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Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

22 Mars 2025 , Rédigé par japprendslechinois Publié dans #Au fil de l'eau

Nous terminons dans ce billet le parcours de la rétrospective Suzanne Valadon qui se tient au Centre Pompidou. (cf. notre billet du 8 mars dernier).

La photo ci-contre, mettant en scène Suzanne Valadon comme portraitiste (avec son amie Mauricia Coquiot comme complice), est une bonne introduction à la section suivante de l'exposition :

«Je peins les gens pour apprendre à les connaître. »
Forte d'une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois de personnes de son entourage. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute société » : Nora Kars avec qui elle noue une solide amitié jusqu'à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère. Les portraits d'hommes, plus rares, représentent des personnages qui ont compté dans sa vie : le docteur Robert Le Masle qui sera auprès d'elle jusqu'à ses derniers jours, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Bœuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets, mais ses premiers portraits, comme les portraits de famille, dépeignent son entourage familier.

La Couturière, 1914, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)


Jeune fille faisant du crochet, vers 1892, huile sur toile
Réalisé en 1892, Jeune fille faisant du crochet est le plus ancien tableau à l'huile de Valadon qui nous soit parvenu. Le thème de la couture lui est familier. Sa mère a exercé le métier de couturière en arrivant à Paris. Elle-même a appris très jeune le métier, sur les conseils de sa mère, et l'a pratiqué dans une maison de haute couture. En 1883, sur l'acte de naissance de son fils Maurice, elle déclare exercer les fonctions de couturière La composition à contre-jour, les couleurs assourdies, les traits proches de la technique du pastel, sont caractéristiques de ses premiers tableaux. 
Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894, huile sur panneau
Portrait de petite fille, 1892, huile sur toile
Portrait de femme, 1893, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Bernard Lemaire, 1892-1893, huile sur toile
Femme à la contrebasse, 1908, huile sur toile
Portrait de Mauricia Coquiot, 1915, huile sur toile
Surnommée la « femme bilboquet, Anaïs Marie Bétant dite Mauricia de Thiers est une ancienne vedette de cirque et de music-hall, connue notamment pour ses acrobaties spectaculaires en voiture ou à cheval. Grande personnalité mondaine, elle noue des liens d'amitié avec de nombreux artistes. En 1916, elle devient l'épouse et l'associée du collectionneur et critique d'art Gustave Coquiot. Valadon compte parmi les témoins du mariage. 
La Dame au petit chien, 1917, huile sur toile
Le modèle pourrait être son époux André Utter. Ce tableau, rarement montré, révèle une certaine étrangeté dans sa facture et dans le choix du sujet.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Portrait de Miss Lily Walton, 1922, huile sur toile
Les années 1920 sont celles de la reconnaissance et des premiers vrais succès commerciaux pour Valadon. Cette relative aisance financière lui permet ainsi d'embaucher une gouvernante anglaise du nom de Lily Walton. Elle est assise dans un intérieur bourgeoisement décoré, dans la même mise en scène que celle des portraits de Nora Kars et Germaine Eisenmann. On note la présence du chat Raminou, dont le pelage roux fart écho à la chevelure de Walton.
Portrait de Madame Lévy, 1922, huile sur toile
Valadon considérait cette œuvre comme « le mieux peint de tous ses tableaux ».
Portrait de Charles Wakefield-Mori, 1922, huile sur toile
Les Dames Rivière, 1924, huile sur toile
Madame Robert Rey et sa fille Sylvie, vers 1920, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Portrait de Richmond Chaudois, vers 1931, huile sur toile
Le chimiste Richmond Chaudois, « gueule cassée » de la Grande guerre, est un voisin montmartrois de Valadon et grand ami d'Utrillo.
Portrait de Germaine Eisenmann, 1924, huile sur toile
Élève de Suzanne Valadon et grande admiratrice de son œuvre, Germaine Eisenmann peint des paysages et des natures mortes dans un style proche de celui de sa « mère spirituelle ». 
Portrait de Madame Pétridès, 1937, huile sur toile
Portrait de Paul Pétridès, 1934, huile sur toile
Peintre et courtière en tableaux, Odette Bosc rencontre en 1925 le tailleur Paul Pétridès. Elle l'initie au monde de l'art avant de l'épouser en 1929. La même année, le couple Pétridès devient le principal soutien de Valadon, dont le contrat avec la galerie Bernheim-Jeune n'est pas renouvelé. En témoignage de sa reconnaissance, Valadon réalise ces deux portraits, où elle se concentre sur les visages, sans s'attarder sur l'environnement et le mobilier comme dans ses portraits précédents. La défense de l'œuvre de Valadon par le couple se poursuit bien au-delà de la mort de l'artiste. En 1971, Paul Pétridès publie L'Œuvre complet de Suzanne Valadon.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Portrait de Madame Maurice Utrillo (Lucie Valore), 1937, huile sur toile 
Portrait d'une femme, 1934, huile sur toile
Les Deux Sœurs, 1928, huile sur toile
Portrait de Geneviève Camax-Zoegger, 1936, huile sur toile
La peintre Marie-Anne Camax-Zoegger contacte Suzanne Valadon en 1932 pour lui demander de participer au Salon des Femmes artistes modernes (F.A.M.) dont elle est la présidente. Valadon, réticente à être exposée uniquement avec des artistes femmes, finit par céder devant la personnalité et la renommée de sa consœur. Elle se lie d'amitié avec Camax-Zoegger et participera au Salon des F.A.M. chaque année jusqu'à son décès. Début 1936, elle demande à sa fille, Geneviève Camax-Zoegger, de poser pour elle.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Portrait de Louis Moysés, fondateur du Bœuf sur le toit, 1924, huile sur toile
Femme aux bas blancs, 1924, huile sur toile
Le Docteur Robert Le Masle, vers 1930, huile sur toile
Proche des compositeurs comme Erik Satie et Maurice Ravel, des artistes comme Marie Laurencin ou André Dunoyer de Segonzac, Robert Le Masle (1901-1970) vouait une dévotion toute particulière à Valadon. Ils se rencontrent par l'intermédiaire de Pierre Noyelle, élève de Valadon. Nait alors une amitié fidèle avec la famille (Valadon, Utter et Utrillo), qui perdurera jusqu'au décès de l'artiste.
Portrait de Nora Kars, 1922, huile sur toile
Nora Kars est l'épouse du peintre tchèque Georges Kars dont Valadon est très proche.
Femme dans un fauteuil (Portrait de Madame G.), 1919, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Deux tableaux de contemporaines de Suzanne Valadon :

Émilie Charmy (1878-1974,) : Autoportrait, vers 1923, huile sur carton
Repérée par Berthe Weill (1865-1961) au Salon d'Automne de 1905, l'artiste bénéficie de plusieurs expositions dans sa galerie. C'est probablement là qu'elle rencontre Valadon avec qui elle expose chez la galeriste en 1921. Les deux artistes se lient d'amitié. En 1926, Valadon lui dédicace Bouquet de fleurs dans un verre, « A E. Charmy pour son beau talent ». Toute deux participent aux Salons des Femmes Artistes Modernes dont Émilie Charmy est la secrétaire.
Marie Laurencin (1883-1956) : Portrait de la baronne Gourgaud à la mantille noire, 1923, huile sur toile
Bien qu'une génération les sépare, Valadon et Marie Laurencin fréquentent les mêmes salons et sont toutes deux très proches du Docteur Le Masle.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Pour terminer cette section, 

L'Aide amicale aux artistes, Bal de l'AAAA, Gymnase municipal, 1927, affiche entoilée, impression mécanique Gaillard, Paris-Amiens
L'Aide amicale aux artistes, Bal au Moulin de la Galette, projet d'affiche, 1927, crayon gras et gouache sur carton
Nu à la palette, 1927, fusain sur papier
En 1927, l'Aide Amicale Aux Artistes, une association philanthropique qui vient en aide aux artistes en difficulté fondée en 1921, fait appel à Valadon pour réaliser l'affiche pour un bal caritatif. Valadon mélange ici le langage allégorique avec des allusions autobiographiques. La femme nue à la palette, personnification de la peinture, est un autoportrait de dos de Valadon. Les fleurs qui jaillissent de son pinceau rappellent la série de natures mortes aux vases qu'elle entreprend à la même période tandis que la sellette sur laquelle elle se tient semble faire référence à son passé de modèle.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

La dernière section est intitulée Le nu : un regard féminin
Valadon s'est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l'une des premières œuvres de l'histoire de l'art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l'iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amoureuse avec André Utter. La position frontale des nus est particulièrement audacieuse. L'audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d'Utter d'une feuille de vigne. Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. 

La Joie de vivre, 1911, huile sur toile
Après Puvis de Chavanne, Degas, Renoir, Cézanne, Matisse (à qui elle emprunte le titre de son œuvre) et bien d'autres, Valadon exploite le thème des baigneuses dans un paysage champêtre. Elle donne ici une version inédite d'un regard féminin sur un thème jusque-là dominé par les hommes et destiné au regard voyeur masculin. En effet, en introduisant une figure masculine nue dans le tableau, son amant André Utter, Valadon provoque un jeu entre le regard masculin de l'extérieur du tableau (celui qui regarde habituellement les scènes de baigneuses) et celui de l'intérieur du tableau et interroge par là-même la position du voyeur.
 

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

La Petite Fille au miroir, 1909, huile sur taile
Nu au miroir, 1909, huile sur toile
Le miroir, élément indispensable pour la toilette, est de fait un motif récurrent dans les nombreuses représentations de baigneuses chez Valadon. Présenté au Salon d'Automne de 1909, Nu au miroir est l'une des premières peintures à l'huile de Valadon représentant des jeunes filles à la puberté.
Nu assis sur un canapé, 1916, huile sur toile
Les Baigneuses, 1923, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Vénus noire, 1919, huile sur toile
Nu au canapé rouge, 1920, huile sur toile
Nu allongé à la draperie rouge, vers 1914, huile sur toile
Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Dans cette section aussi, quelques tableaux d'artistes contemporaines de Suzanne Valadon :

Marie Laurencin : Danseuse couchée, 1937, huile sur toile
Angèle Delasalle (1867-1939) : Femme endormie, 1920, huile sur toile
Angèle Delasalle et Valadon se connaissaient certainement. Elles sont exposées au Salon d'Automne de 1909 dans la même salle. Toutes deux sont des fidèles du Salon des Femmes Artistes Modernes. Delasalle est, comme Valadon, l'une des premières femmes à peindre des nus féminins sans sublimer leurs corps.
Jacqueline Marval (1866-1932) : Odalisque à la rose, vers 1908, huile sur toile
Jacqueline Marval partage avec Valadon ce goût pour la représentation du nu féminin contextualisé dans des postures, attitudes et décors inscrits dans un quotidien contemporain. Elles exposent toutes deux dans les mêmes Salons et sont représentées par les mêmes galeristes et marchands, Ambroise Vollard, Berthe Weill, Georges Petit.
Georgette Agutte (1867-1922) : La Japonaise nue, 1910, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Une salle rassemble de nombreux dessins :

Femme allongée sur un lit, vers 1916, fusain sur papier
Nu assis, 1908, fusain et pastel sur papier
Jeune fille nue appuyée sur un fauteuil, vers 1908, pastel, crayon et craie sur papier marouflé sur toile
La Toilette, 1906, pastel
La Toilette, vers 1908, pastel et crayon noir sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
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Le Bain, 1908, fusain et pastel sur papier
La Salle de bains, 1894, dessin sur papier
Intimité, 1894, crayon gras sur papier
Trois nus, 1920, crayon gras sur papier
Nus au miroir, vers 1914, fusain et pastel sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
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Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Revenons à la peinture :

Nu à la draperie blanche, 1914, huile sur toile
Jeune fille au bain, 1919, huile sur toile
Nu assis, de dos parmi des arbres, 1929, huile sur toile
Jeune femme sentant un bouquet, 1929, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
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Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Femme nue assise, 1921, huile sur toile
Deux figures, 1909, huile sur carton
Femme nue à la draperie, 1919, huile sur toile
Nu debout se coiffant, 1916, huile sur carton

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Dans la dernière salle du parcours, un tableau d'une artiste suisse, en regard du Lancement du filet de Suzanne Valadon :

Alice Bailly (1872-1938) : Tireurs d'arc, 1911, huile sur toile de jute
Comme Valadon, Alice Bailly célèbre ici le corps athlétique de jeunes hommes nus s'exerçant au tir à l'arc. Deux femmes nues, assises de dos sur un drap blanc, assistent à la scène. L'une tend le bras, la main pointant probablement la flèche d'un tireur. Bailly inscrit les corps nus de ses personnages dans un vaste paysage aux couleurs dissonantes et aux formes géométriques, formant ainsi une image très dynamique.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Le Lancement du filet, 1914, huile sur toile
Étude pour Le Lancement du filet, 1914, fusain sur papier calque
Valadon reprend ici un classique du nu académique qu'elle détourne dans une veine contemporaine. Elle représente le corps nu de son amant André Utter lançant un filet de pêche sur le bord d'une plage en Corse. Le même geste sous trois angles différents est décliné dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes athlétiques du modèle. Célébrant la beauté d'un corps aux couleurs chaudes et sensuelles, ce nu masculin est, à cette époque, l'une des rares représentations du désir féminin pour un corps masculin. Le Lancement du filet est la dernière œuvre de Valadon consacrée au nu masculin.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

Adam et Ève, 1909, huile sur toile
L'iconographie religieuse traditionnelle d'Adam et Ève se teinte ici d'une charge nouvelle, amoureuse et érotique. Valadon se peint avec son amant André Utter. Valadon ajoutera la ceinture de feuilles de vigne plus tard, sans doute à la demande des organisateurs du Salon des Indépendants de 1920, où le tableau sera révélé au public.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)

À la sortie de l'exposition, sans doute, dans l'esprit des commissaires, en guise de conclusion :

La Boîte à violon, 1923, huile sur toile
Réalisée à partir d'objets figurant dans l'atelier de Valadon, cette nature morte au thème inhabituel témoigne du talent de coloriste de l'artiste. Le rouge du drapé, sur lequel repose le violon posé sur une commode, contraste avec le bleu profond de l'intérieur de l'étui. Sur le rebord, un livre dont il est impossible de lire le titre, est près de tomber En arrière-plan, on aperçoit la partie basse de son monumental tableau Le Lancement du filet partiellement dissimulé par trois vases très colorés. On peut voir dans cette nature morte une représentation de la synthèse des arts (musique, littérature, art plastique et art décoratif).

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (II/II)
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Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

15 Mars 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Le Musée national d'art moderne, que nous avions vu en 1977 quitter l'aile gauche du Palais de Tokyo pour s'installer dans un centre Pompidou flambant neuf, a fermé ce lundi 10 mars pour plusieurs années pour permettre la rénovation du bâtiment. Ce fut l'occasion d'en parcourir une dernière fois les allées pour partager notre nostalgie avec le lecteur.

Ce billet évoquera les petites expositions qui se tenaient régulièrement au sein même du musées. Il y en avait trois au moment de la fermeture.

Roberta González
Fille du sculpteur espagnol Julio González, Roberta González (1909-1976) naît à Paris dans un milieu artistique. Elle grandit dans l'appartement familial du quartier de Montparnasse, enclave catalane fréquentée par Pablo Picasso. D'abord classique, son art est marqué par l'influence cubiste. C'est en tant qu'artiste de l'« école espagnole » qu'elle est exposée au Jeu de Paume (Art espagnol, 1936 et Femmes artistes d'Europe, 1937). Elle se marie en 1939 avec le peintre abstrait Hans Hartung (cf nos billets du 15 février 2020 et du 25 février 2020). Ses recherches plastiques dialoguent avec celles de son père ou de son mari et ce n'est qu'après-guerre que son style s'affirme et qu'elle connait ses premiers succès personnels. Exposée par les galeristes Jeanne Bucher et Colette Allendy, elle remporte en 1949 une mention au prix Hallmark qui lui permet d'exposer aux États-Unis et en Amérique latine. À partir des années 1960, elle consacre une grande partie de son activité à promouvoir l'œuvre de son père, dont elle a donné plus de deux cents de ses œuvres au Musée national d'art moderne.
Commençons avec trois dessins d'enfants :

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Tia Pilar, 1930-1933, huile sur toile
Sans titre, 1935, huile sur toile
Etude d'après Tia Pilar, avril 1940, gouache, encre de Chine, pierre noire et mine graphite sur papier bleu
Sans titre, sans date, huile sur carton

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Sans titre, 1937-1938, huile sur panneau
Le Cri d'horreur, novembre 1939, encre sur papier
Femme effrayée, buste, 24 mars 1940, mine graphite et fusain sur papier

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Paysanne au bâton et à l'enfant, juillet 1937, gouache, encre et mine graphite sur papier
Jour de cafard, des avions passent, 19 mars 1939, mine graphite, crayon de couleur et aquarelle sur papier
Sans titre [Maternité], 01 février 1940, gouache, encre et pastel sur papier
Maternité, 1er février 1940, gouache et pierre noire sur papier

La série de dessins de femmes réalisée pendant la guerre incarne la « mater dolorosa » espagnole et la propre angoisse de Roberta González face au chaos.
La Seconde Guerre mondiale a un fort impact sur la vie et l'œuvre de Roberta González. Sous l'Occupation, elle doit quitter Paris, où Hans Hartung, son mari de nationalité allemande, est menacé. Elle part pour le Lot dans le Sud de la France. Lorsque son père décède subitement à Paris en 1942, Roberta ne peut être présente à ses côtés. Pendant cette période, elle réalise des portraits, figures féminines et maternités, déformées et éclatées, qui portent les traces de la violence de la guerre.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Nu mélancholique, 3 août 1950, huile sur toile
L'heure exacte, 12 octobre 1950, huile sur panneau
Cette œuvre intrigante qui laisse place à l'imaginaire, fait apparaître le goût pour le clair-obscur de Roberta González. Le cercle symbolise le temps qui réunit la jeune fille dans la nuit et l'oiseau dans le jour ensoleillé. Cette dualité reflète le tiraillement qui traverse souvent son œuvre, entre la figuration et l'abstraction. La femme au centre ne sait où porter son regard: regarder du côté obscur ou du côté lumineux?

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Au milieu de la pièce, une sculpture de son père Julio González, né en 1876 à Barcelone et mort en 1942 à Arcueil où il habitait (le centre municipal d'art porte son nom) :
Femme à la corbeille, 1934, fer forgé, soudé sur socle en pierre

« González pourrait être appelé le plasticien du vide. [...] La ligne d'une lame de fer simplement esquissée, amorcée, trace dans la lumière toute l'élégance d'un corps. » (Maurice Raynal) Considéré comme le père de la sculpture en fer, Julio González réalise au milieu des années 1930 une série de sculptures exclusivement linéaires, telle Femme à la corbeille. Sa fille Roberta peint, à la même période, des portraits semi-abstraits où les lignes soulignent les volumes géométriques et jouent sur les espaces pleins ou vides.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Bang Hai Ja
La Coréenne Bang Hai Ja (1937-2022) se forme à la peinture à l'huile et s'installe à Paris en 1961. Dans un premier temps, elle s'inscrit dans le courant parisien de l'abstraction gestuelle. Très tôt se forme dans sa peinture un espace où la profondeur se gagne à travers des brèches et des passages. Coulures et matériaux incrustés complexifient la texture et la couleur. Entre 1968 et 1976, Bang Hai Ja retourne en Corée et commence à expérimenter avec le papier traditionnel hanji, qui produit une texture légère, résistante et soyeuse. Elle multiplie dès lors les strates et les gestes de froissage et d'imprégnation par des pigments purs. Semblable à un seuil, l'œuvre semble peu à peu devenir une membrane suspendue entre deux mondes. Après son retour définitif en France en 1976, Bang Hai Ja partage sa vie entre Paris, Séoul et Ajoux en Ardèche. Cette présentation est constituée en majeure partie par une donation consentie au Musée national d'art moderne par la famille de l'artiste, figure singulière dans l'histoire de l'art qui relie ses deux pays.

