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30 mars 2024 6 30 /03 /mars /2024 09:00

Très belle rétrospective, au Musée d'Art Moderne de Paris, de l'œuvre de Jean Hélion (1904-1987).

Peintre et intellectuel dont l’œuvre traverse le XXᵉ siècle, Jean Hélion est l’un des pionniers de l’abstraction qu'il introduisit en Amérique dans les années 1930, avant d’évoluer vers une figuration personnelle à l’aube de la seconde guerre mondiale. Revenu en France après la guerre et salué dans les années 1960 par la nouvelle génération des peintres de la Figuration narrative comme Gilles Aillaud ou Eduardo Arroyo, Jean Hélion bénéficiera de son vivant de nombreuses expositions dans les galeries et les institutions françaises et internationales comme celle du MAM en 1977 et 1984 - 85, la dernière rétrospective ayant été présentée au Centre Pompidou en 2004. Malgré son importance et sa singularité, son œuvre reste aujourd’hui encore peu connue du public.

Le parcours de l'exposition, chronologique, se déroule en six sections.

Commencement et construction
À ses débuts, Hélion subit l’influence du néoplasticisme de Mondrian (et de Van Doesburg ) qui préconise la stricte orthogonalité des aplats de couleurs et des lignes mais aussi l’utilisation des couleurs pures . On peut se rappeler aussi son passage par des études de chimie (inabouties) et son expérience de dessinateur en cabinet d’architecture, où il effectue des relevés en vue de la reconstruction de sites détruits par la guerre. Puis, sans doute sous l’influence de Arp et de Calder, Hélion donne à son abstraction plus de souplesse : lignes horizontales et verticales associées à des lignes courbes, tâches biomorphiques se mêlant aux formes géométriques, gamme chromatique enrichie de nuances. Ces principes, mis en pratique dans les œuvres abstraites, l’accompagneront toute sa vie, y compris dans ses œuvres figuratives. Construction, composition, équilibre sont les mots clés qui président à la fabrique du tableau.

Hors chronologie, Défense d', 1943, huile sur toile
Trombone, 1928, huile sur toile
Homme assis, 1928, huile sur toile
Nature morte au pot, aux trois bols et à l'allumette, 1929, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Composition orthogonale, vers 1929, huile sur toile
Composition orthogonale, 1930, huile sur toile
Tensions, 1932, huile sur toile
Composition, 1930, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Composition, 1932, huile sur toile
 Équilibre, 1933, huile sur toile
Tensions rouges, 1933, huile sur toile
 Équilibre sur fond blanc, 1933, huile sur toile
Composition abstraite, 1933, huile sur toile
En 1931, Hélion rejoint le groupe Abstraction-Création, qui réunit toutes les tendances de l'art abstrait. La série des « Tensions » marque un premier infléchissement de l'orthogonalité, avec l'apparition de courbes. Composition abstraite va plus loin dans cette évolution, en plaçant en son centre une forme aux contours irréguliers et une palette renouvelée. Elle reflète également la rencontre de l'artiste avec Jean Arp, qui l'amène à s'inspirer des formes de la nature.

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Abstraction, 1932, gouache, encre de Chine et crayon sur papier
Composition orthogonale, 1932, encre de Chine, aquarelle et crayon sur papier
Tensions diverses, 1932, encre de Chine et aquarelle

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Composition-Équilibre,1934, huile sur toile
Équilibre,1933, huile sur toile
Composition,1934, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

De la forme à la figure
Les « figures » (1935 1939) telles que l’artiste les nomme viennent après les « équilibres » (1932 1935). Le passage au terme « figures » dit bien la transition qui s’opère dans l’œuvre d’Hélion. Mais les principes à l’œuvre dans l’abstraction restent cependant bien présents. Profondeur, modelé, anthropomorphisme, sont autant d’indices qui mènent à la figuration sans qu’une référence au réel soit expressément désignée.
 

 

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Figure, 1936, encre et aquarelle sur papier
Figure debout, 1937, aquarelle, gouache et encre de Chine sur papier
Composition aux bandes bleues, 1938, encre de Chine et aquarelle sur papier
Composition, 1935, encre de Chine et aquarelle sur papier
Complexe, 1938, gouache, aquarelle et encre de Chine sur papier

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Composition, août-décembre 1935, huile sur toile
Composition verticale, 1936, huile sur toile
Figure rose, avril-septembre 1937, huile sur toile
Configuration, 7 avril - 21 octobre 1937, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Frise, 1938, huile sur toile
Monument, 1937, huile sur toile
Figure bleue, 1935-1936, huile sur toile
Figure bleue est un assemblage de plans courbes et anguleux qui forment un volume plastique renforcé par des jeux d'ombres. Le fond, composé d'un dégradé bleu-vert, donne son titre à l'œuvre et suggère une figure anthropomorphe, notamment par la forme coudée cylindrique évoquant un bras. Hélion trouble ainsi les limites entre la représentation figurative et l'expression abstraite.
Figure tombée, avril - septembre 1939, huile sur toile
« Dernière œuvre abstraite du peintre », Figure tombée est une toile charnière dans le parcours artistique d'Hélion. Au sein d'un espace théâtral, la figure, assemblage de formes géométriques et de volumes, vient se disloquer sur le devant de la scène. À la veille de la guerre, le peintre a associé cette toile à ses propres désillusions concernant l'abstraction : « J'ai atteint, en quelques secousses et en deux années, la Figure tombée, ce tableau de 1939 qui fait un monument à la chute en moi de l'abstraction. »

