix reste au début de la décennie un matériau privilégié avec de larges traits parfois travaillés au couteau. Matériaux et techniques se diversifient avec des rythmes variés. Certaines peintures aux traces entrecroisées sont à rapprocher des toiles de la même période dans lesquelles on retrouve parfois la même structure formelle.

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1949 et 1953

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1949 et 1952
Gouache sur papier marouflé sur toile, 1949

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier marouflé sur toile, 1949,1950,1952
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1949
Encre sur papier marouflé sur toile, 1949

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier, 1950
Brou de noix et mine de plomb sur papier marouflé sur toile, 1950
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1950
Gouache sur papier, 1952

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Brou de noix sur papier, 1959
Brou de noix sur papier collé sur carton, 1954
Gouache et brou de noix, 1957
Gouache sur papier marouflé sur toile, 1951 et  1954
Encre de Chine sur papier Ingres filigrané, 1955

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

5. Années 1960

Soulages travaille désormais dans deux ateliers, l’un à Paris et l’autre à Sète, dans la maison que Colette et lui ont fait construire face à la mer. Les années soixante sont celles des premières rétrospectives dans les musées, d’abord en Allemagne (Hanovre, Essen…) puis aux États-Unis (Boston, Houston) et enfin à Paris, au Musée national d’Art moderne.
Les peintures sur papier y sont présentes en grand nombre aux côtés des toiles, preuve de l’importance que le peintre leur attache. 1963 voit la première exposition consacrée exclusivement aux peintures sur papier à la Galerie de France à Paris avec une cinquantaine d’œuvres rassemblées datant de 1946 à 1963. Le critique Michel Ragon publie parallèlement le premier ouvrage consacré à ces œuvres. Durant cette décennie, Soulages privilégie l’encre et intervient souvent par contraste entre des nappes d’encre noire, parfois traitées en lavis, et le blanc du papier tandis que les formats s’agrandissent. La peinture de 1963 aux dimensions exceptionnelles est exposée à la Documenta III à Kassel en 1964.

Gouache et encre de Chine sur papier, 1961
Encre sur papier marouflé sur toile, 1951

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier marouflé sur toile, 1951
Gouache sur papier, 1952
Gouache et encre de chine sur papier, 1951
Encre sur papier, vers 1961

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier marouflé sur toile, 1950
Encre sur papier marouflé sur toile, 1961
Brou de noix sur bristol, 1974
Encre de Chine sur papier marouflé sur isorel, 1963
Encre sur papier marouflé sur toile, 1963
Encre sur papier marouflé sur toile, 1961

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

6. Années 1970

Une importante rétrospective au musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne en 1976 donne une large place aux peintures sur papier, particulièrement aux brous de noix des années 1947-51. À la même époque, de nombreuses expositions ont lieu dans les musées d’Amérique latine, confirmant la stature internationale du peintre. En 1973, puis en 1977, Soulages délaisse la toile et privilégie le papier. Tout au long de l’année 1977, il réalise une centaine de grandes gouaches vinyliques qu’il poursuivra l’année suivante. C’est à nouveau la Galerie de France qui révèle ces œuvres à l’occasion d’une double exposition à la Foire internationale d’art contemporain et dans ses propres murs. Ces nouvelles peintures se caractérisent par leur monumentalité consistant, pour certaines, en larges traits traversant le blanc du papier. Mais Soulages ne s’enferme jamais dans un style unique. Une série de gouaches laisse place à la couleur bleue souvent présente dans les toiles de la même époque. D’autres sont dominées par le noir associé à des gris subtils obtenus en lavis.

Gouache sur papier marouflé sur panneau, 1977 [4 gouaches montées sur un même panneau]

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier marouflé sur toile, 1977
Gouache vinylique sur papier marouflé sur toile, 1973
Gouache sur papier, 1977
Gouache sur papier, 1973
​​​​​​​Gouache sur papier, 1977
Gouache sur papier marouflé sur toile, 1977

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Gouache et encre sur papier, 1978
Gouache sur papier marouflé sur toile, 1977 (5 tableaux)

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Gouache vinylique sur papier marouflé sur toile, 1977
Gouache et encre sur papier, 1978
Gouache et encre sur papier marouflé sur toile, 1978 (2 tableaux)

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

7. Dernières peintures sur papier : 1995-2004

L’année 1979 voit les débuts d’une nouvelle phase de l’œuvre peint que Soulages nommera outrenoir, exposé pour la première fois au Centre Pompidou. Les toiles sont désormais intégralement recouvertes d’un unique pigment noir. Selon les outils employés pour appliquer la matière, la lame ou brosse, la texture de la surface, striée ou lisse, change la lumière et fait naître des valeurs différentes. Les peintures sur papier se raréfient. Pourtant, il arrive certaines années que Soulages retrouve ce support pour de grands formats traités à la mine de plomb sur fond noir (une méthode qu’il n’avait jamais employée précédemment) ou encore par contraste noir et blanc en appliquant l’encre par arrachages ou empreintes aux surfaces aléatoires comme dans certaines toiles contemporaines. Il renoue enfin avec le brou de noix en structurant l’espace en larges bandes horizontales noires ou brunes d’une grande puissance laissant place à des éclats de blanc. Après 2004, Soulages ne recourt plus au papier et se consacre uniquement aux infinies possibilités que lui permet la peinture outrenoir, et ce jusqu’à son décès en octobre 2022 à l’âge de 102 ans.

Encre sur papier, 2003

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier, vers 1985
Encre sur papier marouflé sur toile, 2003
Encre sur papier marouflé sur toile, 1995 (2 tableaux)

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Encre sur papier, 2003 (4 tableaux)

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Gouache et mine de plomb sur papier, vers 1999-2000 (3 tableaux)
 

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Terminons avec certains des derniers tableaux sur papier de Soulages, presque tous de 2003 et 2004, où il revient souvent au brou de noix, sans doute sa matière favorite, et où nous fait irrésistiblement penser à Rothko, sans qu'on aie envie de comparer ces deux génies de l'abstraction.

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 1999
Brou de noix sur papier, 2003 (3 tableaux)

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
Soulages, une autre lumière - peintures sur papier

Et deux tableaux de 2004, la dernière année où il peint sur papier :

Brou de noix sur papier marouflé sur toile, 2004
Gouache sur papier marouflé sur toile, 2004

Soulages, une autre lumière - peintures sur papier
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