Au coeur de la Terre II, 1960, huile sur toile
Cette peinture, une des premières abstractions de Bang Hai Ja, est présentée en France dès son arrivée en 1961 dans l'exposition "Les peintres étrangers à Paris" au Musée d'art moderne de la ville de Paris.
Sans titre, 1962, huile sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Sans titre (n°11), 1970, huile, papier de verre et cuir sur toile
Installée en Corée de 1968 à 1976, Bang Hai Ja retourne toutefois fréquemment en France, où elle suit un stage à l'atelier de vitrail de l'École des arts et métiers à Paris en 1970, qui lui inspire des atmosphères picturales méditatives. Cette peinture constitue une étape importante de recherche sur la couleur et les effets de matière. En diluant le médium, Bang Hai Ja s'inscrit dans la mouvance de l'abstraction lyrique qui prône la libération du geste et de la couleur. L'ajout de cuir ou de papier de verre renforcent l'aspect tactile de cette œuvre.

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Chant de résurrection, 1972, tempera et papier de mûrier sur toile
Cérémonie du dragon divin, 1975, huile, tempera, pigments naturels et papier de mûrier sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Sans titre, vers 1987, pigments naturels et papier de mûrier sur toile
Sans titre, 1988, huile, pigments naturels, gouache et papier de mûrier sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Univers, 1989, pigments et papiers collés sur toile
Interrogeant les mystères du cosmos, Univers s'inscrit dans un ensemble de peintures commencé en 1987. Bang Hai Ja invente des paysages astronomiques sans recourir à l'imagerie scientifique. Par son travail sur la lumière, elle se positionne dans une conception orientale de l'artiste, médiatrice entre le Ciel et la Terre.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions

Sans titre, 1990, pigments, pastel et papiers collés sur toile
Envols 2, 2000, pigments sur géotextile
Au début des années 1990, Bang Hai Ja crée une série de grandes toiles verticales qui s'inscrit dans de nouvelles recherches. La technique se libère de l'huile pour lier les pigments naturels à de très fines couches de papier hanji. Le geste du pinceau est peu à peu remplacé par une méthode patiente d'imprégnations des glacis pigmentés au recto et au verso du papier, produisant un éventail délicat de textures et de tonalités. La matière, aux couleurs de terre, s'allège, tandis que la construction de l'espace évoque des seuils, des portails, des brèches.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Sans titre, 1992, pigments naturels, encre de Chine et papier de mûrier sur toile
Sans titre, 1990, pigments naturels, pastel et papier de mûrier sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Lumière de l'univers, 2009, pigments naturels sur géotextile
Lumière de la terre, 2009, pigments naturels sur géotextile​​​​​​​
Souffle de lumière, 2009, pigments naturels sur géotextile
Au milieu des années 1990, Bang Hai Ja entreprend d'explorer les propriétés du tissu géotextile, offrant de nouvelles expériences chromatiques. Ce matériau de fibres recyclées permet à l'artiste de « peindre au revers » - posant le pigment par imprégnation, technique déjà utilisée sur la soie dans la peinture bouddhique de l'époque Koryo. La couleur acquiert ainsi un aspect à la fois dense et vaporeux. Les trames de motifs se forment de manière intuitive, accueillant une part d'aléatoire. Lors de son exposition à la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 2003, l'artiste a présenté ces supports enroulés suspendus, signifiant que la peinture est pour elle avant tout construction de l'espace.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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De la lumière à la lumière, 2014, pigments naturels et pastel sur papier de mûrier
Cette œuvre fait partie d'une série de peintures réunissant pigments purs et feuille d'or sur papier hanji froissé, suggérant une équivalence entre matière et lumière. Ici, les froissages d'intensités variables du papier servent tantôt des gradations subtiles de texture, tantôt des contrastes tranchés entre tons chauds et froids. Telle une colonne de braises fendant le bleu du ciel, l'axe central de la composition dit une aspiration à relier les mondes. Ce motif, couplé à celui du cercle, sera investi à l'échelle architecturale dans les vitraux que l'artiste réalise pour quatre baies de la cathédrale de Chartres, inaugurés en 2022.
Joie de lumière 1, 2020, pigments sur papier coréen marouflé sur toile
Apparue au tournant des années 1980 dans son œuvre, la forme du disque est porteuse pour l'artiste de nombreuses résonances symboliques. Dans une série développée en 2020, elle froisse le papier de murier à partir du centre du support, de sorte que les plis créent un prisme, subtilement gradué de cercles concentriques.
Naissance de lumière, 2020, pigments naturels et papier de mûrier sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Liberté de l'art
Les Étoiles, Pékin, 1979


Nous terminons ce billet avec une troisième petite exposition qui met à l'honneur quatre protagonistes du groupe Xing Xing (Les Étoiles) formé à Pékin à l'été 1979. Rompant avec le système de l'art officiel, cette association de vingt-trois artistes s'est fait connaître en organisant, en septembre 1979, la première exposition d'art indépendant dans un lieu public, installant leurs œuvres à même les grilles extérieures du parc du Musée national des beaux-arts de Chine à Pékin. Par-delà l'importance de l'événement historique, ce moment catalyseur de l'art contemporain en Chine a vu s'affirmer de fortes individualités artistiques. Dans leurs pratiques respectives de la peinture, du dessin, de la gravure sur bois et de la sculpture, Huang Rui, Li Shuang, Ma Desheng et Wang Keping puisent à l'expressionnisme, au modernisme et à l'abstraction pour repenser le système visuel de la représentation et élaborer un nouveau regard sur la société. Leur parcours va de la Chine à la France, où certains d'entre eux se sont établis au cours des années 1980 et où, dès 1990, l'exposition rétrospective « Les Etoiles, 10 ans » (Chapelle St Louis de la Salpêtrière, Paris) était consacrée à leur mouvement.

Huang Rui (né en 1952, vit et travaille à Pékin et à Nanterre) :

Jeune fille à l'éventail, 1979, huile sur papier
Sans titre, 1980, huile sur papier
The Guitar's Story, 1979, huile sur toile
Courtyard Abstraction N° 1, 1983, huile sur toile

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Li Schuang (née à Pékin en 1957, vit et travaille à Paris depuis 1984)

Lumière de l'espoir, 1980, huile sur toile
Le Puits des désirs, 1980, huile sur toile
Travaux pénitentiaires, 1980-1983
Li Shuang est emprisonnée entre septembre 1981 et juillet 1983 en raison de sa relation avec le jeune diplomate français Emmanuel Bellefroid, qui deviendra son époux après sa libération grâce au soutien de l'État français. Elle réalise durant sa détention plus de cinquante dessins au pastel sur des papiers de fortune. Une partie sera confisquée par les autorités avant de revenir à l'artiste en 2018. Dans les vingt-cinq feuilles ici réunies, des scènes du quotidien se mêlent à des souvenirs, des représentations symboliques et des visions surnaturelles. La facture abrupte ne révèle pas moins la mémoire des objets d'art anciens que l'artiste a côtoyé dans son enfance au Tibet.

Musée national d'Art Moderne - 3 petites expositions
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Ma Desheng, né en 1952 à Pékin, vit et travaille à Paris :
Sans titre, 1979-1981, impressions xylographiques sur papier de riz

Poète et artiste, Ma Desheng commencer à travailler comme dessinateur technique dans une usine et consacre ses soirées à la gravure sur bois.
Plus de quatre-vingts bois gravés entre 1978 et 1981 constituent le premier socle de l'œuvre, qui explorera par la suite l'encre, la peinture et la sculpture. Cette technique avait déjà été réhabilitée en Chine dans l'art militant des années 1920-1930, inspiré par l'expressionnisme allemand. Ma Desheng la conduit vers une profonde synthèse. Pour témoigner de son temps, il embrasse le réalisme et l'allégorie, l'expressionnisme et l'abstraction, l'urbanité et la ruralité.

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Terminons avec

Wang Keping, né en 1949 à Pékin, vit et travaille en France.

Femme couchée sur le dos, 1987, bois
La technique de Wang Keping repose sur un long processus d'apprivoisement de la matière naturelle. L'artiste procède d'abord à une taille grossière du bois pour définir la masse. Le bois est ensuite laissé à sécher pendant de longs mois, avant d'être sculpté en détail, puis sa surface est brûlée au chalumeau pour polir et unifier les aspérités. Dans cette œuvre, l'artiste a laissés bruts cinq départs de branches contrastant avec les volumes polis, suggestifs d'une anatomie féminine. Interdit depuis 1949 en Chine, le nu inspirera dans la pratique créatrice de Wang Keping une constante recherche formelle, tendue entre figuration et abstraction.

Silence, 1978, bois
Silence est l'œuvre la plus emblématique des débuts de Wang Keping. Cette représentation allégorique utilise la structure naturelle d'un tronc de bouleau pour faire surgir le motif d'un visage bâillonné. Un œil est grand ouvert tandis que l'autre est oblitéré d'un X, rappelant que la population chinoise, sous la Révolution Culturelle, est privée de voir autant que de parler. Présentée à la première exposition des Étoiles, Silence témoignait d'un désir d'expression spontanée et sans entraves que l'artiste résumait en ces mots : « Käthe Kollwitz est notre étendard, Picasso notre pionnier ».

Idole, 1978, bois
Dans ce visage massif coiffé d'un couvre-chef portant l'étoile à cinq branches, Wang Keping dit avoir voulu représenter Bouddha. Cette figure est chargée d'une profonde ambiguïté dans l'art engagé au tournant des années 1970 en Chine. Le « Bouddha noir » fait allusion au culte d'une personnalité despotique et symbolise la face mensongère d'un pouvoir tout autre que vertueux. Présentée au Musée national des beaux-arts de Chine lors de la deuxième exposition des Étoiles en 1980, Idole assume une mordante satire politique. 

Cri, 1987, bois
Établi en France en 1984, Wang Keping entreprend d'approfondir sa technique de taille en développant une méthode de création unique qui explore les propriétés de chaque essence de bois. Fibres, veines et nœuds des troncs et des branches deviennent le point de départ de son inspiration, dont l'horizon est une saisie de la présence humaine dans son universalité. Cri fait partie d'une série de figures au visage béant, les bras dressés vers le ciel, qui semblent former un contrepoint à Silence (1978). La facture sobre, laissant apparente l'empreinte des gestes, réduit l'expression à l'énergie épurée des lignes essentielles.

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Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

8 Mars 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Dernière grande exposition monographique au Centre Pompidou avant sa fermeture pour une rénovation qui va durer plusieurs années.
Suzanne Valadon n’avait pas bénéficié de monographie à Paris depuis celle que le Musée national d’art moderne lui avait consacrée en 1967. Conçu par le Centre Pompidou-Metz en 2023, puis présenté au Musée d’arts de Nantes et au Museu Nacional d’Art de Catalunya à Barcelone en 2024, sous le titre « Suzanne Valadon. Un monde à soi », l’hommage à cette artiste ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps, se poursuit donc au Centre Pompidou, en 2025 avec une version enrichie de nouveaux prêts et augmentée d’archives inédites.

Une première partie intitulée Apprendre par l'observation fait allusion à ses premières années : modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprit à dessiner en observant à l'œuvre les artistes pour lesquels elle posait. Parmi ces derniers, le jeune Henri de Toulouse-Lautrec avec lequel elle a une liaison enflammée, et qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards... 

Dans l'entrée, L'Acrobate ou La Roue, 1916, huile sur toile
Valadon représente souvent les corps dans des positions complexes et utilise fréquemment des cadrages qui permettent des raccourcis et des distorsions visuelles. L'Acrobate tranche cependant par son dynamisme et une grande liberté dans la touche. Avec une grande économie de moyens, le mouvement du personnage est réduit à une ligne brisée presque abstraite. Cette œuvre rappelle, tant par son contenu que par sa technique, certaines compositions d'Edgar Degas ou de Henri de Toulouse-Lautrec qui fréquentaient les cirques. Elle fait aussi écho à la biographie de Valadon, qui fut une éphémère artiste de cirque avant de devenir modèle puis peintre.
La Chambre bleue, 1923, huile sur toile
Suzanne Valadon livre le portrait d'une femme ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps. L'œuvre rappelle les représentations classiques de la figure de l'odalisque. Valadon rompt avec la tradition orientaliste du nu alangui, lui préférant un corps au repos. Sa forte stature, son bas de pyjama rayé, son attitude nonchalante et blasée lui ôtent toute forme d'érotisme.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Des autoportraits :

1883, mine graphite, fusain et pastel sur papier
Réalisé à l'âge de 18 ans, une des toutes premières œuvres qui nous soit parvenue.
1911, huile sur toile
1916, huile sur carton fin contrecollé sur toile
Autoportrait aux seins nus, 1931, huile sur toile 
À l'âge de 66 ans, elle signe ici son dernier autoportrait. Délaissant les habituelles idéalisation et érotisation des corps féminins, elle se dépeint avec des traits de visage sévère, les lèvres crispées, et la poitrine légèrement tombante trahissant les premiers signes de vieillesse. Elle réalise ici le premier portrait d'une artiste âgée nue, renversant la vision esthétique privilégiée du corps féminin jeune.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Autoportrait, 1893, crayon gras sur papier
Mon portrait, 1894, encre de Chine sur papier
Autoportrait, 1903, sanguine sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Dans  cette section figure la première des œuvres d'artistes femmes contemporaines de Suzanne Valadon qui parsèment l'exposition.

Juliette Roche (1884-1980) : Autoportrait à Serrières, vers 1925, huile sur carton
On ne sait pas si Suzanne Valadon a rencontré Juliette Roche. Cependant, toutes deux participent aux Salons des Indépendants au début des années 1920, toutes deux exposent à deux reprises, mais jamais ensemble, à la galerie Berthe Weill en 1920.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Des toiles d'artistes pour lesquelles Suzanne Valadon a posé :

Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) :
La Grosse Marie, 1884, huile sur toile
Femme tirant son bas, vers 1894, huile sur carton
Pierre Auguste Renoir (1841-1919) : La Toilette : femme se peignant, 1907-1908, huile sur toile
Jean-Jacques Henner (1829-1905) : Dormeuse ou Étude. Variante dans un paysage, après 1893, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Edgar Degas (1834-1917) :
Femme nue, assise par terre, se peignant, 1886-1890, pastel et fusain sur papier vergé
La Toilette après le bain, sans date, fusain
Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) : Jeunes filles au bord de la mer, vers 1879 (Version réduite du tableau présenté au Salon de 1879), huile sur toile
Précurseur du symbolisme. Puvis de Chavannes a eu une grande importance chez toute une génération d'artistes modernes. Valadon a entre 14 et 15 ans lorsqu'elle le rencontre, probablement au marché aux modèles sur la place Pigalle à Paris où l'artiste a un atelier. Durant près de dix ans, Valadon sert de modèle pour les personnages féminins, mais aussi masculins, des grandes compositions de Puvis.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Paul Cézanne (1839-1906) : Cinq baigneuses, 1877-1878, huile sur toile fine, avec une préparation blanche mixte en réserve
Exposée lors de sa rétrospective au Salon d'Automne de 1907, l'une de ces baigneuses a pu inspirer Valadon dans la réalisation de son grand tableau Joie de vivre (1911). Elle a également probablement remarqué La Joie de vivre (1905-1906) de Henri Matisse, exposé au Salon des Indépendants de 1906. Ce tableau a appartenu à Pablo Picasso dont Valadon était proche.
Henri Matisse (1869-1954) : Nu drapé étendu, 1923-1924, huile sur toile
Un dialogue étroit se noue entre Suzanne Valadon et Henri Matisse dans leurs correspondances stylistiques et leur intérêt partagé pour le nu. Entre 1921 et 1925, Matisse entreprend une série d'odalisques enchâssées dans des fonds décoratifs, dont cette toile se démarque par la grande simplification du décor. Au même moment, Valadon réalise plusieurs grands nus allongés dans des intérieurs, où se superposent de larges aplats de couleur contrastés et où la forte présence de tissus évoque le travail de Matisse.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Pour clôturer cette section, une toile de Suzanne Valadon :

Gilberte nue se coiffant, 1920, huile sur toile
Loin d'une vision éthérée des figures allégoriques sur ce thème, comme dans Les Jeunes filles au bord de la mer (1879) de son maître Pierre Puvis de Chavannes, Valadon campe ici un personnage au corps non idéalisé, enroulant une lourde mèche de cheveux. Gilberte, petite-nièce de Valadon et qui a servi de modèle à plusieurs reprises, se tient nue dans un intérieur où quelques détails évoquent l'atelier.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Dessins
C'est avec la pratique du dessin que la carrière artistique de Valadon débute. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses « dessins méchants et souples ». Le trait bien appuyé, qui cerne les corps et les objets, est la « signature » de Valadon et influence très fortement sa peinture. Le nu, en particulier féminin, est le sujet central de son œuvre graphique. Elle figure les femmes, la plupart du temps, actives, vaquant à des scènes de la vie quotidienne (toilette, bain, ménage...). Malgré leur apparente spontanéité, ces œuvres sont le fruit d'une lente élaboration, comme le montre son utilisation régulière du papier-calque. Cette technique, apprise auprès de Degas, lui permet de dupliquer et transférer ses personnages d'un support à un autre.

Mère et enfant, vers 1883, crayon gras sur papier
Utrillo enfant, 1886, sanguine et mine graphite sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

La Mère de Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, vers 1890, crayon sur papier
Utrillo nu et sa grand-mère assis, 1892, mine graphite sur papier calque collé sur papier
Utrillo essuyé par sa grand-mère, 1892, mine graphite sur papier calque

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Utter de profil, 1911, mine graphite sur papier
Paul Mousis lisant, 1892, fusain et mine graphite sur papier
Paul Mousis et son chien, 1891, mine graphite sur carton
Portrait de Miguel Utrillo de profil, 1891, fusain et crayon sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Grand-mère et Louise nue assise à terre, 1910, estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, pointe sèche sur papier vélin
Portrait de jeune fille, 1920, dessin au fusain

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Utrillo pensif, 1911, fusain sur papier calque
Utrillo de face, 1925, fusain sur papier
Utrillo de trois quarts, 1925, fusain sur papier

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Portraits de famille
L'œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l'exécution de portraits de ses proches. N'ayant pas les moyens d'avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. Dans Portrait de famille (1912), elle trône au centre de la composition, entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo, s'affirmant comme la véritable cheffe de famille. Les portraits familiaux de Valadon n'ont rien de complaisant. Elle peint les personnes qu'elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. Son fils, en 1909, apparaît tourmenté, le visage émacié, l'air abattu et le regard vide. Lorsqu'elle peint la famille d'Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils.

La Mère de l'artiste, 1912, recto, huile sur carton
Portraits de famille, 1912, huile sur toile
Grand'mère et petit-fils, 1910, huile sur carton
Dans ce portrait au réalisme méticuleux et sans idéalisation, dans la tradition des portraits flamands du 15° siècle, la figure de Maurice Utrillo contraste avec celle de Madeleine, la mère de Suzanne Valadon. Les moyens économes avec lesquels l'artiste représente Madeleine et le chien, comme le regard d'Utrillo, seul à être dirigé vers le spectateur, suggèrent l'effacement progressif de la grand-mère au profit d'une jeunesse triomphante. L'artiste renonce ici à toute vraisemblance spatiale. La juxtaposition des deux bustes, d'échelles distinctes, sur un fond saturé de motifs floraux et sans perspective, évoque par ailleurs la manière des primitifs flamands.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Portrait d'Erik Satie, 1892-1893, huile sur toile
Erik Satie (1866-1925) : Suzanne Valadon, 1893, encre sur papier à musique
Au début des années 1890, Valadon fréquente le compositeur Erik Satie, qui habite comme elle rue Cortot, à Montmartre. Tandis qu'il la croque à plusieurs reprises sur du papier musique, elle réalise son portrait, une de ses toutes premières toiles, qui révèle son talent précoce de portraitiste. Après six mois de relation passionnée, le couple se sépare. Dévasté, Satie compose en réaction Vexations, une partition obsédante dont le motif doit être répété huit cent quarante fois et peut durer jusqu'à vingt-quatre heures selon le tempo adopté. Retrouvée à son domicile après sa mort, l'œuvre n'a jamais été jouée de son vivant.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Portrait de Maurice Utrillo, 1921, huile sur papier marouflé sur toile
Utrillo devant son chevalet, 1919, huile sur carton

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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La Famille Utter, 1921, huile sur toile
Neuf ans après Portraits, Valadon renoue avec le portrait de groupe en figurant une partie de sa belle-famille dans l'étroite salle à manger de la rue Cortot. De gauche à droite, on reconnaît les deux sœurs d'Utter, Germaine et Gabrielle, ainsi que leur mère. Une certaine austérité classique se dégage de ce tableau. À gauche, seule Germaine, le corps penché, la tête posée sur sa main droite, les jambes croisées, et entourée de fleurs, tranche avec ses deux voisines, représentées raides dans leurs fauteuils. Le critique d'art Robert Rey les a comparées aux Trois Dames de Gand (vers 1800), un tableau attribué à Jacques-Louis David, conservé au musée du Louvre.
Germaine Utter devant sa fenêtre, 1926, huile sur toile
André Utter et ses chiens, 1932, huile sur toile
Chien couché, étude II, sans date [vers 1920], fusain et crayon de couleur sur papier

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913, huile sur toile
Assise sur un fauteuil, Marie Coca, la nièce de l'artiste, se tient aux côtés de sa fille Gilberte, installée à ses pieds sur un coussin, une poupée posée sur ses genoux. La fillette fixe le spectateur, tandis que sa mère détourne le regard au loin. La construction singulière du tableau en quinconce, où le sol bascule vers le regard du spectateur et où les personnages sont projetés vers l'avant, renforce la différence de taille entre les modèles et souligne le passage de l'enfance à l'âge adulte. Valadon recourt par ailleurs au traditionnel jeu du « tableau dans le tableau », citant une estampe d'Une Répétition d'un ballet à l'Opéra (1874) d'Edgar Degas, en haut à gauche de la composition.
La Poupée délaissée, 1921, huile sur toile
On retrouve ici, huit ans plus tard, les mêmes personnages peints dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913). La mère sèche sa fille devenue adolescente tandis que celle-ci se tourne vers le miroir qu'elle tient à la main. La poupée, qui était fièrement installée sur les genoux de la petite fille dans le tableau précédent, est ici jetée sur le sol. Atteignant la puberté, la jeune fille se désintéresse de sa poupée préférant contempler son image.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Nous terminerons cette première partie du parcours de l'exposition avec des natures mortes et des paysages de Suzanne Valadon.