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Réel et imaginaire
Au moment des Émile , Édouard et Charles (1939 ), le cap est bien franchi et les figures, désignées par des prénoms, ne laissent aucun doute quant à la référence au réel. Mais il ne s’agit pourtant pas de convoquer une ressemblance ou l’imitation d’un modèle. Les têtes sont réalisées à partir de formes abstraites.
Même quand la figure humaine devient parfaitement identifiable, c’est le strict jeu de formes utilisées dans les tableaux précédents qui la recompose.
Hélion démontre comment les formes figuratives contiennent l’abstraction et comment les formes abstraites suggèrent la figuration. L’affirmation de la volumétrie des formes, l’emploi des plages chromatiques, définissent un langage plastique qui veut avant tout « faire voir » le réel au travers de signes et d’archétypes. Ainsi la figure humaine n’est pas le lieu de la sensation, mais de la construction.

Au cycliste, 1939, huile sur toile
Au cycliste est une des premières scènes de rue décomposée en trois séquences distinctes, soulignées par l'utilisation de trois couleurs spécifiques. Les personnages, reprenant une esthétique mécanomorphe, deviennent des archétypes urbains. Au centre, un homme au chapeau et au parapluie sort de l'embrasure d'une porte. A droite, une figure féminine À immobile est appuyée dans l'encadrement d'une fenêtre, tandis qu'un troisième personnage, à gauche, un cycliste, s'éloigne, créant une perspective. Hélion joue ici sur les oppositions visuelles entre mouvement et immobilité.
Homme au parapluie et femme à la fenêtre, 1944, huile sur toile
L'Escalier, 1944, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Édouard, 1939, huile sur panneau, huile sur toile

« J'ai commencé, à partir des éléments abstraits dont je connaissais le fonctionnement, à construire des figures, notamment le premier Émile. » En 1939, après la réalisation de Figure tombée, Hélion commence ses premières études de têtes. Les personnages sont représentés de face, de profil ou de dos. Émile, Édouard et Charles sont construits autour d'un cadrage serré et d'éléments purement abstraits. Leur personnification obéit à un subtil agencement de formes géométriques et d'aplats de couleur.

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Émile, 1939, huile sur bois
Charles, 1939, huile sur Isorel

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Nature morte au parapluie, 1939, huile sur toile
Nature morte à la flaque d'eau, 1944, huile sur toile
Homme à la face rouge, 1943, huile sur toile
Homme à la joue rouge, 1943, huile sur toile
Homme au chapeau, 1943, aquarelle, gouache et encre sur papier

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Le Trio, 1943, encre de Chine et aquarelle sur papier
Mannequinerie, 1944, aquarelle et encre sur papier
Homme au parapluie et femme à la fenêtre, 1944, aquarelle et encre de Chine sur papier

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Les Salueurs, 1945, gouache sur papier
Les Salueurs, 1945, gouache sur papier
Salueur à la vitrine, 1944, encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Allumeur, 1944, mine de plomb, encre et aquarelle sur papier
L'Allumeur, 1944, huile sur toile
L'Allumeur, 1944, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Deux parapluies, 1948, fusain sur papier
Journal plié, 1939, encre et aquarelle sur papier

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Figure gothique, New York, 1945, encre de Chine, crayon, gouache et aquarelle sur papier
Portrait de Pegeen, 1945, encre, aquarelle et gouache sur papier

Jean Hélion a rencontré Pegeen Vail, fille de la collectionneuse Peggy Guggenheim, à New York en 1943, et l'a épousée en 1945 (séparés en 1956).

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Cette section se termine par de grandes toiles de 1945-1946 :

À rebours, janvier-février 1947, huile sur toile
Hélion résume son cheminement artistique en suggérant que son exploration de l'abstraction a finalement abouti à la figuration. Ce tableau agit par contrastes et oppositions: homme/femme, fermé/ouvert, intérieur/extérieur, endroit/ envers, figuratif/abstrait (avec la représentation d'un « Équilibre »). Il parvient ainsi à intégrer ces dualités dans une représentation visuelle où les éléments s'accordent en jouant avec les formes géométriques et les couleurs. Il suggère également le thème traditionnel du peintre et de son modèle, sans ignorer la charge érotique du sujet, souligné par le geste de l'artiste.
Nu renversé, 1946, huile sur toile
Les Trois Nus, 1946, huile sur toile
Le Peintre demi-nu, 1945, huile sur toile
Femme accoudée, 1946, huile sur toile

Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)
Jean Hélion - La prose du monde (I/II)

Nous terminerons le parcours de cette rétrospective dans un prochain billet.

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