« La vraie théorie, c'est la nature qui l'impose. »
«La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l'eau et les êtres, me charment » écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l'associent à l'esthétique de Paul Gauguin. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.

Le Sacré-Cœur vu du jardin de la rue Cortot, 1916, huile sur toile
Le Jardin de la rue Cortot, 1928, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Le Château de Saint-Bernard (Ain), 1931, huile sur toile
L'Église de Saint-Bernard, 1929, huile sur toile
La Cour du Château de Saint-Bernard, 1930, huile sur toile
En 1923, Valadon et Utter font l'acquisition d'un château à moitié en ruine à Saint-Bernard, dans l'Ain. Le trio Valadon-Utter-Utrillo séjourne à plusieurs reprises dans leur « domaine féodal », parfois de façon éparpillée, au gré des disputes et des besoins d'isolement de chacun. Dans cette toile, Valadon ne présente pas de vue globale et frontale du château et opte pour un cadrage permettant davantage de jeux perspectifs où l'architecture fusionne avec la végétation, comme pour Le Jardin de la rue Cortot de 1928. La palette, la touche et la simplification des formes évoquent les paysages provençaux de Cézanne.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
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Chien endormi sur un coussin, vers 1923, huile sur carton marouflé sur panneau
Nature morte, 1920, huile sur carton
Sur une table recouverte d'un grand tissu à motifs, un plat d'étain chargé de fruits, un bouquet dans un vase dont on n'aperçoit pas le sommet, un pot de fleurs et une cruche sont posés côte à côte, apparemment sans organisation. Le tissu drapé et la vue plongeante rendent volontairement instable la composition. Ce tissu brodé, appelé « suzani », a sûrement été rapporté d'Ouzbékistan par son premier mari Paul Mousis, négociant en étoffes. Suzanne Valadon le représente dans plusieurs de ses toiles.
Nature morte au poisson, 1926, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Dans cette section, une œuvre d'une femme peintre contemporaine de Valadon, Mela Muter (1876-1907) : Les Poissons, vers 1920, huile sur toile
Les routes de Suzanne Veladon et de la peintre franco polonaise Mela Muter, de onze ans sa cadette, se sont croisées à de nombreuses reprises. Avec Erik Satie, un temps amant de Valadon et ami de Muter, chez le marchand Ambroise Vollard qui publie des gravures de Valadon et expose Muter, aux Salons d'Automne et des Indépendants où toutes deux exposent aux mêmes moments, à la Société des Femmes Artistes Modernes où elles sont présentes depuis sa création en 1931 par Marie Anne Camax Zoegger et enfin chez le galeriste Bernheim-jeune où elles participent toutes deux à une exposition collective en 1935. D'abord influencée par le symbolisme, la peinture de Muter évolue rapidement vers une facture à la touche expressionniste et aux couleurs éclatantes.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Le Canard, 1930, huile sur toile
Nature morte au lièvre, faisan et pomme, 1930, huile sur toile
Nature morte au lapin et à la perdrix, 1930, huile sur toile
Dans les années 1930, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans canards, perdrix, lapins. Elles sont réalisées lors de séjours à Saint-Bernard avec le gibier qu'Utter rapportait de la chasse.

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Le Chemin dans la forêt, vers 1918, huile sur toile
L'Étable en Beaujolais, 1921, huile sur toile
Route dans la forêt de Compiègne, 1914, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Vase de fleurs, 1934, huile sur toile
Fleurs, 1929, huile sur toile
Bouquet de fleurs, 1930, huile sur toile
Le motif du bouquet de fleurs, présent notamment dans plusieurs portraits, devient un sujet autonome et récurrent dans les dernières années de Valadon. Souvent offertes en guise de remerciements aux proches de l'artiste, ces toiles se caractérisent par un certain dépouillement que seuls quelques détails ornementaux, comme ici les motifs circulaires incisés sur la panse du vase ou encore le petit napperon, viennent contrecarrer.
Bouquet de roses, 1936, huile sur contreplaqué
Vase de fleurs sur un guéridon, 1936, huile sur toile

Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)
Suzanne Valadon (1865-1938) au Centre Pompidou (I/II)

Nous poursuivrons dans un prochain billet le parcours de cette belle rétrospective.

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Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

1 Mars 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Une exposition originale, au Louvre, qui ramène à la lumière un peintre, il faut bien le dire, bien tombé dans l'oubli, alors qu'il a occupé le devant de la scène artistique de son vivant, et que, né fils d'esclave, son destin à lui seul suscite l'intérêt.
Guillaume Guillon Lethière a été, écrit Charles Blanc dans son Histoire des peintres de toutes les écoles (1865), « une des grandes autorités de son temps ». Né à Sainte Anne, à la Guadeloupe, en 1760, fils naturel d’une esclave d’origine africaine et d’un colon blanc procureur du roi, Guillon Lethière occupa les postes parmi les plus prestigieux du monde des arts. Il maintint tout au long de sa vie des liens étroits avec des personnalités et des artistes venus des Antilles, ainsi avec la famille Dumas – le général, lui aussi fils d’une esclave, et le jeune écrivain Alexandre Dumas. Comme nombre de ses contemporains il dut, pour obtenir des commandes, s’adapter à la rapide succession des régimes et aux retournements politiques, depuis la période révolutionnaire jusqu’à l’aube de la monarchie de Juillet.
Le titre de l'exposition fait allusion à la signature  «g. guillon Le Thiere né à La Guadeloupe» qu'il appose au tableau Le Serment des ancêtres, peint en 1822 et qui constitue l'affiche de l'exposition. Peint dans le secret de l'atelier, il fut transporté clandestinement, avec la complicité de l'Abbé Grégoire, par Auguste Lethière, fils de Guillaume, qui l'offrit de la part de son père à la nation haïtienne, dont l'indépendance proclamée en 1804 ne fut reconnue par la France qu'en 1825 par Charles X contre une très lourde compensation financière.

Section 1 - Lethière : « une des grandes autorités de son temps »

- Buste en marbre de Guillon Lethière par Jean-Pierre Cortot (1787-1843)
1er prix de Rome en 1809, Cortot rejoint l’Académie de France à Rome de 1810 à 1813, sous le directorat de Guillon Lethière nommé par décret impérial en 1807 à ce poste prestigieux grâce au soutien de Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de l’Empereur Napoléon 1er.
Louis-Léopold Boilly (1861-1945) :
- Lethière et Carle Vernet, étude préparatoire pour  L’atelier d’Isabey
- Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey
L’étude préparatoire à l’atelier d’Isabey, une des nombreuses esquisses peintes par Louis-Léopold Boilly, représente au premier plan le peintre Carle Vernet (1758-1836) de profil et Guillaume Guillon Lethière drapé dans une grande cape rouge. Tous deux sont en conversation. Les modèles des deux artistes se retrouvent au centre de la composition finale du tableau Rencontre d’artistes à l’appartement d’Isabey présenté au Salon de 1798. Dans ce portrait de groupe où chacun est reconnaissable, Boilly met en scène le milieu artistique parisien.
François-Joseph Heim (1787-1865) :
- Charles X distribuant des récompenses aux artistes exposants du Salon de 1824 au Louvre, le 15 janvier 1825, 1827, huile sur toile
A la fin de sa vie, Guillon Lethière est dépassé par les nouveaux mouvements artistiques mais il demeure une personnalité importante du monde des arts. Académicien, il est au premier rang de cette cérémonie officielle, centrée autour du roi, devant le peintre Ingres. Ses amis sont là, Bidauld, Boilly, Parcier et Fontaine... Ils côtoient d'anciens pensionnaires à Rome sous le directorat de Guillon Lethière, comme David d'Angers, ou Heim lui-même. Hortense Haudebourt-Lescot, autrefois son élève, salue le roi.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) :
Portrait de Guillaume Guillon Lethière, dédicacé « M. DE INGRES/A MAD. LE LESCOT», 1815, graphite sur papier
Grand Prix de Rome en 1801, Ingres doit reporter son départ et n'arrive en Italie qu'en 1806. Pensionnaire de l'Académie de France à Rome sous le directorat de Guillon Lethière à partir de l'automne 1807, il noue avec lui d'excellentes relations.
Alexandre Lethière (1787-1824) et sa famille, signé et dédicacé "INGRES À/MONSIEUR LETHIÈRE / ROME 1815", graphite sur papier [Alexandre est le fils aîné de Guillon Lethière, né en 1787, hors mariage, de la liaison du peintre avec Marie-Agathe Lapôtre.)
Marie Joseph Honorée Vanzenne (1762-1838), épouse du peintre, et leur fils Lucien, 1808, graphite sur papier
Derrière eux se déploie le paysage romain duquel its sont familiers : l'église de la Trinité des Monts, l'obélisque et la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome, dont Guillaume Guillon Lethière est alors directeur et Ingres pensionnaire
Rosina Meli, épouse d'Alexandre Lethière, et leur fille Letizia, vers 1815, graphite sur papier

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Anne-Louis Girodet (1767-1824) : Benjamin Rolland (1773-1855), 1816, huile sur toile
Né en Guadeloupe en 1773, le peintre Benjamin Rolland est fils d'une esclave métisse. Il est libéré par son père en 1776. Élève de Jacques-Louis David à l'École des Beaux-Arts, il devient le premier conservateur du musée de Grenoble. Guillon Lethière et Rolland se sont sans doute rencontrés chez leur ami commun, le peintre d'histoire Fortuné Dufau (1770-1821), né à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti).
Jacques-Auguste Fauginet (1809-1847) : Alexandre Dumas père (1802-1870), 1831, plâtre patiné couleur bronze
Guillon Lethière est très lié avec le général Thomas Alexandre Dumas, fils d'esclave né à Saint-Domingue (Haïti), héros des guerres révolutionnaires, ainsi qu'avec son fils, l'écrivain Alexandre Dumas (1802-1870).
 

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Section 2 - Survivre aux bouleversements politiques
 
 Comme nombre de ses contemporains Lethière doit, pour asseoir sa carrière, rester en vue et obtenir des commandes du pouvoir en place, s’adapter aux changements de régimes et aux bouleversements politiques de son temps. Durant la période révolutionnaire (1789-1804) il participe ainsi à des concours qui lui permettent d’obtenir des bourses, par exemple pour peindre « Philoctète » en 1798, traite des sujets en lien avec les idéaux républicains ou la propagande patriotique. Introduit dans les cercles bonapartistes, il se voit confier de grandes compositions à la gloire du Premier consul puis empereur Napoléon Bonaparte (1769-1821).  Portraitiste, il bénéficie aussi de commandes privées. Sous la Restauration (1814/1815-1830), il peint des scènes qui exaltent la monarchie de retour au pouvoir, illustrant des épisodes de la vie de Saint Louis (1214-1270), ou la fondation du collège de France par le roi de France François 1er (1515-1547). Ces tableaux de très grands formats, exposés au Salon, n’ont pu être déplacés et exposés ici mais ils constituent un aspect important de son œuvre. À la fin de sa vie, avec « La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris », l’artiste cherche l’agrément du nouveau roi des Français Louis-Philippe (1830-1848) et montre sa volonté de rester en compétition et de s’adapter à l’évolution de la peinture d’histoire.

Philoctète dans l'île déserte de Lemnos, gravissant les rochers pour avoir un oiseau qu'il a  tué, 1798, huile sur toile
En 1794, sous la Terreur, Guillon Lethiere participe à l'un des concours organisés par le Comité de salut public et obtient un prix de 6000 livres qui lui permet d'exécuter ce Philoctète. Achevé en 1798, le tableau de grand format est exposé au Salon, où il reçoit un bon accueil. Il est acquis par le gouvernement puis exposé à la Chambre des députés. Alexandre Dumas écrit dans ses souvenirs que son père, le général Dumas, aurait posé pour ce tableau.
Scène Antique, 1796, pointe, lavis et craie sur papier
La Patrie est en danger, 1799, huile sur toile
 Portrait d’une musicienne, 1791, huile sur toile

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Lucien Bonaparte contemplant sa maîtresse Alexandrine de Bleschamp Jouberton (1778-1855), huile sur toile
Le tableau est peint au retour d'un voyage en Espagne et témoigne de la relation de confiance et de connivence entre Guillon Lethière et son mécène.
Le Sommeil de Vénus, 1796, huile sur toile
Portrait d'Adèle Papin jouant de la harpe, 1799, huile sur toile
Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de Napoléon Bonaparte, 1800-1806, huile sur toile
Guillon Lethière peint plusieurs portraits officiels de Lucien Bonaparte. Celui-ci, plus intime, le présente en voyageur cultivé et élégant. La ville à l'arrière-plan représente probablement Badajoz en Espagne.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Élisa Bonaparte-Bacciochi, princesse de Lucques et de Piombino (1777-1820), 1800, huile sur toile
En 1806, Guillon Lethière reçoit la commande du portrait de l'impératrice des Français Joséphine de Beauharnais (1804-1809) pour le Salon du Président au Palais Bourbon, et de celui d'Élisa Bonaparte, sœur de l'empereur, pour le Palais des Tuileries.
La Victoire et les Génies des Arts du dessin, vers 1800, sanguine sur papier
Esquisse pour les Préliminaires de paix signées à Leoben, 17 avril 1797, vers 1805, huile sur toile
En 1804, Guillon Lethière reçoit du Corps législatif la commande d'un grand tableau commémorant la signature des préliminaires de paix à Leoben (Autriche centrale). Le sujet célèbre une victoire diplomatique du général Bonaparte en 1797 pendant les guerres révolutionnaires: cet accord avec l'Empereur d'Autriche aboutit au traité de Campo-Formio qui scella la paix. Cette esquisse prépare à l'exécution du tableau final, achevé en 1805 et placé au Palais Bourbon puis à Versailles où il se trouve toujours.
Manufacture des Gobelins, d'après Guillaume Guillon Lethière : Préliminaires de Paix signés à Leoben, 17 avril 1797, 1810-1814, laine et soie
Esquisse pour La Fayette présentant Louis-Philippe au peuple de Paris, 1830-1831, huile sur toile
Guillon Lethière montre ici, à soixante-dix ans passés, sa capacité à s'adapter à l'imagerie d'un nouveau régime et à suivre l'évolution stylistique de la peinture d'histoire à sujet contemporain.
Le peintre meurt avant d'avoir pu achever la version finale de ce tableau commandé par le roi.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Section 3 -  L’atelier de Guillon Lethière. Elèves femmes et Caribéens

Guillon Lethière ouvre dès 1793 un premier atelier à Paris à La Childebert, bâtiment qui regroupe plusieurs ateliers dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Après son retour de Rome en 1816, il s’établit, rue de l’Abbaye. Il enseigne aussi dans son atelier à l’Institut de France. En 1819, il est nommé professeur à l’École des Beaux-Arts, consécration dans sa carrière officielle. Il accueille notamment des élèves qui viennent de la Guadeloupe ou des Caraïbes, comme Eulalie Morin (1765-1852) ou Jean-Baptiste Gibert (1803-1883).et reçoit dans son atelier privé plusieurs élèves femmes ; cette pratique est courante et bien admise dans la première moitié du 19e siècle, époque particulièrement favorable à la formation des artistes femmes.

Cette salle évoque les élèves peintres femmes, en particulier Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845), et Eugénie Servières (1783 – 1855), probablement les plus douées. Il y eut aussi de nombreux autres élèves, comme Louis Boulanger (1806-1867) ou Théodore Rousseau (1812-1867).

Eugénie Honorée Marguerite Servières (1766-1865) : Inês de Castro et ses enfants
se jettent aux pieds du roi Alphonse pour obtenir la grâce de Don Pedro
, 1822, huile sur toile
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Autoportrait, 1825, huile sur toile

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Guillaume Guillon Lethière  : Une femme appuyée sur un portefeuille, 1799, huile sur toile
Exposé au Salon de 1799, ce portrait représente très vraisemblablement Eugénie Servières (1783-1855) vers l'âge de 16 ans. La jeune femme est la belle-fille du peintre, la fille de son épouse, Marie-Honorée Vanzenne (1762-1838), et du premier mari de cette dernière, Pierre Charen (décédé en 1792). Formée dans l'atelier de Guillon Lethière, elle devint une peintre accomplie et eut un atelier où elle forma à son tour des peintres femmes. Le fond neutre et le naturel du visage rappellent les portraits néoclassiques du peintre Jacques-Louis David (1748-1825).
Antoinette Cécile Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) : Voyage de noces, 1825, huile sur toile
Peintre d'histoire et de scènes de genre, portraitiste, Hortense Haudebourt-Lescot est la filleule d'un ami du père de Guillon Lethière originaire de la Guadeloupe. Elle a étudié auprès de Guillon Lethière dès l'âge de sept ans. Le peintre, qui l'invite à la Villa Médicis, a beaucoup d'estime pour son talent.
Jeanne Pauline Bouscaren, dite Jenny Prinssay (1771-1824) : Vue de la Guadeloupe, vers 1813, huile sur toile
Née Jeanne Pauline Bouscaren à Goyave en Guadeloupe, Jenny Prinssay évolue sans doute à Paris dans un cercle antillais proche de Guillon Lethiere, mais leurs liens ne sont pas documentés. Paysagiste, elle expose à partir de 1801. Cette vue de la Guadeloupe à été présentée eu Salon de 1814.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Section 4 -  Le classicisme et Poussin : des modèles pour Lethière

Au début de sa carrière, Lethière est en phase avec la réaction néoclassique qui vise à revenir à la solennité des modèles antiques et des artistes qui s’en sont inspirés depuis la Renaissance. Dans les années 1810 et 1820, il oriente ses recherches dans des directions différentes, et son style se rapproche parfois de tendances préromantiques.  En dehors des commandes de l’État, il est resté attaché aux sujets tirés de la mythologie, de l’histoire et des textes antiques, ou de la littérature classique, se détourant du sujet moderne. Dans une lettre au peintre François-André Vincent (1746-1816) en 1813, il défend le « feu sacré du beau » : « les sujets de batailles modernes n’offrent guère d’intérêt que celui qui leur est propre sans doute, mais des habits bleus, des bottes, des guêtres, des gants, des fusils… ne forment guère au sublime et il y a 
loin d’un hussard à l’Apollon du Belvédère… ».
 Le modèle absolu demeure à ses yeux le peintre Nicolas Poussin (1594-1665), pour qui il a une 
immense admiration, et dont il acquiert lors de son directorat à l’Académie de France à Rome l’un des derniers chefs-d’œuvre, « Apollon amoureux de Daphné ».  À la fin de sa vie, Lethière est jugé sévèrement par la critique, comme le tenant d’un classicisme dépassé par les nouveaux courants artistiques.

Nicolas Poussin (1594-1665) : Apollon amoureux de Daphné, 1663-1664: huile sur toile
Ce tableau. est considéré comme le dernier tableau de Poussin, inachevé. Sa signification profonde reste mystérieuse. Il a été donné par le peintre au cardinal Camillio Massimi (1620-1677). Guillon Lethière l'acquiert au Palais Massimi à Rome, durant son directorat à la Villa Médicis.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

La Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ, 1784, huile sur toile
Élève du peintre Gabriel-François Doyen (1726-1806), Guillon Lethière concourt trois fois pour le Grand Prix de Rome. Pour sa première participation en 1784, le sujet de l'épreuve est tiré de l'Évangile selon saint Matthieu. Guillon Lethière est classé deuxième, après Jean-Germain Drouais (1763-1788) et Louis Gauffier (1762-1801) - premiers à égalité.
La Mort de Camille, 1785, huile sur toile
En 1785, le concours du Prix de Rome a pour sujet un épisode de l'histoire mythique de Rome, la mort de Camille. Classé à nouveau second, Guillon Lethière peut néanmoins l'année suivante obtenir une bourse de pensionnaire grâce à divers soutiens politiques.
Herminie et les bergers, 1795, huile sur toile
Carlo et Ubaldo dans le jardin d'Armide, vers 1815-1820, huile sur toile

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Le Jugement de Pâris, 1812, huile sur toile
Située dans un paysage idéal, inspirée des modèles classiques du peintre Nicolas Poussin, cette ambitieuse composition est peinte à Rome en 1812. Guillon Lethière y adopte un style gracieux et raffiné, loin d'un héroïsme sévère et guerrier.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

La déesse de l'amour, Vénus, demandant au dieu des forgerons, Vulcain, de forger des armes pour son fils Énée, 1822, pierre noire, graphite, plume et encre brune et grise, lavis bleu et brun sur papier
Critias et Théramène, 1789, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc sur pierre noire
Vénus et Adonis, avant 1817, huile sur toile
La Condamnation de Rhea Silvia par Amulius, vers 1822, huile sur toile

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Homère chantant son Iliade aux portes d'Athènes, 1814, huile sur toile
Vue du château de Genazzano dans les États romains, 1819, huile sur toile

Et pour clore cette section, un tableau de Jean-Baptiste Adolphe Gibert (1803-1883) :
La Mort d'Adonis, 1829, huile sur toile
Né en Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre, Gibert a été élève de Guillon Lethière à l'École des Beaux-Arts. En 1829, il remporta avec ce tableau le Prix de Rome du paysage historique.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Section 5 -  « Brutus » et « Virginie » :  les « grandes machines »

Durant son séjour de pensionnaire à l’Académie de France à Rome (1786-1791), Guillon Lethière 
envisage un cycle de quatre compositions consacrées à l’histoire romaine antique. Il abandonne à l’état préparatoire « La Mort de César et Maxence défait par Constantin ». Les deux autres sujets l’occupent pendant de longues années, et aboutissent aux œuvres les plus ambitieuses et les plus monumentales de sa carrière. La critique a qualifié ces œuvres de « grandes machines », expression utilisée notamment pour les grands tableaux d’histoire de son maître Gabriel-François Doyen (1726-1806).
 « Brutus », achevé à Rome en 1811, est exposé au Salon de 1812 et très admiré. C’est l’œuvre la plus célèbre de l’artiste au 19e siècle.  
« La Mort de Virginie » est présentée avec succès à l’Egyptian Hall de Londres (1828), puis à Paris au Salon de 1831 où le tableau est éreinté par la critique. Le sujet héroïque, la grandiloquence et la démesure dans le sujet antique ne sont plus au goût du jour en France.
En reprenant, à la fin de sa vie, ce projet de jeunesse, et en le centrant désormais sur la figure de 
Virginie, Guillon Lethière faire ressurgir une question qui est au cœur de son histoire intime et de l’histoire de son temps : celle de la liberté et l’esclavage.

Brutus condamnant ses fils à mort, 1788, huile sur toile
L'artiste a choisi un parti pris narratif, spectaculaire et théâtral, avec une foule de personnages aux réactions diverses et qui expriment des émotions variées - stupéfaction, admiration, effroi...
L'interprétation du sujet est très éloignée de celle de Jacques-Louis David (1748-1825) dont le Brutus sera présenté aux Salons de 1789 et 1791.
Comme dans les premiers dessins, le bourreau montre la tête du fils décapité à la foule. Dans les versions ultérieures, ce geste, qui pouvait être associé aux exécutions sous la Terreur (1793-1794), sera supprimé.
 

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Trois tableaux successifs représentant La Mort de Virginie, entre 1823 et 1828
Le troisième, avec un détail, est le plus proche du grand tableau définitif.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Autre projet de "grande machine" abandonné, 
La Mort de César, avant 1795, huile sur toile
Cependant, l'historien de l'art Philippe Bordes a récemment proposé d'attribuer cette esquisse supposée de Lethière au peintre Jean-Baptiste Frédéric Desmarais (1756-1816).

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe

Les tableaux de « Brutus » et « Virginie » sont aujourd’hui exposées dans le salon Denon, en salle 701 du musée du Louvre. Nos photos en sont de qualité médiocre, car ces tableaux de très grande taille sont accrochés en hauteur et les reflets sur le vernis ne les avantagent guère.

Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
Guillon Lethière (1760-1832), né à la Guadeloupe
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Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

22 Février 2025 , Rédigé par japprendslechinois

L'exposition d'automne-hiver du Palais Galliéra est comme toujours spectaculaire. Elle est consacrée au britannique Stephen Jones, né en 1957 près de Liverpool.
Formé à la Saint Martin’s School of Art, il ouvre sa première boutique à Londres en 1980, et propose très rapidement deux collections de chapeaux par an. Membre du mouvement londonien des "Nouveaux romantiques", c’est grâce à ses rencontres dans l’univers de la musique, notamment Boy George, que Stephen Jones fait ses premiers pas dans le monde de la mode. Il collabore avec la haute couture et tisse progressivement des liens étroits avec des maisons et stylistes de premier plan : Christian Dior, Jean Paul Gaultier, Claude Montana, Thierry Mugler, Vivienne Westwood, John Galliano, Comme des Garçons, Walter Van Beirendonck, Louis Vuitton…
L’exposition explore plus particulièrement le lien que l’artiste entretient avec Paris, la culture française et la couture parisienne. Son arrivée dans la capitale et sa collaboration avec les maisons parisiennes ont en effet bouleversé sa vision de la mode et sa création. L'exposition réunit ainsi plus de 170 chapeaux, mais aussi une quarantaine de silhouettes complètes avec vêtements et chapeaux qui témoignent des liens de fidélité de Stephen Jones avec les plus grandes maisons de couture.

Dans une première partie, des créations plutôt britanniques, mêlant les époques, du swinging London des années 1980 aux créations contemporaines. 

Squall, printemps-été 2013, collection "West", plumes d'oie

Squall, printemps-été 2013, collection "West", plumes d'oie

Rhedeg Ymaith, printemps-été 2024, collection "Cymru", feutre de lapin, plumes de canard et oie

Rhedeg Ymaith, printemps-été 2024, collection "Cymru", feutre de lapin, plumes de canard et oie

Cowes, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", organdi de coton, fil de laiton

Cowes, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", organdi de coton, fil de laiton

Seagull, printemps-été 1996, collection "Untitled96", gros-grain de fibres synthétiques

Seagull, printemps-été 1996, collection "Untitled96", gros-grain de fibres synthétiques

Ladies Day, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", plumes d'oie et de dinde

Ladies Day, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", plumes d'oie et de dinde

Sandcastle, printemps-été 2012, collection "Chinoiserie on Sea", paille tressée

Sandcastle, printemps-été 2012, collection "Chinoiserie on Sea", paille tressée

All-nighter, automne-hiver 2012-2013, collection "Art School", crèpe de laine, masque en feutre

All-nighter, automne-hiver 2012-2013, collection "Art School", crèpe de laine, masque en feutre

Kinky Gerlinky, printemps-été 2005, collection "Hot House", cannelé de coton, tulle de soie pailleté, acier

Kinky Gerlinky, printemps-été 2005, collection "Hot House", cannelé de coton, tulle de soie pailleté, acier

Scarlet, automne-hiver 2003-2004, collection "Poseur", carton recouvert d'un film aluminium, polymère thermoplastique pailleté, strass

Scarlet, automne-hiver 2003-2004, collection "Poseur", carton recouvert d'un film aluminium, polymère thermoplastique pailleté, strass

Toque réalisée pour Steve Strange, 1980, sergé de coton surpiqué - Britannia, 1981, plumes d'autruche

Toque réalisée pour Steve Strange, 1980, sergé de coton surpiqué - Britannia, 1981, plumes d'autruche

Pinky, automne-hiver 2003-2004, collection "Poseur" - Chilkina, 1979, peluche de coton

Pinky, automne-hiver 2003-2004, collection "Poseur" - Chilkina, 1979, peluche de coton

Union Jack, printemps-été 2005, coll. "Hand-Made in England", PETG (Polyester glycolisé), peinture acrylique - Anna P, 2009, coll. "VandA", gaze, rubans effilochés

Union Jack, printemps-été 2005, coll. "Hand-Made in England", PETG (Polyester glycolisé), peinture acrylique - Anna P, 2009, coll. "VandA", gaze, rubans effilochés

Tube, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", feutre de laine, fibres synthétiques

Tube, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", feutre de laine, fibres synthétiques

Bus, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", cuir, œillets métalliques

Bus, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", cuir, œillets métalliques

HQ, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", coton, viscose, sequins

HQ, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", coton, viscose, sequins

Breakfast, printemps-été 2005, coll. "Hand-Made in England", tricot de laine

Breakfast, printemps-été 2005, coll. "Hand-Made in England", tricot de laine

King, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", Denim de coton, broderie de boutons en plastique

King, automne-hiver 2008-2009, coll. "Covent Garden", Denim de coton, broderie de boutons en plastique

London, automne-hiver 2005-2006, coll. "Travelogue"

London, automne-hiver 2005-2006, coll. "Travelogue"

Chelsea, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", taffetas de soie, panne de velours synthétique enduite, strass

Chelsea, printemps-été 1999, collection "Pick'n'mix", taffetas de soie, panne de velours synthétique enduite, strass

Gazebo, automne-hiver 1994-1995, collection "Rococo Futura", paille de polyester tressée, crin synthétique, fleurs en toile de coton enduite, tulle enduit, chenille de coton et éléments plastique

Gazebo, automne-hiver 1994-1995, collection "Rococo Futura", paille de polyester tressée, crin synthétique, fleurs en toile de coton enduite, tulle enduit, chenille de coton et éléments plastique

Kon-Tiki, printemps-été 1993, collection "Souvenirs", bois

Kon-Tiki, printemps-été 1993, collection "Souvenirs", bois

Spirit Drifting, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", plumes de canard et de dinde, structure métallique

Spirit Drifting, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", plumes de canard et de dinde, structure métallique

You Have Reached Your Destination, automne-hiver 2029-2020, feutre de laine, plume de canard

You Have Reached Your Destination, automne-hiver 2029-2020, feutre de laine, plume de canard

Primitive, automne-hiver 2029-2020, suède plissé, paille tressée, cuir, perles en plastique

Primitive, automne-hiver 2029-2020, suède plissé, paille tressée, cuir, perles en plastique

Little Fishes, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", taffetas synthétique perlé, superposition de tulle

Little Fishes, printemps-été 2011, collection "Drifting & Dreaming", taffetas synthétique perlé, superposition de tulle

Et pour terminer cette section, le béret popularisé par la princesse Diana.

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Une deuxième partie s'attache à retracer l'influence française sur les créations de Stephen Jones : aux créations de l'artiste sont confrontées des créations de Jeanne Lanvin, de Coco Chanel, d'autres modistes français.

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Rose Royce, automne-hiver 1996-1997, collection "Contours", velours de soie, satin de soie

Rose Royce, automne-hiver 1996-1997, collection "Contours", velours de soie, satin de soie

Queen Aelita in St Petersburg, printemps-été 2016, collection "The Perfect Hat for..." - Axelle, automne-hiver 2001-2002, collection "Queens", polyéthylène gravé, tulle de polyester

Queen Aelita in St Petersburg, printemps-été 2016, collection "The Perfect Hat for..." - Axelle, automne-hiver 2001-2002, collection "Queens", polyéthylène gravé, tulle de polyester

Chic, printemps-été 2010, collection "ABC", résille de coton recouverte d'organza de polyester brodé de perles tubes

Chic, printemps-été 2010, collection "ABC", résille de coton recouverte d'organza de polyester brodé de perles tubes

The Shadow Lounge, automne-hiver 2016-2017, collection "Soho", calotte de coton entièrement brodée de perles métallisées, fil de fer, perles

The Shadow Lounge, automne-hiver 2016-2017, collection "Soho", calotte de coton entièrement brodée de perles métallisées, fil de fer, perles

Honey, printemps-été 2008, collection "Desert Rose", paille tressée et gros grain

Honey, printemps-été 2008, collection "Desert Rose", paille tressée et gros grain

Rose Descat : Bibi, 1939-1940, feutre de laine, satin de soie, fil de laiton, gros grain

Rose Descat : Bibi, 1939-1940, feutre de laine, satin de soie, fil de laiton, gros grain

Je ne sais quoi, printemps-été 2010, collection "ABC", satin de coton, paille synthétique, fleurs artificielles en soie

Je ne sais quoi, printemps-été 2010, collection "ABC", satin de coton, paille synthétique, fleurs artificielles en soie

La France, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

La France, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

Jeanne Lanvin : Chapeau cloche, vers 1927, plumes de merle métallique, taffetas de soie, sparterie

Jeanne Lanvin : Chapeau cloche, vers 1927, plumes de merle métallique, taffetas de soie, sparterie

Phaedra, automne-hiver 2013-2014, collection "Xanadu", feutre de laine recouvert de plumes de paon

Phaedra, automne-hiver 2013-2014, collection "Xanadu", feutre de laine recouvert de plumes de paon

Studio Call, automne-hiver 2014-2015, collection "Greta Garbo", velours de coton, fourrure de renard, ruban de rayonne - Calèche, vers 1780, taffetas de soie changeant

Studio Call, automne-hiver 2014-2015, collection "Greta Garbo", velours de coton, fourrure de renard, ruban de rayonne - Calèche, vers 1780, taffetas de soie changeant

Coco Chanel (par Stephen Jones, automne-hiver 2017-2018, collection "Haute Couture & Prêt-à-Porter" - Capeline par Coco Chanel ", vers 1935

Coco Chanel (par Stephen Jones, automne-hiver 2017-2018, collection "Haute Couture & Prêt-à-Porter" - Capeline par Coco Chanel ", vers 1935

Nissarda, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Nissarda, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

French Onion Soup, automne-hiver 1985-1986, collection "Schwarzkopf"

French Onion Soup, automne-hiver 1985-1986, collection "Schwarzkopf"

Merville - Le Touquet - Granville, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Merville - Le Touquet - Granville, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Grace - Jacques - Brigitte, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Grace - Jacques - Brigitte, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Renée - Coco - Pyla, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

Renée - Coco - Pyla, printemps-été 2022, collection "Bonnes Vacances"

De gauche à droite : Club 7 - Joséphine Baker - Le Palace

De gauche à droite : Club 7 - Joséphine Baker - Le Palace

Paris - Rose Venus (en bas) - Haute Couture (en haut)

Paris - Rose Venus (en bas) - Haute Couture (en haut)

Place Vendôme, printemps-été 2016, collection "The Perfect Hat for..."

Place Vendôme, printemps-été 2016, collection "The Perfect Hat for..."

Napoleonette, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

Napoleonette, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

Café de Paris, printemps-été 2017, collection "Shade"

Café de Paris, printemps-été 2017, collection "Shade"

Bal à Versailles, printemps-été 2019, collection "Parfum"

Bal à Versailles, printemps-été 2019, collection "Parfum"

Caresse des Anges, printemps-été 1990, collection "Passion on the Pampas"

Caresse des Anges, printemps-été 1990, collection "Passion on the Pampas"

En Ligne - Ordi, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

En Ligne - Ordi, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss"

Bluebell, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss", plumes d'autruche, plumes de coq rasées, velours de soie, tulle de polyamide, galon guipé - Chez moi, automne-hiver 2014-2015, collection "Garbo Gabo",  velours de coton, boucles de vinyle strié et broderies de strass montées sur une structure métallique recouverte de tulle de polyester

Bluebell, automne-hiver 2021-2022, collection "French Kiss", plumes d'autruche, plumes de coq rasées, velours de soie, tulle de polyamide, galon guipé - Chez moi, automne-hiver 2014-2015, collection "Garbo Gabo", velours de coton, boucles de vinyle strié et broderies de strass montées sur une structure métallique recouverte de tulle de polyester

La dernière partie de l'exposition est la plus spectaculaire, elle met en lumière la collaboration de Stephen Jones avec le grands couturiers, mettant en évidence la manière avec laquelle il réussit à capturer l'esprit de chaque maison.

Jean-Paul Gaultier

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Azzedine Alaya

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Thierry Mugler, Claude Montana

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Givenchy

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Comme des garçons

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Louis Vuitton (Nicolas Ghesquière, Marc Jacobs)

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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John Galliano

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Schiaparelli par Daniel Roseberry

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Walter Van Beirendonck

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Raf Simons, A. F. Vandevorst, Iris Van Herpen, Maison Margiela par John Galliano

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Thom Browne

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste

Et pour terminer, un véritable feu d'artifice, Christion Dior (par John Galiano, Raf Simons, Kim Jones, Maria Grazia Chiuri)

Stephen Jones intègre la maison Christian Dior lors de la nomination de John Galliano en tant que directeur artistique, en 1996. Cette maison présente la particularité de posséder un atelier de haute mode, que Stephen Jones dirige depuis 28 ans. Il a ainsi participé à l'ensemble des collections haute couture et prêt-à-porter (féminin et masculin) avec les directeurs artistiques successifs, John Galliano (1996-2011), Raf Simons (2012-2015), Maria Grazia Chiuri (depuis 2016) et Kim Jones (depuis 2018). Il crée également des chapeaux pour la ligne de maquillage dirigée par Peter Philips. L'extrême variété des créations imaginées - des chapeaux extravagants, aux références historiques ou ethnographiques souvent prononcées de John Galliano, à la subtile déclinaison de bérets si chics et parisiens de Maria Grazia Chiuri - témoigne de sa capacité à se renouveler. Preuve de sa place essentielle, Kim Jones l'invite à monter sur le podium lors du défilé prêt-à-porter Dior Men automne-hiver 2022-2023, pour célébrer ses 25 ans au sein de la maison. Un véritable hommage, presque 40 ans après ses premiers pas sur le podium de Jean-Paul Gaultier.

Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
Stephen Jones - Chapeaux d'artiste
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Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

15 Février 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Une exposition insolite vient de s'achever au Louvre. Laissons les commissaires la présenter :

"Les fous sont partout. Mais les fous d’hier sont-ils ceux d’aujourd’hui ? Le musée du Louvre consacre cet automne une exposition inédite à ces multiples figures du fou, qui foisonnent dans l’univers visuel du 13e au 16e siècle. Manuscrits enluminés, livres imprimés et gravures, tapisseries, peintures, sculptures, objets précieux ou du quotidien : entre Moyen Âge et Renaissance, le fou envahit littéralement tout l’espace artistique et s’impose comme une figure fascinante, trouble et subversive dans une époque de ruptures, pas si éloignée de la nôtre. "

À l'entrée de l'exposition, le visiteur est accueilli par un Fou jouant de la cornemuse (artiste anonyme), 
Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1510-1520, pierre (calcaire).
Ce fou joue de la comemuse, instrument emblématique du fou médiéval, qui est comme une outre pleine de vent. Il était placé à califourchon sur un des arcs contrebutant la nef de la cathédrale de Bois-le-Duc, avec 95 autres sculptures, créant un univers bien étrange au-dessus de cette église.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Au commencement : le fou et Dieu

Miséricordes de stalle : 
Deux hommes battant le blé au fléau - Une femme et un homme empilant des gerbes de blé - Deux personnages chargeant un chariot avec des gerbes de blé, East Anglia (Angleterre), fin du 14° siècle, bois (chêne)
Dans la mesure où les clercs posaient leur postérieur sur ces miséricordes, la dimension souvent parodique de leur décor prend une force supplémentaire. Le décor de ces trois miséricordes oppose, au centre, des scènes des travaux des champs, le temps de la moisson, et des figures latérales empruntées au monde des monstres. 

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Quelques panneaux de verre à décor composite du début du XIVe siècle (Normandie, Angleterre) ornés de figures grotesques.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Initiale D du psaume 52: L'Insensé face au roi, bible, Paris, vers 1250-1275, enluminure sur parchemin
Le Christ devant Pilate, livre d'heures, Winchester (Angleterre), vers 1490, enluminure sur parchemin
Le soldat de gauche est vêtu d'un costume très proche de celui stéréotypé du fou à la fin du Moyen Âge: habit bariolé et capuchon à pointes, mais dépourvu de grelots.
Naomi et Elimelec partant de Bethléem avec leurs enfants - Saint François parlant aux oiseaux, psautier-livre d'heures, Amiens (France), fin du 13° siècle, enluminure sur parchemin

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

On retrouve Saint François, "fou de Dieu" dans ce panneau :

Troisième Maître d’Anagni : Saint François d’Assise, vers 1220-1250, détrempe et feuille d’or sur panneau

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Erhard Küng (actif à partir de 1458, mort après 1506) :
Statue de Vierge folle provenant du portail principal de la collégiale Saint-Vincent de Berne
(Suisse), vers 1450-1475, pierre (grès)
Atelier de l'Œuvre Notre-Dame : 
Le Tentateur, moulage d'après une statue d'ébrasement de la cathédrale de Strasbourg, 1923, d'après une œuvre originale en grès de la fin du 13° siècle, plâtre
Une Vierge folle, moulage d'après une statue d'ébrasement de la cathédrale de Strasbourg, 1923, d'après une œuvre originale en grès de la fin du 13° siècle, plâtre

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Fous d'amour

Dans cette section, le thème de Phyllis chevauchant Aristote est présent dans plusieurs œuvres :

Coffret composite : Aristote et Phyllis (sur la face avant), Paris, vers 1300-1320, ivoire d'éléphant
Attribué au Maître G. F. : Plaque de poêle représentant Aristote et Phyllis, 1519, Kandern (Forêt-Noire), fer coulé
Matthäus Zasinger (1477-1525) : Aristote et Phyllis, Munich, vers 1500, burin
Aquamanile : Aristote et Phyllis, Pays-Bas du Sud, vers 1380, alliage cuivreux

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Le thème du fils prodigue aussi :

Auteur du carton et lissier anonymes : Le Fils prodigue, France, vers 1560-1570, tapisserie en laine et soie
L'Enfant prodigue chez les courtisanes, Flandre (France ou Belgique), vers 1545, huile sur bois
Le Fils prodigue chez les courtisanes, Anvers (Belgique), vers 1550, chêne, polychromie, socle moderne en tilleul
Ces œuvres montrent la vie dissolue du fils prodigue. Le fou y symbolise la Luxure.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

La présence des fous dans les autres œuvres de cette section évoque aussi la luxure.

Maître E. S. (actif entre 1450 et 1467) : Le Jardin d'amour aux joueurs d'échecs, Rhin supérieur, vers 1440-1450, gravure sur cuivre
Maître aux Banderoles (actif entre 1475 et 1500) : La Fontaine de Jouvence, Belgique ou Pays-Bas, burin
La Collation, Tournai (Belgique), vers 1520, tapisserie, laine et soie
Lucas de Leyde (vers 1494-1533) : La Tireuse de cartes, Leyde (Pays-Bas), avant 1510, huile sur chêne

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
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Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Maître du Fils prodigue (actif vers 1530-1560) : Le Vieillard amoureux, Anvers (Belgique), huile sur bois
Arnt van Tricht (actif entre 1530 et 1570) : Fou enlaçant une femme, porte-serviette, Rhin moyen (Allemagne), vers 1535, chêne polychromé
Mair von Landshut (vers 1442 - 1510) : Le Balcon, Bavière (Allemagne), vers 1496, burin
Hans Sebald Beham (1500-1550) : Femme et Fou, ou la Volupté, Nuremberg (Allemagne), vers 1530, gravure sur bois

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Un fou et deux femmes dans une étuve, moule à confiseries, Rhénanie (Allemagne), seconde moitié du 15° siècle, terre cuite
Maitre E. S. (actif entre 1450 et 1467) : Le Fou et la femme à l'écusson, Rhin supérieur, vers 1465, gravure sur cuivre au burin
Pieter Coecke van Aelst (1502–1550) : Les Amants surpris par un fou et la mort, vers 1525, huile sur toile
Dans cette œuvre, la figure du fou est aussi associée à la mort, comme dans les deux suivantes.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
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Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
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Fous de cour

Konrad Seusenhofer (?-1517) : Armet à visage de fou d'Henri VIll roi d'Angleterre de 1509 à 1547, Innsbruck (Autriche), vers 1511-1514, fer forgé, repoussé et gravé à l'acide, laiton, dorure
Ce casque est le seul élément subsistant d'une armure offerte en cadeau diplomatique par l'empereur Maximilien ler (règne de 1508 à 1519) à Henri VIII d'Angleterre en 1514. Le visage de ce masque de fou, chef-d'œuvre d'armurerie, est celui d'un fou avec ses lunettes qui parodient la figure de l'érudit.
Hans Sebald Lautensack (1524-1560 ?) : Portrait de Claus Narr von Rannstedt, vers 1530, huile sur panneau
Claus Narr (Narr veut dire bouffon en allemand) est, au 16° siècle, le bouffon le plus célèbre dans les pays germaniques.
Daniel Hopfer (vers 1470-1536) : Portrait de Kunz von der Rosen, Augsbourg (Allemagne), vers 1515, gravure à l'eau-forte
Kunz von der Rosen est le fou le plus célèbre de l'empereur Maximilien ler). Comme Triboulet, le fou de René d'Anjou (1409-1480), il accède à l'honneur du portrait en médaille, ainsi que des portraits gravés.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Portrait d'un fou à la cour de Maximilien ler, Tyrol (Autriche), vers 1515, huile sur bois
Francesco Laurana (vers 1420-avant 1502) ou Pietro di Martino da Milano (vers 1410-1473) : Triboulet, bouffon de René d'Anjou, dit le Bon Roi René, Anjou ou Provence (France), vers 1461-1466, marbre
René d'Anjou (1409-1480) fait appel à un grand sculpteur italien pour portraiturer son fou Triboulet. Le sculpteur a taillé dans le marbre une effigie pleine de vie, ou le bouffon apparait presque aussi glorieux qu'un empereur romain.
Francesco Laurana : médailles à l'effigie de Triboulet (avers et revers), surmoulages en bronze
Jacques Le Boucq (1520-1573) : Coquinet, sot du duc de Bourgogne, Recueil d'Arras, dessin, sanguine sur pierre noire

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Une fête champêtre à la cour de Bourgogne, Anvers (Belgique), vers 1550, peinture sur toile contrecollée sur bois
Dans cette peinture d'une fête champêtre à la cour de Bourgogne, un personnage détonne au milieu de l'élégante assemblée vêtue de blanc et d'or : le fou en robe rouge. On reconnaît la silhouette de Coquinet, « le sot du bon duc Philippe de Bourgogne »
Auguste et la sibylle de Tibur avec Frémin Le Clercq accompagné d'un fou et d'une folle, Pays-Bas ?, vers 1548, peinture sur bois
Juan de Flandes (documenté entre 1496 et 1519) : Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle, vers 1496, huile sur bois de chêne
Jeanne de Castille (1479-1555) est la deuxième fille des Rois Catholiques d'Espagne Isabelle et Ferdinand. Elle épouse en 1496 l'archiduc Philippe le Beau et en tombe passionnément amoureuse. La mort subite de son époux en 1506 entraîne la reine dans des crises de démence. Son surnom de « Jeanne la Folle » vient de cet épisode dramatique. La reine a vécu enfermée dans le château royal de Tordesillas (Espagne) de 1509 jusqu'à sa mort en 1555.

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Carton attribué au Maître du Champion des dames (actif entre 1465 et 1475 à la cour de Bourgogne) : Le Bal des sauvages, Tournai (Belgique) pour le tissage , vers 1465, tapisserie en laine et soie
Au centre, un fou enlace brutalement une femme sauvage. Vêtu de rouge et de jaune, il porte d'énormes grelots en guise de ceinture et son capuchon s'achève par une crête de coq, symbole phallique et expression d'un appétit sexuel immodéré. Ce fou incarnerait la Luxure tout comme le singe assis dans le paysage à droite.
Le Châtiment de Nabuchodonosor, début du 16 siècle, tapisserie, trame en laine
Cette tapisserie illustre l'épisode biblique du roi de Babylone Nabuchodonosor, qui, puni pour son orgueil, fut frappé de folie et, pendant sept ans," mangea de l'herbe comme les bœufs [...] jusqu'à ce que ses cheveux crussent comme les plumes des aigles et ses ongles comme ceux des oiseaux » (Daniel 4, 33).
Nabuchodonosor mange de l'herbe parmi les vaches, Anvers (Belgique), vers 1560, vitrail en verre blanc, grisaille et jaune d'argent

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Maître MZ, Matthäus Zasinger? (actif entre 1500 et 1503) : Le Bal, vers 1500, burin
Cartes à jouer représentant des figures de fou
Fou présentant les armoiries du peintre verrier Barthélemy Linck, Zoug (Suisse centrale), 1553, vitrail

Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques
Figures du fou - Du Moyen-Âge aux Romantiques

Les fous en ville 

La figure du fou continue son expansion et sa diffusion, passant du milieu clos de la cour à celui de la ville. A la fin du Moyen Âge, le fou est omniprésent dans les fêtes urbaines.

Erhard Schön (vers 1491-1542) : Distribution des capuchons des fous, Nuremberg (Allemagne), vers 1538, gravure sur bols, 4 planches

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Suiveur de Jérôme Bosch (vers 1450-1516) : Combat de Carnaval et Carême, vers 1540-1550, huile sur bois
Le changement radical des habitudes alimentaires est, pour la population médiévale, la marque la plus tangible du passage entre le Carnaval et le Carême, période de jeûne et d'abstinence. Ce thème est très fréquemment représenté sous la forme d'un combat entre un homme gras et une femme maigre et leurs troupes pourvues de saucisses d'un côté, de poissons de l'autre.

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Pieter Bruegel l'Ancien (vers 1525-1569) : Les Mendiants ou les Culs-de-jatte, 1568, huile sur bois
Martin I van Cleve (vers 1527-1581) : Carnaval dans un village, Anvers (Belgique), vers 1579, huile sur bois
Frans Hogenberg (né vers 1539/1540-1590) :
Danse des fous (STULTORUM CHORIA) 
Danse des folles (STULTARUM CHOREA)
Vers 1560-1570, gravures sur cuivre à l'eau-forte et au burin
Ces deux gravures décrivent, de manière symbolique, la folie des hommes et des femmes. Dans une arène, sous les yeux de deux sages accoudés dans des niches, quinze fous ou folles dansent en ronde autour du musicien qui se tient au centre. Une longue lettre gravée, en latin et en flamand, accompagne la représentation et décrit les fous et les folles, chacun d'entre eux étant associé à un défaut ou à un péché.

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Josef Baumgartner (1901-1987), d'après Erasmus Grasser (vers 1450-1518) :
Danseurs de mauresque (copies modernes, vers 1957-1958, d'après des originaux vers 1480), bols polychromé

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Cornelis van Haarlem (1562-1638) : Portrait du fou Pieter Cornelisz van der Morsch, fin du 16° siècle, huile sur bois
Marx Reichlich (vers 1460-après 1520) : Portrait d'un fou, Tyrol (Autriche), vers 1519-1520, tempera sur bois
Maître de 1537 (ou Maître de l’Ecce Homo d'Augsbourg) : Portrait de fou regardant entre ses doigts, vers 1548, huile sur bois
La Chanson des fous ou La Sérénade des fous, Belgique ou Pays-Bas, vers 1525-1550, huile sur bois

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Israhel van Meckenem (vers 1440/1445-1508) : Rinceaux d'ornement avec des danseurs de mauresque, Bocholt (Allemagne), vers 1495-1500, burin

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Le Fou partout. Entre humanisme et Réforme : de La Nef des fous à L’Éloge de la folie

Autour de 1500, la figure du fou est devenue omniprésente dans la société et la culture européennes. Y contribuent le succès de deux ouvrages, très différents mais complémentaires, La Nef des fous de Sébastien Brant, puis L’Éloge de la folie d’Erasme. En 1494, le premier fait paraître son livre en allemand. Il est traduit en latin et dans de nombreuses langues européennes dès 1497. L’ouvrage, illustré de gravures, connaît un succès fulgurant et fait même l’objet de détournements ou d’éditions pirates. Erasme publie son Moriae Encomium (L’Eloge de la folie) en 1511. Il est donc publié en latin et destiné a priori à une élite savante. Pourtant son livre est aujourd’hui bien plus célèbre que celui de Brant, car ses critiques annoncent les thèses de la réforme protestante.

Quatre planches découpées de Das Narrenschiff (La Nef des fous), par le maître principal de La Nef des fous, peut-être Albrecht Dürer (1471-1528), graveur
Deux gravures enluminées d'une édition de luxe de cet ouvrage

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Cercle de Jörg Breu l'Ancien (1475-1537) : Plat aux fous, Augsbourg (Allemagne), 1528, huile sur bois
Artiste anonyme : Poule couvant des fous, Belgique ou Pays-Bas, 16 siècle (après 1570), huile sur bois
Jérôme Bosch (vers 1450-1516) : Huit Vieilles Femmes habillées en nonnes détournant des ustensiles ménagers, Bois-le-Duc (Pays-Bas), fin du 15° siècle - début du 16° siècle, plume et encre brune sur papier
D'après Jérôme Bosch : Le Concert dans l'œuf, Belgique ou Pays-Bas, après 1549, huile sur toile

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Jérôme Bosch :
Satire des noceurs débauchés, dit La Nef des fous, Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1505-1515, huile sur bois (chêne)
Le tableau est le fragment d'un retable dispersé. Même si l'on voit un bateau chargé de passagers à la conduite déréglée, l'œuvre ne s'inspire pas directement du poème de Sébastien Brant, La Nef des fous, malgré le titre qu'on lui a donné traditionnellement.
Extraction de la pierre de folie, Bois-le-Duc (Pays-Bas), vers 1501-1505, huile sur bois (chêne)
L'extraction de la pierre de folie, une opération imaginaire, est un thème très répandu au 16° siècle. Bosch en donne ici une version très précoce et originale, puisqu'il substitue à la pierre une fleur.
Atelier ou suiveur de Jérôme Bosch : L'Escamoteur, Belgique ou Pays-Bas, après 1525, huile sur bois
Pieter van der Heyden (vers 1530-après 1572), d'après Pieter Bruegel l'Ancien (vers 1525-1569) : L'Extraction de la pierre de folie (dit à tort La Sorcière de Mallegem), Anvers, 1559, gravure au burin

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Pieter Bruegel le Jeune (1564/1565-1637/1638) : Les Proverbes flamands, Anvers ,1607, huile sur bois

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Hans Holbein le Jeune (1497-1543) : Portrait d'Érasme écrivant, 1528, huile sur bois (tilleul)
Érasme, le plus célèbre des penseurs de son temps, publie L'Éloge de la folie en 1511. Tout jeune, le peintre allemand Holbein avait découvert l'ouvrage, puisqu'il dessine des illustrations pour un exemplaire de l'édition de 1515. Il rencontre Érasme par la suite et en fait plusieurs portraits, qui le mettent en scène dans son cabinet de travail.

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Éclipse et métamorphoses du fou

Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les représentations des fous sont de moins en moins nombreuses dans l’art européen, tandis que la tradition des fous de cour s’étiole, dans ces époques qui voient croître le règne de la raison et des Lumières. Mais les notions qu’incarnaient les multiples figures du fou (ironie, farce ou désarroi) survivent à travers de nouvelles silhouettes, que ce soit le personnage de Don Quichotte inventé par Cervantès ou plusieurs figures de la « Commedia dell’arte », notamment celle de Pulcinella (Polichinelle ou « petit poussin »).

Charles Antoine Coypel (1694-1752) : Don Quichotte, conduit par la folie, part de chez lui en chevalier errant, 1716, huile sur toile
Bernard Baron (1696-1762), d'après Antoine Watteau (1684-1721) : Les Comédiens italiens, gravée en Angleterre, après 1720 ; éditée à Paris 1733, gravure à l'eau-forte
Giandomenico Tiepolo (1727-1804) :
Le Charlatan, ou L'Arracheur de dents, Venise (Italie), vers 1754, huile sur toile
L'Enlèvement de Polichinelle par un centaure, feuillet de l'album Divertimento per li regazzi, après 1707, plume, encre brune et lavis bistre sur esquisse à la pierre noire sur papier Vergé

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Résurgence et modernité du fou  

L’exposition se conclut par une évocation du regard porté par la n du XVIIIe siècle et la première 
moitié du XIXe  siècle sur le Moyen Âge et la Renaissance par le prisme du thème de la folie, avec l’éclairage tragique voire cruel que lui ont alors conféré les révolutions politiques et artistiques.

Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828) :
El sueño de la razón produce monstruos (Le sommeil de la raison engendre des monstres), planche 43 des Caprices, 1799, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte
Disparate de Carnaval (Folie de Carnaval), planche 14 des Folies, entre 1815 et 1823, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte
Ya tienen asiento (Les vollà bien assises), Planche 26 des Caprices, 1799, gravure à l'eau-forte et à l'aquatinte brunie

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Franz Xavier Messerschmidt (1736-1783) : Tête de caractère : «L'homme de mauvaise humeur»
vers 1777-1783, alliage de plomb et d'étain
Johann Heinrich Fuss (1741-1825) : Lady Macbeth marchant dans son sommeil, vers 1784, huile sur toile
Théodore Géricault (1791-1824) : La Folle monomane du jeu, 1819-1822, huile sur toile

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Tony Robert-Fleury (1837-1911) : Le Docteur Pinel, médecin en chef à la Salpêtrière, en 1795, Paris, 1876, huile sur toile
Robert-Fleury situe l'action en 1795 à la Salpêtrière, asile pour femmes. Il met en lumière une malade, tandis que le docteur Pinel (1745-1826) est représenté à sa gauche. La scène met surtout en valeur Jean-Baptiste Pussin (1745-1811), l'adjoint de Pinel, derrière la femme en train d'enlever les entraves de cette dernière. Il est le véritable instigateur du retrait des fers des aliénés, épisode clé de l'histoire de la psychiatrie.

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Willem Geets (1838-1919) : L'Exorcisme de Jeanne de Castille, 1876, huile sur toile
Raymond Quinsac Monvoisin (1790-1870) : Jeanne, dite la Loca ou la Folle, reine de Castille, vers 1834, huile sur toile
Charles-Marie Bouton (1781-1853) : La Folie du roi Charles VI, 1817, huile sur toile

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Louis Boulanger (1806-1867) : Le Roi Lear et son fou pendant la tempête, 1896, huile sur toile
Charles Louis Müller (1815-1892) : Lady Macbeth, 1849, huile sur toile
Jan Matejko (1838-1893) : Stańczyk durant un bal à la cour de la reine Bona après la perte de Smoleńsk, 1862, huile sur toile
Ce tableau montre Stańczyk, bouffon de la cour polonaise, accablé par la perte de Smoleńsk, ville prise par les Russes en 1514. Abattu, il contemple une lettre annonçant la défaite. En arrière-plan, une fête royale symbolise le contraste entre l'insouciance de la cour et la conscience politique du bouffon.

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Terminons le parcours de cette exposition un peu touffue mais riches en découvertes avec ce tableau peu connu de Gustave Courbet (1819-1877), prêté par le musée d'Oslo  : 
L'Homme fou de peur, vers 1844, huile sur toile
Courbet, natif d'Ornans (Doubs), arrive à Paris pour se faire un nom. Il est accepté au Salon en 1844, avec un autoportrait plein d'assurance. Mais d'autres autoportraits qu'il peint à cette période révèlent ses doutes. Dans L'Homme fou de peur, œuvre dramatique et introspective, il explore la folle et la mélancolie. Le tableau témoigne de l'écart entre son personnage public, couronné de succès, et ses tourments intérieurs. Le costume de fantaisie qu'il porte ici rappelle les costumes de fou du Moyen Age. De plus, Courbet semble prêt à vaciller vers un gouffre qu'il désigne de la main droite.

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Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

8 Février 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Nous achevons dans ce billet le parcours de l' exposition qui vient de se terminer à la Bourse de Commerce, rétrospective magistrale du mouvement Arte Povera qui a animé la scène artistique italienne dans les années 1960-70, avec une douzaine d'artistes emblématiques très attachants. (voir notre billet du 1er février 2025)

La galerie 3, au premier étage, est consacrée à Michelangelo Pistoletto (né en 1933)

On y retrouve ses amoncellements de vêtements caractéristiques déjà présents dans la rotonde.

Gararoba, 1968-2024, garde-robe métallique, cintres et vêtements
Venere degli stracci (Vénus aux chiffons), 1967, ciment, techniques mixtes

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

Aux murs, La Gabbia (La Cage), 1962-1974, 13 éléments : sérigraphie sur acier, inox poli miroir, dimensions totales: 230 x 1627,6 x 2 cm
Abolissant la distinction spatiale entre dedans et dehors, la très longue surface réfléchissante d’un miroir scandée de barreaux noirs en trompe-l’œil cherche à l’emprisonner visuellement, tandis qu’il reste libre de ses mouvements dans la salle d’exposition... Extrait du catalogue

Se réfléchissant dans La Gabbia, non seulement les visiteurs et la Vénus aux chiffons, mais aussi Mappamondo (Globe), 1966-1968, journaux, fer
Le Globe est constitué de journaux et évoque les débuts de la mondialisation de l'économie.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

Autres œuvres "réfléchissantes" de Pistoletto dans cette galerie :

Ragazza che cammina (Fille qui marche), 1966, papier vélin peint sur acier inoxydable poli miroir
Sacra conversazione (Conversation sacrée), Anselmo, Zorio, Penone, 1962-1975, papier vélin peint sur acier inoxydable poli miroir

Pistoletto reprend ici un thème classique où des personnages - saints ou donateurs - sont en conversation devant un thème sacré, généralement la Vierge à l'enfant.

Pace, 2007, sérigraphie sur acier inoxydable poli miroir

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

Et dans un autre genre :

QR Code Possession - Generative Artificial Intelligence, 2023, impressions numériques sur toile

Cette œuvre se compose de six grandes toiles sérigraphiées représentant des QR codes. QR Code Possession - Generative Artificial Intelligence est une collaboration avec ChatGPT. En scannant les tableaux avec un téléphone, on peut accéder aux réponses générées par l'intelligence artificielle, basées sur la connaissance collective accumulée disponible sur Internet, à six invites textuelles :

« Écris un texte sur la Vénus aux chiffons de Michelangelo Pistoletto »
« Écris un texte sur les Tableaux miroirs de Michelangelo Pistoletto et la quatrième dimension »
« Écris un texte sur le Troisième Paradis de Michelangelo Pistoletto »
« Écris un texte sur la Cittadellarte - Fondation Pistolleto, à Biella »
« Écris un texte qui met en relation l'œuvre de Michelangelo Pistoletto avec la science et la religion »
et « Crée une œuvre d'art de Michelangelo Pistoletto ».

Le QR code fonctionne de la même façon que « les tableaux miroirs » au moment de leur création en 1962 : comme un portail conduisant vers autre chose, plutôt que comme une surface plane réfléchissante.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

Au deuxième étage, dans la galerie 6, Pier Paolo Calzolari (né en 1943) avec une grande installation :

Casa ideale, 1968-2024
La Casa ideale était d'abord une proposition et un acte de foi en l'art, les relations humaines, et la possibilité de vivre dans une forme d'harmonie où l'art et la vie ne feraient qu'un. Il s'agit d'un texte écrit en 1968 à propos d'une maison idéale, une maison que Pier Paolo Calzolari, artiste errant, ne trouva jamais véritablement puisqu'il vécut à de nombreux endroits différents. Sa maison idéale est à la fois imaginaire et réelle, remplie d'œuvres réalisées par différents artistes de l'Arte Povera. La Casa ideale apparaît et disparaît au gré d'installations planant dans l'espace de feutre blanc et de plomb des Strutture ghiaccianti (Structure glacées), du cuivre qui se couvre de givre sur des bassins en plomb. C'est un espace mystique, universel et intime, en constante métamorphose et en constante expansion.
Dans la Casa ideale, le lecteur reconnaîtra (ou non !) les œuvre suivantes :

Oroscopo come progetto della mia vita, 1968, structure givrante en cuivre, moteur réfrigérant, plomb (au mur)
Il mio letto così come deve essere, 1968, cuivre, laiton, mousse, lettres en bronze, feuilles de bananier
Un flauto dolce per farmi suonare, 1968, structure givrante en cuivre, moteur réfrigérant, plomb, lettres en bronze
2000 lunghi anni lontano da casa, 1968, plomb, fil de cuivre argenté, bronze argenté, étain

parmi d'autres.
 

 

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

En contrepoint, Vase canope, Chiusi, Italie centrale, 600-575 av. JC, argile rouge
Selon la commissaire de l'exposition, ce vase canope s'intègre parfaitement dans la Casa ideale de Pier Paolo Calzolari, scellant la relation entre la vie et l'au-delà qui imprègne la vie quotidienne. Un objet presque domestique, un vase, est transformé en être humain, et inversement. La transformation du corps, en transition entre un état et un autre, peut-être mise en parallèle avec les processus alchimiques mis en action dans les œuvres de l'artiste.

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Dans la même galerie 6, Giovanni Anselmo (1934-2023)

Trecento milioni di anni, 1969, anthracite, lampe, tôle ondulée et fil de fer
Musée départemental d'art ancien et contemporain, Épinal
Cette œuvre peut être vue comme la tentative excentrique d'inverser, grâce à la lumière et à l'oxygène, le processus qui a transformé le bois en charbon. Giovanni Anselmo a proposé que l'œuvre fasse partie de cette exposition à la Bourse de Commerce, car elle reflète le temps long et profond qui est au cœur de sa pensée artistique et de l'Arte Povera en général.
Verso oltremare, 1984, pierre, câble en acier, peinture acrylique sur mur
L'œuvre se compose d'une plaque de pierre de Luserne triangulaire grossièrement taillée qui penche fortement vers un petit rectangle de peinture bleue sur le mur, s'en rapprochant à un millimètre à peine mais sans le toucher. Elle est retenue par un câble en acier.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Sur la première vue, outre les éléments détaillés ensuite,
Sans titre, 1967, bois, Formica, niveau à bulle, cales en acier
Direzione (Direction), 1967-1968, granit et boussole

Sans titre, 1967, bois laqué, pierre de fleuve
Torsione, 1968, fer,futaine
Sans titre, 1968, granit, laitue fraîche, fil de cuivre
Cette œuvre est littéralement l'une des pierres angulaires de l'Arte Povera. Intitulée initialement Struttura che mangia (Strucutre qui mange), il en existe cinq versions. Celle-ci appartient à l'artiste Michelangelo Pistoletto. Elle se compose d'une tête de laitue fraîche attachée par un fil de cuivre et suspendue entre une pierre de granit mesurant moins d'un mètre de haut et une petite pierre plate. Au fur et à mesure que la laitue sèche et se flétrit, la tension du fil
se relâche jusqu'à ce que la petite pierre chute et qu'il faille attacher une nouvelle laitue. Ce cycle
de décomposition organique et l'effet de la gravité se répètent pendant toute la durée de l'exposition. À l'opposé d'une nature morte ou d'un memento mori, cette œuvre change tous les jours en raison des temporalités différentes de ses matériaux, si bien que l'œuvre devient la mesure de sa propre dégradation.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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La galerie 5 est dédiée aux oeuvres de Giuseppe Penone (né en 1947)

Tre alberi, 1968-1985, technique mixte, dimensions variables
Deux frênes et un aulne sont implantés dans l’espace muséal, décontextualisés : c’est ainsi qu’apparaît au spectateur Tre Alberi, arbres à l’aspect brut dont Giuseppe Penone semble avoir conservé la structure primitive. Les apparences sont néanmoins trompeuses, puisque ces arbres sont le fruit d’un long travail de gravure sur poutres en bois, consistant à retrouver les anfractuosités vitales de l’écorce.
Essere vento, 2014, arbre pétrifié, grain de sable et grain de sable sculpté, 123 × 60 cm
Pelle di foglie - ramo, 2003, bronze

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Albero di 7 metri, 1980, bois de sapin
Gesto vegetale, 1983-1984, bronze
En 1981, Giuseppe Penone commence à créer des formes creuses intitulées Gesti vegetali (Geste végétal), dont il a fait les premiers dessins deux ans plus tôt. En étalant une couche d'argile sur les parties du corps d'un mannequin, il crée des bandes courbes qu'il fait sécher puis coule dans le bronze, obtenant ainsi des formes creuses et anthropomorphes. Striées d'empreintes de doigts, elles ressemblent à de l'écorce d'arbre. Il installe ensuite ces pièces autour d'une plante en terre ou en pot qui les remplit en poussant. Dans ce cas, l'œuvre est déterminée par le temps, la croissance, et l'action de la plante qui devient elle aussi créatrice de l'œuvre, au même titre que l'artiste.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Patate, 1977, bronze, pommes de terre
Soffio, 1978, terre cuite, 158 × 75 × 79 cm
Soffio di foglie, 1979, feuilles de buis
En 1978, Giuseppe Penone a intitulé Soffi une série de sculptures en terre cuite. Avec l'empreinte de son propre corps, il créait une sorte d'outre, une représentation du souffle qui l'enveloppait. Soffio di foglie (Souffle de feuilles) représente une version idéale de ce processus. L'artiste a apposé l'empreinte négative de son corps sur un tas de feuilles de buis qui portent la trace de son souffle, comme pour dire que la matérialité du corps et l'immatérialité du souffle produisent les mêmes effets.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Pelle di grafite - riflesso di ambra, 2007, graphite sur papier noir monté sur toile, 200 x 200 cm
Spoglia d'oro su spine d'acacia (occhio), 2002, peinture acrylique, soie, épines d'acacia et or sur toile, 300.99 x 361.32 cm

En contrepoint, un vase zoomorphe, Amlash, Iran, vers 1000 av. JC, terre cuite

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La galerie 4 est consacrée à Alighiero Boetti (1940-1994)

Scala, 1966, bois
Mancorrente m.2, 1966, fer, émail, plaque de chrome
Lampada annuale, 1967, bois laque, métal, verre, appareil électrique
Sedia, 1966, bois
8,50 (Zig-Zag), 1966, structure en aluminium, tissu
Catasta, 1967, fibrociment Eternit
Il existe deux versions de Catasta (Tas ordonné) : la première, composée de trente-quatre éléments en fibrociment a été présentée par Alighiero Boetti lors de sa première exposition personnelle à la galerie Christian Stein en janvier 1967, et celle-ci, composée de douze blocs, lors de l'exposition fondatrice « Arte povera Im-Spazio » à la galerie La Bertesca, à Gênes, la même année. Les blocs de Catasta sont en Eternit, un matériau dense composé de ciment et d'amiante couramment utilisé sur les chantiers de construction. Formé de pleins et de vides, le cube est à la fois fermé et transparent. Son aspect brut et son gris volontairement terne constituent une sorte d'acte anti-esthétique.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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ROSSO GILERA 60 1232 - ROSSO GUZZI 60 1305, 1971, peinture industrielle sur métal
Dama, 1967, bois poinçonné
Colonne, 1968, napperons en papier, noyau de fer

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Tutto, 1987-1988, broderie sur coton
Sur le plan conceptuel, les œuvres intitulées Tutto (Tout), réalisées entre 1983 et 1994, procèdent d'une œuvre antérieure intitulée Pack, créée en 1979, dans laquelle Alighiero Boetti a tenté d'inclure tout ce qui existe dans le monde. Tutto est la version brodée de Pack. Boetti a invité ses collaborateurs à dessiner tout ce qu'ils pouvaient imaginer exister dans le monde, tandis que les brodeuses ont eu comme consigne de ne jamais utiliser la même couleur pour broder deux objets adjacents. La mosaïque de points a donné naissance à Tutto, dont il existe plusieurs versions uniques et différentes.
Mappa, 1972-1973, broderie sur coton
Voyageur infatigable, Alighiero Boetti fit à partir de 1971 plusieurs longs séjours en Afghanistan, où il se familiarisa avec la tradition de la tapisserie. C'est lors de son second séjour à Kaboul, à l'automne 1971, qu'il commença cette série, s'appuyant sur le savoir-faire et la collaboration des brodeuses locales, par qui il fit confectionner des broderies imaginées à partir de ses idées.
I vedenti, 1972-1973, broderie sur coton
Legnetti colorati, 1968, fagots de bois, acrylique, élastiques

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)

Lavoro postale (permutazione), 1973, enveloppes pour courrier aérien avec timbres
Mettere al mondo il mondo, 1972-1973, stylo à bille sur papier, marouflé sur toile
Alighiero Boetti a créé de nombreuses œuvres au stylo à bille. Celle-ci, l'une des deux premières de la série, présente une surface entièrement recouverte de traits bleus, à l'exception de petites virgules laissées vides. Placées à l'intersection des lettres de l'alphabet (sur l'axe vertical) et de la phrase écrite (sur l'axe horizontal supérieur), elles épellent les mots du titre de l'œuvre. Ici le processus est répété deux fois, sur deux feuilles de papier mises côte à côte sur la toile : les deux surfaces obtenues révèlent une infinité de différences et de tonalités.
Manifesto, 1967, estampe (édition de 50 exemplaires), 100 x 70 (cm)
Le Manifeste énumère les noms de seize artistes italiens, parmi lesquels les artistes participant au mouvement de l'Arte Povera et Boetti lui-même. À côté de chaque nom figure une combinaison de huit symboles dont la clé a été déposée par l'artiste chez un notaire.

En contrepoint, un tableau de Paul Klee (1879-1940) :

Mast- und Zier-Fische, 1938, huile et aquarelle sur toile de jute préparée
Alighiero Boetti aimait profondément l'œuvre de Klee. Ce qui l'intéressait, chez l'artiste suisse, était son utilisation du monotype, une technique d'impression qui combine la peinture et la gravure, ainsi que ses couleurs vives, le rythme et la musicalité de ses compositions. Il reprendra ces éléments dans nombre de ses œuvres, retravaillant les concepts de grille, de série et de répétition d'une manière précise et personnelle.

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Dernière galerie au deuxième étage de la Bourse de Commerce, la galerie 7 accueille trois artistes.

Giulio Paolini (né en 1940)

Affirmant que l'art héroïque traditionnel européen n'est plus possible, il utilise des matériaux modestes - des moulages en plâtre, des toiles vides ou des reproductions photographiques - pour mettre en scène l'absence de ce noyau central que nous avons pour habitude d'appeler "œuvre d'art".

Diverses œuvres dont, au sol :

A J.L.B. , 1965, bois façonné, gravé et peint

et sur le dernier cliché : 

Disegno geometrico, 1960, blanc de zinc, vinavil, encre sur toile
La libertà (H. R.), 1967, encres aniline sur deux tirages photographiques montés entre gabarits en Plexiglas, fil de nylon.
L'ange représenté par Le Douanier Rousseau dans son tableau intitulé La liberté invitant les artistes à prendre part à la 22ème exposition des artistes indépendants, en 1906, a été agrandi et reproduit en noir et blanc en deux exemplaires symétriques collés l'un à l'autre par Giulio Paolini, de sorte que le sujet soit visible sur les deux faces. Maintenue entre deux pièces de plexiglas, la figure est suspendue au plafond par un fil de nylon afin qu'elle puisse tourner librement et donner vie à une installation impliquant l'ensemble de son environnement. Dans le tableau original du Douanier Rousseau, l'ange de la liberté protège les artistes qui se rendent au Salon des Indépendants. Dans la reproduction de Paolini, il confirme ou légitime la place assignée à l'art.

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Pino Pascali (1935-1968)

Un ensemble harmonieux formé de quatre œuvres emblématiques

Cascate, 1966, toile peinte tendue sur structures en bois
La decapitazione del rinoceronte, 1966, toile peinte sur structures en bois
Cette œuvre fait partie d'un bestiaire fantastique d'animaux exotiques, marins et préhistoriques que Pino Pascali a créé en 1966-1967. L'œuvre est une allusion insolente et malicieuse à la statuaire baroque romaine, en particulier à l'éléphant portant un obélisque sculpté en 1667 par Ercole Ferrata et dessiné par Gian Lorenzo Bernini.
Bachi da setola, 1968, brosses en soie acrylique sur support métallique
Confluenze, 1967, tôle, peinture antirouille, eau avec colorant aniline
Confluenze (Confluences) se compose de vingt-deux bacs carrés en acier peint, remplis d'eau dont l'intensité chromatique varie avec la quantité de colorant ajouté dans chaque bac.

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Et enfin Luciano Fabro (1936-2007)

De Italia, 1970, toile
Speculum Italiae, 1971, miroir, plomb, bois
Paio di lenzuola con due federe, 1968, toile de coton, cadre en bois

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Ogni ordine è contemporaneo d'ogni altro ordine. Quattro modi di esaminare la facciata del SS.
Redentore a Venezia. Palladio,
1972-73, encre de Chine sur papier sur toile de lin, cadres métalliques
Cette œuvre se compose de quatre dessins de la façade de l'église du Rédempteur construite sur l'île de la Giudecca, à Venise, par l'architecte Andrea Palladio en 1577. Les dessins décomposent les trois ordres architecturaux utilisés par Palladio. Sur les dessins, les statues de la façade originale sont remplacées par des figures canoniques de l'histoire de l'art.
Mezzo specchiato e Mezzo trasparente, 1965? verre, miroir, fer émaillé
Vetro di Murano e shantung di seta pura (Piede), 1968-1972, verre de Murano et shantung de soie
Série emblématique de Luciano Fabro, les Piedi (Pieds) s'opposent à l'art conceptuel et narratif qui était exposé en Italie et dans le monde à cette époque. L'artiste considérait les Piedi comme étrangers à toute idéologie ou théorie de l'art. 

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L'Italia, 1968, fer, carte géographique en papier
La forme particulière de la « botte » italienne est un sujet récurrent dans l'œuvre de Luciano Fabro à partir de 1968. Adoptant cette forme omniprésente et familière, Fabro en produira de nombreuses versions dans différents matériaux (plomb, cristal, papier, fer ou fourrure), la présentant parfois à l'envers.
Felce, 1968, feuille de fougère, cristal, plomb
Tamerlano, 1968, bronze patiné et doré
Nudi, 1988, Marbre Calacatta
Les Nudi (Nus) sont de grandes et fines plaques de marbre légèrement incurvées et parfaitement polies qui représente le mouvement. Il en existe plusieurs versions. La courbure donnée aux plaques de marbre simule le mouvement suggéré par les titres, et dans cette œuvre le mouvement est également induit par la position des plaques face au balcon.

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Terminons ce second billet, comme nous avions commencé le premier, avec une œuvre présentée à l'extérieur du bâtiment de la Bourse de Commerce :

Numeri di Fibonacci, 1984-2024, néon
La suite de Fibonacci est devenue, à partir de 1968, un principe de composition pour Mario Merz. Si l'artiste l'a d'abord considérée pour ses igloos, ses installations et ses suites photographiques, l'idée de l'inscrire dans un espace réel émergea rapidement : Merz a installé des nombres de Fibonacci en néon sur plusieurs monuments en plein air. Il avait également l'intention de les installer sur la façade des courbes du musée Guggenheim de New York en 1989, mais ce projet n'a jamais abouti. Le dessin réalisé à cette occasion sert aujourd'hui à inscrire la séquence, avec des numéros de néon réalisés de son vivant.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (II/II)
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Arte Povera à la Bourse de Commerce (I/II)

1 Février 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Arte Povera, La grande exposition d'automne de la Bourse de Commerce - Pinault Collection, se termine.
Un mouvement de matières et d’énergie
“Au milieu des années 1960, un certain nombre d’artistes italiens ont initié un corpus d’œuvres original, libre d'esprit, totalement non conventionnel et non dogmatique, élargissant ainsi les domaines de la peinture, de la sculpture, du dessin et de la photographie, en créant les premières "installations" de l'histoire de l'art, ainsi que des œuvres et des actions performatives.
En utilisant des matériaux et des techniques simples, ces artistes ont créé des installations impliquant le spectateur au sein de l’œuvre. Privilégiant les éléments « naturels » et « ruraux » (tels que la terre, les pommes de terre, la salade, l’eau, le charbon, les arbres, les corps vivants d’animaux et d’humains, etc.),  « artificiels » et « urbain » (des éléments trouvés dans les quincailleries tels que les plaques d’acier inoxydable, les lingots de plomb, les ampoules électriques, les poutres en bois, les tubes de néon, etc.), leurs œuvres enclenchent des flux d’énergie physique et chimique, voire psychique, en appelant les notions de mémoire et d’émotions pour interpeller les spectateurs”, affirme la commissaire de l'exposition  Carolyn Christov-Bakargiev.

Dès le parvis, le visiteur est accueilli par une œuvre monumentale de Giuseppe Penone (né en 1947) :
Idee di pietra - 1532 kg di luce, 2010, bronze, pierres de fleuve
Cette sculpture associe au moulage en bronze d'un arbre des roches de rivières, posées aux intersections des branches. L'ensemble incarne un processus de pensée : le méandre des branches est comme les multiples idées qui émergent d'un socle d'expérience et de souvenirs. Les pierres sont comme les points d'entrée ou de blocage de ce flux de conscience, autant qu'ils marquent, pour l'arbre, l'endroit où surgit la nouvelle branche, nourrie par la lumière.

Dans l'entrée de la Bourse de Commerce, plus modeste, une réalisation de Marisa Merz (1926-2019) :

Sans titre, 1997, paraffine, plomb, fil de cuivre, eau, moteur

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Le visiteur est accueilli ensuite, le long d'un mur, par une œuvre de Pier Paolo Calzolari (né en 1943) :

Senza titolo (Materassi), 1970, matelas, structure givrante en cuivre, moteurs réfrigérants, feutre 
Elle se compose de six matelas accrochés au mur, chacun étant parcourus d'une manière différente par de fins tubes métalliques. L'œuvre, créée en 1970 à l'occasion de l'exposition de Pier Paolo Calzolari à la galerie Sonnabend à Paris, où les matelas étaient présentés horizontalement sur le sol, fut présentée verticalement au Jeu de Paume en 1994. Une fois que l'œuvre est allumée, les tubes forment les lignes d'un griffonnage abstrait. Lorsqu'ils sont dressés comme des tableaux ou des retables, les matelas évoquent une mise en scène classique à la manière d'un tableau vivant.

En face, sans qu'on précise s'il s'agit d'une installation ou d'un souvenir de l'artiste, une batterie appartenant à Alighiero Boetti (1940-1994), 1966-1972, dix éléments  : trois cymbales turques, un congas cubain, deux tablas indiens, un balafon africain, deux percussions africaines, une timbale new-yorkaise

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L'exposition sous la rotonde veut traduire l'esprit collectif qui règne à la fin des années 1960 en Italie et abrite des œuvres d'artistes divers.
Au premier plan, de Jannis Kounellis (1936-1917) :
Sans titre (Carboniera), 1967, acier, charbon.
Juste derrière, de Alighiero Boetti :
Io che prendo il sole a Torino il 19 gennaio 1969 [moi qui prends le soleil à Turin le 19 janvier 1969], 1969, 111 balles de ciment
Au premier plan de l'image suivante, de  Pier Paolo Calzolari :
Piombo rosa (Plomb rose), 1968, plomb, encre typographique rose

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Parmi les diverses réalisations de la rotonde, pêle-mêle :

Mario Merz (1925-2003) : Igloo con albero, 1968, structure en tube de fer, verre, stuc, branche
Michelangelo Pistoletto (né en 1933) : Orchestra di stracci–Trio (Orchestre de chiffons–Trio), 1968, verre, chiffons, électricité, bouilloires, eau
Giulio Paolini (né en 1940) : Mimesi (Mimèsis), 1975–1976, moulages en plâtre, deux socles
Mario Merz : Tincta purpura tegit fuco roseo conchyli, 1980-1990, structure en tube de fer, néon, maille métallique

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Alighiero Boetti : Autoritratto, 1993-1994, bronze, fontaine, élément chauffant électrique
Mario Merz : Che fare?, 1968, pot, cire, néon
Luciano Fabro (1936-2007) : Io rappresento l’ingombro dell’oggetto nella vanità dell’ideologia. Lo spirato [Je représente l’encombrement de l’objet dans la vanité de l’idéologie. Le défunt], 1968–1973,  marbre Paonazzo.
Jannis Kounellis : Untitled, 2016, fer, armoire en bois, câbles en acier
Gilberto Zorio (né en 1944) : Untitled, 1966, tubes Dalmine, mousse polyuréthane colorée, corde, tige en caoutchouc noir, tube en aluminium
Giuseppe Penone : Albero porta, 1969, bois de cèdre et au mur Albero di 4 metri, 1969, bois de sapin

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Après le "feu d'artifice" de la rotonde, les galeries sont consacrées à des présentations plus monographiques. Dans la galerie 2,  Mario Merz

Senza titolo (Una somma reale è una somma di gente), 1972, onze photographies N/B, néon
Crocodilus Fibonacci, 1972, crocodile naturalisé, néon, transformateurs
Senza titolo (Una somma reale è una somma di gente) [Sans titre (Une vraie somme est une somme de personnes)] explore la fascination de Mario Merz pour la suite mathématique de Fibonacci, et notamment l'idée qu'il existe une croissance exponentielle naturelle, cachée au cœur de la vie et des choses. Merz a mis en scène cette œuvre à plusieurs reprises, d'abord dans un restaurant à Turin, puis dans un autre à Naples, demandant à un photographe de capturer l'occupation progressive des tables du restaurant. Chaque image représente une étape de la suite de Fibonacci : 0, 1, 1, 2, 3, 5... au moyen d'une personne ou d'un groupe de personnes, jusqu'à ce que l'image soit saturée d'individus.
Objet cache-toi, 1977, structure métallique, grillage, pinces, verre, néon
Igloo (di Marisa), 1972, structure métallique, formes en tissu, neon, Plexiglas
Igloo di Giap, 1968, sacs en plastique remplis d'argile, néon
En 1972, à l'occasion de la documenta 5 à Cassel en Allemagne, dirigée par Harald Szeemann, Mario Merz a créé une installation s'élevant en spirale dans la Rotonde en demi-cercle du Fridericianum. Au niveau du sol, il a placé Igloo (di Marisa), un igloo constitué de petits « panetti », des blocs en forme de petits « pains » formés de morceaux de tissu blanc cousus par l'artiste Marisa Merz, sa compagne. On retrouve à sa surface la suite mathématique de Fibonacci, chère à l'artiste.

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Il saldatore, 1956, huile sur toile
Cestone, 1967, osier
Nella strada, 1967, toile blanche façonnée, plastique, néon
Città irreale, 1968, métal, fil de fer, cire d'abeille, néon, transformateur
Lance, 1966-1967, bois, Plexiglas

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Dans la même galerie, sa compagne Mariza Merz

Untitled, 2002, table en métal et verre, quatorze Têtes, terre crue, plâtre, aluminium
Quatorze Testine, ou « petites têtes », en argile de Marisa Merz étaient placées sur une table en forme de spirale créée à partir d'autant d'éléments par Mario Merz, son compagnon, à l'occasion d'une exposition à la galerie Marian Goodman, à Paris, en 2002.
Untitled, 1979, fil de cuivre, clous
Untitled (Living sculpture), 1967, feuille d'aluminium, agrafes
En 1966, Marisa Merz commença à coudre et agrafer de fines feuilles d'aluminium pour créer des sculptures mobiles et flexibles réfléchissant la lumière. Ces œuvres, qui furent d'abord accrochées dans sa cuisine, où elle les assemblait, sont souvent présentées suspendues au plafond ou accrochées au mur. La technique de la couture et la localisation de ces œuvres dans l'espace domestique évoquaient un univers féminin. Merz fut l'une des principales figures de la scène artistique internationale à redonner une certaine dignité aux sujets, aux techniques et aux matériaux quotidiens.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (I/II)
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Sans titre, 1985, technique mixte sur carton, verre, structure en fer, bois
Sans titre, non daté, technique mixte sur papier sur panneau
Sans titre, non daté (vers 2004), technique mixte sur papier, poutres en bois
Cette œuvre a été créée après la mort de son époux Mario Merz, en 2003. C'est l'une des premières œuvres de Marisa Merz représentant un ange, lequel symbolise la recherche d'un lien perdu. L'ange doré, au centre, est entouré de formes courbes qui dessinent un mouvement circulaire. Même si les formes sont seulement esquissées, on distingue clairement le cœur de l'ange et la trace d'une larme rouge qui a roulé sur son corps.
 

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Le troisième artiste présenté dans la galerie 2 est Jannis Kounellis

Sans titre, 1961, huile sur toile
Sans titre (Bar), 1965, huile sur toile
Sans titre (OLIO verso di TABACCHI), 1958, huile sur bois
L'Attico, 1969, impression offset

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Sans titre, 1966, toile avec boutons pression, couture sur toile
La série des « Roses » est apparue juste avant l'émergence de l'Arte Povera. À cette époque, Jannis Kounellis s'intéressait à l'idée de créer une image qui puisse osciller entre l'intérieur et l'extérieur du cadre.
Sans titre, 1967, fer, buse avec collecteur, tuyau en caoutchouc, bouteille de gaz et flamme bleue
Présentée dans le cadre de l'exposition collective « Fuoco Immagine Acqua Terra » à la galerie L'Aticco, à Rome, en 1967, cette œuvre illustre la transition de l'art italien vers la présentation du réel, son énergie et sa métamorphose dans l'art. Jannis Kounellis a découpé dans le métal une fleur dont le pistil est une buse à gaz qui produit une flamme bleue lorsqu'elle est allumée. C'est la première fois que l'artiste utilisait le feu comme matériau dans une œuvre d'art, un élément qui deviendra par la suite récurrent dans son œuvre.
Sans titre, 1967, charbon, bordure blanche
Cette œuvre sans titre, composée d'un tas informe de charbon de bois délimité par un périmètre d'émail blanc d'une dizaine de centimètres de large, a été créée par Jannis Kounellis dans son atelier, à Rome, en 1967. Le charbon de bois, symbole de la révolution industrielle et du progrès technologique de la fin du 19e et du début du 20e siècle, est utilisé ici tout autant pour ses qualités physique et sensorielle que pour sa valeur historique et culturelle. L'irrégularité du tas contraste avec la géométrie rectiligne de la bordure qui l'entoure.
Sans titre, 1969, structure de fer, petits plateaux de balance, flamme de métaldéhyde
Sans titre, 1969, petits plateaux de balance en fer, café moulu

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Sans titre, 1999, fer, sacs de jute, pierre volcanique
Sans titre, 1969, structure en fer, sacs de jute cousus ensemble
Sans titre, 1968, laine, corde, bois
Sans titre, 1969, sommier métallique, laine
Sans titre, 1969, sacs de jute et haricots secs
Cette œuvre sans titre est le fruit d'un incident heureux : en 1969, Jannis Kounellis fut invité par Harald Szeemann à participer à la célèbre exposition « Live in Your Head: When Attitudes Become Form » à la Kunsthalle de Bern (Suisse). L'œuvre qu'il avait l'intention de présenter fut bloquée à la douane, où l'on refusa de l'identifier comme une œuvre d'art. Frappé par l'idée que son œuvre ait pu être considérée comme un produit, Kounellis décida de créer une œuvre évoquant le transport de marchandises. S'inspirant de l'imagerie du commerce maritime, un domaine dans lequel exerçait son père, l'artiste remplit des sacs de jute de grain, de haricots, de café, de pommes de terre et de riz.

Arte Povera à la Bourse de Commerce (I/II)
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Pour conclure cette première partie de la visite, avant d'aborder les étages de la Bourse de Commerce dans un prochain billet, nous proposons au lecteur une illustration des concepts de l'Arte Povera. En contrepoint du travail de Jannis Kounellis, l'exposition propose en effet un tableau de Kasimir Malévitch (1879-1935) :

Plan en dissolution, 1917, huile sur toile
Kasimir Malévitch, au travers du mouvement artistique qu'il fonda, le Suprématisme, contribua à réinventer la peinture. Par son abstraction radicale, la peinture cesse d'être une image ressemblante pour interroger plus globalement la géométrie et l'espace. Dans Plan en dissolution, le quadrilatère rouge, qui symbolise à la fois la passion et la révolution, prend du volume et du poids, semble acquérir une troisième dimension et s'envoler dans l'espace. Jannis Kounellis a souligné l'importance des concepts de « poids » et d'« appauvrissement » chez Malévitch, compris comme la réduction phénoménologique de la représentation à un degré zéro. Il pensait que la simplicité hiératique de ses propres œuvres s'était développée précisément le long de cette chaîne qui relie la transcendance des icônes byzantines et la réduction à zéro de l'idée-même d'icône proposée par Malévitch.

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Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

25 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Pour faire bonne mesure avec les billets un peu nostalgiques sur les dernières expositions au Centre Pompidou avant sa fermeture pour rénovation, un billet consacré à une exposition qui marque la réouverture du Grand Palais : une rétrospective de l'œuvre de la plasticienne japonaise Chiharu Shiota.

Née à Osaka en 1972 et résidant à Berlin, Chiharu Shiota est mondialement connue pour ses installations monumentales faites de fils de laine entrelacés.
Co-organisée avec le Mori Art Museum de Tokyo, cette exposition est la plus importante jamais consacrée à l’artiste, en France. Déployée sur plus de 1 200 mètres carrés, avec sept installations à grande échelle, des sculptures, des photographies, des dessins, des vidéos de performance et des documents d’archives liés à son projet de mise en scène, l’exposition permet de se familiariser avec la carrière de Shiota, qui s’étend sur plus de vingt ans.
Avant même l'entrée dans l'exposition, une installation monumentale occupe la cage de l'escalier qui y monte :

Where Are We Going? - Où allons-nous ?, 2017/2024, laine blanche, fil de fer, corde, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Dans l'antichambre :

In the Hand - Dans la main, 2017, bronze, laiton, clé, fil, laque
Life Close to the Universe - La vie près de l'univers, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Connected Thread - Fil connecté, 2019, crayon de couleur à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Hand and Red Thread - Main et fil rouge, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Prayer - Prière, 2019, crayon de couleur à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Red Finger - Doigt rouge, 2013, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Red String - Cordon rouge, 2007, gouache, crayon à l'eau et encre à l'eau sur papier
Connect - Connecter, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
The Key in the Hand - La clé dans la main, 2015/2016, épreuve chromogène

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

On plonge ensuite dans la deuxième grande installation :

Uncertain Journey - Voyage incertain, 2016/2024, cadre métallique, laine rouge, dimensions variables
"La vie est un voyage. Dans ce bain de couleur, vous êtes comme dans une peinture. Les fils rouges représentent l'énergie des relations humaines."

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

La salle suivante retrace les premières œuvres et performances de l'artiste.

À côté d'une photo de 1977 de Chiharu Shioda, à 5 ans, une aquarelle sur papier réalisée par l'artiste à la même époque, Papillon sur le tournesol
Untitled - Sans titre, 
1992, huile sur toile
Cette œuvre date de l'époque où Shiota était étudiante en première année à l'université Kyoto Seika. «J'ai relevé le défi d'exécuter une peinture abstraite, se souvient-elle, alors que nous étions libres de choisir n'importe quel sujet. Je ne voyais que la couleur à la surface de la toile. Le cœur agité de ce monde, au plus profond de la peinture, disparaissait de mon champ de vision. J'étais frustrée par l'importance prédominante accordée à la technique et par l'absence de contenu. Alors que je maniais cette peinture à l'huile et cette toile - des matériaux chargés d'histoire -, je ne supportais plus la frivolité avec laquelle je peignais.» Ce fut la dernière huile exécutée par Shiota.
From DNA to DNA - De l'ADN à l'ADN, 1994, performance, installation, (carton, tissu, fil de fer, laine, peinture acrylique)
Université Kyoto Seika
« C'est la première installation pour laquelle j'ai moi-même cherché les matériaux. On sent une ouverture qui permet de sauter dans un espace non bidimensionnel. Je suis née de cette œuvre. Dans quelle mesure la transmission de l'ADN contrôle-t-elle ce qui se passe dans la tête de la personne qui crée? C'est la pensée qui m'a traversé l'esprit à ce moment-là. »
Cette performance/installation réalisée à l'université Kyoto Seika est également la première œuvre dans laquelle Shiota utilise du fil.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Becoming Painting - Devenir peinture, 1994, performance, installation (peinture laque rouge) Australian National University School of Art & Design, Canberra
Pendant ses études universitaires, Shiota a étudié en Australie dans le cadre d'un programme d'échange. Une nuit, alors qu'elle avait déjà abandonné la peinture à l'huile, elle a fait un rêve: «J'étais devenue une peinture, raconte-t-elle. Je me suis demandé comment je devais me déplacer à l'intérieur de la surface picturale pour qu'elle devienne une bonne peinture. Totalement recouverte par toute cette peinture, j'avais du mal à respirer. Cette nuit-là, j'étais devenue une partie de l'œuvre.» Quelques jours plus tard, après avoir accroché la toile au mur, elle a essayé de devenir une peinture en se couvrant de laque tout en s'enroulant dans la toile. Pour Shiota, ce fut une libération: « Pour la première fois, je n'avais pas créé une œuvre minutieusement travaillée, mais commis un acte d'expression corporelle dans lequel je m'étais totalement investie.»
One Line - Une ligne, 1994, performance, installation (haricots, papier, colle)
Australian National University School of Art & Design, Canberra
Shiota, qui s'était déjà éloignée de la peinture, s'est trouvée incapable de peindre lors de son séjour en Australie. Même quand elle traçait une simple ligne, elle n'arrivait pas à bouger la main pour exprimer un sentiment d'ordre ou d'espace, pour rendre le « souffle vital ». « J'ai ramassé des cosses de haricots vides qui jonchaient la cour de l'école, je les ai collées sur une feuille de papier et j'ai dessiné une unique ligne. Là, j'ai trouvé une certaine joie à tracer un trait sans faire appel à la moindre technique.»
Accumulation, 1994, installation (glands, laine noire)
Foyer Gallery, Australian National University School of Art & Design, Canberra
Cette installation exprime la similitude entre l'ordre de la nature et l'ordre du corps. Les glands de chêne servent de points de liaison, raccordés ensemble et tissés pour former un motif géométrique de lignes en laine.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Flow of Energy - Flux d'énergie, 1996, installation (bambou, peinture noire, laine noire)
Galerie Shunjukan, université Kyoto Seika
En suspendant au plafond ou en disposant sur le sol des tiges de bambou peintes en noir, Shiota exprime les flux d'énergie à l'aide de lignes dans un espace. Cette œuvre date d'une époque où elle s'est délibérément efforcée d'utiliser d'autres matériaux que des fils.
Similarity - Similitude, 1996, installation (bambou, peinture rouge, laine noire)
Galerie Akiyama, Tokyo
« Lorsque je fais couler de la peinture rouge sur des fils noirs tricotés, la couleur se répand sur le sol de manière ordonnée, créant quelque chose qui se rapproche d'un tableau.»

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

I Have Never Seen My Death - Je n'ai jamais vu ma mort, 1997, installation (os, œufs)
École supérieure des beaux-arts de Hambourg
Congregation - Congrégation, 1997, performance, installation (os, eau)
Dorfpark, Buchholz
Pour une exposition à l'École supérieure des beaux-arts de Hambourg, Shiota a collecté des mâchoires de vaches dans des usines de transformation de viande. Elle en a ainsi transporté environ cent quatre-vingts dans le train, en plusieurs fois, et, pendant un mois et demi, elle en a ôté la viande toutes les nuits à l'université. Ces os de vaches ont été utilisés pour la première fois dans une œuvre intitulée I Have Never Seen My Death, dans laquelle des œufs servaient à signifier un état brut. La phrase du titre est censée entrer en résonance avec les mots gravés sur la pierre tombale de Marcel Duchamp (1887-1968): « D'ailleurs c'est toujours les autres qui meurent ».
Dans Congregation, ces mâchoires - qui symbolisent la mort - sont disposées en cercle comme si elles cherchaient la vie et l'eau potable. Shiota en a ensuite fait une performance dans laquelle, située au centre et entourée d'eau boueuse, elle semblait elle-même chercher la vie dans un geste qui ressemblait à un retour à la terre.
From Memory to Memory - De mémoire à mémoire, 1998, installation (terre, chaussures, filet noir)
Kunsthaus Tacheles, Berlin

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

My Cousins' Faces - Les visages de mes cousins, 1998, installation (photographies)
Kunstverein Hannover, Hanovre
« Depuis mon arrivée en Allemagne, j'ai rencontré toutes sortes de gens et parcouru les rues de différentes villes. Chaque fois que j'avais l'impression d'avoir totalement changé parce que je me retrouvais seule dans un lieu lointain, ou de n'avoir plus de chez moi où que j'aille, je pensais à la région de Kochi où mes parents sont nés, et aux visages de mes proches, à ce paysage rural où je ne retournerais jamais, où les rivières et les montagnes ne changeraient jamais.»
After That - Après cela, 1999, installation (robes, boue, eau)
Université des arts de Berlin
E-Werk, Weimar
Memory of Skin - Mémoire de la peau, 2001, installation (robes, boue, eau)
Yokohama 2001: Triennale internationale d'art contemporain, Kanagawa
After That se compose de robes de sept mètres de long, cousues par Shiota elle-même et recouvertes de boue, suspendues devant un mur sur lequel de l'eau coule en continu depuis une douche installée au-dessus. «Les robes expriment l'absence du corps. Peu importe le nombre de fois où elles sont lavées, on ne peut jamais effacer la mémoire de la peau.» Par la suite, cette œuvre a été présentée à la première Triennale de Yokohama sous le titre Memory of Skin. Cette installation à grande échelle, où l'eau tombe en cascade sur des robes de treize mètres de long tachées de boue, a fait la réputation de Shiota, alors âgée de vingt-neuf ans, dans les milieux artistiques japonais.
Dialogue from DNA - Dialogue à partir de l'ADN, 2004, installation (vieilles chaussures, laine rouge)
Musée d'art et de technique japonais Manggha, Cracovie

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Dans la salle suivante, plusieurs installations :

Connecting Small Memories - Connecter de petits souvenirs, 2019, installation (meubles de poupées)
Chiharu Shiota met en scène des meubles de poupées, trouvés aux puces de Berlin. Elle dit à leur propos : « J'ai l'impression de me connecter aux anciens propriétaires en acquérant ces objets anciens, et j'aime les utiliser dans mes installations ou sculptures. »

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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State of Being - État d'être, 2018, cadre métallique, fil

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Out of My Body - Hors de mon corps, 2019/2024, cuir de vache, bronze, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Rebirth and Passing - Renaissance et disparition, 2019, technique mixte, dimensions variables

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Scénographies
Entre 2003 et 2019, Chiharu Shiota a conçu les scénographies de neuf opéras et pièces de théâtre. Pour cette artiste, qui a axé sa pratique sur le thème de la présence dans l'absence et plus particulièrement sur les installations, l'espace de la scène - avec la présence des chanteurs, danseurs et acteurs - est un contexte totalement différent de celui d'une exposition dans un musée. Dans ses scénographies, elle implique activement les artistes. Ainsi, pour l'opéra Matsukaze, don la première a eu lieu en 2011 au théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, les danseurs devaient grimper et se faufiler dans tous les sens à travers la toile noire qu'elle avait tissée dans le cadre d'une installation de quatorze mètres de diamètre et de dix mètres de haut. Ces projets, qui offrent de multiples modalités de collaboration avec le metteur en scène, les interprètes, le chorégraphe, etc., font désormais partie de la pratique artistique de Shiota, qui y trouve un spectre de possibilités nouvelles. De ce point de vue, la conception scénographique est devenue un pilier important de sa production.

Solitude, pièce de Kerstin Specht, créée à l'Akademie Schloss Solitude, Stuttgart, 2003
Mise en scène: Alex Novak
Scénographie: Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Oedipus Rex, Opéra-oratorio d'Igor Stravinsky, sur un livret de Jean Cocteau d'après Sophocle, créé au théâtre Sarah-Bernhardt, Paris, 30 mai 1927
Nouvelle production au Hebbel am Ufer, Berlin, 2009
Mise en scène et chorégraphie: Constanza Macras Adaptation: Carmen Mehnert
Régie: Max Renne
Scénographie: Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Götterdämmerung - Le Crépuscule des dieux, drame musical de Richard Wagner, créé au Festspielhaus, Bayreuth, 17 août 1876
Nouvelle production au Theater Kiel/Opernhaus, 2018
Mise en scène: Daniel Karasek
Scénographie: Chiharu Shiota, Anna Myga Kasten
Siegfried, drame musical de Richard Wagner, créé au Festspielhaus, Bayreuth, 16 août 1876
Nouvelle production au Theater Kiel/Opernhaus, 2017
Mise en scène: Daniel Karasek
Scénographie: Chiharu Shiota
 

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Matsukaze, opéra de Toshio Hosokawa, sur un livret de Hannah Dübgen, d'après la pièce de théâtre nô de Kanami, XIVe siècle, révisée par Zeami, XVe siècle, créé au théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles, 3 mai 2011
Compositeur: Toshio Hosokawa
Mise en scène et chorégraphie: Sasha Waltz
Adaptation: Ilka Seifert
Scénographie: Pia Maier Schriever, Chiharu Shiota

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

Puis encore une grande installation qui occupe une salle entière :

In Silence - En silence, 2002/2024, piano brûlé, chaise brûlée, fil noir Alcantara, dimensions variables
Cette œuvre est née d'un souvenir d'enfance. La maison des voisins de Chiharu a brûlé. Le lendemain, elle voit leur piano calciné.  Les fils noirs sont comme une fumée qui invente une musique muette.
 

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Deux grandes installations dans la salle suivante :

Inside Outside - Dedans Dehors, 2008/2024, vieilles fenêtres en bois, dimensions variables
« Pour réaliser mon œuvre avec les fenêtres, je me suis rendue chaque jour, matin et soir, sur une vingtaine de chantiers, et je négociais avec les gens sur place. Pendant six mois, de jour comme de nuit, je n'ai fait que m'occuper de fenêtres et penser à des fenêtres. Certaines personnes m'ont donné des fenêtres, d'autres ont essayé de m'en vendre à prix d'or. Épuisée à la fin de chaque journée, je me disais que j'allais définitivement arrêter. Pourtant, je n'arrivais pas à m'arracher à ces fenêtres, comme si j'étais possédée par elles; j'avais l'impression qu'elles étaient comme une peau pour moi.»

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Reflection of Space and Time - Reflet de l'espace et du temps, 2018, robes blanches, miroir, cadre métallique, fil noir Alcantara

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Au mur de cette salle, quelques œuvres graphiques :

Talking - Parler, 2018, pastel gras et fil sur papier
In the Window - Dans la fenêtre, 2018, pastel gras et fil sur papier
Red Coat - Manteau rouge, 2018, pastel gras et fil sur papier
Red Bathtub - Baignoire rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Mirror - Miroir rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Dress - Robe rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier
Red Table - Table rouge, 2009, crayon à l'eau, encre à l'eau et crayon sur papier

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme

La dernière salle est le cadre d'une spectaculaire installation :

Accumulation - Searching for the Destination [Accumulation - En quête de la destination], 2014/2024, valises, moteur et corde rouge, dimensions variables
La valise pose la question de ce que l'on emporte, comme la mémoire du chez soi. Si Shiota dit s'inspirer des Monuments et Archives (années 1980) de Christian Boltanski (1944- 2021), elle n'en garde pas le contenu funéraire mais cherche plutôt à évoquer le voyage et l'exil. Dans les démarches de ces deux artistes, c'est la mémoire affective, celle des individus au travers des objets, qui est à l'œuvre.

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Dans cette salle, quelques œuvres graphiques :

Following - À la queue leu leu, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Journey - Voyage, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Birth - Naissance, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Standing on the Stones - Debout sur les pierres, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
At the Edge - Sur le bord, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
In Search of Mother - À la recherche de la mère, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
Relate - Relier, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier
To be with - Être avec, 2019, crayon à l'eau, encre à l'eau et fil sur papier

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Et pour finir, deux mini-installations :

Where to Go, What to Exist - Tube and Newspaper [Où aller, quoi pour exister? - Tube et journaux], 2010, valise, ciment, journal, tube de vinyle, fil et autres
Where to Go, What to Exist - Photographs [Où aller, quoi pour exister? - Photographies], 2010, valise, photographies, fil et autres

Chiharu Shiota - Les Frémissements de l'âme
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Trois artistes au Musée d'Art Moderne

18 Janvier 2025 , Rédigé par japprendslechinois

Un billet partagé entre trois artistes mis à l'honneur en ce moment par de petites expositions dans l'espace des collections permanentes du Musée d'Art Moderne de Paris.

Bonnard au Cannet
Dans le cadre d'une collaboration exceptionnelle avec le Kimbell Art Museum de Fort Worth, Texas, le Musée d'Art Moderne de Paris présente pour la première fois l'important Paysage au Cannet de Pierre Bonnard, aux côtés de son portrait peint par Édouard Vuillard et acquis par la Ville de Paris en 1937.
Le lien entre ces deux œuvres repose sur le regard attentif de Vuillard, qui choisit de représenter son ami face au Paysage au Cannet dans une remarquable mise en abyme picturale. Si Bonnard lui-même reste bien reconnaissable, la représentation de son tableau dans ce portrait agit comme une véritable signature artistique. En reproduisant avec une grande finesse les détails du Paysage au Cannet, Vuillard rend hommage à son ami en adoptant la touche colorée et sensible du peintre.
Cet accrochage inédit se trouve enrichi des autres tableaux de Bonnard appartenant au Musée d'Art Moderne de Paris, ainsi que de L'Atelier au mimosa prêté par le Centre Pompidou.
Ensemble, ces tableaux évoquent l'installation de Bonnard dans la villa « Le Bosquet » au Cannet, avec son épouse Marthe, modèle du Nu dans le bain et Femme à sa toilette. La demeure entourée d'un jardin devient alors une source d'inspiration inépuisable pour le peintre. Dans son Paysage au Cannet, Bonnard immortalise la vue qui s'étend au-dessus de la villa, tandis que dans L'Atelier au mimosa, il nous invite à contempler le même paysage, mais cette fois depuis la fenêtre de son atelier, révélant un autre point de vue sur ce lieu tant aimé. La végétation foisonnante qui entoure la demeure se manifeste également dans Le Jardin, où les vibrations colorées des différentes fleurs et plantes, alliées à la profondeur de la toile, nous invitent à marcher dans les pas de l'artiste.

Pierre Bonnard (1867, Fontenay-aux-Roses - 1947, Le Cannet) : Paysage au Cannet, 1928, huile sur toile
Edouard Vuillard (1868, Cuiseaux - 1940, La Baule-Escoublac) : Portrait de Pierre Bonnard, 1930-1935, peinture à la colle sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Pierre Bonnard :
Nu dans le bain, 1936, huile sur toile
Femme à sa toilette, vers 1934, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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L'Atelier au mimosa, 1939-1946, huile sur toile
Dans cette toile commencée au Cannet en 1939, et travaillée jusqu'en 1946 à Fontainebleau, Bonnard adopte un dispositif d'ouverture sur un foisonnement végétal, construit sur les verticales de la verrière rompues au premier plan par l'oblique de la mezzanine où le peintre a pris place. La grande fenêtre surlignée de rouge recadre l'apparition magique du mimosa en fleur, prolongé par une suite de taches - végétaux, maisons et ciel violine. La surexposition de cette scène, où le jaune solaire éclabousse de jaune d'or, de jaune de chrome et de rouge orangé l'intérieur de l'atelier, situé en léger contrebas, diffère la perception d'un visage dans le coin gauche dont les traits se surimposent sur le fond.
Le Jardin, vers 1936, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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et dans la même salle, pendant au portrait de Bonnard, un autre portrait d'artiste par Edouard Vuillard : Portrait d'Aristide Maillol, 1930-1935, peinture à la colle sur toile.

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Hommage à Daniel Pommereulle (1937-2003)
À l’occasion de l’entrée en collection d’œuvres de Daniel Pommereulle, le Musée d’Art Moderne de Paris rend hommage à cette figure hors normes de la scène artistique française. Peintre, sculpteur, cinéaste, performeur et poète, Pommereulle a traversé la seconde moitié du XXe siècle porté par des engagements radicaux, en élaborant des formes qui éprouvent notre vulnérabilité par l’expérience de la violence et de l’infini.
Mobilisé pendant la guerre d’Algérie en 1957, Pommereulle reste marqué par cette expérience traumatique qui parcourt ses créations. Il est également influencé à ses débuts par l’onirisme d’Odilon Redon, des surréalistes, et d’Henri Michaux avec qui il partage le goût des drogues hallucinogènes. En 1966, identifié comme un objecteur par le critique Alain Jouffroy, qui qualifie ainsi les artistes revendiquant l’héritage de Marcel Duchamp et la révolte politique, il expose un Pêcher en fleur au Salon de Mai, au Musée d’Art Moderne de Paris. Il déploie dans son œuvre une esthétique de la violence et de la cruauté, des objets blessants et des appareils de torture (Toboggan, 1974), qui menacent directement les visiteurs .
Connu en tant qu’acteur pour ses apparitions dans les films de la Nouvelle Vague, l’artiste présente dans La Collectionneuse d’Éric Rohmer (1967) son premier Objet Hors Saisie qu’il développera avec la série des Objets de prémonition (1975) : des pots de peinture renversés et des sculptures de plomb, armés de lames de couteaux et d’objets tranchants. Dans les années 1980, Pommereulle séjourne en Corée et au Japon, infléchissant un tournant dans son travail. Sa pratique tant graphique que sculpturale, à travers l’emploi du verre, de la pierre et de l’acier, cherche à canaliser des énergies cosmiques. Jusqu'à sa disparition, selon Armance Léger, « la transparence, l'air et le vide sont les nouveaux termes de son exploration.  »

Daniel Pommereulle (1937, Sceaux - 2003, Paris) :
0-0, double zéro, 1975, bronze. Tirage: 6/8
Objet de prémonition, vers 1974, pot de peinture, lames de scalpel, lames en acier, feuilles de plomb et peinture
L'Objet de prémonition (1974) a été présenté dans l'exposition Huitièmement, qu'est-ce que la cruauté? à la Galerie Beaubourg en 1975, aux côtés d'autres œuvres de la même série. Cet objet insaisissable, pot de peinture vide et hérissé de lames de rasoir, met en échec toute tentative de maîtrise ou de préhension. Il témoigne à la fois de l'ironie de l'artiste, de sa critique de la peinture et de son rapport provocant à l'objet. Celui-ci n'est pas inerte mais au contraire habité d'une puissance qui nous résiste.

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Brûlures du ciel, vers 1978, acrylique sur bois, feuille de plomb trouées et bandes de plexiglas bleues
Le ciel est omniprésent dans l'œuvre de Pommereulle. En 1969, il part pour le Maroc avec le collectif Zanzibar (composé entre autres de Philippe Garrel, Olivier Mosset et Jackie Raynal) pour y réaliser le film Vite, réflexion sur l'échec de la révolte de Mai 68. Il filme la planète Saturne à l'aide d'un télescope, expression de sa fascination pour la cosmos et l'infini. Les Brûlures du ciel, réalisées dix ans plus tard, superposent des feuilles de plomb brûlées au chalumeau et dessinent un firmament étoilé, associant ici la violence et l'extase.
Sans titre (série des Thèses d'Humiliation), 1986-1988, pastel, encres, crayons gras, gouache, collages sur papier
Sans titre (David and Marc), 1975, mine de plomb sur papier
Sans titre (Flüchtig), 1998, crayon carbone, encres et pastel sur papier lithographique report

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Sans titre, 1984, feuilles de verre Float-Glass contre-collées et verre bleu
En 1983, Pommereulle inaugure une exposition de sculptures intitulée "Ici même l'on respire" à la Galerie de Séoul, en Corée. Tout comme pour les œuvres qu'il crée à la même époque au Japon et jusqu'au milieu des années 1990, la transparence et le verre y sont omniprésents. Ce matériau concentre les propriétés les plus fondamentales pour l'artiste : sa clarté invoque l'espace traversé par la lumière tandis que sa fragilité et la menace de ses arêtes coupantes maintiennent active la tension qui s'exerce à l'encontre de la personne qui fait l'expérience de l'œuvre.
Sans titre, 1993, acier, plâtre, porcelaine, verre jaune atomique et verre transparent

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Et, occupant le centre de l'exposition :

Toboggan, 1974, laiton, polyuréthane et lame en acier bleui
En 1975, Daniel Pommereulle présente l'exposition "Fin de siècle" au Centre National des Arts Plastiques à Paris. Il crée pour l'occasion plusieurs œuvres monumentales qui synthétisent l'ensemble de ses recherches. Un mur de marbre noir est hérissé de couteaux reproduisant des constellations (Mur de couteaux). Le Toboggan est quant à lui la seule œuvre réalisée des Urgences, instruments de torture qu'il a imaginés en 1967. Œuvre sadique par la façon dont elle mêle la cruauté à l'univers de l'enfance, elle est aussi, par ses proportions élégantes et son aspect rutilant, un dialogue ironique avec la tradition sculpturale monumentale.

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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Dernier artiste de notre billet :

Éric Dubuc (1961-1986)
Né à Paris en 1961 d'une famille franco-allemande, Éric Dubuc produit ses premiers dessins pendant sa scolarité à l'école Steiner-Waldorf. À 18 ans, il passe une année à l'École Nationale des Beaux-Arts avant de poursuivre sa formation par des voyages lointains et solitaires, en Asie et en Afrique. Au cours d'un de ces voyages en République démocratique du Congo, il contracte le paludisme et il est hospitalisé à l'hôpital Claude Bernard, d'où il ressort très affaibli physiquement et psychologiquement. En 1985, il expose au Salon de la Jeune Peinture à Paris, où son travail rencontre un premier succès. Son œuvre, aussi précoce que profondément pessimiste et distante, s'interrompt par son suicide, à l'âge de 25 ans.
Le regard d'Éric Dubuc se pose sur le monde à la manière d'un scalpel. Qu'il peigne la violence ordinaire de la rue ou le misérable réalisme des intérieurs, son art rejoint une forme de cruauté, jusqu'à la déchirure. La froideur impitoyable de la vie urbaine est figurée dans des scènes de bar désenchantées où des personnages solitaires se côtoient sans se rencontrer, ou bien dans des métros où règnent l'indifférence et l'anonymat. Son œuvre est aussi composée d'autoportraits anguleux marqués par la mélancolie, ainsi que de nombreuses fenêtres, toujours fermées, au travers desquelles se dessine un monde proche et pourtant hors de portée.
Outre l'acuité précise du décor, ses œuvres font souvent preuve d'une grande attention portée aux visages, dessinés d'une ligne sinueuse capable de traduire la « physionomie du psychisme » qu'il retient de ses cours d'anatomie. La même veine expressionniste s'exprime dans son goût pour la flétrissure des corps vieillissants, toujours rendus d'une manière sèche et précise, refusant toute forme de pathos.
Grâce à un don de la famille de l'artiste en 2022, dix œuvres d'Éric Dubuc sont entrées dans les collections du musée. Cette présentation est complétée par des œuvres provenant du Musée Carnavalet - Histoire de Paris et du Centre national des arts plastiques, ainsi que par un certain nombre de prêts de la famille.

Partie d'échec chez Igor le 10.07.86, 1986, plume et encre de Chine sur papier
Garde à vue, quai des Orfèvres le 10 juin 1986 vers 2 heures, 1986, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier bristol

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Autoportrait au journal, 1983, mine de plomb sur papier et collage d'un extrait de journal
Autoportrait avec dessin, 1983, mine de plomb sur papier et collage d'un dessin à l'encre noire
Autoportrait de profil, 1986, huile sur toile

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Autoportrait à la cigarette effacée, 1983, mine de plomb sur papier
Hôpital Claude Bernard, autoportrait IV, 1983, encre de Chine sur papier
Hôpital Claude Bernard, chambre 22, 1983, encre de Chine sur papier

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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Accident, 1984, acrylique sur toile
Accident voiture noire contre voiture blanche, 1984, plume et encre de Chine sur papier
Accident et homme fumant, 1984, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier Canson

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne
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Le Métro, 1985, huile sur toile
Le Métro III (étude préparatoire), 1985, plume, encre de Chine et crayon de mine graphite sur papier
Le Métro II (étude), 1985, encre de Chine sur papier

Trois artistes au Musée d'Art Moderne
Trois artistes au Musée d'Art Moderne

Et pour finir, des oeuvres des dernières années de sa courte vie :

Autoportrait au bar, 1985, huile et acrylique sur toile
Autoportrait au bar (étude), 1985, plume et encre de Chine sur traits au crayon sur papier Canson
Café-bar Le Cluny, 1986, encre de Chine sur papier
Châtelet 2 heures du mat., 1986, encre et lavis sur papier

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